Matignon, remaniement: Dans la majorité, une si longue attente

La Première ministre française Elisabeth Borne (Photo, AFP).
La Première ministre française Elisabeth Borne (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 28 juin 2023

Matignon, remaniement: Dans la majorité, une si longue attente

  • Pendant ce temps, son camp entier est suspendu à ses décisions qui engageront la suite du quinquennat Macron
  • Elisabeth Borne n'a toujours pas trouvé de successeur à Aurélien Rousseau, son directeur de cabinet

PARIS: A Marseille, Emmanuel Macron prend son temps. A Paris, se lamentent certains de ses soutiens, "il n'y a pas de gouvernement": les "cent jours" virent à l'interminable attente pour une majorité suspendue à la parole du président, jamais pressé pour un remaniement.

Mardi, un Emmanuel Macron enthousiaste poursuivait sa visite de trois jours dans la cité phocéenne. Marseille, la "ville de cœur" du président qu'il souhaite voir érigée en "laboratoire de nouvelles politiques publiques". En soirée, M. Macron doit prononcer un grand discours du Fort Saint-Jean. Et les militants Renaissance placardent les murs d'affiches le proclamant "président de tous les Marseillais."

Pendant ce temps, son camp entier est suspendu à ses décisions qui engageront la suite du quinquennat.

La tendance ? "70% remaniement maintenant, 30% après les sénatoriales" fin septembre, croit savoir une ministre.

Et membres du gouvernement, conseillers et députés d'éplucher, comme les journalistes, l'agenda présidentiel afin d'identifier la fameuse fenêtre de tir pour un remaniement rapide. De retour de Marseille, le président participe jeudi et vendredi à un sommet européen. Une visite d’État en Allemagne est programmée en début de semaine prochaine et un sommet de l'Otan en Lituanie se tiendra les 11 et 12 juillet.

"Ca ne peut pas tarder. Il n'y a aucun intérêt à remanier après le 14 juillet", juge un ministre.

Avec un nouveau locataire à Matignon ? Un simple remaniement technique ? Un changement d'équipe d'ampleur ? "Personne n'en sait rien", soufflait, la semaine dernière, un de ses collègues.

Le chef de l’État a lui-même fixé l'échéance du 14 juillet comme clause de revoyure lorsqu'il a décrété, en avril, "cent jours d'apaisement pour le pays" après l'adoption au forceps de la réforme des retraites.

"Il s'est lui-même mis la pression. Il a fixé un calendrier, un rendez-vous... Il s'est mis dans la seringue", juge un ancien conseiller à Matignon.

«On n'avance pas»

Les quelques phrases présidentielles lâchées lundi dans La Provence peuvent laisser supposer un maintien d'Élisabeth Borne: la Première ministre doit présenter une "nouvelle stratégie" sur les priorités gouvernementales - finances publiques, immigration, planification écologique - "dans les quinze premiers jours de juillet."

Pour autant, tous les stratèges de la majorité, passés maîtres dans l'analyse de la moindre syllabe présidentielle, ne se hasardent pas jusqu'à entériner son maintien à Matignon.

Mme Borne n'a d'ailleurs toujours pas trouvé de successeur à Aurélien Rousseau, son directeur de cabinet qui doit quitter ses fonctions le 1er juillet. "Personne ne va rentrer dans le cabinet alors qu'on ne sait pas si Élisabeth Borne va être maintenue", euphémise un influent député de la majorité.

Dans ce contexte, rares sont les prétendants à Matignon, réels ou supposés, à s'exprimer. Toujours populaire au sein de la majorité, Richard Ferrand s'y est essayé dans Le Figaro. Un entretien surtout retenu pour le passage sur l’impossibilité pour Emmanuel Macron d'accomplir un troisième mandat à l’Élysée. "Il s'est planté. Il ne voulait pas du tout dire ça. Il a mis le pied dans un trou", s'amuse un cadre de la majorité, pourtant favorable à l'ancien président de l'Assemblée.

Cette période d'attente laisse une impression de flottement à tous les étages. "L'instabilité alimente le marigot", reconnaît un ministre.

Une de ses collègues, comme la plupart des ministres et parlementaires interrogés, égrènent les ministres réellement ou supposément menacés: Catherine Colonna (Affaires étrangères), Pap Ndiaye (Éducation), François Braun (Santé), Franck Riester (Relations avec le Parlement) ou encore Olivier Klein (Logement), Jean-François Carenco (Outre-mer) et Marlène Schiappa.

"Il faudrait moins de ministres, des politiques plus incarnées et des cabinets plus étoffés, pour délivrer des résultats plus rapidement", prône une députée Renaissance.

Mais, en attendant, "on n'avance pas. On n'a pas de projet, les ministres sont tous recroquevillés parce qu'ils ont peur de sauter et les parlementaires sont tous aux aguets parce qu'ils espèrent rentrer" au gouvernement, résume un parlementaire.


