Au Niger, le coup d’État inspire les musiciens

L'artiste reggae nigérien Black Mailer dans un studio de musique lors de l'enregistrement d'un album en soutien à l'armée nigérienne à Niamey, le 17 août 2023. (Photo AFP)
L'artiste reggae nigérien Black Mailer dans un studio de musique lors de l'enregistrement d'un album en soutien à l'armée nigérienne à Niamey, le 17 août 2023. (Photo AFP)
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Publié le Vendredi 25 août 2023

Au Niger, le coup d’État inspire les musiciens

  • Le coup d’État du 26 juillet au Niger est soutenu par plusieurs artistes militaires ou civils, qui enchaînent les productions dans un pays pris de fièvre patriotique
  • Dans un pays où la musique peine à s’affranchir des carcans sociétaux, art et politique vont souvent de pair

NIAMEY: Au milieu d’une foule rassemblée en soutien aux militaires au Niger, la star du moment apparaît. Ceintré dans son treillis, le sergent Maman Sani Maigochi déroule une chorégraphie où les garde-à-vous et les coups de fusil imaginaires se mêlent aux pas de danse chaloupés.

Le coup d’État du 26 juillet au Niger est soutenu par plusieurs artistes militaires ou civils, qui enchaînent les productions dans un pays pris de fièvre patriotique.

Militaire d’active et musicien formé à la caserne, Maman Sani Maigochi se distingue par un improbable mélange de rythmes soyeux et de symboles martiaux, décliné dans ses clips diffusés en boucle à la télévision nationale aux premières heures du coup d’État.

Soldats en opération, parades militaires, remises de médailles... Des images tirées des films de promotion des forces armées nigériennes, et entrecoupées par le déhanché du sous- officier le plus célèbre du Niger, régulièrement déployé en opération pour soutenir le moral des troupes.

Depuis le début des années 2010, son béret vert et son sourire ravageur incarnent la forte popularité de l’armée nigérienne auprès du public: 71% des Nigériens disent avoir "beaucoup" confiance en leurs soldats, selon un sondage Afrobarometer réalisé en juin 2022.

En permission à Niamey, fief de l’opposition au régime déchu, le sergent Maigochi enregistre un énième clip face à un attroupement de curieux dans les jardins du centre culturel Oumarou Ganda.

Le plateau se résume à une caméra et un ordinateur posé sur un haut parleur qui crache son nouveau titre. Depuis le coup d’État, les nouvelles productions s’enchaînent à une cadence effrénée malgré des moyens limités.

«Elan spontané»

Héritier d’une longue lignée d’artistes fonctionnaires, Maman Sani Maigochi entend "galvaniser" les troupes et les civils par ses compositions et y intègre des sonorités classiques du patrimoine musical nigérien, encore méconnu en dehors de la région.

"Les douma, le kalangou, le gourimi, ces instruments traditionnels, je les mets dans mes musiques (...) pour les enrichir un peu, parce que si le Nigérien entend ce type de truc, il aime, ça le réveille !", dit-il.

Les menaces d’intervention militaire brandies par des voisins ouest-africains opposés au coup d'Etat ont réveillé le patriotisme d’une partie des Nigériens et le nouvel hymne national adopté en juin, avant le coup d'Etat, fait fureur.

Une cohorte d’artistes civils se sont joints au mouvement et animent les rassemblements de soutien au régime militaire organisés dans les principales villes du pays. Avec une large gamme qui s’étend de la musique traditionnelle au rap, en passant par le reggae.

"Il y a eu un élan spontané de différentes couches sociales pour sortir et soutenir le coup d’État", assure le chanteur Adamou Yacouba, alias Black Mailer.

A l’intérieur d’un studio de Niamey, ce célèbre musicien nigérien entonne sa nouvelle production dès le courant revenu après un long délestage. Le rastaman a assorti ses éternelles dreadlocks, plutôt mal vues dans une société conservatrice et religieuse, d’une veste militaire de circonstance.

"Quand la démocratie est privatisée, soldat, il faut la militariser !", chante-t-il, sur un beat syncopé.

La scène pourrait étonner dans un pays étranger, mais elle n’a rien de surprenant au Niger.

