En Arménie, le lucratif commerce de voitures vers la Russie, malgré les sanctions

Des voitures d'occasion sont visibles sur une remorque à l'extérieur d'un poste de douane dans la ville arménienne de Gyumri, le 20 juillet 2023. (Photo de Karen MINASYAN / AFP)
Des voitures d'occasion sont visibles sur une remorque à l'extérieur d'un poste de douane dans la ville arménienne de Gyumri, le 20 juillet 2023. (Photo de Karen MINASYAN / AFP)
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Publié le Vendredi 04 août 2023

En Arménie, le lucratif commerce de voitures vers la Russie, malgré les sanctions

  • Les voitures d'occasion, achetées sur des sites de vente aux enchères aux Etats-Unis sont ensuite transportées jusqu'au port géorgien de Poti, réparées, transportées jusqu'en Arménie pour y être dédouanées, puis acheminées en Russie par voie terrestre
  • Ukrainiens et Occidentaux craignent que les partenaires économiques historiques de la Russie dans le Caucase et en Asie centrale n'aident Moscou à contourner les sanctions

GYUMRI, Arménie : Une caravane de camions plateau chargés de voitures d'occasion serpente sur des kilomètres de route poussiéreuse vers la ville arménienne de Gyumri : ici, les sanctions occidentales contre la Russie ont créé de juteuses opportunités commerciales.

Parmi les mesures prises à l'encontre de Moscou pour son invasion de l'Ukraine en février 2022, les Etats-Unis et l'Union européenne ont notamment interdit l'exportation de véhicules vers la Russie.

Mais ceux-ci peuvent toujours être exportées via des pays tiers, comme l'Arménie, et Iaroslav Koltchenko, un vendeur de voitures d'occasion, a tout à y gagner.

Sirotant un café noir dans un café de Gyumri, cet homme de 31 ans, natif de Saint-Pétersbourg, en Russie, explique à l'AFP son commerce.

«Aujourd'hui, même les Russes les plus riches n'ont accès qu'à des voitures d'occasion importées en Russie via l'Arménie», résume-t-il, en décrivant le trajet des véhicules jusque son pays natal.

«Les voitures d'occasion, endommagées ou bon marché, sont achetées sur des sites de vente aux enchères aux Etats-Unis», explique-t-il.

Elles sont ensuite «transportées jusqu'au port géorgien de Poti, réparées, transportées jusqu'en Arménie pour y être dédouanées, puis acheminées en Russie par voie terrestre via la Géorgie».

Ce nouvel itinéraire, lucratif, explique en partie les inquiétudes croissantes des Ukrainiens et des Occidentaux, qui craignent que les partenaires économiques historiques de la Russie dans le Caucase et en Asie centrale n'aident Moscou à contourner les sanctions.

- «Très rentable» -

L'Arménie a attiré leur attention l'an passé, quand le président Vahagn Khatchatourian a assuré que la Russie «résisterait aux sanctions» et promis de resserrer encore davantage les liens économiques avec le «pays frère».

Pays pauvre du Caucase, ex-république soviétique, l'Arménie a conclu un accord de libre-échange avec la Russie et le dédouanement des voitures en Arménie est bon marché. Cela a permis à l'Arménie de devenir une plaque tournante des réexportations depuis les Etats-Unis, après la fermeture des concessionnaires automobiles occidentaux en Russie.

Andreï, un associé de M. Koltchenko, qui n'a souhaité donner que son prénom, explique qu'ils travaillaient dans ce secteur depuis le début de la guerre en Ukraine.

«Nous avons vendu huit voitures au cours du seul mois d'avril et nous prévoyons d'étendre notre activité, qui est très rentable», révèle-t-il.

A titre d'exemple, une voiture que les deux hommes viennent d'acheter 13.000 dollars sera revendue à Saint-Pétersbourg pour au moins 23.000 dollars, les frais de douane s'élevant à environ 5.000 dollars.

De quoi expliquer pourquoi le commerce entre l'Arménie et la Russie est monté en flèche depuis l'invasion de l'Ukraine: selon les données officielles, les exportations ont été multipliées par 2,4, atteignant le montant record de 2,4 milliards de dollars (2,2 milliards d'euros) en 2022.

Les réexportations de voitures ont augmenté de 170% l'année dernière et plus de 450.000 voitures --principalement en provenance des Etats-Unis-- ont été acheminées vers la Russie au cours du premier trimestre 2023.

- «Contourner les sanctions» -

En mars, les départements américains de la Justice, du Trésor et du Commerce ont estimé dans un rapport que l'Arménie faisait partie des pays utilisés pour réexpédier des biens vers la Russie.

Le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a expliqué en juillet à l'AFP qu'il était difficile pour l'Arménie de se plier aux sanctions économiques occidentales sans gâcher sa relation avec un partenaire clé.

«Nous sommes en contact étroit et coopérons avec l'envoyé spécial de l'UE et le représentant des Etats-Unis pour nous assurer que nous agissons en tant que membre responsable de la communauté internationale», a-t-il déclaré.

«Au niveau officiel, nous n'avons pas d'objections ou de plaintes de nos partenaires européens ou américains, ni de la part de la Russie», a affirmé M. Pachinian.

Pour Iaroslav Koltchenko, il est toutefois clair que «ce qui se passe ici à Gyumri montre que toutes les sanctions peuvent être contournées».

«Les Américains ne sont pas contents, et ils essaieront probablement de créer des problèmes, mais ils échoueront. On ne peut pas isoler un pays aussi grand que la Russie», veut-il croire.

A l'ombre d'un acacia, Andreï sourit en signe d'assentiment. «Comme on dit,  si vous bloquez une rivière, l'eau trouvera toujours un nouveau canal», lance-t-il.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".