À Tripoli, d’anciens combattants redonnent vie à des objets du mobilier

Coup d’envoi de l’exposition «Kan Ya Ma kan  », (Il était une fois) au centre-ville de Beyrouth dans le cadre d’un projet lancé par l'association libanaise March
Coup d’envoi de l’exposition «Kan Ya Ma kan », (Il était une fois) au centre-ville de Beyrouth dans le cadre d’un projet lancé par l'association libanaise March
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Publié le Jeudi 17 décembre 2020

À Tripoli, d’anciens combattants redonnent vie à des objets du mobilier

  • Coup d’envoi de l’exposition «Kan Ya Ma kan », (Il était une fois) au centre-ville de Beyrouth dans le cadre d’un projet lancé par l'association libanaise March
  • Des produits intitulés « Histoires Inédites d’amour et de guerre » sont restaurés par d’anciens combattants ennemis aujourd’hui réconciliés, unis et réunis pour une même cause

BEYROUTH : Ils sont jeunes, issus de quartiers défavorisés et voisins mais surtout ennemis.  Pendant des années des rounds d’affrontements fratricides ont fait rage, sur fond de conflit syrien, entre Bab el-Tebbané, quartier à majorité sunnite, et Jabal Mohsen, à majorité alaouite dans la ville de Tripoli au Nord Liban. En 2015, la réconciliation a eu lieu grâce à l’initiative de l’armée libanaise, de figures politiques de la région et certaines ONG actives sur le terrain. C’est le cas de March une organisation non gouvernementale qui œuvre pour la promotion de la cohésion sociale et des libertés personnelles tout en plaidant pour l'égalité des droits grâce à son travail de consolidation de la paix et de résolution des conflits.

« Ces jeunes  n'avaient que la rue comme distraction, avec tous les dangers qu'elle présente, explique Léa Baroudi, fondatrice de March. Ils trainaient toute la journée et ne connaissaient que les armes pour s'exprimer. Nous avons travaillé avec un nombre d’entre eux (environ 300) à travers un large programme de réhabilitation et de réintégration  afin de consolider la paix et la cohésion sociale dans cette région longtemps délaissée. Aujourd'hui, grâce à ce nouveau projet, ils ont appris un nouveau métier,  celui de la broderie, de la calligraphie et de la restauration. Des métiers d'art et de culture pour ces jeunes qui, pour la plupart, n’ont connu que désillusions, pauvreté et combats. Dans un premier temps nous les soutenons dans la formation et le financement des produits utilisés. Par la suite, ils pourront être payés  grâce à la vente de ces objets restaurés. Ils vont pouvoir s’auto suffire. » 

Le Bénéfice est économique, social et psychologique. Khaled fait de la broderie : « J'ai arrêté l’école à 8 ans. Puis j’ai passé ma jeunesse à combattre parce qu'on me disait : l'autre est un ennemi ! Lui est un autre ne lui fais pas confiance. » déclare-t-il. « Je suis marié et j’ai deux enfants, un garçon et une fille. Je vis chez mes parents. A cause des clashs j’ai été arrêté et emprisonné pendant un an. En sortant de prison jamais je n’aurais imaginé travailler côte à côte avec nos voisins de Jabal Mohsen, ou bien partager un repas. Eux que j’avais si violemment combattu. Jusqu’ au jour où j’ai ouïe dire que l’association March proposait un programme et j’ai découvert que j’avais la possibilité d’en bénéficier. »

Natahalie Salameh, restauratrice de meubles anciens, dirige les formations. «Les objets anciens ont une histoire. Ils portent en eux l’empreinte et les souvenirs des personnes qui les ont acheté ou utilisé. Ils ont accompagné des vies. En les restaurant nous leur offrons une nouvelle vie. Un peu à l'image de ces jeunes qui ont également été délaissés dans le passé. Ils ont également, comme nous tous, leur histoire à écrire ou à dessiner. » 

Et pourtant, Nathalie avoue avoir rencontré des difficultés : « Réunir de vieux rivaux d’armes autour d’un projet artistique n’est pas une mince affaire. La mixité des hommes et des femmes non plus, ces jeunes étant issus d’un environnement conservateur. Et puis, c’était aussi  un défi de leur faire sentir qu’ils bénéficiaient d’un réel support. »

 

« Apres de longs mois de formation, nous avons décidé de chercher des objets anciens, en mauvais état voire abandonnés dans leurs quartiers à Beb El Tebbeneh et Jabal Mohsen. Pour les récupérer et leur redonner vie.  Et voilà qu’aujourd’hui cette exposition voit le jour » ajoute-t-elle. 

