En Egypte, l'eau potable file dans des tuyaux percés

Ces percées vertes qui bordent le mausolée d'al-Achraf Khalil et ses délicates calligraphies coraniques ne sont pas enracinées «dans une source naturelle mais dans de l'eau amenée artificiellement», explique l'architecte May al-Ibrashy (Photo, AFP).
Ces percées vertes qui bordent le mausolée d'al-Achraf Khalil et ses délicates calligraphies coraniques ne sont pas enracinées «dans une source naturelle mais dans de l'eau amenée artificiellement», explique l'architecte May al-Ibrashy (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 18 août 2023

En Egypte, l'eau potable file dans des tuyaux percés

  • Des tuyaux percés laissent s'échapper une bonne part de l'eau potable du plus peuplé des pays arabes en pleine crise hydrique
  • Les chiffres officiels sont formels: sur l'année fiscale 2021/2022, 26,5% de l'eau potable produite en Egypte n'est jamais arrivée au consommateur

LE CAIRE: Au pied d'un mausolée du XIIIe siècle dans le Vieux Caire, des herbes folles poussent dans une mare boueuse: la preuve que des tuyaux percés laissent s'échapper une bonne part de l'eau potable du plus peuplé des pays arabes en pleine crise hydrique.

Ces percées vertes qui bordent le mausolée d'al-Achraf Khalil et ses délicates calligraphies coraniques ne sont pas enracinées "dans une source naturelle mais dans de l'eau amenée artificiellement", explique l'architecte May al-Ibrashy.

Cette spécialiste de la préservation du patrimoine a testé avec son équipe les mares stagnant au pied des monuments non rénovés du quartier historique d'al-Khalifa.

"A chaque fois, le résultat est le même: c'est de l'eau potable mélangée à des eaux usées, c'est la preuve qu'il y a des fuites" dans les tuyaux qui alimentent les plus de 20 millions d'habitants de la deuxième plus grande capitale d'Afrique, dit-elle.

Avec près d'un mètre d'eau accumulé dans le sous-sol, les mosquées et autres mausolées du Vieux Caire, construits en contrebas de la rue, sont la manifestation la plus extrême du phénomène.

Réseau vétuste et stress hydrique

Les chiffres officiels sont formels: sur l'année fiscale 2021/2022, 26,5% de l'eau potable produite en Egypte n'est jamais arrivée au consommateur, déjà écrasé par la rareté hydrique dans un pays qui pourrait "ne plus avoir d'eau en 2025" selon l'ONU.

Pour les experts, cette proportion pourrait être plus grande encore.

"La production de la compagnie publique d'eau ne correspond pas à la consommation enregistrée, c'est donc qu'une partie de l'eau se perd dans les sols", détaille Mohamed Hassan Tawfik, expert en gestion de l'eau.

Ce que les experts appellent "l'eau non facturée" provoque chaque année la perte de dizaines de milliards de mètres cubes sur tout le globe.

En Egypte, selon M. Tawfik, "ces fuites arrivent parce que le réseau de tuyaux est déliquescent et plein de trous et parce que de l'eau est volée" par des branchements sauvages sur le réseau public.

La Compagnie des Eaux, elle, refuse tout commentaire.

Dans les mégalopoles comme Le Caire -- où 23,5% de l'eau potable se perd -- les gouttes partent "dans le no man's land du sous-sol", souligne Mme Ibrashy, entre canalisations et bâtiments non entretenus.

Et la situation est pire encore dans les régions de Suez et de Port-Saïd sur le canal de Suez dans l'Est, avec plus de deux tiers de pertes, selon les chiffres officiels.

Un gaspillage inacceptable dans un pays qui traverse la pire crise économique de son histoire, estime M. Tawfik, doctorant à l'Université néerlandaise de Wageningen.

D'une part, dit-il, l'Egypte ne peut pas "payer pour produire de l'eau qui ne sert à personne". Et d'autre part, chaque goutte compte dans un pays où un habitant n'a accès qu'à 550 mètres cubes d'eau par an -- soit deux fois moins que le seuil de l'insécurité hydrique.

