Giorgia Meloni à Washington alors que l’Italie pourrait se retirer du projet chinois Belt and road initiative

Le président américain, Joe Biden, recevant la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, à la Maison Blanche, à Washington. (Reuters).
Le président américain, Joe Biden, recevant la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, à la Maison Blanche, à Washington. (Reuters).
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Publié le Mardi 01 août 2023

Giorgia Meloni à Washington alors que l’Italie pourrait se retirer du projet chinois Belt and road initiative

Giorgia Meloni à Washington alors que l’Italie pourrait se retirer du projet chinois Belt and road initiative
  • La semaine dernière, Giorgia Meloni a effectué sa première visite à la Maison Blanche en tant que Première ministre italienne et la Chine a été en tête de l’ordre du jour
  • Giorgia Meloni, arrivée au pouvoir en octobre 2022, donne des signes montrant que l’Italie pourrait opérer un revirement sur sa participation au projet chinois de la Belt and Road initiative (BRI)

La semaine dernière, Giorgia Meloni a effectué sa première visite à la Maison Blanche en tant que Première ministre italienne. Bien que la guerre en Ukraine ne montre aucun signe de fléchissement, c'est la Chine qui figurait en tête de l'ordre du jour de sa rencontre avec le président américain, Joe Biden.

Bien que Rome ne soit pas toujours considérée comme faisant partie des puissances mondiales de premier plan, la relation entre Giorgia Meloni et Joe Biden pourrait avoir des retombées notables en raison de l'importance structurelle de l'Italie en Europe et en Occident au sens large. Elle n'est pas seulement un pays clé du G7, mais occupera également la présidence de ce club des puissances occidentales l'année prochaine, alors que le conflit en Ukraine pourrait se poursuivre.

L’Italie, troisième économie de la zone euro, a déclenché des ondes de choc sismiques à travers le monde occidental en devenant le premier (et jusqu'à présent le seul) membre du G7 à s'engager avec l'initiative chinoise de la Ceinture et la Route (BRI) en 2019, sous l'administration du Premier ministre Giuseppe Conte. Cela avait provoqué de sévères reproches de la part de l'administration Trump, Garrett Marquis, alors porte-parole du Conseil de sécurité nationale des États-Unis, ayant affirmé «que le gouvernement italien n’avait pas besoin de donner une légitimité au projet d'infrastructure vaniteux de la Chine».

La préoccupation des États-Unis concernant l’initiative chinoise de la Ceinture et la Route, d’une valeur d’un trillion d'euros, découle de sa nature extrêmement ambitieuse, qui se trouve au centre d'une lutte géopolitique entre Pékin et Washington. La Chine a de grands projets pour renforcer le commerce et stimuler la croissance économique en Asie, en Afrique et au-delà, en établissant un nombre impressionnant d'infrastructures, et en les reliant aux pays du monde entier.

Alors que l'administration de Trump était contrariée par la décision de l'Italie au sujet de la BRI, l’inquiétude concernant l'influence de la Chine en Europe est partagée par les Démocrates et le Républicains à Washington, étant donné les préoccupations de nombreux Démocrates concernant l'influence internationale croissante de la Chine. Cela a été souligné pendant l'administration Obama, lorsque les responsables américains avaient exprimé leurs préoccupations au sujet du degré de rapprochement entre le Royaume-Uni et Pékin sous le gouvernement de David Cameron.

Cependant, ce n'est pas seulement Washington qui est concerné par la participation de l'Italie dans la BRI, mais aussi Bruxelles. Les responsables de l'Union européenne (UE) sont de plus en plus conscients de l'influence de la Chine sur le continent, un nombre croissant d'États de l'UE ayant signé des protocoles d'accord à ce sujet, notamment la Croatie, la République tchèque, la Hongrie, la Pologne, la Grèce, Malte et le Portugal.

Comme Washington, Bruxelles émet des réserves sur la BRI, notamment en raison de ses frustrations grandissantes face à la lenteur de Pékin à ouvrir sa propre économie et en raison d’ une vague de rachats chinois d'entreprises européennes dans des secteurs clés. Les responsables de l'UE sont également préoccupés par l'initiative 16 + 1 de Pékin avec des pays clés d'Europe centrale et orientale.

