Coran brûlé en Suède: l’importance de la lutte contre l’islamophobie d’Europe jusqu’en Amérique latine

Les femmes musulmanes de Colombie sensibilisent à l’islam en Amérique du Sud, où les cas de harcèlement, qui ciblent plus particulièrement les musulmanes au Brésil, sont à la hausse. (Photo fournie)
Les femmes musulmanes de Colombie sensibilisent à l’islam en Amérique du Sud, où les cas de harcèlement, qui ciblent plus particulièrement les musulmanes au Brésil, sont à la hausse. (Photo fournie)
Maria José Acevedo Garcia discute avec des groupes d’élèves d’islam et d’islamophobie. (Photo fournie)
Maria José Acevedo Garcia discute avec des groupes d’élèves d’islam et d’islamophobie. (Photo fournie)
Maria José Acevedo Garcia fait la Dawah (invitation à écouter le message de l’islam, NDLR) dans une école. Beaucoup de filles s’intéressent à l’islam et demandent à essayer un hijab. (Photo fournie)
Maria José Acevedo Garcia fait la Dawah (invitation à écouter le message de l’islam, NDLR) dans une école. Beaucoup de filles s’intéressent à l’islam et demandent à essayer un hijab. (Photo fournie)
Maria José Acevedo Garcia discute avec des groupes de scouts de l’islam en Colombie dans le but de sensibiliser à la diversité religieuse. (Photo fournie)
Maria José Acevedo Garcia discute avec des groupes de scouts de l’islam en Colombie dans le but de sensibiliser à la diversité religieuse. (Photo fournie)
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Publié le Jeudi 20 juillet 2023

Coran brûlé en Suède: l’importance de la lutte contre l’islamophobie d’Europe jusqu’en Amérique latine

  • L’islamophobie a pris de l’ampleur au Brésil sous l’ancien président Jair Bolsonaro (entre 2019 et 2022), lorsque plusieurs groupes antimusulmans sont devenus plus puissants
  • Les femmes qui portent le hijab doivent faire face à toutes sortes de remarques sexistes dans la rue et dans les transports en commun

SAO PAULO: Alors que le nombre de musulmans qui vivent en Amérique latine augmente et que les communautés islamiques gagnent en visibilité, de plus en plus de cas d’islamophobie sont signalés dans la région. Les dirigeants communautaires, pour la plupart des femmes, tentent par tous les moyens de remédier au problème.

Avec une population musulmane estimée entre 800 000 et 1,5 million d’habitants, le Brésil est le seul pays d’Amérique latine où une étude approfondie sur l’islamophobie a été menée.

L’accent est mis sur ce sujet depuis qu’un exemplaire du Saint Coran a été brûlé le 28 juin devant la mosquée centrale de Stockholm – un acte offensant qui a été toléré par les autorités suédoises. Bien que l’Amérique du Sud n’ait pas été témoin d’une telle manifestation d’intolérance, on pense que l’islamophobie existe bel et bien, mais qu’elle est dissimulée, dans de nombreux pays.

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La police suédoise regarde Salwan Momika, qui a fui l’Irak pour la Suède il y a plusieurs années, tenir un discours avant de brûler le livre sacré musulman devant une mosquée à Stockholm, le 28 juin 2023, pendant les vacances de l’Aïd al-Adha. (AFP)

Dirigée par l’anthropologue Francirosy Barbosa, professeure à l’Université de Sao Paulo et elle-même musulmane convertie, l’étude comprend une enquête menée auprès de 653 musulmans. Elle montre que la plupart d’entre eux ont déjà souffert d’une sorte d’islamophobie.

«La majorité des personnes interrogées sont des femmes, ce qui montre déjà que ce sont elles qui en souffrent le plus», déclare l’anthropologue à Arab News.

Environ 54% des hommes qui ont participé à l'étude – à la fois ceux qui sont nés musulmans et ceux qui se sont convertis à l’islam – affirment avoir ressenti une forme de gêne en raison de leur religion. La plupart des incidents se seraient produits dans la rue, au travail ou à l’école.