«Feuille de route»

L’histoire du pays est marquée par une succession de régimes militaires et de coups d’État qui ont souvent mis fin à des gouvernements impopulaires. De Seyni Kountché à Ibrahim Baré, les hommes forts et leurs régimes d'exception ont laissé un bon souvenir à une partie des Nigériens, déçus par la classe politique.

"Tout ce que nous avons eu comme texte régissant le monde de la culture, à 70% ou 80% nous les avons eus pendant les régimes d’exception. Une manière de dire que les militaires nous écoutent plus que les civils, c’est dommage, c’est paradoxal, mais c’est comme ça", affirme Rachid Ramane, président de la Fédération des associations artistiques et culturelles du Niger.

Ces musiciens, militaires ou civils, ne se contentent pas toutefois de chanter des louanges. Leur art est envisagé comme "une feuille de route pour le militaire", affirme Black Mailer.

Des artistes comme lui n’ont pas hésité à critiquer de précédents régimes, à leurs risques et périls. "Toute ma carrière a été une série d’ennuis!", plaisante-t-il.

Dans un pays où la musique peine à s’affranchir des carcans sociétaux, art et politique vont souvent de pair.

"Dans le patrimoine artistique et musical chanté au Niger, 80% des productions sont des appels à la veille" citoyenne, estime Rachid Ramane qui ajoute: "Nous sommes les yeux et les oreilles des sans voix, et nous allons continuer".


La BBC doit «se battre» pour défendre son journalisme, dit le DG sortant

Au moment où le groupe est très critiqué et accusé de partialité, en particulier par la droite conservatrice, le DG sortant a reconnu que "les temps sont durs pour la BBC". (AFP)
Au moment où le groupe est très critiqué et accusé de partialité, en particulier par la droite conservatrice, le DG sortant a reconnu que "les temps sont durs pour la BBC". (AFP)
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  • Tim Davie, qui a démissionné dimanche, a reconnu qu'une "erreur" avait été commise dans un documentaire sur le président américain diffusé en octobre 2024, selon ses propos tenus lors d'une visioconférence avec les employés du groupe audiovisuel public
  • Le groupe audiovisuel public britannique est dans la tourmente après avoir réalisé, pour ce documentaire diffusé dans son magazine d'information phare "Panorama", un montage trompeur d'un discours de Donald Trump

LONDRES: La BBC doit "se battre" pour défendre son journalisme, a déclaré mardi le directeur général sortant de la BBC, Tim Davie, alors que le groupe public britannique est menacé de plainte en diffamation par Donald Trump.

Tim Davie, qui a démissionné dimanche, a reconnu qu'une "erreur" avait été commise dans un documentaire sur le président américain diffusé en octobre 2024, selon ses propos tenus lors d'une visioconférence avec les employés du groupe audiovisuel public, rapportés par la chaîne BBC News.

Le groupe audiovisuel public britannique est dans la tourmente après avoir réalisé, pour ce documentaire diffusé dans son magazine d'information phare "Panorama", un montage trompeur d'un discours de Donald Trump, le 6 janvier 2021, qui donnait l'impression que le président sortant incitait explicitement ses partisans à une action violente contre le Congrès.

"Nous avons fait une erreur, et il y a eu un manquement à nos règles éditoriales", a reconnu Tim Davie, expliquant qu'il avait assumé sa "part de responsabilité" en démissionnant.

Il n'a toutefois pas mentionné directement la menace d'action en justice lancée par Donald Trump, ni la date de son départ effectif, lors de cette visioconférence avec le président de la BBC, Samir Shah.

Au moment où le groupe est très critiqué et accusé de partialité, en particulier par la droite conservatrice, le DG sortant a reconnu que "les temps sont durs pour la BBC".

"Mais nous nous en sortirons", et "nous devons nous battre pour défendre notre journalisme", a-t-il insisté.

"Nous sommes une organisation unique et précieuse, et je vois la liberté de la presse mise à rude épreuve, je vois son instrumentalisation", a-t-il encore ajouté.