En 2025, les autorités anticipent que ce chiffre tombera à 500 mètres cubes.

Nouveaux espaces verts

Réparer les tuyaux qui alimentent les maisons, les hôpitaux et autres infrastructures des 105 millions d'Egyptiens "pourrait coûter des milliards", prévient M. Tawfik.

Un coût prohibitif vu la crise actuelle, mais qui peut être réduit en identifiant les points de fuite, plaide Mme Ibrashy.

Pour cela, il faudrait cependant que les municipalités acceptent de revoir leur fonctionnement traditionnel.

"Actuellement, sur les sites historiques, elles mettent en place des systèmes pour dévier l'eau et ainsi éviter les dégâts hydriques ou salins avant de l'envoyer dans le réseau des eaux usées", raconte-t-elle.

"C'est un cercle vicieux, donc nous proposons un autre système: dévier l'eau et la réutiliser ailleurs".

Ailleurs, c'est juste en face du dôme d'al-Ashraf Khalil: la voûte boisée du parc al-Khalifa, 3 000 mètres carrés de jardin public et une aire de jeux "entièrement irrigués par l'eau du sous-sol" du mausolée et d'un autre à proximité, celui de Fatima Khatoun, explique la spécialiste.

"Bien sûr, on ne peut pas utiliser cette eau pour des cultures agroalimentaires à cause du risque de contamination", nuance-t-elle.

Mais créer un nouvel espace vert au Caire s'apparente déjà à de la résistance dans une ville tentaculaire où le béton gagne chaque jour du terrain sur les arbres.


Israël: le ministre de la Défense avertit qu'il n'y aura "pas de calme" au Liban sans sécurité pour son pays

Un an après le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne maintient toujours cinq positions dans le sud du Liban, avec des fortifications et des voies d'accès élargies, selon des images satellites analysées par l'AFP. (AFP)
Un an après le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne maintient toujours cinq positions dans le sud du Liban, avec des fortifications et des voies d'accès élargies, selon des images satellites analysées par l'AFP. (AFP)
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  • Israël avertit qu’aucun calme ne reviendra au Liban tant que sa propre sécurité ne sera pas garantie, intensifiant ses frappes malgré la trêve et affirmant vouloir désarmer le Hezbollah
  • L’Égypte tente de désamorcer les tensions, tandis que l’application du cessez-le-feu reste bloquée : l’armée libanaise dit vouloir démanteler les positions du Hezbollah, mais Israël et les États-Unis accusent Beyrouth de traîner

JERUSALEM: Le ministre de la Défense israélien a averti mercredi qu'il n'y aura "pas de calme" au Liban sans sécurité pour son pays, alors qu'Israël a intensifié ses opérations militaires au Liban ces dernières semaines, en dépit d'un accord de cessez-le-feu.

"Nous ne permettrons aucune menace contre les habitants du nord, et une pression maximale continuera à être exercée et même s'intensifiera", a déclaré Israël Katz lors d'une intervention devant le parlement israélien, avançant pour preuve "l'élimination" dimanche à Beyrouth du chef militaire du Hezbollah.

"Il n'y aura pas de calme à Beyrouth ni d'ordre et de stabilité au Liban tant que la sécurité de l'Etat d'Israël ne sera pas garantie", a ajouté M. Katz en affirmant que son pays allait désarmer le Hezbollah.

Le ministre égyptien des Affaires étrangères a déclaré mercredi que son pays oeuvrait à la désescalade des tensions entre Israël et le mouvement armé libanais soutenu par l'Iran.

"Nous craignons toute escalade et nous sommes inquiets pour la sécurité et la stabilité du Liban", a déclaré ce ministre, Badr Abdel Ati, après sa rencontre avec le président libanais Joseph Aoun à Beyrouth mercredi.

"Nous engageons des efforts considérables pour épargner au Liban tout risque, ou toute atteinte, concernant sa sécurité", a-t-il ajouté.