Les proportions sont plus élevées chez les femmes. En effet, 66% de celles qui sont nées musulmanes déclarent avoir été victimes d’offense ou d’agression en raison de leur foi. Il en est de même pour 83% des femmes qui se sont converties à l’islam.

De nombreux incidents concernent des blagues ou des commentaires subtils. Par exemple, une personne qui traite son collègue au travail de «kamikaze» après avoir découvert qu’il était musulman, ou encore une femme qui insiste pour que son amie ne porte pas de voile parce que c’est le symbole de la domination masculine.

Mais l’étude fait également état de cas graves de violence physique, comme cet agresseur inconnu qui a pulvérisé de l’insecticide dans les yeux d’une femme qui portait le hijab ou cette fille qui a été battue par un homme dans la rue après être sortie d’une mosquée.

Les femmes converties «sont les principales victimes de l’islamophobie parce qu’elles sont plus vulnérables. Beaucoup d’entre elles viennent de quartiers pauvres et doivent utiliser les transports en commun», précise l’anthropologue. Elles doivent également faire face aux pressions de leur propre famille. Beaucoup d’entre elles renoncent à porter un voile après avoir été agressées, ce qui leur «inflige de la souffrance parce qu’elles sentent qu’elles ne respectent pas un commandement divin», ajoute Francirosy Barbosa.

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Au Brésil, les cas de harcèlement qui ciblent particulièrement les musulmanes sont en augmentation. (Photo fournie)

L’enseignante ajoute que l’islamophobie s’est développée au Brésil sous l’ancien président Jair Bolsonaro, entre 2019 et 2022, lorsque plusieurs groupes antimusulmans sont devenus plus puissants.

«À cette époque, les églises évangéliques prosionistes étaient en plein essor, par exemple», explique Mme Barbosa. Les personnes interrogées dans le cadre de l’enquête déclarent que les chrétiens évangéliques sont le groupe religieux qui les discrimine le plus.

L’anthropologue a été invitée plus tôt cette année à participer à un atelier organisé par le ministère des Droits de l’homme et de la Citoyenneté afin d’évoquer les discours de haine.

Son étude sur l’islamophobie a été présentée au groupe et fera partie de son rapport final, qui orientera la politique gouvernementale de lutte contre l’intolérance.

«Dans notre étude, nous avons inclus quelques lignes directrices pour la lutte contre l’islamophobie, comme la nécessité d’investir dans l’éducation aux religions et à l’islam. Maintenant, ces suggestions pourraient enfin voir le jour avec le nouveau gouvernement [du président Luiz Inacio Lula da Silva]», poursuit l’anthropologue.

En Argentine, les militants contre l’islamophobie comptent également sur des partenariats avec des institutions gouvernementales.

En 2022, l’organisation Islam para la Paz («Islam pour la paix») a signé un accord avec l’Institut national contre la discrimination, la xénophobie et le racisme – connu sous l’acronyme espagnol «Inadi» – dans le but de promouvoir la coopération contre la discrimination religieuse.

Melody Amal Khalil Kabalan, qui dirige Islam para la Paz, soutient que de nombreux organes de presse diffusaient des informations erronées sur le Qatar lorsqu’il a accueilli la Coupe du monde de football, l’année dernière. Son organisation et l’Inadi ont donc mis en place un atelier sur le pays pour les journalistes.

«Cette année, nous organiserons un programme appelé École sans discrimination, qui comprendra des ateliers sur les habitudes islamiques pour les élèves», déclare-t-elle à Arab News.

Bien que l’islamophobie en Argentine ne soit pas comparable à ce qui se passe dans les pays européens, on assiste à une augmentation des cas ces derniers temps, indique-t-elle encore. La plupart des cas concernent des femmes, comme au Brésil.