Le président allemand demande à son homologue algérien de gracier l'écrivain Boualem Sansal

La présidence algérienne a confirmé dans son propre communiqué que M. Steinmeier avait demandé à Abdelmadjid Tebboune "d'accomplir un geste humanitaire en graciant l'écrivain Boualem Sansal", une information reprise par la télévision algérienne par ailleurs. (AFP)
La présidence algérienne a confirmé dans son propre communiqué que M. Steinmeier avait demandé à Abdelmadjid Tebboune "d'accomplir un geste humanitaire en graciant l'écrivain Boualem Sansal", une information reprise par la télévision algérienne par ailleurs. (AFP)
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  • "Un tel geste serait l'expression d'une attitude humanitaire et d'une vision politique à long terme. Il refléterait ma relation personnelle de longue date avec le président Tebboune et les bonnes relations entre nos deux pays"
  • Appelant son homologue Abdelmadjid Tebboune à un "geste humanitaire", Frank-Walter Steinmeier propose aussi que Boualem Sansal soit transféré en Allemagne pour "y bénéficier de soins médicaux (...) compte tenu de son âge avancé (...)"

BERLIN: Le président allemand a exhorté lundi son homologue algérien à gracier l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, emprisonné depuis un an en Algérie et au coeur d'une grave crise diplomatique entre Alger et Paris.

Appelant son homologue Abdelmadjid Tebboune à un "geste humanitaire", Frank-Walter Steinmeier propose aussi que Boualem Sansal soit transféré en Allemagne pour "y bénéficier de soins médicaux (...) compte tenu de son âge avancé (...) et de son état de santé fragile".

"Un tel geste serait l'expression d'une attitude humanitaire et d'une vision politique à long terme. Il refléterait ma relation personnelle de longue date avec le président Tebboune et les bonnes relations entre nos deux pays", a estimé le président allemand, dans un communiqué.

La présidence algérienne a confirmé dans son propre communiqué que M. Steinmeier avait demandé à Abdelmadjid Tebboune "d'accomplir un geste humanitaire en graciant l'écrivain Boualem Sansal", une information reprise par la télévision algérienne par ailleurs.

Selon des spécialistes à Alger, le fait que la présidence et la télévision publique reprennent les éléments de langage du président allemand peut être perçu comme un signe positif.

Mais aucune indication n'a été donnée quant au calendrier de la prise de décision par le président algérien.

Dans une longue interview accordée en septembre dernier, le président Abdelmadjid Tebboune avait par ailleurs évoqué la possibilité de se rendre en Allemagne fin 2025 ou début 2026.

Arrêté à Alger le 16 novembre 2024, le romancier et essayiste franco-algérien Boualem Sansal a été condamné en appel en juillet à cinq ans de réclusion pour avoir notamment déclaré que l'Algérie avait hérité sous la colonisation française de territoires appartenant jusque-là au Maroc.

Jeudi, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, avait souligné que la France menait un "dialogue exigeant" avec Alger pour obtenir la libération de Boualem Sansal.

L'affaire s'inscrit dans un contexte d'hostilité entre Paris et Alger, qui sont empêtrés depuis plus d'un an dans une crise diplomatique sans précédent qui s'est traduite par des expulsions de fonctionnaires de part et d'autre, le rappel des ambassadeurs des deux pays et des restrictions sur les porteurs de visas diplomatiques.


La BBC, dans l'oeil du cyclone, sommée de s'expliquer

Le président de la BBC, Samir Shah, doit s'expliquer lundi au lendemain de la démission retentissante du directeur général du groupe audiovisuel public britannique et de la patronne de sa chaîne d'information BBC News, après le montage trompeur d'un discours de Donald Trump. (AFP)
Le président de la BBC, Samir Shah, doit s'expliquer lundi au lendemain de la démission retentissante du directeur général du groupe audiovisuel public britannique et de la patronne de sa chaîne d'information BBC News, après le montage trompeur d'un discours de Donald Trump. (AFP)
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  • La BBC, institution longtemps chérie des Britanniques mais cible régulière des médias et responsables politiques conservateurs, est dans la tourmente, accusée ces derniers jours d'avoir déformé des propos du président américain dans un documentaire
  • La BBC est mise en cause pour avoir monté des passages différents d'un discours de Donald Trump datant du 6 janvier 2021, jour de l'assaut du Capitole à Washington, de telle façon qu'il semble inciter ses partisans à marcher vers le siège du Congrès

LONDRES: Le président de la BBC, Samir Shah, doit s'expliquer lundi au lendemain de la démission retentissante du directeur général du groupe audiovisuel public britannique et de la patronne de sa chaîne d'information BBC News, après le montage trompeur d'un discours de Donald Trump.