Israël a frappé le Liban à plusieurs reprises malgré la trêve, affirmant régulièrement cibler les membres et les infrastructures du Hezbollah pour empêcher le groupe de se réarmer, ce qu'il nie être en train de faire.

En vertu de l'accord de cessez-le-feu, l'armée libanaise doit démanteler la présence militaire du Hezbollah sur une bande d'une trentaine de kilomètres entre la frontière avec Israël et le fleuve Litani, plus au nord.

L'armée a soumis un plan au gouvernement, dans lequel elle s'engage à accomplir cette tâche titanesque, avant de procéder par étapes sur le reste du territoire libanais. Mais les Etats-Unis et Israël accusent les autorités libanaises de tarder, face à la ferme opposition du Hezbollah.

Ce dernier invoque notamment le maintien par Israël de cinq postes dans le sud du Liban, dont l'accord de cessez-le-feu stipule pourtant que l'armée israélienne doit se retirer.


Soudan: le chef de l'armée exhorte Trump à mettre fin à la guerre

Des filles soudanaises qui ont fui El-Fasher reçoivent une aide humanitaire au camp de déplacés d'Al-Afad, à Al-Dabba, dans le nord du Soudan, mardi. (AFP)
Des filles soudanaises qui ont fui El-Fasher reçoivent une aide humanitaire au camp de déplacés d'Al-Afad, à Al-Dabba, dans le nord du Soudan, mardi. (AFP)
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  • Abdel Fattah al-Burhane appelle Donald Trump à intervenir pour imposer la paix au Soudan
  • Alors que les violences s’intensifient, les initiatives internationales peinent à avancer

PORT-SOUDAN : Le chef de l’armée soudanaise, Abdel Fattah al-Burhane, en guerre depuis avril 2023 contre un groupe paramilitaire rival, a appelé mercredi le président américain Donald Trump à instaurer la paix.

« Le peuple soudanais se tourne désormais vers Washington pour la prochaine étape : s’appuyer sur l’honnêteté du président américain et travailler avec nous — ainsi qu’avec ceux dans la région qui recherchent sincèrement la paix — pour mettre fin à cette guerre », écrit le dirigeant de facto du Soudan dans une tribune publiée dans The Wall Street Journal.

Les tentatives de paix entre Burhane et son ancien adjoint, le chef des Forces de soutien rapide (FSR), Mohamed Hamdan Dagalo, ont échoué à maintes reprises au fil d’un conflit ayant fait des dizaines de milliers de morts, déplacé 12 millions de personnes et provoqué les pires crises de faim et de déplacement au monde.

Trump s’est intéressé pour la première fois à cette guerre la semaine dernière, promettant d’y mettre fin après avoir été exhorté à s’impliquer par le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane.

« Le consensus parmi les Soudanais est que M. Trump est un dirigeant qui parle directement et agit avec détermination. Beaucoup estiment qu’il a la capacité de s’opposer aux acteurs étrangers qui prolongent notre souffrance », écrit Burhane.

Les États-Unis et les Émirats arabes unis, aux côtés de l’Arabie saoudite et de l’Égypte, tentent actuellement de négocier une trêve.

Dans son texte de 1 200 mots publié mercredi, Burhane affirme qu’il s’agit de choisir « entre un État souverain qui tente de protéger ses citoyens et une milice génocidaire déterminée à détruire des communautés ».

Le gouvernement de Burhan est reconnu au niveau international, et en janvier, les États-Unis ont déterminé que la RSF avait commis un génocide dans la région occidentale du Darfour.

Mais ses propres forces ont également été accusées d’exactions depuis le début de la guerre, notamment d’avoir visé des civils et bombardé sans discrimination des zones résidentielles.

Le militaire de carrière, qui avait collaboré avec Dagalo en 2021 pour écarter les civils d’un gouvernement de transition, écrit mercredi : « J’ai longtemps reconnu que les FSR étaient une poudrière. »

Le chef des FSR, Dagalo, dont les combattants avaient été initialement recrutés par Khartoum pour mener ses guerres dans les périphéries du Soudan, était devenu le bras droit de Burhane après le soulèvement de 2018-2019.

