Libérée des coupures d'électricité, la capitale libyenne retrouve son lustre

Vue de la capitale libyenne Tripoli le 3 novembre 2011, deux mois après la chute du régime de l'homme fort Moammar Kadhafi, qui durait depuis 42 ans. (Photo Joseph Eid / AFP)
Vue de la capitale libyenne Tripoli le 3 novembre 2011, deux mois après la chute du régime de l'homme fort Moammar Kadhafi, qui durait depuis 42 ans. (Photo Joseph Eid / AFP)
Short Url
Publié le Dimanche 03 septembre 2023

Libérée des coupures d'électricité, la capitale libyenne retrouve son lustre

  • Les pénuries incessantes de courant dues à un réseau vétuste et abîmé par les affrontements entre groupes armés et des pillages, rythmaient le quotidien des Libyens depuis la chute en 2011 du dictateur Mouammar Kadhafi
  • La stabilité retrouvée du réseau électrique, étendard de la campagne «Retour à la vie» initiée par le gouvernement reconnu par l'ONU et basé à l'Ouest, contribue à redonner de l'éclat à Tripoli

TRIPOLI, Libye : Pour la première fois depuis des lustres, les Libyens ont traversé l'été sans les coupures d'électricité chroniques des années précédentes. Ils redécouvrent leur capitale Tripoli et ses espaces publics éclairés à la nuit tombée, grâce à un réseau enfin stabilisé après une décennie de tumulte.

Les pénuries incessantes de courant dues à un réseau vétuste et abîmé par les affrontements entre groupes armés et des pillages, rythmaient le quotidien des Libyens depuis la chute en 2011 du dictateur Mouammar Kadhafi. Après 42 ans de règne, il avait laissé derrière lui des infrastructures obsolètes, une économie fortement dépendante du pétrole et une main d'oeuvre peu qualifiée.

Pour préserver le réseau, la Compagnie générale d'électricité Gecol avait recours ces dix dernières années à des délestages parfois interminables lors des pics de consommation en hiver et l'été.

Avec une nouvelle direction à la Gecol en juillet 2022 et un plan de restructuration, couplé à une certaine accalmie après des années de guerre, l'approvisionnement en électricité s'est nettement amélioré. Des compagnies étrangères, visiblement rassurées, ont même relancé des projets mis en suspens des années durant.

- «Insupportable» -

Jusqu'à l'année dernière, les coupures pouvaient durer 20 heures d'affilée à Tripoli, une situation intenable sans climatisation quand les températures dépassent les 40 degrés.

La population a dû s'adapter: beaucoup ont investi dans des batteries pour quelques dizaines d'euros permettant d'alimenter un poste de télévision, une ou deux lampes et une connexion de base à internet. Les plus aisés se sont équipés de générateurs puissants mais bruyants, polluants et gourmands en gazole, pouvant coûter plusieurs milliers d'euros.

Bouchers, pâtissiers ou glaciers rencontraient souvent des difficultés à respecter la chaîne du froid.

«La situation s'est améliorée et les clients le remarquent», se réjouit Moaed Zayani, boucher de 34 ans qui vend également des produits congelés. Car «même avec un groupe électrogène, au bout de 10 heures les réfrigérateurs faiblissent», relate-t-il à l'AFP.

«Pendant des années, les coupures étaient une catastrophe pour mon business», abonde Hanane al-Miladi, 43 ans, qui vend en ligne des pâtisseries pour les mariages et fêtes. Le plus «insupportable, c'était de ne jamais savoir quand l'électricité serait coupée ni pour combien d'heures», raconte cette veuve qui élève seule trois adolescents.

- «Retour à la vie» -

La Gecol communique régulièrement sur l'installation de nouveaux équipements dans la vingtaine de centrales électriques du pays. Ce qui n'a pas empêché, lors d'un épisode caniculaire en juillet, le vrombissement des générateurs de retentir à nouveau dans la ville à la suite de diverses pannes et problèmes de surchauffe.

Depuis un cessez-le-feu en 2020 entre les camps rivaux de l'Est et l'Ouest du pays et l'établissement d'un exécutif intérimaire en 2021 à Tripoli, le pays d'à peine 7 millions d'habitants, qui regorge d'hydrocarbures, s'attelle à sa reconstruction.

