Après le sommet de Djeddah, la formule de paix de l’Ukraine est la seule voie à suivre

"La Russie doit respecter l'intégrité territoriale de l'Ukraine à l'intérieur de ses frontières internationalement reconnues", a déclaré M. Kuleba à Arab News. (Photo, AN)
"La Russie doit respecter l'intégrité territoriale de l'Ukraine à l'intérieur de ses frontières internationalement reconnues", a déclaré M. Kuleba à Arab News. (Photo, AN)
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Publié le Mercredi 16 août 2023

Après le sommet de Djeddah, la formule de paix de l’Ukraine est la seule voie à suivre

  • Le diplomate en chef de l’Ukraine déclare que le monde se dirige vers un sommet de la paix mondiale
  • Il félicite le «rôle constructif de l’Arabie saoudite dans la politique internationale»

RIYAD: Le monde se rapproche d'un sommet pour la paix, mais mettre fin au conflit avec la Russie ne peut être réalisé que si le plan de paix de l'Ukraine est respecté, souligne Dmytro Kuleba, ministre des Affaires étrangères de l'Ukraine, dans une interview exclusive accordée à Arab News.

Lors d'une interview exclusive réalisée via Zoom, M. Kuleba a indiqué qu'il était encore prématuré d'aborder en détail les lieux ou les dates spécifiques d'un sommet mondial. Cependant, il a affirmé que le dialogue progressait dans la bonne direction, à condition que la formule de paix ukrainienne soit mise en œuvre.

De hauts fonctionnaires de quarante-deux pays se sont rassemblés à Djeddah, en Arabie saoudite, les 5 et 6 août, dans le but d'élaborer les principes phares pour mettre fin à la guerre avec la Russie. Ce sommet faisait suite à un forum similaire qui s'était tenu à Copenhague, au Danemark, plus tôt cet été.

Dmytro Kuleba commente: «À la suite de la réunion de Djeddah, je peux affirmer que nous progressons définitivement dans cette direction à un bon rythme et que cela se concrétisera. Nous travaillons en étroite collaboration avec l'Arabie saoudite et d'autres pays impliqués pour organiser ce sommet, comme proposé par l'Ukraine.»

«Et l'objectif de ce sommet est très clair, la formule de paix de l'Ukraine, qui est une manière globale de résoudre le conflit, donnera des résultats, et tous les enjeux couverts par cette solution de paix commenceront à être mis en œuvre.»

«C'est la seule voie à suivre, selon la Charte des nations unies et le droit international.»

Volodymyr Zelensky, le président ukrainien, a déclaré qu'il espère que l'initiative diplomatique conduira à un sommet de paix des dirigeants mondiaux à l'automne pour approuver les principes, basés sur sa propre formule en dix points pour un règlement.

Il a présenté le plan lors du sommet du Groupe des vingt (G20) à Bali, en Indonésie, en novembre dernier.

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Celui-ci abordait la sécurité nucléaire, la sécurité alimentaire et énergétique, la libération des prisonniers, la restitution du territoire, la cessation des hostilités, la responsabilité des crimes de guerre, la sécurité environnementale, la prévention des futures agressions et la confirmation de la fin de la guerre. Arab News a contacté l'ambassade de Russie pour un commentaire, sans succès.

Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, a récemment déclaré que Moscou appréciait les «initiatives humanitaires et de médiation» des amis de la Russie, tout en réitérant le rejet par son pays de la « formule de paix » proposée par l'Ukraine.

«En promouvant la formule de Zelensky, le régime de Kiev et l'Occident tentent de minimiser l'importance des initiatives de paix proposées par d'autres pays et de monopoliser le droit de les faire avancer», a-t-elle affirmé lors d'une conférence de presse la semaine dernière. 

La réunion de Djeddah, qui vient de s'achever, s'est terminée sans conférence de presse de clôture ni déclaration officielle saoudienne. Toutefois, le Royaume a maintenu jusqu'à présent son désir de servir d'intermédiaire neutre entre la Russie et l'Ukraine. Mardi, le Cabinet saoudien a décrit le sommet de Djeddah comme une poursuite des initiatives et des efforts du prince héritier visant à contribuer à la réalisation d'une paix durable et à réduire l'impact humanitaire de la crise.

