En Ukraine, l'impossible reconstruction d'un village libéré des Russes

Halyna Yevleva, 60 ans, se tient dans une pièce de sa maison partiellement détruite dans le village de Mala Komyshuvakha, dans la région de Kharkiv, le 8 août 2023, au milieu de l'invasion russe en Ukraine. (Photo de SERGEY BOBOK / AFP)
Halyna Yevleva, 60 ans, se tient dans une pièce de sa maison partiellement détruite dans le village de Mala Komyshuvakha, dans la région de Kharkiv, le 8 août 2023, au milieu de l'invasion russe en Ukraine. (Photo de SERGEY BOBOK / AFP)
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Publié le Mardi 12 septembre 2023

En Ukraine, l'impossible reconstruction d'un village libéré des Russes

  • L'armée russe avait abandonné la majeure partie de la région de Kharkiv en septembre 2022 face à une contre-offensive éclair des troupes ukrainiennes, laissant derrière elle des maisons démolies, des fermes minées et des indices de crimes de guerre
  • Sans électricité ni réseau téléphonique, les villageois doivent parcourir plusieurs kilomètres à pied pour passer un appel. Sans réfrigérateur, ils doivent conserver leurs aliments au sous-sol

MALA KOMYCHOUVAKHA, UKRAINE: Des caisses de munitions abandonnées par les forces russes lors de leur retraite il y a un an gisent toujours près de la maison d'Oleksandre Kokovitch, symbole de l'occupation passée de son village isolé du nord-est de l'Ukraine.

L'armée russe avait abandonné la majeure partie de la région de Kharkiv en septembre 2022 face à une contre-offensive éclair des troupes ukrainiennes, laissant derrière elle des maisons démolies, des fermes minées et, d'après les locaux, des indices de crimes de guerre commis durant l'occupation.

Le départ des occupants n'a toutefois guère apporté de soulagement aux habitants, à l'exemple de M. Kokovitch, qui avait fui en mars 2022 son village de Mala Komychouvakha.

Lorsque ce vétérinaire de 58 ans est revenu en septembre de la même année au village, il a trouvé sa maison en ruines.

Un an plus tard, il attend toujours des matériaux de construction de la part de l'Etat ukrainien pour réparer son toit détruit, et devra probablement s'en passer pour le deuxième hiver consécutif.

Leur chambre étant jonchée de gravas, Oleksandre et sa femme Galina sont contraints de vivre dans leur garage, et attendent encore que les services de base soient rétablis.

Sans électricité ni réseau téléphonique, les villageois doivent parcourir plusieurs kilomètres à pied pour passer un appel. Sans réfrigérateur, ils doivent conserver leurs aliments au sous-sol.

"Nous pensions que tout serait rétabli rapidement. Ce n'a pas été le cas", dit M. Kokovitch, cigarette à la main, tandis que des explosions se font entendre au loin, pour cause de déminage.

Car le village reste truffé de pièges et de mines laissés par les troupes russes.

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Cette photographie prise le 8 septembre 2023 montre un bâtiment détruit à Izyum, dans la région de Kharkiv, lors de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo de SERGEY BOBOK / AFP)

Pas une priorité

Au moment où l'Ukraine mène depuis juin une difficile contre-offensive dans le Sud et l'Est, la reconstruction des zones libérées reste une question en suspens.

A Izioum, ville de 45 000 habitants avant la guerre, libérée en septembre 2022 comme Mala Komychouvakha, les signes de destruction sont encore visibles partout: poteaux électriques brisés, ponts détruits, bâtiments publics calcinés.

Le maire de la ville, Valery Martchenko admet qu'il faudra "des décennies" pour reconstruire Izioum. Pour ce qui est du village d'Oleksandre, Mala Komychouvakha, situé à proximité, la priorité doit aller aux zones les plus peuplées, explique-t-il.

"C'est un problème complexe. Nous devons établir des priorités", justifie M. Martchenko.

Seul 15 habitants sur les 120 d'avant la guerre sont revenus à Mala Komychouvakha, dont certains ont subi l'occupation russe.

Oleksandre Kokovitch montre son quartier de la main pour décrire son isolement: le voisin est mort, celui de la maison d'après aussi.

En revenant, il a trouvé son chien encore en vie dans son sous-sol, mais aussi des grenades et des obus antichar dans son jardin, qu'il dit avoir remis à l'armée ukrainienne.

Il a utilisé les boîtes de munitions pour combler un mur effondré de sa maison et d'autres sont empilées autour de son potager comme pour le protéger du souffle des explosions.

Les douilles de balles jonchent le sol et des traces de char mènent à un énorme cratère, visiblement utilisé pour positionner le blindé.