La stabilité retrouvée du réseau électrique, étendard de la campagne «Retour à la vie» initiée par le gouvernement reconnu par l'ONU et basé à l'Ouest, contribue à redonner de l'éclat à Tripoli, surnommée par ses habitants la «Sirène de la Méditerranée» pour l'attrait de son front de mer autrefois blanchi à la chaux.

«Il est évident que la stabilité administrative au sein de la Gecol a contribué à celle du réseau. Mais les consommateurs ont aussi un rôle à jouer en réduisant leur consommation et en payant leurs factures», estime Mohamad Rahoumi, 53 ans, un responsable dans une enseigne de pâtisseries.

Les tarifs de l'électricité en Libye sont parmi les plus bas de la région: 0,050 dinar (soit 0,01 euro) le kilowatt/heure pour les particuliers et 0,20 dinar (soit 0,04 euro) pour les commerces.

En cette fin du mois d'août, une veille de week-end, il est minuit et les embouteillages sur la corniche de Tripoli rappellent ceux des heures de pointe.

La silhouette de la Saraya, une forteresse édifiée par les Espagnols au 16e siècle, et la médina, illuminée pour les «Nuits d'été», symbolisent l'espoir d'un retour à la normale.

«Les efforts du gouvernement sont visibles mais il reste chez les citoyens une appréhension permanente due à l'instabilité», note Abdelmalek Fathallah, 34 ans, serveur dans le centre-ville.

Les affrontements entre groupes armés rivaux, bien que moins fréquents cette année, «peuvent éclater à tout moment. Ils sont aveugles et détruisent autant les infrastructures que les maisons», témoigne-t-il.

Cela s'est produit mi-août, lorsque les pires combats entre groupes armés depuis un an à Tripoli ont fait 55 morts et 146 blessés.


"Je suis libre!" Un Libanais retourne au pays après 33 ans de détention en Syrie

Un homme passe devant un portrait du président syrien Hafez al-Assad exposé à l'entrée principale d'un bâtiment dans la capitale Damas, le 9 décembre 2024. (AFP)
Un homme passe devant un portrait du président syrien Hafez al-Assad exposé à l'entrée principale d'un bâtiment dans la capitale Damas, le 9 décembre 2024. (AFP)
Short Url
  • Souheil Hamawi ne peut retenir ses larmes à son retour lundi dans son village au Liban, après avoir croupi pendant 33 ans dans les geôles du pouvoir syrien déchu
  • Ce Libanais de 61 ans a retrouvé sa famille dans le village de Chekka, dans le nord du Liban, après que les rebelles ont ouvert les prisons en Syrie dans le sillage de la chute du président syrien Bachar al-Assad

BEYROUTH: "Aujourd'hui, je respire à nouveau. La meilleure chose au monde, c'est la liberté!" Souheil Hamawi ne peut retenir ses larmes à son retour lundi dans son village au Liban, après avoir croupi pendant 33 ans dans les geôles du pouvoir syrien déchu.

Ce Libanais de 61 ans a retrouvé sa famille dans le village de Chekka, dans le nord du Liban, après que les rebelles ont ouvert les prisons en Syrie dans le sillage de la chute du président syrien Bachar al-Assad, qui a fui le pays.

M. Hamawi a déclaré être sorti d'une prison de la ville côtière de Lattaquié (ouest) après avoir été transféré dans plusieurs établissements pénitenciers ces trois dernières décennies, dont la tristement célèbre prison de Saydnaya, près de Damas, où il a écrit des poèmes.

Il a déclaré aux médias locaux avoir appris 20 ans après son arrestation qu'il avait été accusé d'appartenir à la formation chrétienne des Forces Libanaises, sans autres explications.

Sa libération a redonné espoir à des centaines de familles au Liban qui exigent depuis des décennies des autorités qu'elles révèlent le sort de milliers de Libanais qui auraient été arrêtés par les troupes syriennes entrées au Liban peu après le début de la guerre civile (1975-1990).

A l'époque c'était le père de Bachar, Hafez al-Assad, qui dirigeait la Syrie.

A Chekka, les habitants ont applaudi et dansé en accueillant l'ex-prisonnier, qui souligne que son épouse et son fils étaient sa "source de force" durant ses années de détention.

"Un soir, il y a 33 ans, ils (les soldats syriens) sont venus dans cette maison, ont frappé à notre porte et ont dit à mon mari: on doit vous parler. Puis il a disparu pendant 11 ans", a raconté son épouse Joséphine Homsi.

Après avoir réussi à le retrouver, elle a pu lui rendre visite dans les prisons syriennes.