La BBC, institution longtemps chérie des Britanniques mais cible régulière des médias et responsables politiques conservateurs, est dans la tourmente, accusée ces derniers jours d'avoir déformé des propos du président américain dans un documentaire de son magazine d'information phare, "Panorama", diffusé en octobre 2024, une semaine avant la présidentielle américaine.

La BBC est mise en cause pour avoir monté des passages différents d'un discours de Donald Trump datant du 6 janvier 2021, jour de l'assaut du Capitole à Washington, de telle façon qu'il semble inciter ses partisans à marcher vers le siège du Congrès pour se "battre comme des diables".

Or, dans la phrase originale, M. Trump disait: "Nous allons marcher vers le Capitole et nous allons encourager nos courageux sénateurs et représentants et représentantes au Congrès". L'expression "se battre comme des diables" correspondait à un autre passage du discours.

Face à la polémique grandissante, son directeur général, Tim Davie, et la patronne de la chaîne d'information du groupe BBC News, Deborah Turness, ont annoncé dimanche leur démission, qui fait la Une des journaux lundi.

Le président américain a dénoncé les "journalistes corrompus" et "malhonnêtes" de la BBC, sur son réseau Truth Social.

Le président du conseil d'administration du groupe, Samir Shah, doit s'excuser et s'expliquer dans une réponse écrite aux questions de la commission parlementaire sur la culture sur cette affaire, et sur d'autres accusations de partialité sur la couverture de la guerre à Gaza.

"La BBC doit répondre à de graves questions concernant ses normes éditoriales et la manière dont la direction gère les problèmes", a jugé la présidente de la commission, Caroline Dinenage, estimant que le groupe public "se devait d'être exemplaire" face à la montée de la désinformation.

Lundi, la patronne démissionnaire de BBC News a de nouveau assuré qu'il n'y avait "pas de partialité institutionnelle" sur la chaîne, qui a produit le programme mis en accusation.

 

- "Violation des règles" -

 

La classe politique a quasi unanimement critiqué la BBC pour sa gestion de l'affaire, qui tombe d'autant plus mal que le groupe audiovisuel doit renégocier d'ici fin 2027 son nouveau contrat de mission avec le gouvernement.

La cheffe de l'opposition, Kemi Badenoch, a déploré "un catalogue de graves défaillances". Le chef du parti d'extrême droite Reform UK, Nigel Farage, a appelé à "un changement de fond en comble" du groupe public.

La BBC tire une grande part de ses ressources de la redevance annuelle (174,50 livres, soit 198 euros), payée par 22,8 millions de foyers, soit 3,8 milliards de livres.

Samir Shah a dit espérer que le futur directeur général du groupe, dont la nomination pourrait prendre plusieurs mois, "façonnerait positivement" le prochain contrat de mission. la ministre de la Culture, Lisa Nandy, qui a qualifié la situation d'"extrêmement grave", a affirmé que le futur contrat aiderait la BBC à "garantir son rôle" auprès du public.

Le chef du parti libéral démocrate (centriste), Ed Davey, a appelé le Premier ministre Keir Starmer, et la classe politique en général, à défendre la BBC face à Donald Trump et la sphère Maga. "Il est facile de voir pourquoi Trump veut détruire la première source d'information dans le monde. Nous ne pouvons pas le laisser faire", a-t-il prévenu sur la plateforme X.

Le Telegraph a eu connaissance d'une note interne rédigée par l'ancien conseiller indépendant du comité des normes éditoriales de la BBC, Michael Prescott, dans laquelle il suggérait que des erreurs avaient été commises dans le montage. Il affirme que les responsables chargés des normes éditoriales du groupe auprès de qui il a soulevé le problème ont nié toute violation des règles.

En octobre, le régulateur des médias avait épinglé la BBC pour avoir "enfreint les règles de diffusion" à propos d'un reportage à Gaza dans lequel le narrateur principal, un enfant, était le fils d'un haut responsable du mouvement islamiste palestinien Hamas.