Après l’explosion du Port, ces jeunes ont voulu montrer leur attachement à Beyrouth. De nombreux objets brodés, dessinés ou calligraphiés sont ainsi dédiés à la ville et portent un message d’amour pour la capitale : «en arabe ; Min Kalbi li Beyrouth,  de la part mon cœur à Beyrouth ».

Dans quelques mois,  l’association va développer plusieurs projets à Beyrouth. Deux espaces culturels, fortement impactés par l’explosion, sont en cours de réhabilitation. « Nous allons transformer le 1er en atelier de restauration et le second, une galerie, en un lieu d’exposition pour les meubles restaurés. Nos jeunes pourront également former des amateurs intéressés par le recyclage de meuble. Un projet porteur d’espoir d’amour et de paix », conclut Lea Baroudi.



 


L’IMA lance pour la première fois le «Prix du design du monde arabe»

L’IMA lance pour la première fois le «Prix du design du monde arabe». (Photo: www.imarabe.org)
L’IMA lance pour la première fois le «Prix du design du monde arabe». (Photo: www.imarabe.org)
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  • Ce prix est l’une des rares récompenses françaises distinguant la création design arabe dans le but de rendre mieux visible le dynamisme et la créativité de cette pratique dans le monde arabe
  • Les lauréats recevront leur prix lors d’une cérémonie à l'Institut du monde arabe (IMA) le 6 septembre 2023 dans le cadre de la Paris Design Week

PARIS: La première édition du « Prix du design du monde arabe » est dédiée à la promotion du projet d’un jeune designer de la nationalité de l'un des pays de la Ligue arabe et d’une entreprise de design dont la production est développée dans l’un des pays de la Ligue arabe, ayant été créé dans les trois dernières années (entre le 1er septembre 2021 et le 31 août 2023).

Ce prix est l’une des rares récompenses françaises distinguant la création design arabe dans le but de rendre mieux visible le dynamisme et la créativité de cette pratique dans le monde arabe.

Mettre en lumière les cultures arabes dans leur richesse et leur diversité en France, telle est la volonté du fondateur du prix

Les lauréats recevront leur prix lors d’une cérémonie à l'Institut du monde arabe (IMA) le 6 septembre 2023 dans le cadre de la Paris Design Week.

Ce nouveau prix s’inscrit dans la lignée des engagements de l’IMA en faveur des enjeux d’interculturalité, et dans leur volonté de les mettre à la portée du plus grand nombre.

Il est également l’occasion de célébrer une figure confirmée du design arabe. Une/des mention.s spéciale.s et/ou d’autres catégories pourront être envisagées selon la nature et la qualité des projets proposés.

Un jury prestigieux, présidé par India Mahdavi, accompagné respectivement d’un expert et d’un entrepreneur du design, François Leblanc di Cicilia et Ismaïl Tazi, distinguera la création design arabe dans 2 catégories : « Talent émergent » et « Talent entrepreneurial ».


A New York, des dissidents chinois ouvrent l'unique musée au monde sur Tiananmen

Des visiteurs arrivent pour l'ouverture du pavillon de protestation de Hong Kong et du nouveau musée commémoratif de Tiananmen du 4 juin à New York, le 2 juin 2023, avant le 34e anniversaire de la répression, en 1989, des manifestations en faveur de la démocratie autour de la place Tiananmen à Pékin. (Photo, AFP)
Des visiteurs arrivent pour l'ouverture du pavillon de protestation de Hong Kong et du nouveau musée commémoratif de Tiananmen du 4 juin à New York, le 2 juin 2023, avant le 34e anniversaire de la répression, en 1989, des manifestations en faveur de la démocratie autour de la place Tiananmen à Pékin. (Photo, AFP)
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  • Dans un minuscule espace de bureaux d'un immeuble sans charme du centre de Manhattan, sont exposées photos, vidéos, coupures de presse, affiches, lettres et banderoles sur ce soulèvement démocratique historique que Pékin a réprimé dans le sang
  • Des organisations de défense des droits humains assurent que les victimes se comptent par milliers

NEW YORK: Des dissidents chinois du mouvement de Tiananmen à Pékin en 1989 ont ouvert vendredi à New York l'unique musée au monde du "souvenir" des "rêves démocratiques du peuple chinois", à deux jours du 34e anniversaire de la "répression brutale" de ce soulèvement.

