À l’occasion de sa dernière exposition, «Lettres de lumière», le Louvre Abu Dhabi met en valeur des manuscrits abrahamiques

1 - le Coran: Egypte, vers 1500, sur papier avec reliure égyptienne à rabat ; 2 - Pentateuque, ou Torah : France, 1300, parchemin ; 3 - La Bible de Souvigny France fin du XIIIe siecle, parchemin. (Moulins, Samuel Paty multimedia library)
1 - le Coran: Egypte, vers 1500, sur papier avec reliure égyptienne à rabat ; 2 - Pentateuque, ou Torah : France, 1300, parchemin ; 3 - La Bible de Souvigny France fin du XIIIe siecle, parchemin. (Moulins, Samuel Paty multimedia library)
Le Coran Bleu: fin du IXe siècle - début du Xe siècle (BNF).
Le Coran Bleu: fin du IXe siècle - début du Xe siècle (BNF).
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Publié le Jeudi 14 septembre 2023

À l’occasion de sa dernière exposition, «Lettres de lumière», le Louvre Abu Dhabi met en valeur des manuscrits abrahamiques

  • L’exposition temporaire est une invitation au voyage, à la découverte, et à la réflexion
  • Les visiteurs sont invités à apprécier la beauté des artefacts, des documents manuscrits et peints page par page sans que des connaissances préalables soient nécessaires

ABU DHABI: Une copie du Coran, considérée comme la plus petite copie complète au monde, est exposée au Louvre d'Abou Dhabi, faisant partie de l'exposition « Lettres de lumière », qui ouvrira ses portes au public du 13 septembre 2023 jusqu'au 14 janvier 2024. 

L'exposition explore le contexte historique dans lequel les livres sacrés sont apparus, la manière dont ils ont été transmis au fil des ans, les pratiques savantes et mystiques qui leur sont associées, ainsi que leur rôle essentiel dans l'histoire intellectuelle et artistique universelle.

«La matière parle d'elle-même, les pages du Coran bleu, l'inscription, la calligraphie, aussi belle que cette teinture indigo: c'est tout simplement sensationnel», confie la Dr Souraya Noujaim, directrice du département des arts islamiques du Musée du Louvre, à Paris.

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Bible de Souvigny, France fin du XIIIe siecle, parchemin (Moulins, médiathèque Samuel Paty)

«C'est une opportunité à ne pas manquer pour entreprendre un voyage de réflexion profonde explorant l'interaction complexe entre la créativité et la spiritualité. C'est une célébration de la diversité et de la tolérance et un témoignage de la coexistence harmonieuse des croyances. C'est une exposition qui incarne l'engagement des Émirats arabes unis et du Louvre Abu Dhabi à établir des liens significatifs», a souligné avant l'inauguration Manuel Rabaté, directeur du Louvre Abu Dhabi.

Les visiteurs auront l'occasion de découvrir des manuscrits de la Torah, de la Bible et du Coran, ainsi que des artefacts de la collection de la Bibliothèque Nationale de France (BNF), du Musée du Louvre, à Paris, et de la collection du Louvre Abu Dhabi: ces objets d’une grande variété mettent en lumière les origines des trois religions monothéistes.

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Rouleau de la Torah : Syries, XVIe siècle, Peau (BNF).

Pour Laurence Engel, présidente de la Bibliothèque Nationale de France, l’exposition est «l'occasion d'admirer la force de ces religions et la beauté de leurs productions matérielles, [...] d'expliquer, de comprendre et de raconter notre histoire commune».

«Lettres de lumière» est un projet qui réunit des experts de l’Hexagone et de la région pour offrir une expérience unique avec tous ces artefacts qui sont accompagnés d'une sonographie sur mesure. Cette dernière renforce la transition thématique à travers les différentes sections de l'exposition, qui commence par la présentation du fondateur, Abraham, avant de passer aux textes, à la fidélité dans la transmission, aux pratiques, au chemin mystique et au pouvoir des mots, aux sanctuaires et aux miroirs du divin.

«La parole de Dieu» était récitée, apprise par cœur et transmise oralement avant d'être copiée. L'exposition met en avant cette transmission à travers différents supports: papyrus, parchemin, papier, entre autres.

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Muhammad ibn Ismail al-Buhari : Afrique du Nord, 1727, Papier (BNF).

La préservation de l'intégrité des textes révélés est devenue une priorité dans cette transition de l'oral à l'écrit; les copistes ont joué un rôle important dans ce processus. La transmission du patrimoine nécessite également que les textes soient lus correctement, ce qui a conduit les grammairiens à ajouter des signes supplémentaires pour indiquer l'écriture, la prononciation et la ponctuation appropriées des textes. L'introduction de l'imprimerie a donné naissance à de nouvelles connaissances et elle a favorisé la diffusion des trois livres universels.

