Après six nuits d'émeutes et de pillages, des commerçants inquiets et qui espèrent l'accalmie

Des policiers français en tenue anti-émeute montent la garde à côté de la façade d'un Apple Store endommagé sur la place Kleber, à Strasbourg, dans l'est de la France, le 30 juin 2023, alors que des émeutes et des incidents ont éclaté dans tout le pays après qu'un jeune de 17 ans a été abattu d'une balle dans la poitrine par la police à bout portant à Nanterre, dans la banlieue ouest de Paris. (Photo, AFP)
Des policiers français en tenue anti-émeute montent la garde à côté de la façade d'un Apple Store endommagé sur la place Kleber, à Strasbourg, dans l'est de la France, le 30 juin 2023, alors que des émeutes et des incidents ont éclaté dans tout le pays après qu'un jeune de 17 ans a été abattu d'une balle dans la poitrine par la police à bout portant à Nanterre, dans la banlieue ouest de Paris. (Photo, AFP)
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Publié le Lundi 03 juillet 2023

Après six nuits d'émeutes et de pillages, des commerçants inquiets et qui espèrent l'accalmie

  • Pour certains, ces émeutes tombent d'autant plus mal qu'il s'agissait du premier week-end de la période des soldes
  • Pour les commerçants, il peut y avoir un sentiment d'accumulation: certaines boutiques avaient notamment été prises pour cible lors du mouvement social des Gilets Jaunes

PARIS: Un magasin parti en flammes, un rayon multimédia fermé faute de marchandises restant à vendre, "beaucoup de stress" et d'inquiétude: aux quatre coins de la France, les commerçants, patrons comme salariés, commencent à faire le bilan de six nuits d'émeutes en espérant l'accalmie.

"Il ne faut pas exagérer parce qu'on n'est pas policier, mais on a l'impression d'être tout le temps en première ligne quand il se passe quelque chose", soupire Sophie Brenot, présidente de la Fédération des détaillants Maroquinerie et Voyages, qui a une boutique à Colombes, ville des Hauts-de-Seine pas épargnée par les incendies consécutifs à la mort de Nahel, 17 ans.

"Je n'ai pas d'adhérent qui a été dévasté, mais personnellement j'ai dû barricader la boutique samedi soir, avec beaucoup de stress parce qu'on entendait: 'attention les bandes arrivent au centre-ville'", explique-t-elle.

Le Carrefour de Stains (Seine-Saint-Denis), "envahi et pillé", a pu rouvrir ce lundi, grâce au travail "nuit et jour" des équipes pour qu'il soit réparé et bien achalandé, a déclaré lundi le PDG du groupe de distribution Alexandre Bompard sur LinkedIn.

«La peur du retour»

En revanche, déclare à l'AFP le délégué CGT pour le magasin Mohamed Benali, "le rayon multimédia est vide, tout a été pillé".

Sur place, il observe "un mal-être d'un peu tout le monde, y compris de certains clients venus nous dire que ce qui s'est passé n'était pas normal". Pour les salariés, outre le "choc", il y a "la peur du retour de ces casseurs", explique-t-il, impressionné par leur nombre.

Les équipes du groupement de magasins indépendants Système U ont passé beaucoup de temps ce week-end à téléphoner aux patrons de points de vente touchés, explique le responsable de la communication de l'enseigne Thierry Desouches. "Ils ont besoin de recevoir des signes montrant qu'ils ne sont pas seuls" face à ces épreuves.

"Il faut une solidarité matérielle, mais aussi psychologique. On parle de gens qui voient dégrader leur outil de travail, dans lequel ils ont investi de l'argent et du temps". A Limoges, où un "U Express" a brûlé au point de menacer la structure du bâtiment, "le préjudice va se chiffrer en millions d'euros".

Pour certains, ces émeutes tombent d'autant plus mal qu'il s'agissait du premier week-end de la période des soldes. Yohann Petiot, directeur général de l'Alliance du Commerce, qui regroupe grands magasins et enseignes de l'habillement et de la chaussure, évoque un "double impact pour les commerçants", avec, outre les dégâts, "une perte d'activité considérable".