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Halyna Yevleva, 60 ans, cuisine dans l'arrière-cour de sa maison partiellement détruite dans le village de Mala Komyshuvakha, dans la région de Kharkiv, le 8 août 2023, lors de l'invasion russe en Ukraine. (Photo de SERGEY BOBOK / AFP)

Atrocités

Mala Komychouvakha a toutefois été épargnée des pires abus rapportés à Izioum lors de l'occupation russe.

Selon l'ONG Human Rights Watch, les troupes russes ont "régulièrement torturé" dans cette ville des personnes qu'elles détenaient et les autorités ukrainiennes ont fait état d'un site d'enterrement collectif dans une forêt comptant près de 440 corps.

Aidés par leurs collaborateurs locaux à Izioum, les forces russes tenaient une "liste noire" des personnes à éliminer ou emprisonner, a expliqué à l'AFP le criminologue tchèque Petr Pojman, citant des entretiens avec des rescapés.

Tamara Michtchenko, une habitante de 54 ans, raconte que les soldats qui occupaient Mala Komychouvakha disaient vouloir chasser les nationalistes ukrainiens, qualifiés de "nazis".

Cette femme était restée au village, ne pouvant se résoudre à abandonner des dizaines d'animaux de ferme.

Cependant, l'absence de reconstruction fait que les conditions sont aujourd'hui "pires", raconte Tamara, au point qu'elle s'interroge sur le sacrifice d'un membre de sa famille qui est parti au front.

"Pourquoi se bat-il? Pour ce gâchis?", fustige-t-elle.

Oleksandre Kokovitch est lui déterminé à reconstruire, jurant de ne jamais repartir, même si le village était de nouveau occupé.

"Même s'ils recommencent à tirer, nous ne partirons pas. C'est notre terre", dit-il.


Mobilisation en soutien à Gaza: affrontements et intervention de la police sur le campus de la UCLA à Los Angeles

Des agents de la CHP marchent près d'un campement de partisans des Palestiniens de Gaza, sur le campus de l'UCLA, à Los Angeles, Californie, États-Unis, le 1er mai 2024. (Reuters)
Des agents de la CHP marchent près d'un campement de partisans des Palestiniens de Gaza, sur le campus de l'UCLA, à Los Angeles, Californie, États-Unis, le 1er mai 2024. (Reuters)
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  • Manifestants et contre-manifestants se sont opposés à coups de bâton et se sont lancé des projectiles
  • Quelques heures plus tôt, la police de New York avait délogé des manifestants pro-palestiniens barricadés dans un bâtiment de l'université Columbia, campus américain d'où est partie la mobilisation estudiantine pro-palestinienne

LOS ANGELES : Des affrontements ont éclaté dans la nuit de mardi à mercredi en marge d'un rassemblement étudiant dénonçant la guerre menée par Israël à Gaza à l'Université UCLA, à Los Angeles, dernier épisode d'un mouvement étudiant qui secoue les Etats-Unis.

Les heurts ont éclaté quand un important groupe de contre-manifestants, pour beaucoup masqués, a attaqué un campement pro-palestinien installé sur une pelouse de l'UCLA, selon un photographe de l'AFP sur place.

Les assaillants ont tenté d'enfoncer une barricade improvisée autour du campement, composée de barrières métalliques et de panneaux de contreplaqué. Manifestants et contre-manifestants se sont ensuite opposés à coups de bâton et se sont lancé des projectiles.

«La violence en cours à l'UCLA est absolument abjecte et inexcusable», a fustigé la maire de Los Angeles, Karen Bass, ajoutant que la police de la ville était déployée sur le campus.

Cette dernière a indiqué avoir été appelée en renfort par la direction après «de nombreux actes de violence commis dans le campement à l'intérieur du campus».

Tôt mercredi, les policiers étaient toujours présents en grand nombre sur le site universitaire.

Quelques heures plus tôt, la police de New York avait délogé des manifestants pro-palestiniens barricadés dans un bâtiment de l'université Columbia, intervenant manu militari sur le campus américain d'où est partie la mobilisation estudiantine pro-palestinienne.

Le campement de tentes installé sur la pelouse du site a été démantelé, a pu constater une journaliste de l'AFP dans la nuit de mardi à mercredi.

Environ 300 personnes ont été interpellées, a indiqué la police new-yorkaise.

Dans le sud-ouest du pays, la police de l'Université de l'Arizona a annoncé mercredi matin avoir utilisé du gaz lacrymogène pour disperser «un rassemblement illégal».

En Caroline du Nord, sur la côte est, la police est intervenue mardi pour évacuer un campement sur un campus de Chapel Hill, arrêtant plusieurs manifestants dans un face-à-face tendu.