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En Argentine, même les burkinis discrets dans les lieux publics pourraient susciter la haine puisqu’ils sont associés à l’islam. (Photo fournie)

«Il y a eu un incident particulièrement commenté: il a été interdit à une femme d’entrer dans une piscine de la ville de Mendoza parce qu’elle portait un burkini», souligne la directrice d’Islam para la Paz.

«Dans d’autres situations, des responsables gouvernementaux ont interdit à des femmes de se faire prendre en photo en hijab pour des documents officiels, ce qui est pourtant leur droit.»

Les victimes de l’islamophobie peuvent signaler les incidents à l’Inadi, mais beaucoup ne le font pas «parce qu’elles pensent que les autorités ne défendront pas les musulmans comme elles défendent d’autres groupes», ajoute-t-elle.

«Cette perception découle sans doute du fait que, en Argentine, nos communautés ne sont pas aussi organisées que d’autres pour résister à la discrimination.»

Elle précise qu’il appartient aux musulmans d’informer et d’éduquer la société argentine au sujet de leurs besoins et de leurs spécificités.

«Nous avons la responsabilité de parler aux gens de notre mode de vie. Ce n’est pas seulement le problème du gouvernement», poursuit-elle.

Islam para la Paz a récemment créé un observatoire chargé des affaires musulmanes et recueille des informations sur les problèmes des communautés.

En Colombie, un groupe de femmes dirigé par Maria José Acevedo Garcia a créé il y a cinq ans la Fondation islamique Assalam, destinée aux femmes musulmanes colombiennes. Son but est de protéger les femmes musulmanes et de lutter contre l’islamophobie.

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Maria José Acevedo Garcia lors d’un événement portant sur la liberté religieuse en Colombie. (Photo fournie)

Maria José Acevedo Garcia déclare que les incidents les plus courants concernent la discrimination à l’école, sur le lieu de travail et dans les agences gouvernementales.

«Les femmes sont parfois victimes de discrimination parce qu’elles portent le hijab au travail. Dans ce genre de cas, j’envoie une lettre au responsable de l’entreprise et programme une visite dans les locaux afin d’informer les gens sur l’islam», souligne-t-elle à Arab News.

Élevée dans une famille catholique, elle s’est convertie à l’islam il y a vingt ans. Au début, elle entendait souvent des commentaires offensants et se mettait en colère, mais, avec le temps, elle «a appris à réagir calmement et à éduquer les gens».

«Assalam se rend fréquemment dans les écoles et les universités pour proposer des ateliers contre la discrimination. C’est le seul moyen de changer les choses.»

Pendant les crises qui ont eu lieu dans les pays musulmans – comme la guerre en Syrie et la prise de contrôle des talibans en Afghanistan –, l’islamophobie augmente généralement, précise-t-elle.

«Les agressions physiques ne sont forcément pas nombreuses, mais des incidents au cours desquels des personnes ont tenté d’enlever le hijab d’une femme dans les transports en commun ont déjà été signalés», précise-t-elle.

Assalam a récemment rencontré les autorités gouvernementales afin de leur présenter les besoins des femmes musulmanes en Colombie.

Des problèmes surviennent souvent à l’aéroport, par exemple, lorsque des femmes qui viennent de pays musulmans sont contraintes d’enlever le hijab lors de l’inspection.

La responsable de la fondation espère que davantage d’employés du gouvernement comprendront l’essence de l’islam à l’avenir.

Au Mexique, où la communauté musulmane s’est développée ces dernières années, l’islamophobie est perceptible dans les arts, les livres et l’actualité, où «les expressions négatives sont couramment employées au sujet de l’islam», signale l’anthropologue Samantha Leyva Cortes à Arab News.

Dans le cadre d’études sur les communautés musulmanes de Mexico et de San Cristobal de Las Casas, de nombreuses femmes ont informé Samantha Leyva Cortes qu’elles étaient traitées comme des étrangères en raison de leur hijab.

«Les commerçants supposent souvent qu’elles ne sont pas originaires du Mexique et leur font payer un produit plus cher que son prix», rapporte-t-elle.