"Ce sont les dix premiers jours qui font la réussite des soldes", "ce sera très difficile à rattraper", dit-il, appelant à prolongation de cette période de déstockage strictement encadrée.

«Succession de galères»

La ville de Lille a annoncé dans un communiqué la mise en place d'une "cellule d'accompagnement pour les commerçants et habitants", "à la suite des dégradations et des pillages de ces derniers jours".

"Les commerçants sont complètement abattus, depuis cinq ans ils vivent une succession de galères et là ils vivent ces violences comme une injustice", a expliqué lundi à l'AFP le président de la chambre de commerce et d'industrie Marseille-Provence, Jean-Luc Chauvin, annonçant notamment une aide de 10 000 euros déblocable sous 15 jours.

Car pour les commerçants, il peut y avoir un sentiment d'accumulation: certaines boutiques avaient notamment été prises pour cible lors du mouvement social des Gilets Jaunes, et certaines, classés comme non-essentielles, avaient dû garder porte close pour tenter d'endiguer la propagation de l'épidémie de Covid-19.

Pour autant, le sentiment de découragement ne prédomine pas lundi.

À Grenoble, la quasi totalité des commerces des quelques rues très touchées par les pillages dans la nuit de vendredi à samedi ont renforcé leurs vitrines avec des panneaux de bois.

"Samedi on a eu très peur, mais ça s'est calmé et on espère que ça va durer", glisse la vendeuse d'une boutique IKKS, ouverte mais barricadée et affichant un discret "boutique ouverte" sur sa porte.

Le gérant d'une boutique indépendante de sneakers, OZ, entièrement pillée dans la nuit de vendredi, ne veut pas plier bagage: "On compte sur nos assurances, le but c'est de sauver notre peau et de rouvrir le plus vite possible".


A Paris, une réunion des droites sous l'égide des médias Bolloré

Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027. (AFP)
Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027. (AFP)
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  • Mardi 20H00, les 4.000 places du Dôme de Paris, plongées dans le noir, sont remplies. Musique épique, jeu de projecteurs bleus, blancs, rouges, le ton est donné
  • Pour chauffer la salle, le directeur du JDD, Geoffroy Lejeune commence par quelques railleries sur Libération, Mediapart et Télérama

PARIS: Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027.

Mardi 20H00, les 4.000 places du Dôme de Paris, plongées dans le noir, sont remplies. Musique épique, jeu de projecteurs bleus, blancs, rouges, le ton est donné.

Pour chauffer la salle, le directeur du JDD, Geoffroy Lejeune commence par quelques railleries sur Libération, Mediapart et Télérama. Huées puis rires quand il lance: "On sait quel article ils vont écrire, on l'a rédigé comme ça ils pourront aller au bistrot".

Apparaît Philippe de Villiers, largement promu par le groupe du milliardaire breton - il est chroniqueur chez Cnews et son dernier livre est publié chez Fayard, également dans la galaxie Bolloré.

Le souverainiste commence par "remercier Jean-Luc Mélenchon" - qui lui aurait inspiré son ouvrage - déclenchant une nouvelle bronca.

Puis, il sert son discours habituel sur une France "au bord de l'abîme", menacée par "un changement de peuplement" encouragé par "un parti sarrasin", et abandonnée par des "élites écartelées entre le wokistan et l'islamistan".

Pour le fondateur du Puy du Fou, la solution est simple: "la remigration ou la françisation". Nouvelle salve d'applaudissements, on entend quelques "Philippe président". L'hypothèse d'une candidature pour 2027 a encore été entretenue en une de Valeurs actuelles la semaine dernière, où l'intéressé affirme être "redescendu dans l'arène".

Il n'est pas le seul. Surgit l'animatrice Christine Kelly de Cnews, pour lancer une discussion sur "notre civilisation judéo-chrétienne" entre Michel Onfray et Eric Zemmour.