Lors de la réunion de Copenhague en juin, la demande de l'Ukraine selon laquelle toutes les troupes russes devaient se retirer avant le début des pourparlers de paix a été considérée par certains pays participants comme une demande irréaliste.

La Russie, qui contrôle de vastes parties du territoire ukrainien, notamment la Crimée et des parties de Donetsk et Louhansk, a déclaré que toute négociation devait tenir compte des «nouvelles réalités territoriales».

Interrogé sur la signification des positions de ces deux nations, M. Kuleba affirme que l'Ukraine avait la «vérité» de son côté.

«De toutes les perspectives, légales, politiques, économiques et historiques, la Russie doit respecter l'intégrité territoriale de l'Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues», déclare-t-il.

«Les frontières ont été reconnues par la Russie, ainsi que par le reste du monde, notamment l'Arabie saoudite et d'autres pays. Donc, la différence entre notre position et celle de la Russie est que notre position est légitime, à l’inverse de la leur.»

«Et la vérité dans ce cas est de notre côté. Alors pourquoi ne devrions-nous pas la poursuivre?»

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La rédactrice en chef adjointe d'Arab News, Noor Nugali, s'est entretenue en exclusivité avec Dmytro Kuleba, de l'Ukraine. (Photo, AN)

Commentant le sommet de Djeddah, le porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov, avait déclaré que «toute tentative de promouvoir un règlement pacifique mérite une évaluation positive».

Quand on lui a demandé si cela pouvait suggérer que la Russie était prête à envisager d'autres moyens pour parvenir à la paix, Dmytro Kuleba a fait remarquer que Kiev ne croit pas aux paroles de Moscou – seules les actions importent.

«Je pense qu'il serait trop tôt et naïf de tirer des conclusions d'un seul commentaire du porte-parole du président Poutine», souligne M. Kuleba.

«À différentes occasions, non seulement lui, mais d'autres hauts responsables russes ont également déclaré que l'agression russe contre l'Ukraine se poursuivra tant que la Russie atteindra les objectifs de cette agression.»

«Nous ne faisons donc pas confiance aux paroles russes. Nous voulons voir des actions russes spécifiques sur le terrain pour en conclure qu'ils sont prêts à restaurer la paix. Pour l'instant, ce n'est pas le cas.»

Arab News a contacté l'ambassade de Russie pour obtenir un commentaire, mais sans succès.

Dmytro Kuleba a reconnu le rôle prépondérant de l'Arabie saoudite dans les efforts visant à résoudre la crise ukrainienne, depuis l'échange de prisonniers qu'elle a facilité en septembre 2022 jusqu'à l'intervention de M. Zelensky devant la Ligue arabe à Djeddah en mai de cette année et, plus récemment, en tant qu'hôte du sommet de ce mois-ci.

«J’estime que l'Arabie saoudite joue un rôle très constructif dans les affaires liées à l'agression russe contre l'Ukraine», précise-t-il.

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«Nous sommes conscients que votre direction a identifié une possibilité pour l'Arabie saoudite de jouer un rôle véritablement global et positif sur la scène de la politique internationale.»

«Et je ne peux que saluer la vision et le leadership de votre pays dans ces affaires, car pour résoudre les problèmes mondiaux, il faut avoir une ambition mondiale. L'Arabie saoudite a clairement démontré qu'elle a cette ambition.»

«En conséquence, elle a également prouvé sa capacité à réaliser énormément de choses, ce qui ne peut qu'être accueilli et salué.»

Récemment, les responsables ukrainiens ont porté leurs efforts diplomatiques vers la construction d'un soutien au-delà des principaux soutiens occidentaux de Kiev en s'adressant aux pays du Sud mondial.

Interrogé sur les raisons pour lesquelles l'Ukraine considère soudainement le Sud mondial comme une composante si essentielle, M. Kuleba a indiqué qu’un nombre important de ces nations avaient souffert de l'agression russe.

«Bien que l'agression russe contre l'Ukraine se déroule en Europe, elle a des répercussions mondiales et ce sont les pays du Moyen-Orient, d'Asie, d'Afrique et d'Amérique du Sud qui ressentent les conséquences de cette agression», déclare Dmytro Kuleba.

«C'est pourquoi il est essentiel que tous ces pays s'associent dans un effort commun visant à mettre fin à ce conflit, afin d’alléger la pression sur nos économies, pour la sécurité alimentaire mondiale et, bien sûr, pour rétablir le respect du droit international, ceci étant dans l'intérêt de tous.»