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Sonia Garcia, une Mexicaine convertie à l’islam, s’est associée à Mayte Gutierrez, une autre Sud-Américaine convertie à l’islam, pour aider à construire et à exploiter un tout nouveau centre. Son objectif est d’aider les musulmans à se sentir davantage chez eux à Tijuana. (Photo: The Latina Muslim Foundation)

Les femmes qui portent le hijab doivent faire face à toutes sortes de remarques sexistes dans la rue et dans les transports en commun, soutient Samantha Leyva Cortes.

«Les gens les prennent généralement pour des femmes passives et privées de leurs droits. Elles ne considèrent pas que le port du hijab est leur choix», poursuit-elle.

Toutefois, ces derniers temps, les jeunes générations ont ouvert de nouvelles voies. De nombreuses femmes musulmanes sont désormais présentes sur les réseaux sociaux et dans l’espace public.

«Beaucoup de conversions se déroulent en ligne. Internet est donc un espace important pour elles», ajoute l’anthropologue.

Mme Barbosa déclare pour sa part que la plupart des dirigeants musulmans ne gèrent pas l’islamophobie de la bonne manière. «En général, ils ne se préoccupent que de répandre la religion et pensent que parler de discrimination et de violence est une mauvaise chose, qui peut soulever davantage de problèmes encore», explique-t-elle.

Son objectif est désormais de mener la même enquête dans d’autres pays d’Amérique latine afin que les problèmes liés à l’islamophobie que connaît l’ensemble de la région soient connus et que les communautés et les gouvernements puissent agir.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


L'ambassade suisse, qui représente les intérêts américains, rouvre en Iran

Le drapeau suisse flotte sur l'ambassade suisse, avec en arrière-plan la coupole du bâtiment du Reichstag, qui abrite la chambre basse du Parlement, le 23 novembre 2012 à Berlin. (AFP)
Le drapeau suisse flotte sur l'ambassade suisse, avec en arrière-plan la coupole du bâtiment du Reichstag, qui abrite la chambre basse du Parlement, le 23 novembre 2012 à Berlin. (AFP)
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  • Depuis dimanche, l'ambassade de Suisse « est à nouveau ouverte, après avoir été temporairement fermée le 20 juin en raison de l'instabilité de la situation dans le pays », indique un communiqué du ministère suisse des Affaires étrangères.
  • « Avec la réouverture de son ambassade à Téhéran, la Suisse peut à nouveau représenter directement sur place les intérêts américains en Iran, en sa qualité de puissance protectrice », ajoute le ministère. 

GENEVE : L'ambassade suisse à Téhéran pourra de nouveau représenter directement les intérêts américains en Iran, a annoncé la Suisse, qui a appelé les parties à « reprendre le chemin de la diplomatie ».

Depuis dimanche, l'ambassade de Suisse « est à nouveau ouverte, après avoir été temporairement fermée le 20 juin en raison de l'instabilité de la situation dans le pays », indique un communiqué du ministère suisse des Affaires étrangères.

L'ambassadrice Nadine Olivieri Lozano est revenue samedi dans la capitale iranienne par voie terrestre, en passant par l'Azerbaïdjan, accompagnée d'une petite équipe.

« Avec la réouverture de son ambassade à Téhéran, la Suisse peut à nouveau représenter directement sur place les intérêts américains en Iran, en sa qualité de puissance protectrice », ajoute le ministère. 

En l'absence de relations diplomatiques ou consulaires entre les États-Unis et l'Iran, la Suisse représente officiellement les intérêts américains dans ce pays depuis 1980, par l'intermédiaire de son ambassade à Téhéran.

« Il est essentiel que toutes les parties reprennent sans délai le chemin de la diplomatie. À cet effet, la Suisse met à disposition ses bons offices et Genève peut accueillir des négociations », souligne le ministère suisse des Affaires étrangères.

Téhéran et Washington ont déjà mené cinq cycles de négociations sur le programme nucléaire iranien depuis le 12 avril. Un sixième cycle, initialement prévu le 15 juin sous la médiation du sultanat d'Oman, a été annulé après le déclenchement d'une guerre provoquée par une attaque israélienne contre l'Iran, deux jours plus tôt. 