Nicolas Hamawi, son frère jumeau, a qualifié son frère de "plus qu'un héros".

Pendant trois décennies, la Syrie a exercé une influence prépondérante au Liban, avant de retirer ses troupes en 2005 sous la pression internationale et de la rue après l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri.

"J'ai beaucoup attendu, j'ai beaucoup souffert, mais au final je suis libre", a déclaré l'ex-prisonnier.


Les rebelles lancent le processus de transfert du pouvoir après la chute d'Assad

Des habitants de Damas fêtent le 9 décembre 2024, après que les rebelles islamistes ont déclaré avoir pris la capitale syrienne lors d'une offensive éclair, faisant fuir le président Bachar el-Assad et mettant fin à cinq décennies de règne du Baas en Syrie. (AFP)
Des habitants de Damas fêtent le 9 décembre 2024, après que les rebelles islamistes ont déclaré avoir pris la capitale syrienne lors d'une offensive éclair, faisant fuir le président Bachar el-Assad et mettant fin à cinq décennies de règne du Baas en Syrie. (AFP)
Short Url
  • Le chef islamiste des rebelles en Syrie, Abou Mohammad al-Jolani, a lancé lundi les discussions sur le transfert du pouvoir après avoir renversé le président Bachar al-Assad
  • Emporté dimanche après 13 ans de guerre par une offensive spectaculaire de groupes rebelles dirigés par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) de M. Jolani, le président Assad a fui le pays avec sa famille pour Moscou selon les agences rus

DAMAS: Le chef islamiste des rebelles en Syrie, Abou Mohammad al-Jolani, a lancé lundi les discussions sur le transfert du pouvoir après avoir renversé le président Bachar al-Assad, les Occidentaux se montrant prudents face à ces insurgés qui contrôlent la plus grande partie du pays.

Emporté dimanche après 13 ans de guerre par une offensive spectaculaire de groupes rebelles dirigés par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) de M. Jolani, le président Assad a fui le pays avec sa famille pour Moscou selon les agences russes.

Dès sa chute après 24 ans à la tête du pays, rebelles et civils se sont rués vers les prisons pour libérer les détenus, d'autres ont enchaîné les célébrations.

Au lendemain de son entrée à Damas, M. Jolani a discuté lundi avec l'ex-Premier ministre Mohammed al-Jalali pour "coordonner la transition du pouvoir", après que le Parlement et le parti Baas de M. Assad ont apporté leur soutien à la transition, selon un communiqué des rebelles.

Dans un communiqué séparé diffusé par la télévision d'Etat, dont le logo sur Telegram arbore désormais le drapeau des rebelles, un responsable de HTS, Mohammed Abdel Rahmane, a déclaré que "les forces de sécurité œuvrent à sécuriser les bâtiments gouvernementaux et les installations publiques et privées, et mènent des patrouilles pour assurer la sécurité à Damas".

Le groupe HTS, l'ex-branche syrienne d'Al-Qaïda, affirme avoir rompu avec le jihadisme, sans réellement convaincre les pays occidentaux, dont les Etats-Unis, qui le classent terroriste.

- "Evaluer les actes" -

Prenant acte de la fin d'un demi-siècle de règne sans partage du clan Assad, un tournant historique, de nombreux pays ont multiplié les appels à une transition sans violences.

Les Etats-Unis et des pays européens ont dit qu'ils jugeraient HTS sur ses actes, appelant notamment à un gouvernement "inclusif".

"Nous allons évaluer non seulement leurs mots, mais aussi leurs actes", a dit le président américain Joe Biden, en soulignant que certains des groupes rebelles avaient "des antécédents de terrorisme".

Son chef de la diplomatie Antony Blinken a affirmé que les Etats-Unis étaient "déterminés" à ne pas laisser le groupe jihadiste Etat islamique se reconstituer en Syrie.

Berlin a pour sa part indiqué que le chancelier allemand Olaf Scholz et le président français Emmanuel Macron "étaient prêts à coopérer avec les nouveaux dirigeants, sur la base des droits de l'homme fondamentaux et de la protection des minorités ethniques et religieuses".

A la demande de la Russie, qui maintient des bases militaires en Syrie, le Conseil de sécurité de l'ONU se réunit en urgence lundi à huis clos sur la situation dans ce pays.