Au terme d'un échange théologique parfois confus, le président du parti Reconquête conclut que "la croisade a sauvé l'Occident" et qu'"à partir du moment où nous retrouverons notre identité, tout ira beaucoup mieux". L'ancien polémiste de Cnews, propulsé par l'empire Bolloré dans la course à l'Elysée en 2022, espère déjà rendosser son costume de candidat en 2027. En attendant, il reste lui aussi en tête de gondole chez Fayard.

"Le côté sans filtre" 

D'autres ne bénéficient pas de la même bienveillance. Comme Aurore Bergé, lors d'une tumultueuse séquence "insécurité" face à Claire Géronimi, devenue vice-présidente de l'UDR d'Eric Ciotti après avoir été victime d'un viol par un étranger sous OQTF.

La ministre déléguée à l'Egalité Femmes-Hommes, conspuée, reste combative: "Je suis venue pour accepter l'idée du débat (...) Ma ligne ne changera pas, quel que soit le public".

Plus en phase avec l'assistance, l'avocat Gilles-William Goldnadel fustige "le racisme anti-blanc" et le "féminisme d'extrême gauche".

Un discours familier aux oreilles de Philippe, 55 ans et sans emploi, qui a déboursé 25 euros pour "voir le côté sans filtre" de ces personnalités médiatiques dont il "partage les idées, sans ambiguïté". Plus intéressé par l'aspect politique, Foucauld, 24 ans, étudiant en école de commerce, reconnaît que l'événement "participe à faire avancer les pions vers l'union des droites".

Pourquoi pas avec David Lisnard? Invité à ouvrir le chapitre du "grand enjeu" des municipales de mars 2026, le maire de Cannes fait florès avec ses leitmotiv: "Vive la liberté" et "Afuera!" la "bureaucratie" et la "technocratie".

Lui succèdent une brochette de candidats plus ou moins déclarés, dont la députée RN Laure Lavalette déplorant qu'il y ait "autant de barbiers et de kebabs" dans sa ville de Toulon.

Signe d'un rapprochement entre le parti à la flamme et la galaxie Bolloré? Après tout, Jordan Bardella en est à son deuxième livre publié chez Fayard.

Mais c'est une autre étoile montante qui est mise à l'honneur mardi soir. Clou du spectacle, l'eurodéputée Reconquête Sarah Knafo vient délivrer un "message d'espérance" face à l'essayiste Eric Neaulleau, dans le rôle du décliniste persuadé que "tout est foutu" car "les lieux de pouvoir sont tous tenus par des gens animés d'une idéologie immigrationniste".

Au contraire, les idées infusent dans la société et "le combat de la lucidité est gagné", réplique la nouvelle coqueluche de la "bollosphère", qui assure "qu'on peut changer les choses, avec méthode, détermination et travail". Et quelques solides appuis.


Pour la présidente de l'Assemblée Braun-Pivet, une majorité absolue n'est plus «souhaitable»

Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi. (AFP)
Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi. (AFP)
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  • "J'ai toujours privilégié le travail en collégialité, (...) et je m'étais toujours dit, au fond de moi, une Assemblée où il y a une majorité absolue, c'est une Assemblée qui finalement ne représente pas bien les Français"
  • Sans majorité, pour décider par exemple de la création d'une commission d'enquête ou encore de la tenue d'un débat, "vous présentez nécessairement des décisions qui sont les plus justes pour l'institution et les plus équilibrées"

PARIS: Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi.

"J'ai une conviction personnelle forte qui est que nous n'aurons pas demain à nouveau une majorité absolue mais je pense surtout, et c'est ça ma conviction forte, c'est que ce n'est pas souhaitable pour notre pays", a-t-elle déclaré dans le podcast "Dans l'Hémicycle".

"Je suis convaincue que la délibération collective avec des groupes politiques qui ne partagent pas les mêmes orientations mais qui essayent de trouver des solutions, elle est bénéfique", a-t-elle poursuivi.