"Les événements de 1989 ont eu un impact sur la Chine mais aussi sur le monde entier. Au moment où l'on se rend compte de la menace que représente le régime (du président chinois) Xi Jinping sur la civilisation, nous devons commémorer (le 4 juin) 1989", a lancé devant la presse Wang Dan, fondateur de ce petit musée-mémorial new-yorkais et qui fut l'une des grandes figures du mouvement étudiant de la place Tiananmen.

Dans un minuscule espace de bureaux d'un immeuble sans charme du centre de Manhattan, sont exposées photos, vidéos, coupures de presse, affiches, lettres et banderoles sur ce soulèvement démocratique historique que Pékin a réprimé dans le sang, avec au moins 1 000 manifestants pacifiques tués.

Des organisations de défense des droits humains assurent que les victimes se comptent par milliers.

"Nous devons commémorer ceux qui ont sacrifié leur vie et nous souvenir des rêves démocratiques du peuple chinois à l'époque", a exhorté Wang Dan, qui a fait des années de prison en Chine avant d'être accueilli en 1998 aux Etats-Unis et d'y faire une thèse d'histoire à Harvard.

Mais "même aux Etats-Unis, on sent la pression et les menaces du régime chinois", a-t-il confié à l'AFP.

Pour ce dissident, "les événements de 1989 sont liés au passé mais aussi au présent et à l'avenir" et il a réclamé que l'on se "souvienne du vrai visage du parti communiste chinois" de 1989 et d'aujourd'hui.

Nombre d'opposants chinois et de responsables politiques américains se sont exprimés lors d'une cérémonie d'inauguration du musée, unique exposition permanente au monde sur Tiananmen après la fermeture en 2021 d'un musée à Hong Kong.

De fait, l'effervescence artistique qui accompagnait chaque année à Hong Kong la commémoration de Tiananmen a quasiment disparu sous le joug des autorités pro-Pékin.

Pendant plus de 30 ans, des dizaines de milliers de personnes se sont réunies chaque 4 juin dans le parc Victoria à Hong Kong - rétrocédé par Londres à Pékin en 1997 - pour une veillée aux chandelles.

Mais depuis que la Chine a imposé en 2020 une loi sur la sécurité nationale, les autorités locales ont mis fin à ces rassemblements, criminalisé l'essentiel de la dissidence et étouffé le mouvement démocratique.

«Il y a une Histoire»

A New York, un groupe d'étudiants chinois vivant aux Etats-Unis s'est joint à une marche vendredi soir à travers Manhattan entre le nouveau musée sur Tiananmen et le consulat général de Chine.

Certains portaient des masques et des lunettes de soleil pour éviter d'être reconnus et de mettre en danger leurs familles restées en Chine, a constaté l'AFP.

Yuge Shi a jugé "très important" de pouvoir manifester. "Vous savez, le gouvernement chinois a tué un très grand nombre de personnes en 1989, et il ne veut pas que les gens s'en souviennent. C'est pourquoi, chaque année, nous devons nous tenir ici et dire à tous les peuples du monde qu'il y a une Histoire", dit-il à l'AFP.

"Près de 40 ans se sont écoulés entre les manifestations des 'Papiers blancs' (de fin 2022, ndlr) et celles de la place Tiananmen, et pourtant nous sommes toujours dirigés par le même gouvernement dont la nature n'a pas changé d'un iota", confie à l'AFP une manifestante qui n'a accepté de donner que son seul prénom, Shawn, pour des raisons de sécurité.

Fin novembre 2022, un rare mouvement d'hostilité envers le régime du président Xi Jinping et sa politique de "zéro Covid" draconienne avait secoué la Chine. Nombre de manifestants agitaient alors des feuilles de papier vierge pour symboliser la censure.

Au cours de cette mobilisation sans précédent depuis les manifestations pro-démocratie de 1989, les protestataires exigeaient l'arrêt des dures restrictions sanitaires contre le Covid-19 et réclamaient davantage de libertés, un mois après la reconduction de Xi Jinping à la tête du pays.


Festival photo de La Gacilly: beauté et tourments du monde

Une visiteuse passe devant une photo du photographe sud-africain Brent Stirton lors de la 20e édition du Festival photo de La Gacilly "La nature en héritage", à La Gacilly, dans l'ouest de la France, le 1er juin 2023. (Photo, AFP)
Une visiteuse passe devant une photo du photographe sud-africain Brent Stirton lors de la 20e édition du Festival photo de La Gacilly "La nature en héritage", à La Gacilly, dans l'ouest de la France, le 1er juin 2023. (Photo, AFP)
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  • Ces derniers mois, suite au Covid et aux difficultés économiques, y compris celle du Groupe Rocher (ex-groupe Yves Rocher) à l'initiative de la manifestation, le festival a craint pour son avenir
  • Mais, bonne nouvelle, le vent a tourné dans le bon sens et «les trois prochaines années sont assurées», a affirmé M. Coudray

LA GACILLY: Rassuré sur son avenir, le festival de La Gacilly, dans l'ouest de la France, célèbre avec éclat tout l'été ses vingt ans à travers l'oeil d'une vingtaine de photographes qui emportent par leur travail les visiteurs dans les beautés et les tourments de la nature et des hommes.