Un long conflit de pouvoir, resté latent, a finalement explosé en guerre ouverte le 15 avril 2023.


Tunisie: l'ambassadeur UE convoqué par le président Saied pour «non respect des règles du travail diplomatique» 

Le président tunisien Kais Saied a convoqué mardi Giuseppe Perrone, ambassadeur de l'Union européenne, pour "lui exprimer une protestation ferme concernant le non-respect des règles diplomatiques", selon un bref communiqué officiel diffusé mercredi à l'aube qui ne précise pas les faits reprochés. (AFP)
Le président tunisien Kais Saied a convoqué mardi Giuseppe Perrone, ambassadeur de l'Union européenne, pour "lui exprimer une protestation ferme concernant le non-respect des règles diplomatiques", selon un bref communiqué officiel diffusé mercredi à l'aube qui ne précise pas les faits reprochés. (AFP)
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  • Le président Saied a exprimé à son interlocuteur son rejet du "recours à des pratiques en dehors des cadres officiels reconnus par les usages diplomatiques"
  • L'UGTT, ancienne co-lauréate du Prix Nobel de la Paix en 2015 pour sa contribution à la phase de démocratisation de la Tunisie, après la révolution de 2011 et la chute du président Zine El Abidine Ben Ali, revendique plus de 700.000 adhérents

TUNISIE: Le président tunisien Kais Saied a convoqué mardi Giuseppe Perrone, ambassadeur de l'Union européenne, pour "lui exprimer une protestation ferme concernant le non-respect des règles diplomatiques", selon un bref communiqué officiel diffusé mercredi à l'aube qui ne précise pas les faits reprochés.

Le président Saied a également exprimé à son interlocuteur son rejet du "recours à des pratiques en dehors des cadres officiels reconnus par les usages diplomatiques".

Lundi, M. Perrone avait reçu Noureddine Taboubi, chef du principal syndicat tunisien UGTT -- qui a récemment menacé de déclencher une grève générale pour obtenir des hausses salariales -- et avait salué "le rôle important" de l'organisation "en faveur du dialogue social et du développement économique" en Tunisie, selon un communiqué de la délégation européenne à Tunis.

L'UGTT, ancienne co-lauréate du Prix Nobel de la Paix en 2015 pour sa contribution à la phase de démocratisation de la Tunisie, après la révolution de 2011 et la chute du président Zine El Abidine Ben Ali, revendique plus de 700.000 adhérents.

Le diplomate européen avait "réaffirmé sa volonté de poursuivre le dialogue avec l'UGTT et de continuer à soutenir la Tunisie sur les plans social et économique, dans divers secteurs", selon la même source. De son côté, le secrétaire général de l'UGTT avait appelé à renforcer et développer la coopération entre la Tunisie et l'Union européenne.

La semaine passée, M. Taboubi a présidé une réunion de l'UGTT où il a apporté son soutien à différents mouvements de grève en cours dans le secteur privé pour réclamer des augmentations de salaires. Il a salué le succès d'une grève générale ayant eu lieu dans la grande ville de Sfax (centre-est) et menacé d'organiser prochainement une grande grève au niveau national.

"L'organisation se dirige vers une grève générale pour défendre les acquis matériels et sociaux des travailleurs face aux difficultés quotidiennes".

M. Taboubi a dénoncé "une baisse du pouvoir d'achat" des Tunisiens face à "des conditions de vie précaires sur le plan des transports, de la santé et de la maladie", défendant "leur droit syndical à se défendre" afin d'obtenir "un salaire décent qui leur fait défaut actuellement".

Le salaire minimum en Tunisie est d'environ 520 dinars (150 euros) pour 48 heures par semaine. Le taux d'inflation reste très élevé notamment pour les produits alimentaires. Il est récemment revenu à environ 5% après avoir atteint un pic de 10% en 2023.