Cependant, Giorgia Meloni, qui est arrivée au pouvoir en octobre dernier, donne des signes montrant que l’Italie pourrait opérer un revirement sur la BRI. Elle a notamment mentionné  qu’il «y a des évaluations en cours... la question doit être traitée avec attention et respect, tout en requérant la participation du Parlement». L'accord que Rome a signé en 2019 sera automatiquement renouvelé pour cinq ans en mars 2024 si aucune des parties ne se retire, en donnant un préavis de trois mois.

«Giorgia Meloni, qui est arrivée au pouvoir en octobre dernier, donne des signes d’un possible revirement italien sur la BRI.»

Andrew Hammond

Giorgia Meloni a affirmé que Joe Biden ne l'avait jamais confrontée sur la question de la participation de l'Italie à la BRI. Cependant, la Maison Blanche accueillerait sans aucun doute favorablement un revirement italien.

La justification d’un possible revirement n'est pas seulement liée à la sécurité de l’Occident. Il existe jusqu'à présent peu de preuves que l'Italie ait bénéficié économiquement de cet accord. Au cours des quatre dernières années, les exportations italiennes vers la Chine ont augmenté pour atteindre près de 16,4 milliards d'euros par rapport à une valeur de référence de 13 milliards d'euros. Cependant, le déficit commercial global de l'Italie avec la Chine a augmenté.

Le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a déclaré que tout retrait italien de la BRI serait une décision à courte vue. Il a affirmé la semaine dernière que, «malgré les affirmations répétées de l'Italie selon lesquelles le développement des relations ne sera pas contrecarré sans la BRI, l'annonce de la décision de Giorgia Meloni aux États-Unis sera considérée comme un signal clair que l'Italie se rapproche davantage de Washington».

L'ambassadeur de Chine en Italie, Jia Guide, a fait écho à ces avertissements de Pékin. Il a déclaré que si l'Italie choisissait de se retirer de la BRI – une plate-forme qui, selon lui, témoigne d’une confiance politique mutuelle et d’une coopération stratégique avec la Chine – cela aurait un impact négatif sur l'image et la crédibilité du pays.

C'est donc cette grande décision à venir pour l'Italie qui a marqué la rencontre entre Joe Biden et Giorgia Meloni. Dans le même ordre d'idées, les deux dirigeants ont discuté de la guerre en Ukraine et des préparations en cours de l'Italie pour le G7 en 2024, qui se trouve être également une grande année électorale aux États-Unis. Giorgia Meloni a déjà déclaré que la priorité sera «de travailler à la reconstruction de l'Ukraine comme un moyen de parier sur un avenir de paix, de liberté et de prospérité euro-atlantique pour cette nation».

Bien que Joe Biden et Giorgia Meloni ne soient pas d’accord sur un certain nombre de points, le président américain est heureux de son soutien apparemment indéfectible non seulement à l'Ukraine, mais aussi à l'Otan, malgré un malaise important au sein de la population italienne à propos de la guerre. Il est également conscient qu'en Italie, des partis politiques contestataires, comme La Ligue – qui fait partie de la coalition gouvernementale – avaient, avant le conflit en Ukraine, demandé une réévaluation des relations entre Rome avec Moscou, notamment en appelant à la levée des sanctions de l'UE à l’égard de la Russie avant 2022.

Giorgia Meloni a également discuté avec Joe Biden de l'Afrique, qui sera un autre élément clé de la présidence italienne du G7. Elle soutient qu’aider davantage des pays comme la Tunisie est nécessaire pour empêcher les migrants de faire des tentatives périlleuses pour traverser la Méditerranée vers l'Europe.

Dans l'ensemble, la réunion de jeudi pourrait être le premier signe d'une relation italo-américaine renforcée. Les deux pays étant depuis longtemps alliés. Tout retrait de la BRI par l'Italie serait largement bien accueilli à Washington, par les deux partis américains.

Andrew Hammond est chercheur associé au LSE Ideas, à la London School of Economics

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com