Israël a affirmé vouloir empêcher l'Iran d'acquérir l'arme nucléaire et a mené des frappes contre des sites nucléaires iraniens, tuant plusieurs hauts gradés de l'armée ainsi que des scientifiques du programme. Dans la nuit du 21 au 22 juin, le président américain Donald Trump a ordonné des frappes aériennes visant trois installations nucléaires situées dans le centre de l'Iran.

Téhéran, qui nie vouloir se doter de l'arme atomique, a mené des frappes de représailles contre Israël avant l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu, le 24 juin.


Le Dalaï Lama célèbre son 90e anniversaire en prononçant une prière pour la paix

Le chef spirituel tibétain, le Dalaï Lama, assiste à une cérémonie de prière pour une longue vie au temple Tsuglakhang à Mcleodganj, Dharamshala, le 5 juillet 2025. (Photo de Niharika KULKARNI / AFP)
Le chef spirituel tibétain, le Dalaï Lama, assiste à une cérémonie de prière pour une longue vie au temple Tsuglakhang à Mcleodganj, Dharamshala, le 5 juillet 2025. (Photo de Niharika KULKARNI / AFP)
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  • Le Dalaï Lama a fêté dimanche ses 90 ans « en simple moine bouddhiste » avec une prière en faveur de la paix, au terme d'une semaine de célébrations.
  • Les psalmodies des moines bouddhistes ont résonné depuis le monastère de McLeod Ganj, dans le nord de l'Inde, où le Dalaï Lama passe l'essentiel de son temps depuis qu'il a fui la répression chinoise à Lhassa, au Tibet, en 1959. 

MC LEOD GANJ, INDE : Le Dalaï Lama a fêté dimanche ses 90 ans « en simple moine bouddhiste » avec une prière en faveur de la paix, au terme d'une semaine de célébrations dans les contreforts de l'Himalaya indien, où il vit en exil.

« Je ne suis qu'un simple moine bouddhiste. D'habitude, je ne participe pas aux célébrations d'anniversaire », a-t-il déclaré dans un message, alors qu'il avait fait part la veille de son rêve de vivre « encore 30 ou 40 ans ».

Drapé dans sa robe bordeaux et son écharpe jaune, le chef spirituel des Tibétains a adressé un sourire espiègle à des milliers de fidèles avant le début des prières.

Les psalmodies des moines bouddhistes ont résonné depuis le monastère de McLeod Ganj, dans le nord de l'Inde, où le Dalaï Lama passe l'essentiel de son temps depuis qu'il a fui la répression chinoise à Lhassa, au Tibet, en 1959. 

Au fil des célébrations qui se sont étalées sur toute la semaine, Tenzin Gyatso (son nom d'état civil) n'a pas pu éviter d'aborder le sujet épineux de l'après, alors que la Chine entend bien choisir un successeur à sa place.

Extrêmement attendu sur la question, il a affirmé mercredi que l'institution serait « perpétuée », déclenchant aussitôt une réaction ferme de Pékin, qui a affirmé que tout nom devait être « approuvé par le gouvernement central ».

De son côté, l'actuel Dalaï Lama a assuré que celui qui prendrait sa suite serait « forcément né dans le monde libre ».

Il a également affirmé que la responsabilité de désigner un successeur « reposerait exclusivement sur les membres du Ganden Phodrang Trust, le bureau de Sa Sainteté le Dalaï Lama ». « Personne d'autre n'a l'autorité requise pour se mêler de cette question. »

« Le voir fêter ses 90 ans aujourd'hui me comble de bonheur, mais m'emplit aussi d'une profonde tristesse », a confié Dorje Dolma, 27 ans, qui a fui le Tibet pour l'Inde. « Sa Sainteté a toujours été comme une figure paternelle pour moi. Sa bonne santé me réjouit, mais parfois, son âge m'inquiète. » 

« Symbole durable d'amour » 

Né le 6 juillet 1935, il est devenu, dès l'âge de deux ans, le 14^e chef spirituel et politique des Tibétains, identifié par la tradition bouddhiste comme la réincarnation de son prédécesseur.