Lorsqu'on l'a questionné sur la possibilité que des pays tels que la Turquie, l'Inde, l'Indonésie, l'Afrique du Sud, le Brésil et même la Chine aient les incitations ou l'influence nécessaires pour convaincre le Kremlin de modifier sa trajectoire, M. Kuleba a expliqué que cela constituerait un processus graduel, mais qu'il se déroulerait dans la bonne direction.

«Si je regarde la liste des pays qui ont participé à la réunion similaire des conseillers à la sécurité nationale et des représentants des ministères des Affaires étrangères à Copenhague, il y a un peu plus d'un mois, puis à la réunion de suivi à Djeddah, je constate que le nombre de pays participants augmente – notamment la Chine, qui a rejoint le format pour la première fois – ce qui témoigne du fait très simple qu'ils y voient de la valeur et que leur incitation évolue», déclare-t-il.

«Cela ne se produit pas en un jour, mais la dynamique générale de ce processus est positive. Et je tiens à remercier une fois de plus l'Arabie saoudite d'avoir joué un rôle très constructif en aidant d'autres pays à rejoindre le processus et à y réaliser leurs intérêts.»

Dmytro Kuleba spécifie que c’est la voix collective du Sud mondial, par opposition aux nations individuelles, qui amènerait finalement la Russie à la table des négociations.

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«Si l'on prend la Chine, elle entretient des relations spéciales avec la Russie», indique-t-il. «Si l'on prend la Turquie, elle entretient des relations très profondes avec la Russie. Si l'on prend l'Arabie saoudite, on peut en dire autant.»

«Alors, peut-être que chaque pays agissant individuellement ne dispose pas des ressources nécessaires pour influencer la Russie à changer de position. Cependant, si tous ces pays sont réunis, l'effet cumulatif sur la Russie pourrait être décisif.»

«Et c'est précisément l'objectif; réunir tous ceux qui sont prêts à transformer la situation pour le mieux. Ensemble, nous pouvons mettre fin à cette guerre, mettre en place une formule de paix et restaurer l'intégrité territoriale de l'Ukraine, dans l'intérêt de la communauté internationale tout entière.»

Cependant, des inquiétudes persistent parmi les pays du Sud global concernant les risques de compromettre leurs relations avec la Russie en s'alignant aux côtés de l'Ukraine. En effet, même l'Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) semble hésitante quant à la manière dont elle doit agir pour confronter la Russie, refusant de proposer une voie claire permettant à l'Ukraine de rejoindre l'alliance militaire.

«Je pense que ce sont deux voies distinctes», déclare M. Kuleba. «L'Ukraine se dirige progressivement vers son intégration dans l'Union européenne (UE) et l'Otan pour des raisons économiques et de sécurité. C'est un choix très naturel pour notre pays, compte tenu de notre histoire et de notre géographie.»

«Les pays du Sud global ont beaucoup perdu en raison de l'agression russe contre notre pays. Mais cela n'a rien à voir avec nos aspirations à devenir membres de l'UE ou de l'Otan.»

«Ce que les pays d'Asie, d'Afrique, du Moyen-Orient et d'Amérique du Sud veulent voir, ce sont des marchés mondiaux de l'alimentation stables, des perspectives de commerce avec l'Ukraine et l'exploitation du plein potentiel de l'éducation pour leurs étudiants en Ukraine. Tout cela fonctionnait parfaitement avant que la Russie n'attaque.»

«Je n'ai donc pas l'impression que les pays du monde voient la situation à travers le prisme des intérêts régionaux de l'Ukraine, qui visent une intégration étroite avec l'UE et l'Otan.»

L'Ukraine semble considérer le retrait de la Russie de l'Initiative pour les céréales de la mer Noire en juillet comme un problème autour duquel elle pourrait peut-être mobiliser le soutien du Sud global.

L'Ukraine et la Russie figurent parmi les principaux exportateurs mondiaux de céréales. L'accord sur les céréales a été négocié par l'Organisation des nations unies (ONU) et la Turquie en juillet 2022 afin d’aider à combattre une crise alimentaire mondiale aggravée par l'invasion.