- Accord -

Depuis deux semaines, les mobilisations de soutien à Gaza se multiplient à travers les campus américains, de la Californie aux grandes universités du nord-est, en passant par le sud et le centre du pays -- rappelant les manifestations contre la guerre du Vietnam.

Les étudiants appellent les établissements à couper les ponts avec des mécènes ou entreprises liés à Israël, et dénoncent le soutien de Washington à son allié israélien.

Se distinguant ainsi des autres institutions, l'université Brown dans l'Etat de Rhode Island a annoncé mardi avoir trouvé un accord avec les manifestants, prévoyant le démantèlement de leur campement en échange d'un vote de l'université en octobre sur d'éventuels «désinvestissements dans des +sociétés qui rendent possible et profitent du génocide à Gaza+».

A Columbia, les négociations entre direction et groupes étudiants n'avaient pas abouti. «Les événements de la nuit dernière sur le campus ne nous ont pas donné le choix», avait écrit la présidente de l'université, Minouche Shafik, dans une lettre rendue publique demandant à la police de New York d'intervenir sur le campus.

A Los Angeles, le président de l'UCLA Gene Block avait mis en garde avant les heurts de la nuit contre la présence de personnes extérieures à l'université.

Dimanche, des militants pro-palestiniens et pro-israéliens, soutenus par de nombreux manifestants extérieurs au campus, en étaient venus aux mains, avec des bousculades et des insultes.

«Beaucoup de manifestants et de contre-manifestants pratiquent leur militantisme de manière pacifique. Mais d'autres emploient des méthodes franchement choquantes et honteuses», avait écrit M. Block dans un message posté mardi sur le site de l'université.

«Ces incidents ont provoqué, tout particulièrement chez nos étudiants juifs, une profonde anxiété et de la peur», a-t-il ajouté.

- A 6 mois de la présidentielle -

Depuis le début du mouvement, des centaines de personnes - étudiants, enseignants et militants - ont été interpellées, parfois arrêtées et poursuivies en justice dans plusieurs universités du pays.

Les images de policiers anti-émeutes intervenant sur les campus, à la demande des universités, ont fait le tour du monde et on fait vivement réagir le monde politique, à six mois de la présidentielle dans un pays polarisé.

Joe Biden «doit faire quelque chose» contre ces «agitateurs payés», a déclaré mardi soir sur Fox News le candidat républicain Donald Trump. «Il nous faut mettre fin à l'antisémitisme qui gangrène notre pays aujourd'hui», a-t-il ajouté.

«Occuper par la force un bâtiment universitaire est la mauvaise approche» et ne représente «pas un exemple de manifestation pacifique», avait tonné avant l'intervention de la police John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche.


Royaume-Uni: Premiers migrants arrêtés avant leur expulsion vers le Rwanda, d'autres campent à Dublin

Des demandeurs d'asile dormant dans des tentes à Dublin affirment que la vie sous les bâches est meilleure et plus sûre que le risque d'être envoyé par le Royaume-Uni au Rwanda  (Photo, AFP).
Des demandeurs d'asile dormant dans des tentes à Dublin affirment que la vie sous les bâches est meilleure et plus sûre que le risque d'être envoyé par le Royaume-Uni au Rwanda (Photo, AFP).
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  • L'adoption d'une loi permettant l'expulsion des migrants vers le Rwanda a déclenché leur départ du Royaume-Uni
  • Une centaine de tentes ont poussé devant l'Office, depuis que le gouvernement irlandais a cessé il y a quelques mois de fournir un hébergement aux demandeurs d'asile

LONDRES: Les premiers migrants susceptibles d'être expulsés par le Royaume-Uni vers le Rwanda ont été arrêtés et placés en détention, a annoncé mercredi le ministère britannique de l'Intérieur, sans préciser le nombre de personnes concernées.

"Les premiers migrants en situation irrégulière devant être expulsés vers le Rwanda ont été placés en détention à la suite d'une série d'opérations menées cette semaine à l'échelle nationale", écrit le Home Office dans un communiqué.

Davantage d'arrestations "devraient être menées dans les semaines à venir", a-t-il ajouté.

"Cette action est un élément clé du plan visant à assurer des vols vers le Rwanda dans les neuf à onze semaines à venir", a poursuivi le ministère.

Le gouvernement conservateur de Rishi Sunak a promis de mettre un terme aux traversées de la Manche par les migrants clandestins.

Le Parlement a adopté la semaine dernière une loi très controversée permettant d'expulser vers le Rwanda des migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni.