Considéré comme un dangereux séparatiste par Pékin, il a reçu le prix Nobel de la paix en 1989 et incarne désormais dans le monde entier le combat pour la liberté du Tibet.

Ce vaste territoire himalayen, d'une taille comparable à celle de l'Afrique du Sud, a été envahi en 1950 par les troupes chinoises, qui en ont fait une province de la République populaire de Chine. Tenzin Gyatso n'y a jamais remis les pieds depuis son exil en Inde.

Le chef spirituel a reçu dimanche les vœux du Premier ministre du pays qui l'accueille.

« Je me joins aux 1,4 milliard d'Indiens pour adresser nos vœux les plus chaleureux à Sa Sainteté le dalaï-lama pour ses 90 ans », a déclaré dans un communiqué Narendra Modi. 

« Il est un symbole durable d'amour, de compassion, de patience et de discipline morale », a-t-il ajouté, lui souhaitant une « bonne santé et une longue vie ».

Dans un communiqué, le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, a assuré que Washington était « engagé dans la promotion du respect des droits humains et des libertés fondamentales des Tibétains ».

D'autres personnalités, comme les anciens présidents des États-Unis Barack Obama, Bill Clinton et George W. Bush, ou l'acteur Richard Gere, qui soutient sa cause depuis longtemps, ont salué l'œuvre du dalaï-lama.

L'anniversaire de ce dernier marque la fin d'une semaine entière de célébrations en l'honneur de l'un des dirigeants religieux les plus populaires au monde, apprécié pour son humour et ses enseignements.

« Bien qu'il soit important de travailler au développement matériel, il est vital de se concentrer sur la paix de l'esprit en cultivant un bon cœur et en faisant preuve de compassion, pas seulement envers ses proches, mais envers tout le monde », a-t-il fait valoir dimanche.

« Ainsi, vous contribuerez à rendre le monde meilleur. »

La fête s'est terminée par la traditionnelle dégustation du gâteau, dont Tenzin Gyatso a mangé une part sous les chants : « Joyeux anniversaire ».


Les migrants, un sujet épineux au menu du sommet franco-britannique

 Depuis le début de l'année, plus de 21 000 migrants ont traversé la Manche. (Photo AFP))
Depuis le début de l'année, plus de 21 000 migrants ont traversé la Manche. (Photo AFP))
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  • La France est accusée de ne pas en faire assez, malgré les fonds qu'elle reçoit de Londres pour financer une partie des actions visant à sécuriser la frontière.
  • Sur les six premiers mois de 2025, le nombre de migrants ayant traversé la Manche a augmenté de 48 % par rapport à la même période l'année précédente.

LONDRES : Depuis le début de l'année, plus de 21 000 migrants ont traversé la Manche, un record qui accentue la pression sur le Premier ministre britannique, Keir Starmer, à la veille du sommet franco-britannique au cours duquel des mesures visant à enrayer ces arrivées devraient être annoncées.

La page des tensions post-Brexit est tournée et les relations entre Paris et Londres se sont considérablement réchauffées. Mais un sujet reste sensible : les migrants qui arrivent en Angleterre à bord de petites embarcations depuis le nord de la France.

Les images de canots surchargés quittant les plages françaises sont régulièrement diffusées dans les médias.

La France est accusée de ne pas en faire assez, malgré les fonds qu'elle reçoit de Londres pour financer une partie des actions visant à sécuriser la frontière.

Le travailliste Keir Starmer, arrivé au pouvoir il y a un an, a promis de « reprendre le contrôle des frontières ». Le chef du gouvernement est sous la pression du parti d'extrême droite Reform UK de Nigel Farage, qui progresse dans les sondages.