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La Russie a déclaré que trop peu de céréales étaient parvenues aux pays pauvres en vertu des termes de l'accord – une affirmation contestée par l'ONU. Moscou estimait également que la partie de l'accord permettant une augmentation des exportations agricoles russes n'était pas respectée par l'Occident en raison des sanctions.

En réponse à l'argument du Kremlin, Dmytro Kuleba a déclaré que la Russie n'avait pas le droit de demander des conditions préférentielles dans une crise qu'elle avait elle-même provoquée.

«Il convient de revenir à février 2022, lorsque la Russie a lancé une attaque illégale contre l'Ukraine et a imposé un blocus sur les exportations maritimes ukrainiennes de céréales. Cette action était en violation de la loi et illégitime», précise-t-il.

«Ainsi, lorsque la Russie tente de négocier en sa faveur à la suite de ses propres actions illégales, il est inapproprié de considérer l'apaisement des préoccupations et des intérêts légitimes de la Russie dans de telles circonstances.»

«La Russie est à l'origine de ce problème et elle doit déployer tous les efforts nécessaires pour le résoudre, plutôt que de chercher à maintenir le blocus des ports ukrainiens et de tenter de protéger ses propres intérêts sur la scène mondiale. Ce n'est tout simplement pas la manière dont les choses fonctionnent.»

Si ce genre de comportement de la Russie est toléré, d'autres acteurs à travers le monde pourraient être tentés d'adopter la même approche, de générer des problèmes, puis d’essayer de les résoudre au détriment d'autrui, plutôt que d'éliminer simplement la cause initiale – la raison fondamentale des problèmes auxquels nous sommes tous confrontés.

Noor Nugali est rédactrice en chef adjointe d'Arab News.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com

 


Des rapports internes concluent à un climat antisémite et anti-musulman à Harvard

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
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  • Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël
  • Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants

NEW YORK: Deux rapports distincts sur Harvard publiés mardi par l'université ont établi qu'un climat antisémite et anti-musulman s'était installé sur le campus de la prestigieuse université américaine, dans le viseur de Donald Trump, et la pressent d'agir pour y remédier.

Ces deux rapports de plusieurs centaines de pages, construits notamment à partir de questionnaires et de centaines de témoignages d'étudiants et d'encadrants menés depuis janvier 2024, sont rendus au moment où l'université implantée près de Boston (nord-est) s'est attiré les foudres de Donald Trump, qui l'a dernièrement dépeinte en "institution antisémite d'extrême gauche", "foutoir progressiste" et "menace pour la démocratie".

Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël après l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants, a établi que les deux phénomènes "ont été alimentés, pratiqués et tolérés, non seulement à Harvard, mais aussi plus largement dans le monde universitaire".

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël".

Un autre groupe de travail distinct, lui consacré aux positions anti-musulmans, anti-arabes et anti-Palestiniens, a conclu à "un sentiment profondément ancré de peur parmi les étudiants, les enseignants et le personnel". Les personnes interrogées décrivent "un sentiment de précarité, d'abandon, de menace et d'isolement, ainsi qu'un climat d'intolérance omniprésent", écrivent ses auteurs.

"Harvard ne peut pas - et ne va pas - tolérer l'intolérance. Nous continuerons à protéger tous les membres de notre communauté et à les préserver du harcèlement", s'engage dans une lettre accompagnant les deux rapports le président de Harvard, Alan Garber, à l'initiative des deux rapports, en promettant de "superviser la mise en oeuvre des recommandations" préconisées.

Harvard, l'université la plus ancienne des Etats-Unis et une des mieux classées au monde, s'est distinguée en étant la première à attaquer en justice l'administration Trump contre un gel de plus de deux milliards de dollars de subventions fédérales, décidé après que la célèbre institution a refusé de se plier à une série d'exigences du président.

Donald Trump, qui reproche aux universités d'être des foyers de contestation progressiste, veut avoir un droit de regard sur les procédures d'admission des étudiants, les embauches d'enseignants ou encore les programmes.

L'accusation d'antisémitisme est fréquemment employée par son administration pour justifier ses mesures contre les établissements d'enseignement supérieur, ainsi que contre certains étudiants étrangers liés aux manifestations contre la guerre à Gaza.


Canada: le libéral Mark Carney donné vainqueur après une campagne centrée sur Trump

Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
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  • Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays
  • Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti

OTTAWA: Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays.

Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti.