De son côté, Israël qui a qualifié d'"historique" la chute de M. Assad, a mené lundi plus de 100 frappes contre des sites militaires en Syrie, dont un centre de recherches à Damas, avec l'objectif de détruire "les capacités militaires" du pouvoir déchu, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

A Beyrouth, le Hezbollah pro-iranien a condamné ces raids et assuré "soutenir la Syrie et son peuple".

Alors que le pouvoir syrien a été accusé par des ONG d'avoir arrêté des centaines de milliers de personnes, dont des dizaines de milliers tuées notamment sous la torture, une foule de proches de détenus se sont massés devant la prison tristement célèbre Saydnaya, près de Damas.

Invoquant l'existence de "cellules souterraines cachées", le groupe de secours des Casques blancs y a mené des fouilles, à l'aide "des spécialistes de l'abattage des murs et des équipes chargées d'ouvrir les portes en fer".

- "Tortures effroyables" -

"Des détenus sont encore sous terre, la prison a trois ou quatre sous-sols", à l'accès verrouillé par des codes, affirme Aida Taha, 65 ans, qui s'y est rendue à la recherche de son frère, dont elle est sans nouvelles depuis 2012.

Des prisonniers libérés ont déferlé par vagues dans les rues de Damas, certains totalement désorientés, alors que Syriens partagent sur les réseaux sociaux les photos de leur proches détenus dans l'espoir d'obtenir des informations sur eux.

A l'hôpital de Harasta, près de Damas, des rebelles syriens ont déclaré à l'AFP avoir trouvé lundi une quarantaine de corps portant des traces de torture.

"C'était un spectacle horrible: une quarantaine de corps étaient empilés, montrant des signes de tortures effroyables", a décrit auprès de l'AFP Mohammed al-Hajj, un combattant des factions rebelles du sud du pays, joint par téléphone depuis Damas.

Le cofondateur de l'Association des détenus et des disparus de la prison de Sednaya (ADMSP), Diab Serriya, a estimé que les corps étaient probablement ceux de détenus de la prison de Saydnaya.

Sur la place des Omeyyades à Damas, c'est toujours la liesse, avec des tirs de joie nourris et des klaxons.

Seuls quelques commerces ont rouvert à Damas, où les institutions, écoles comprises, sont fermées. La Banque centrale a affirmé que l'argent des déposants était "en sécurité".

Des réfugiés syriens affluent aussi du Liban et de Turquie, à la frontière syrienne.

- Gel des procédures d'asile -

Au moins 910 personnes, dont 138 civils, ont été tuées durant l'offensive rebelle éclair lancée le 27 novembre, selon l'OSDH.

Déclenchée en 2011 par la répression de manifestations prodémocratie, la guerre en Syrie a fait plus de 500.000 morts. Outre la Russie, la Turquie et les Etats-Unis - qui soutiennent les forces kurdes syriennes - maintiennent toujours des soldats au sol dans le nord de la Syrie.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, dont le pays soutient des groupes rebelles et accueille des millions de réfugiés syriens, a dit que la Turquie "n'a aucune visée sur les terres" syriennes.

Sitôt M. Assad renversé, le débat sur l'accueil des réfugiés syriens a ressurgi en Europe, plusieurs pays, dont l'Allemagne, annonçant un gel des procédures de demandes d'asile pour les exilés syriens. Vienne a dit préparer leur expulsion.


En Syrie, les prisonniers sortent de l'enfer de la prison de Saydnaya

A Saydnaya, à une trentaine de kilomètres de Damas, libérer les prisonniers s'annonce redoutable. (AFP)
A Saydnaya, à une trentaine de kilomètres de Damas, libérer les prisonniers s'annonce redoutable. (AFP)
Short Url
  • Aucun mobilier n'est visible si ce n'est quelques maigres couvertures jetées au sol. Et des murs rongés par l'humidité et la saleté
  • "Que s'est-il passé?". La question revient sur les lèvres des prisonniers désormais libres

BEYROUTH: Un homme immortalise la scène avec son téléphone: des hommes armés font sauter les verrous des cellules de Saydnaya, la prison syrienne témoin des pires exactions du pouvoir de Bachar al-Assad. Des hommes, des femmes et des enfants hagards en sortent, peinant à croire que le président est vraiment tombé.

"Vous êtes des hommes libres, sortez! C'est fini, Bachar est parti, on l'a écrabouillé!", crie l'homme au portable, quelques heures après l'entrée des rebelles dans Damas, et la fuite en Russie du président Bachar al-Assad.