S&P dégrade la note de la France, avertissement au nouveau gouvernement

Cette photo d'illustration prise à Toulouse le 29 mars 2025 montre un écran affichant le logo de l'agence de notation Standard and Poor's. (AFP)
Cette photo d'illustration prise à Toulouse le 29 mars 2025 montre un écran affichant le logo de l'agence de notation Standard and Poor's. (AFP)
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  • L’agence S&P a abaissé la note de la France à A+, invoquant une incertitude persistante sur les finances publiques malgré la présentation du budget 2026 et un déficit prévu à 5,4 % du PIB en 2025

PARIS: L'une des plus grandes agences de notation a adressé un avertissement au nouveau gouvernement Lecornu en dégradant la note de la France vendredi, invoquant une incertitude "élevée" sur les finances publiques en dépit de la présentation d'un budget pour 2026.

Moins d'une semaine après la formation de la nouvelle équipe gouvernementale et trois jours après la publication d'un projet de loi de finances (PLF) pour l'année prochaine, S&P Global Ratings a annoncé abaisser d'un cran sa note de la France à A+.

"Malgré la présentation cette semaine du projet de budget 2026, l'incertitude sur les finances publiques françaises demeure élevée", a affirmé l'agence, qui figure parmi les trois plus influentes avec Moody's et Fitch.

Réagissant à cette deuxième dégradation par S&P (anciennement Standard & Poors) en un an et demi, le ministre de l'Economie Roland Lescure a dit "(prendre) acte" de cette décision.

"Le gouvernement confirme sa détermination à tenir l'objectif de déficit de 5,4% du PIB pour 2025", a ajouté son ministère dans une déclaration transmise à l'AFP.

Selon S&P, si cet "objectif de déficit public de 5,4% du PIB en 2025 sera atteint", "en l'absence de mesures supplémentaires significatives de réduction du déficit budgétaire, l'assainissement budgétaire sur (son) horizon de prévision sera plus lent que prévu".

L'agence prévoit que "la dette publique brute atteindra 121% du PIB en 2028, contre 112% du PIB à la fin de l'année dernière", a-t-elle poursuivi dans un communiqué.

"En conséquence, nous avons abaissé nos notes souveraines non sollicitées de la France de AA-/A-1+ à A+/A-1", écrit-elle. Les perspectives sont stables.

"Pour 2026, le gouvernement a déposé mardi 14 octobre un projet de budget qui vise à accélérer la réduction du déficit public à 4,7% du PIB tout en préservant la croissance", a répondu le ministère de l'Economie.

"Il s'agit d'une étape clef qui nous permettra de respecter l'engagement de la France à ramener le déficit public sous 3% du PIB en 2029", a ajouté Bercy.

"Il est désormais de la responsabilité collective du gouvernement et du Parlement de parvenir à l'adoption d'un budget qui s'inscrit dans ce cadre, avant la fin de l'année 2025", selon la même source.

- "Plus grave instabilité" depuis 1958 -

Mais le gouvernement qui, à peine entré en fonctions, a échappé de peu cette semaine à la censure après une concession aux socialistes sur la réforme des retraites, va devoir composer avec une Assemblée nationale sans majorité lors de débats budgétaires qui s'annoncent houleux, alors même que le Premier ministre Sébastien Lecornu s'est engagé à ne pas recourir à l'article 49.3 pour imposer son texte.

Cette nouvelle dégradation de la note de la France par S&P intervient avant une décision de Moody's attendue le 24 octobre. Elle a lieu un mois après que Fitch a elle aussi abaissé la note française à A+.

Les agences comme Fitch, Moody's et S&P Global Ratings classent la qualité de crédit des Etats - soit leur capacité à rembourser leur dette -, de AAA (la meilleure note) à D (défaut de paiement).

Les dégradations de note par les agences sont redoutées par les pays car elles peuvent se traduire par un alourdissement de leurs intérêts.

Ceux payés par la France sont estimés à environ 55 milliards d'euros en 2025, alors que depuis la dissolution de l'Assemblée nationale en juin 2024, la dette française se négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande.

"La France traverse sa plus grave instabilité politique depuis la fondation de la Cinquième République en 1958", a estimé S&P: "depuis mai 2022, le président Emmanuel Macron a dû composer avec deux Parlements sans majorité claire et une fragmentation politique de plus en plus forte".

Pour l'agence, "l'approche de l'élection présidentielle de 2027 jette un doute (...) sur la capacité réelle de la France à parvenir à son objectif de déficit budgétaire à 3% du PIB en 2029".

En tombant en A+ chez S&P, la France se retrouve au niveau de l'Espagne, du Japon, du Portugal et de la Chine.