Il y a quelques mois encore, la voie semblait toute tracée pour permettre aux conservateurs canadiens emmenés par Pierre Poilievre de revenir aux affaires, après dix ans de pouvoir de Justin Trudeau.

Mais le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et son offensive inédite contre le Canada, à coups de droits de douane et de menaces d'annexion, ont changé la donne.

A Ottawa, où les libéraux sont réunis pour la soirée électorale dans une aréna de hockey, l'annonce des résultats a provoqué une salve d'applaudissements et des cris enthousiastes.

"Je suis si heureuse", lâche sur place Dorothy Goubault, originaire de la région des Mille Iles en Ontario. "Je suis contente car nous avons quelqu'un qui peut parler à M. Trump à son niveau. M. Trump est un homme d'affaires. M. Carney est un homme d'affaires, et je pense qu'ils peuvent tous les deux se comprendre".

Pour le ministre Steven Guilbeault, "les nombreuses attaques du président Trump sur l'économie canadienne, mais aussi sur notre souveraineté et notre identité même, ont vraiment mobilisé les Canadiens", a-t-il déclaré sur la chaine publique CBC.

Et les électeurs "ont vu que le Premier ministre Carney avait de l'expérience sur la scène mondiale".

Mark Carney n'avait pas encore pris la parole à minuit locales (04H00 GMT), tandis que se poursuivait le dépouillement.

Dans les longues files devant les bureaux de vote toute la journée, les électeurs ont souligné l'importance de ce scrutin, parlant d'élections historiques et déterminantes pour l'avenir de ce pays de 41 millions d'habitants.

- "Chaos" -

À 60 ans, Mark Carney, novice en politique mais économiste reconnu, a su convaincre une population inquiète pour l'avenir économique et souverain du pays qu'il était la bonne personne pour piloter le pays en ces temps troublés.

Cet ancien gouverneur de la banque du Canada et de Grande-Bretagne n'a cessé de rappeler pendant la campagne que la menace américaine est réelle pour le Canada.

"Ils veulent nos ressources, notre eau. Les Américains veulent notre pays", a-t-il prévenu.

"Le chaos est entré dans nos vies. C'est une tragédie, mais c'est aussi une réalité. La question clé de cette élection est de savoir qui est le mieux placé pour s'opposer au président Trump?", a-t-il expliqué pendant la campagne.

Pour faire face, il a promis de maintenir des droits de douane sur les produits américains tant que les mesures de Washington seront en place.

Mais aussi de développer le commerce au sein de son pays en levant les barrières douanières entre provinces et de chercher de nouveaux débouchés, notamment en Europe.

En face, le chef conservateur, qui avait promis des baisses d'impôts et des coupes dans les dépenses publiques, n'a pas réussi à convaincre les électeurs de ce pays du G7, 9e puissance mondiale, de tourner le dos aux libéraux.

Pierre Poilievre aura aussi souffert jusqu'au bout de la proximité, de par son style et certaines de ses idées, avec le président américain, ce qui lui a aliéné une partie de l'électorat, selon les analystes.

Au QG des conservateurs à Ottawa, Jason Piche se dit toutefois "surpris" des résultats, "je pensais que ce serait plus serré que ça".

Un peu plus loin, Jean-Guy Bourguignon, homme d'affaires de 59 ans, se dit carrément "très triste". "Est-ce que c'est vraiment ça le pays dans lequel nous voulons vivre?", demande-t-il alors qu'il énumère les politiques des libéraux, qu'il juge liberticides.

Près de 29 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes dans ce vaste pays du G7 qui s'étend sur six fuseaux horaires. Et plus de 7,3 millions de personnes avaient voté par anticipation, un record.


Ukraine: Poutine annonce une trêve du 8 au 10 mai, «tentative de «manipulation»» répond Zelensky

Le président russe Vladimir Poutine prononce un discours lors d'une réunion du Conseil des législateurs à Saint-Pétersbourg, le 28 avril 2025. (AFP)
Le président russe Vladimir Poutine prononce un discours lors d'une réunion du Conseil des législateurs à Saint-Pétersbourg, le 28 avril 2025. (AFP)
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  • Le président russe Vladimir Poutine a annoncé lundi une trêve sur le front en Ukraine durant trois jours du 8 au 10 mai
  • Son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky denonçant une "tentative de manipulation"

MOSCOU: Le président russe Vladimir Poutine a annoncé lundi une trêve sur le front en Ukraine durant trois jours du 8 au 10 mai, à l'occasion de la commémoration de la victoire sur l'Allemagne nazie, son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky denonçant une "tentative de manipulation".