Par la porte, des dizaines d'hommes, visages émaciés, certains portés par des camarades car trop faibles pour avancer seuls, sortent de la cellule carrelée.

Aucun mobilier n'est visible si ce n'est quelques maigres couvertures jetées au sol. Et des murs rongés par l'humidité et la saleté.

"Que s'est-il passé?". La question revient sur les lèvres des prisonniers désormais libres.

Dès la chute d'Assad, les rebelles ont foncé vers les prisons.

"J'ai peur" 

A Saydnaya, à une trentaine de kilomètres de Damas, libérer les prisonniers s'annonce redoutable.

Le groupe de secours des Casques blancs dit chercher des "cellules souterraines cachées". Pour le moment, en vain. Malgré des informations contradictoires, ses volontaires défoncent depuis dimanche murs et recoins à coups de masse ou de barres de fer pour tenter de les localiser.

Les équipes utilisent aussi des capteurs audio, des chiens : "Nous travaillons de toute notre énergie, mais jusqu'à présent, il n'y a aucune preuve confirmant la présence de détenus à l'intérieur des sous-sols et labyrinthes", a indiqué sur X le chef des casques blancs Raed Saleh, après avoir annoncé devoir "se préparer au pire".

Le groupe a promis une récompense de 3.000 dollars à toute personne permettant d'identifier l'emplacement des prisons secrètes, et appelé les anciens officiers de sécurité et ceux en fonction à fournir leur aide, tout en garantissant de ne pas divulguer leur identité.

"Il y a des centaines, peut-être des milliers de prisonniers retenus deux ou trois étages sous terre, derrière des verrous électroniques et des portes hermétiques", prévient Charles Lister, du Middle East Institute.

Dans une autre aile, ce sont des cellules de femmes. Devant la porte de l'une d'elles, un enfant attend, perdu.

"J'ai peur", hurlent plusieurs femmes à la suite, visiblement apeurées à l'idée d'être piégées ou de nouveau violentées par les hommes en armes qui sillonnent les coursives.

"Il est tombé, vous pouvez sortir", ne cessent de marteler ceux qui viennent les délivrer.

Depuis le début en 2011 de la "révolution", plus de 100.000 personnes ont péri dans ses prisons, notamment sous la torture, estimait en 2022 l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

A la même époque, l'OSDH rapportait qu'environ 30.000 personnes avaient été détenues à Saydnaya, dont seulement 6.000 avaient été relâchées.

"Abattoir humain" 

Amnesty International, de son côté, a recensé des milliers d'exécutions et dénonce "une véritable politique d'extermination" à Saydnaya, un "abattoir humain".

Dans les rues de la capitale, aujourd'hui, ils déferlent par vagues. Reconnaissables de loin parce qu'ils portent encore les stigmates de ce qui a fait la triste notoriété de Saydnaya, comme d'autres prisons avant elle en Syrie: la torture, la maladie et surtout la faim.

Certains sont incapables de dire un mot. Pas même leur nom ou leur ville d'origine. D'autres répètent en boucle des borborygmes, traumatisés par la torture, assurent leurs compagnons d'infortune.

Certains sont là depuis peu. D'autres avaient disparu depuis l'époque d'Hafez al-Assad.

Dans le chaos, peu savent où aller, qui retrouver.

Aida Taher, 65 ans, est toujours à la recherche de son frère arrêté en 2012. Elle a raconte qu'elle "a couru dans les rues comme une folle" en allant à Saydnaya : "Mais j'ai découvert que certains prisonniers étaient toujours dans les sous-sols, il y a trois ou quatre sous-sols" et "ils ont dit que les portes ne s'ouvrent pas car ils n'ont pas les bons codes".

Elle s'emporte: "Nous avons été opprimés assez longtemps, on veut que nos enfants reviennent".

Le groupe des casques blancs a appelé les proches des victimes à "la patience et à ne pas creuser les prisons par eux-même, ceci conduisant à la destruction des preuves matérielles potentiellement essentielles pour révéler les faits et soutenir les efforts de justice".

En ligne, des familles ressortent les photos en noir et blanc de jeunes hommes fringants ou celles de manifestants sous les drapeaux de la "révolution" qui ont fleuri dans les provinces rebelles en 2011. Elles demandent si quelqu'un a vu ces hommes. S'ils étaient à Saydnaya.

Ou s'ils sont vraiment morts, emportés dans les 14 années de chaos en Syrie, sans espoir de les voir ressurgir au coin de la rue, amaigris mais en vie.