France : l'ancien Premier ministre Philippe demande encore le départ anticipé de Macron

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  • Allié de M. Macron dont il fut le premier chef de gouvernement de mai 2017 à juillet 2020, Edouard Philippe avait lancé un pavé dans la mare la semaine dernière, après la démission éclair du premier gouvernement de Sébastien Lecornu
  • "Je n'ai pas pris cette position parce que je pensais que je serais populaire ou parce que j'espérais convaincre le président (Macron). Le président, il a envie d'aller au terme de son mandat, et je peux le comprendre"

PARIS: L'ancien Premier ministre français Edouard Philippe a à nouveau réclamé jeudi le départ anticipé du président Emmanuel Macron, pour lui "la seule décision digne qui permet d'éviter 18 mois" de "crise" politique avant la prochaine élection présidentielle prévue pour le printemps 2027.

Allié de M. Macron dont il fut le premier chef de gouvernement de mai 2017 à juillet 2020, Edouard Philippe avait lancé un pavé dans la mare la semaine dernière, après la démission éclair du premier gouvernement de Sébastien Lecornu - reconduit depuis -, en suggérant un départ anticipé et "ordonné" du chef de l'Etat, qui peine à trouver une majorité.

"Je n'ai pas pris cette position parce que je pensais que je serais populaire ou parce que j'espérais convaincre le président (Macron). Le président, il a envie d'aller au terme de son mandat, et je peux le comprendre. Je l'ai dit parce que c'est la seule décision digne qui permet d'éviter 18 mois d'indétermination et de crise, qui se terminera mal, je le crains", a déclaré l'ancien Premier ministre sur la chaîne de télévision France 2.

"Ca n'est pas simplement une crise politique à l'Assemblée nationale à laquelle nous assistons. C'est une crise très profonde sur l'autorité de l'Etat, sur la légitimité des institutions", a insisté M. Philippe.

"J'entends le président de la République dire qu'il est le garant de la stabilité. Mais, objectivement, qui a créé cette situation de très grande instabilité et pourquoi ? Il se trouve que c'est lui", a-t-il ajouté, déplorant "une Assemblée ingouvernable" depuis la dissolution de 2024, "des politiques publiques qui n'avancent plus, des réformes nécessaires qui ne sont pas faites".

"Je ne suis pas du tout pour qu'il démissionne demain matin, ce serait désastreux". Mais Emmanuel Macron "devrait peut-être, en prenant exemple sur des prédécesseurs et notamment le général De Gaulle, essayer d'organiser un départ qui nous évite pendant 18 mois de continuer à vivre dans cette situation de blocage, d'instabilité, d'indétermination", a-t-il poursuivi.

Edouard Philippe, qui s'est déclaré candidat à la prochaine présidentielle, assure ne pas avoir de "querelle" avec Emmanuel Macron. "Il est venu me chercher (en 2017), je ne me suis pas roulé par terre pour qu'il me nomme" à la tête du gouvernement et après avoir été "congédié" en 2020, "je ne me suis pas roulé par terre pour rester".


Motion de censure: Le Pen attend la dissolution avec une «impatience croissante»

 Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante". (AFP)
Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante". (AFP)
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  • Ce budget est "l'acte ultime, nous l'espérons, d'un système politique à bout de souffle", a affirmé la présidente des députés Rassemblement national en défendant la motion de censure de son parti contre le gouvernement de Sébastien Lecornu
  • Elle a dénoncé au passage l'"insondable sottise des postures" qui pourrait le "sauver"

PARIS: Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante".

Ce budget est "l'acte ultime, nous l'espérons, d'un système politique à bout de souffle", a affirmé la présidente des députés Rassemblement national en défendant la motion de censure de son parti contre le gouvernement de Sébastien Lecornu. Elle a dénoncé au passage l'"insondable sottise des postures" qui pourrait le "sauver".

"Poursuite du matraquage fiscal" avec 19 milliards d'impôts supplémentaires, "gel du barème" de l'impôt sur le revenu qui va rendre imposables "200.000 foyers" supplémentaires, "poursuite de la gabegie des dépenses publiques", "absence totale d'efforts sur l'immigration" ou sur "l'aide médicale d'Etat", ce budget "est un véritable musée de toutes les horreurs coincées depuis des années dans les tiroirs de Bercy", a-t-elle estimé.

Raillant le premier secrétaire du PS Olivier Faure, qui a accepté d'épargner le gouvernement en échange de la suspension de la réforme des retraites sans savoir par "quel véhicule juridique" et sans assurance que cela aboutisse, elle s'en est pris aussi à Laurent Wauquiez, le chef des députés LR, qui préfère "se dissoudre dans le socialisme" plutôt que de censurer.

"Désormais, ils sont tous d'accord pour concourir à éviter la tenue d'élections", "unis par la terreur de l'élection", a-t-elle dit.