Leur demande d'asile sera examinée dans ce pays d'Afrique de l'Est et ils ne pourront pas revenir au Royaume-Uni, quelle que soit l'issue de leur démarche.

Le gouvernement compte commencer les expulsions au début de l'été et espère qu'elles dissuaderont d'autres migrants de venir au Royaume-Uni.

Cette politique "montrera clairement que si vous venez ici illégalement, vous ne pouvez pas rester", redit le ministère de l'Intérieur dans son communiqué.

"Nos équipes (...) travaillent à un rythme soutenu pour arrêter rapidement les personnes qui n'ont pas le droit d'être ici, afin que nous puissions faire décoller les vols", a déclaré le ministre de l'Intérieur James Cleverly, cité dans le communiqué.


L'ONG HRW critique l'application mobile pour demander l'asile à la frontière mexicano-américaine

Des migrants de différentes nationalités demandant l'asile aux États-Unis voyagent à bord des wagons de marchandises du train mexicain connu sous le nom de « La Bête » alors qu'ils arrivent à la ville frontalière de Ciudad Juarez, dans l'État de Chihuahua, au Mexique, le 24 avril 2024 (Photo, AFP).
Des migrants de différentes nationalités demandant l'asile aux États-Unis voyagent à bord des wagons de marchandises du train mexicain connu sous le nom de « La Bête » alors qu'ils arrivent à la ville frontalière de Ciudad Juarez, dans l'État de Chihuahua, au Mexique, le 24 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Depuis mai 2023, avant de se présenter à la frontière, les demandeurs d'asile, sauf les mineurs isolés, sont censés obtenir un rendez-vous sur l'application téléphonique de la police américaine des frontières
  • Beaucoup des personnes interrogées ont fait état de nombreux problèmes pour utiliser l'application

WASHINGTON: L'obligation pour les demandeurs d'asile aux Etats-Unis d'obtenir un rendez-vous sur une application mobile avant de se présenter à la frontière avec le Mexique livre les migrants à la violence des cartels, déplore mercredi Human Rights Watch (HRW).

Depuis mai 2023, avant de se présenter à la frontière, les demandeurs d'asile, sauf les mineurs isolés, sont censés obtenir un rendez-vous sur l'application téléphonique de la police américaine des frontières ou s'être vu refuser l'asile dans un des pays traversés. Autrement, leur demande est présumée illégitime et ils risquent une procédure d'expulsion accélérée, leur interdisant pendant cinq ans l'entrée aux Etats-Unis.

Cette réglementation fait suite à la levée par l'administration du président démocrate Joe Biden d'une mesure de son prédécesseur républicain Donald Trump qui verrouillait depuis trois ans l'accès au territoire américain.

"Mais un résultat pratique reste le même pour les demandeurs d'asile", affirme HRW dans un rapport publié mercredi : pendant de longues semaines, voire des mois, "ils sont forcés d'attendre dans le nord du Mexique, ainsi que dans beaucoup d'autres villes ailleurs au Mexique par lesquelles transitent les migrants".

Systématiquement visés 

Ils y sont "systématiquement visés par les cartels qui, parfois avec l'aide de responsables des autorités mexicaines, les enlèvent, les rackettent, les agressent sexuellement et les dévalisent", énumère l'ONG.

L'exigence de prise de rendez-vous sur l'application crée un "filtrage numérique", qui livre "aux cartels une population vulnérable", selon le rapport, établi à partir d'interviews avec 128 demandeurs d'asile, des employés de centres d'accueil, des responsables mexicains et des employés d'organisations humanitaires.

Bien que l'inscription pour un rendez-vous sur l'application ne soit en principe pas obligatoire, dans les faits, les demandeurs qui se présentent à la frontière sans l'avoir préalablement obtenue sont éconduits par les autorités frontalières mexicaines et américaines, indique HRW.

Beaucoup des personnes interrogées ont fait état de nombreux problèmes pour utiliser l'application, notamment matérielles, techniques, ou linguistiques. L'application n'est ainsi disponible qu'en anglais, en espagnol et en créole haïtien.

Ces pratiques "violent le principe juridique fondamental de non-refoulement" des demandeurs d'asile vers des pays où leur vie ou leur liberté serait en danger, souligne l'ONG.

Elle exhorte donc l'administration Biden à donner instruction à la police des frontières de traiter toutes les demandes d'asile, indépendamment de la façon ou du lieu de dépôt, ainsi que de l'obtention d'un rendez-vous via l'application "CBP One" de la police des frontières.

Human Rights Watch lui suggère en outre d'en améliorer l'accessibilité et la facilité d'utilisation, y compris par l'ajout d'autres langues, comme l'arabe, le français, le russe, le chinois, le portugais, et de langages amérindiens.