Dès l'arrivée, le regard est accroché par les images sous-marines géantes dont le photographe américain David Doubilet s'est fait une spécialité. "La planète, ce n'est pas la terre, c'est la mer (...) c'est un univers incroyable", assure le photographe de 77 ans qui, dit-il, a publié "81 reportages" dans le célèbre magazine américain National Geographic.

Au fil des murs ou des prairies de cette commune de 4 000 habitants, dans la région de Bretagne, le visiteur passe ainsi du cauchemar de Paradise, cette ville de Californie ravagée par les incendies où le photographe Maxime Riché rend compte du traumatisme vécu par ses habitants, à la fragilité du Pentanal, cette immense réserve naturelle brésilienne à la faune sans pareil, saisie par le Sud-Africain Brent Stirton.

Femmes photographes 

Les femmes photographes occupent une place de choix. Ainsi, la Française Nadia Ferroukhi raconte ces communautés de par le monde "dont les femmes sont le pilier, la colonne vertébrale".

Dans une des deux séries qu'elle présente, l'Ivoirienne Joana Choumali crée ce qui s'apparente à des tableaux, en superposant sur ses photographies des broderies, collages ou photomontages, le tout dans une atmosphère onirique.

Exposée en noir et blanc, l'Américaine Beth Moon traque depuis des années des arbres hors du commun par leur taille, leur forme, leur âge ou leur histoire. Quant à la Russe Evgenia Arbugaeva, elle fait découvrir les nuits de l'Arctique, dans une Sibérie aux lumières fantasmatiques où la communauté tchouktche s'efforce de préserver son mode de vie.

Partenaire de ce festival gratuit et en plein air, l'AFP présente une sélection d'un de ses photographes, le Japonais Yasuyoshi Chiba, actuellement basé à Nairobi, au Kenya.

Parmi ses nombreuses photos exposées, celle qui lui a valu en 2020 l'une des plus prestigieuses récompenses photographiques au monde, le World Press, dont la résonance est encore plus forte aujourd'hui quand les canons tonnent à Khartoum dans une lutte fratricide entre généraux: au milieu de la foule, un étudiant soudanais, dont le visage est éclairé par les lumières des téléphones portables, récite un poème, symbole de l'espoir d'une jeunesse qui pensait enfin être débarrassée des régimes militaires, omniprésents depuis l'indépendance du pays en 1956. Une photo prise après la chute en 2019 d'Omar el-Bechir, arrivé au pouvoir par un coup d'Etat en 1989.

Le visiteur retrouve également le long du parcours le travail du Brésilien de naissance Sebastiao Salgado avec notamment une série sur les peuples indigènes ou encore le photojournaliste Pascal Maitre qui consacre une série, intitulée Métropolis, à 12 villes dans le monde. Pas les grandes métropoles occidentales, mais ces villes d'un autre monde, en Afrique, en Asie, en Amérique latine. Il y présente entre autres La Rinconada qui culmine au Pérou, avec ses 50 000 habitants, à plus de 5 000 mètres d'altitude dans des conditions extrêmement difficiles.

Proche avenir assuré 

Ces derniers mois, suite au Covid et aux difficultés économiques, y compris celle du Groupe Rocher (ex-groupe Yves Rocher, né à La Gacilly) qui a soutenu l'initiative dès ses débuts, le festival a craint pour son avenir, malgré plus de 300 000 visiteurs qui s'y pressent chaque année.

Les organisateurs se demandaient même si l'édition 2024 pourrait se tenir. Il manquait 200 000 euros pour boucler le budget d'un million, parmi lesquels 60% de fonds privés et "entre 16 et 20% de fonds publics", selon le président du festival, Auguste Coudray.

Mais, bonne nouvelle, le vent a tourné dans le bon sens et "les trois prochaines années sont assurées", a affirmé à l'AFP M. Coudray.

"Nous avons fait connaître nos difficultés et le soutien que nous attendions est venu. Nous sommes désormais sereins", s'est-il réjoui en résumant ce qui, à ses yeux, fait "la mission" du festival: "émouvoir, sensibiliser et partager notre espoir".