Depuis 2022, le camp présidentiel auquel appartient Mme Braun-Pivet ne dispose pas d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale. Face à une fragmentation de l'hémicycle encore accentuée depuis la dissolution de juin 2024, de nombreux députés disent espérer le retour d'une majorité absolue après l'élection présidentielle de 2027. Mais pas la présidente de l'Assemblée.

"J'ai toujours privilégié le travail en collégialité, (...) et je m'étais toujours dit, au fond de moi, une Assemblée où il y a une majorité absolue, c'est une Assemblée qui finalement ne représente pas bien les Français", a-t-elle déclaré dans cette interview.

Sans majorité, pour décider par exemple de la création d'une commission d'enquête ou encore de la tenue d'un débat, "vous présentez nécessairement des décisions qui sont les plus justes pour l'institution et les plus équilibrées, parce qu'autrement, ça ne passe pas", a-t-elle dit.

Cette situation force aussi à "inventer des nouvelles façons de faire", a-t-elle ajouté en donnant l'exemple des semaines dédiées aux textes proposés par les députés, auparavant dévolues à ceux de la majorité. Depuis 2022, ces semaines sont devenues "transpartisanes", avec des propositions soutenues par différents groupes.

Au moment où les débats budgétaires peinent à aboutir, Mme Braun-Pivet a toutefois estimé qu'il fallait encore "adapter" les règles de l'Assemblée à cette nouvelle configuration. Elle a rappelé avoir lancé une réflexion autour d'une modification du règlement de l'institution.


Laurent Wauquiez dépose une proposition de loi pour interdire le voile aux mineures

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  • Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public
  • Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier

PARIS: Le chef des députés Les Républicains Laurent Wauquiez a déposé lundi une proposition de loi pour interdire aux mineures de porter le voile dans l'espace public, mais son examen rapide semble peu probable et sa constitutionnalité mise en doute par des juristes.

M. Wauquiez veut interdire "à tout parent d'imposer à sa fille mineure ou de l'autoriser à porter, dans l'espace public, une tenue destinée à dissimuler sa chevelure", selon l'article unique de sa proposition de loi.

Il s'appuie notamment sur un rapport sur les Frères musulmans commandé par le gouvernement et publié en mai dernier, relatant l'augmentation "massive et visible du nombre de petites filles portant le voile".

Il estime que "le voilement de jeunes filles" heurte les principes républicains "les plus fondamentaux", tels que la "protection de l'enfant", "la liberté de conscience" et "l'égalité entre les hommes et les femmes".

Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public.

Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier.

En outre, des professeurs de droit public interrogés par l'AFP émettent de sérieuses réserves quant à la conformité avec la Constitution de cette proposition déjà formulée, tout en la circonscrivant aux moins de 15 ans, par le patron des députés macronistes Gabriel Attal en mai - même si celui-ci n'avait pas déposé de texte.

Pour la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, elle n'a "aucune chance d'être conforme", rappelant que la loi sur la dissimulation du visage que son texte vient modifier a un motif de "sécurité à l'ordre public" et ne "vise aucune religion en particulier".

Or, M. Wauquiez cible très clairement le voile islamique dans l'espace public, contrevenant "au principe de liberté de religion", ajoute l'enseignante.

Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’Université de Lille, se dit également "très réservé".

Bien que le texte se heurte au principe de liberté religieuse, Laurent Wauquiez justifie sa démarche par la "préservation des droits de l’enfant", ce qui est "assez habile", reconnaît-il, mais insuffisant pour garantir sa conformité constitutionnelle.

Assimiler le port du voile par une mineure à "une forme d’asservissement" reste juridiquement fragile. "Incontestablement, une fillette de 9 ans pourrait le faire par mimétisme ou sous l'effet d’une instrumentalisation", observe-t-il. "Mais une adolescente de 16 ans peut davantage le porter par conviction personnelle."

Il rappelle par ailleurs que l’interdiction de dissimulation du visage est justifiée par des raisons de sécurité, avec la nécessité de pouvoir "identifier les personnes", un raisonnement difficilement transposable au fait de se couvrir la chevelure.