Le président américain Donald Trump exhorte Kiev et Moscou à conclure un cessez-le-feu et un accord de paix, trois ans après le début de l'offensive russe ayant déjà fait des dizaines de milliers de morts civils et militaires.

"A partir de minuit entre le 7 et le 8 mai, et jusqu'à minuit entre le 10 et le 11 mai, la partie russe annonce un cessez-le-feu", a indiqué le Kremlin dans un communiqué. "Pendant cette période, toutes les opérations de combat seront arrêtées".

D'après la présidence russe, Vladimir Poutine a pris cette décision unilatérale "pour des raisons humanitaires" et à l'occasion des célébrations du 80e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie.

Pour M. Zelensky, au contraire, "il y a désormais une nouvelle tentative de manipulation". "Pour une raison, a-t-il dit dans son adresse quotidienne, tout le monde doit attendre le 8 mai et ne cesser le feu qu'ensuite pour garantir le silence" lors de la parade du 9 mai sur la place Rouge à Moscou.

La Russie commémore le 9 mai cet événement dont Vladimir Poutine a fait un marqueur essentiel de la puissance retrouvée du pays. Les dirigeants d'une vingtaine de pays sont attendus pour un défilé militaire en grande pompe sur la place Rouge à Moscou.

Le Kremlin a dit considérer que l'Ukraine "devrait suivre cet exemple", tout en prévenant que les forces russes "fourniront une réponse adéquate et efficace" en cas de violation de la trêve.

Vladimir Poutine avait déjà déclaré un bref cessez-le-feu de 30 heures les 19 et 20 avril à l'occasion de Pâques. Les deux camps s'étaient ensuite accusés de l'avoir violé, même si une baisse de l'intensité des combats avait été ressentie dans plusieurs secteurs du front.

"Accroître la pression sur la Russie"

La Maison Blanche a soutenu lundi que Donald Trump souhaitait un cessez-le-feu "permanent" en Ukraine et pas seulement une trêve temporaire.

Les Etats-Unis, jusque-là le premier soutien de l'Ukraine, veulent tourner la page aussi vite que possible quitte, craint Kiev, à accepter des dispositions très favorables à Moscou.

Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a dit dimanche à son homologue russe, Sergueï Lavrov, qu'il était temps de mettre fin à une "guerre insensée" en Ukraine, selon un communiqué lundi.

De son côté, le président français Emmanuel Macron a affirmé que "dans les huit à dix jours prochains, nous allons accroître la pression sur la Russie", dans un entretien publié par le magazine Paris Match.

Il a estimé avoir "convaincu les Américains de la possibilité d’une escalade des menaces, et potentiellement de sanctions" contre Moscou.

Conditions maximalistes de Poutine 

La Russie maintient des conditions maximalistes concernant l'Ukraine, dont elle veut la reddition et le renoncement à rejoindre l'Otan, tout en s'assurant de pouvoir garder les territoires ukrainiens annexés.

La reconnaissance internationale de l'annexion russe de la Crimée et de quatre autres régions ukrainiennes est une condition "impérative" à la paix, a encore martelé lundi le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov.

La Russie a annexé la péninsule ukrainienne de Crimée en mars 2014, ce que la communauté internationale, Etats-Unis compris, n'a jamais reconnu.

En septembre 2022, quelques mois après le déclenchement de son assaut à grande échelle, elle a aussi revendiqué l'annexion de quatre régions ukrainiennes qu'elle occupe partiellement, celles de Donetsk, Lougansk, Kherson et Zaporijjia.

La Russie, qui a l'avantage sur le front, a revendiqué lundi la prise de Kamyanka, un village de la région de Kharkiv, dans le nord-est de l'Ukraine.

La Corée du Nord a pour la première fois reconnu lundi avoir envoyé des troupes en Russie et qu'elles avaient aidé Moscou à reprendre aux Ukrainiens les zones de la région de Koursk dont ils s'étaient emparés.

Trois personnes ont par ailleurs été tuées lundi dans une attaque russe contre un village de la région de Donetsk (est), selon les services du procureur régional.