Le rapprochement entre Macron et Meloni pourrait avoir des répercussions au-delà de l'Europe

Si la réinitialisation Macron-Meloni se confirme, elle pourrait modifier l'équilibre des pouvoirs en Europe. (Reuters)
Si la réinitialisation Macron-Meloni se confirme, elle pourrait modifier l'équilibre des pouvoirs en Europe. (Reuters)
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Publié le Dimanche 08 juin 2025

Le rapprochement entre Macron et Meloni pourrait avoir des répercussions au-delà de l'Europe

Le rapprochement entre Macron et Meloni pourrait avoir des répercussions au-delà de l'Europe
  • Si la réinitialisation Macron-Meloni se confirme, elle pourrait modifier l'équilibre des pouvoirs en Europe. 
  • Cette réinitialisation ne se concentre pas uniquement sur les questions européennes, mais également sur celles qui se situent bien au-delà, notamment la Libye et la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord au sens large.

Les désaccords entre le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre italien Giorgia Meloni ont été légion. Cependant, tous deux ont tenté d'enterrer la hache de guerre cette semaine dans une démarche qui pourrait potentiellement contribuer à remodeler non seulement la politique européenne, mais aussi les questions étrangères, y compris la situation en Libye.

Le journal italien Corriere della Sera a décrit leur grande réunion de mardi comme un "sommet décisif", tandis que Il Messaggero a titré que "Meloni se réconcilie avec Macron" dans le cadre d'un "dégel". Il s'agit là d'un véritable tournant potentiel dans les relations entre les dirigeants des deuxième et troisième plus grandes économies de l'UE.

Pourtant, cette évolution n'est pas tout à fait surprenante. Pendant la majeure partie de l'après-guerre, l'Allemagne et la France ont été les moteurs d'une intégration européenne toujours plus étroite. Toutefois, M. Macron a entretenu des relations inégales avec les trois chanceliers allemands avec lesquels il a travaillé, et il reste à voir ce qui se passera avec le dernier en date, Friedrich Merz.

Si les relations de M. Macron avec M. Merz pourraient bien être meilleures qu'avec le prédécesseur de M. Merz, Olaf Scholz, il n'y a aucune garantie. Le président français cherche donc à poursuivre son projet de rééquilibrage géopolitique en renforçant ses relations avec d'autres puissances de l'UE, notamment l'Italie et l'Espagne.

Les relations de M. Macron avec l'Italie ont atteint leur apogée sous le premier ministre Mario Draghi, de 2021 à 2022. Ils ont signé le "traité du Quirinal" pour la coopération bilatérale, dont la promesse présente des similitudes avec le traité de l'Élysée entre la France et l'Allemagne, conçu pour reconstruire leurs relations après la Seconde Guerre mondiale.

Dans le cadre de cet accord, la France et l'Italie se sont engagées à renforcer leur coordination en matière de sécurité, de défense, de migration, de coopération technologique, y compris la 5G et l'intelligence artificielle, et de macroéconomie.

En outre, dans le domaine des affaires européennes, Paris et Rome chercheront à se coordonner davantage avant les sommets des dirigeants européens pour tenter de s'accorder sur des positions communes, un processus qui a longtemps eu lieu entre la France et l'Allemagne.

L'accord de coopération a été évoqué pour la première fois par M. Macron en 2018, alors que Paolo Gentiloni était premier ministre italien. Toutefois, les relations entre les deux pays se sont détériorées lorsque le gouvernement populiste de la Ligue et du Mouvement 5 étoiles, dirigé par Giuseppe Conto, a succédé à l'administration de M. Gentiloni la même année.

Depuis l'entrée en fonction de Meloni il y a près de trois ans, les tensions franco-italiennes ont refait surface, y compris les premiers désaccords sur la migration, et un autre lors du sommet italien du G7 en 2024 sur les droits à l'avortement. Plus récemment, il y a eu des tensions géopolitiques plus larges, notamment sur la meilleure façon de s'engager avec le président américain Donald Trump au cours de son deuxième mandat à la Maison Blanche, y compris sur les relations commerciales, et aussi sur les prochaines étapes du soutien à l'Ukraine.

Par exemple, M. Macron a parfois irrité M. Meloni avec ses tentatives de mettre en place une "coalition de volontaires" pour aider Kiev. Le président français a, par exemple, fait allusion à l'idée que les États membres de l'UE déploient des troupes sur le terrain en Ukraine, une décision qui serait profondément impopulaire en Italie.

Si la réinitialisation Macron-Meloni se confirme, elle pourrait modifier l'équilibre des pouvoirs en Europe.                       Andrew Hammond

Le mois dernier, M. Meloni n'a pas assisté à une réunion de travail de la coalition ukrainienne des volontaires en Albanie, en marge du sommet de la Communauté politique européenne. De retour à Rome le lendemain, elle a appelé M. Macron et les autres dirigeants européens à "abandonner l'égoïsme" et à se concentrer sur "l'unité de l'Occident".

Ces quelques désaccords ne sont pas surprenants. Mme Meloni est une populiste de droite issue de la classe ouvrière et d'un milieu anti-immigration. Macron a travaillé comme banquier d'affaires et a reçu une éducation d'élite.

Toutefois, il semble que les deux dirigeants souhaitent enterrer la hache de guerre. Lors de leur rencontre mardi, à l'occasion du premier voyage du président français en Italie depuis que M. Meloni est devenu premier ministre, ils ont proposé un "engagement commun" sur des défis partagés, notamment les droits de douane américains.

Ils ont déclaré que "l'Italie et la France, fidèles à leur rôle d'États fondateurs de la structure européenne, entendent renforcer leur engagement commun en faveur d'une Europe plus souveraine, plus forte et plus prospère, et surtout en faveur de la paix". En outre, un sommet bilatéral aura lieu en France au début de l'année 2026.

Cette réinitialisation ne se concentre pas uniquement sur les questions européennes, mais également sur celles qui se situent bien au-delà, notamment la Libye et la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord au sens large. MM. Macron et Meloni craignent tous deux que la Russie ne tente de renforcer sa présence dans l'est de la Libye afin de maintenir un pied dans la Méditerranée après l'éviction de l'allié de Moscou, Bachar Assad, de la Syrie en décembre.

Si la réinitialisation Macron-Meloni se confirme, elle pourrait donc modifier l'équilibre des pouvoirs en Europe. Les deux dirigeants doivent discuter d'un vaste programme de politique intérieure, notamment de la compétitivité économique et de la coopération industrielle, comme le constructeur automobile franco-italien Stellantis, qui a nommé un nouveau PDG italien le mois dernier.

Sur le plan international, ils ont la possibilité de travailler plus étroitement de concert. L'Italie pourrait bénéficier de l'influence accrue de la France sur la scène diplomatique mondiale, notamment de son siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies.

La France, quant à elle, pourrait mieux tirer parti des relations étroites de Mme Meloni avec M. Trump et le vice-président américain J.D. Vance, qui partagent une grande partie de son programme populiste de droite. Le mois dernier, Mme Meloni a organisé des discussions à Rome entre la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et M. Vance, ce dernier soulignant le rôle du premier ministre italien en tant que "bâtisseur de ponts entre l'Europe et les États-Unis" sous M. Trump.

Meloni et Macron ont donc tous deux des incitations importantes à accroître la coopération. Toutefois, cette réinitialisation des relations franco-italiennes devra relever de nombreux défis, et il est loin d'être certain qu'elle perdurera jusqu'à la fin de leurs mandats.

Andrew Hammond est associé à LSE IDEAS à la London School of Economics.

Clause de non-responsabilité : les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com