« Les chiffres ne vont pas dans la bonne direction », souligne Peter Walsh, de l'Observatoire de la migration de l'université d'Oxford. 

Sur les six premiers mois de 2025, le nombre de migrants ayant traversé la Manche a augmenté de 48 % par rapport à la même période l'année précédente. Le record de 2022, avec 45 774 arrivées de migrants, pourrait bien être battu. 

Éviter les noyades 

Une loi sur le contrôle des frontières est actuellement en cours d'examen au Parlement britannique. Elle doit notamment donner davantage de pouvoir aux forces de l'ordre pour lutter contre les réseaux de passeurs.

Keir Starmer a besoin de la France, et cette question devrait être abordée lors du sommet franco-britannique de jeudi.

En février, les deux pays ont prolongé d'un an, jusqu'en 2027, le traité de Sandhurst, le cadre légal régissant les questions migratoires.

Sous la pression de Londres, Paris envisage de modifier la « doctrine » d'intervention des policiers et des gendarmes en mer afin de pouvoir intercepter les taxis-boats jusqu'à 300 mètres des côtes. Ces derniers embarquent en effet des migrants directement en mer pour éviter les contrôles sur les plages.

Selon le droit international de la mer, une fois qu'une embarcation est à l'eau, les autorités ne peuvent plus que procéder à des opérations de sauvetage. Elles n'interviennent pas pour intercepter les migrants afin d'éviter les noyades. 

La BBC a toutefois montré, vendredi, des forces de l'ordre françaises intervenant dans l'eau, non loin de la plage, et crevant un canot pneumatique chargé de migrants.

Downing Street a estimé qu'il s'agissait d'un « moment important » et s'est félicité de ces « nouvelles tactiques ».

Paris et Londres travaillent également sur un programme d'échange de migrants. Il s'agit d'un projet « pilote », selon plusieurs sources, une expérimentation qui reposerait sur le « principe un pour un ».

Le Royaume-Uni prendrait certains migrants, des « populations fragiles » selon une source française, et en échange, renverrait en France des personnes arrivées en bateau. Paris souhaiterait élargir cet accord à l'Union européenne afin que les réadmissions soient partagées entre plusieurs pays. 

L'effet Brexit 

Pourquoi le Royaume-Uni attire-t-il autant de migrants ?

Plusieurs responsables français, dont l'actuel garde des Sceaux et ancien ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, ont affirmé que les possibilités d'y travailler illégalement rendaient le pays particulièrement attractif.

Le gouvernement travailliste met l'accent sur la lutte contre le travail clandestin. Il affirme que les arrestations ont augmenté de 51 % de juillet 2024 à fin mai par rapport à l'année précédente.

Le chercheur Peter Walsh est toutefois sceptique quant à l'idée qu'il serait plus facile de travailler au noir au Royaume-Uni qu'en France. « Dans les deux pays, il faut prouver son droit à travailler », souligne-t-il.

« Les employeurs peu scrupuleux qui ne font pas ces vérifications risquent de sérieuses sanctions, comme en France. »

Selon lui, c'est surtout la langue et le regroupement familial qui attirent les migrants au Royaume-Uni. Il évoque également le Brexit : « Si un pays de l'UE vous a refusé l'asile, vous pouvez tenter votre chance au Royaume-Uni, qui ne sera pas informé de ce refus. »

Rishan Tsegay, une Erythréenne de 26 ans, est arrivée en Angleterre en 2015, cachée dans un camion. L'an dernier, elle est devenue citoyenne britannique et travaille comme infirmière.

Elle appelle Keir Starmer et Emmanuel Macron à offrir davantage de visas aux migrants fuyant des pays en guerre. « Ces gens viennent ici pour être en sécurité », raconte-t-elle à l'AFP. « On ne dit jamais que les réfugiés contribuent à la société, alors que certains jouent un rôle important. »

Selon le Home Office, les migrants ayant traversé la Manche entre mars 2024 et mars 2025 étaient principalement Afghans, Syriens, Érythréens, Iraniens et Soudanais.