«L'objectif était de présenter le sujet en racontant une histoire. C'est l'histoire du livre, c'est l'histoire de l'humanité, c'est l'histoire des gens, c'est l'histoire de la pensée. La dimension pédagogique et chronologique semblait importante. Je voulais que les visiteurs quittent cette exposition avec des repères», précise Laurent Héricher, conservateur en chef et responsable du département des manuscrits orientaux à la BNF.

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Enluminure d'un Tétraévangile (arménien) : Scribe et ses instruments. Arménie, vers 1370-1390, papier (BNF).

L’exposition «Lettres de lumière» est une invitation au voyage, à la découverte, à la réflexion, et à la méditation, avec pour point d’orgue L’Invisible, une expérience sonographique proposée par l'artiste saoudien Muhannad Shono.

Pour la Dr Souraya, il ne s'agit pas seulement de l'invisible, mais plutôt de «ce qui ne peut pas être vu». C'est là l'essence du projet et de cette opportunité de voyage dans le temps qu’apporte chaque artefact présent dans cette exposition temporaire.

«Nous avons pensé à conclure cette exposition, qui est dense et riche de contenus éducatifs, par quelque chose d’axé sur la contemplation. Il s'agit d'une traduction muséographique d'un concept connu sous le nom de concept des “Maisons d'Abraham”», explique M. Héricher.

La mise en place de «Lettres de lumière» a nécessité une «expertise sans failles», précise la Dr Souraya. En effet, «la scénographie, la simplicité des explications guide le visiteur. L'accompagnement sonore est utile, très mesuré, et c'était l'une des grandes questions du projet. Il y a une combinaison de savoir et d'esthétique».

Avec l'avènement du numérique, la présence des artefacts continue de s'affirmer. Pour M. Héricher, «les nouvelles technologies changent effectivement le paysage et trouvent leur place dans toutes les configurations de scénographie. Dans le cas de notre exposition, elles sont restées relativement discrètes, mais nous pouvons aller plus loin et nous irons certainement beaucoup plus loin avec des objets numériques uniques. Il s'agit d'outils complémentaires, pas de substituts».

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Le plus petit Coran complet (écriture naskh) : Perse, XVIIIe siècle (Manama, Beit Al Quran).

En tant que premier musée universel de la région, le Louvre Abu Dhabi joue un rôle significatif dans la promotion du dialogue entre les civilisations. Il s'inscrit dans l'histoire des Émirats arabes unis en matière de tolérance et rappelle la place d'Abu Dhabi en tant que centre culturel régional.

Au mois de mars dernier, la ville a été le témoin de l'inauguration de la Maison de la famille d'Abraham, un centre d'apprentissage, de dialogue et de pratique de la foi situé dans le quartier culturel de Saadiyat, à Abu Dhabi.

La collaboration avec des institutions centenaires, notamment la BNF, ainsi que le développement de partenariats contribuent au succès du riche calendrier d'expositions du Louvre Abu Dhabi, avec le projet à venir «Kalila wa Dimna» («Kalila et Dimna»), qui s'appuie sur une tradition orientale dont la portée est universelle.


Le savoir-faire des artisans du Qassim mis à l’honneur

La région de Qassim est réputée pour son artisanat traditionnel, notamment dans l'industrie de l'osier de palme. (SPA)
La région de Qassim est réputée pour son artisanat traditionnel, notamment dans l'industrie de l'osier de palme. (SPA)
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  • Un art transmis de génération en génération continue de prospérer, alors que les artisans mêlent patrimoine culturel et créativité au Festival des dattes de Buraidah
  • Le tressage de palmes remonte à l’Antiquité, servant à l’origine aux besoins essentiels du foyer

RIYAD : La région de Qassim est réputée pour son artisanat traditionnel, en particulier dans le domaine du tressage de palmes. Cet art ancestral, transmis de génération en génération, continue de prospérer grâce aux artisans qui allient patrimoine culturel et créativité lors du Festival des dattes de Buraidah.

L'artisane Umm Abdullah a démontré le processus minutieux du tressage de palmes : les feuilles sont d’abord trempées et séchées, puis habilement transformées en divers objets comme des paniers, des nattes ou des sets de table.

Elle a expliqué que l’abondance de palmiers dans la région a fait de cet artisanat une source de revenus essentielle pour de nombreuses familles travaillant dans l’industrie artisanale locale, selon l’Agence de presse saoudienne.

Umm Abdullah a ajouté que les objets en feuilles de palmier sont très recherchés pour leur valeur culturelle et leur lien précieux avec le patrimoine.

Remontant à l’Antiquité, le tressage de palmes répondait aux besoins domestiques du quotidien. Avec le temps, l’innovation a permis de diversifier les produits et les designs, affirmant cet artisanat comme un véritable pilier du patrimoine.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


De Cannes au Casino du Liban, le flûtiste Daniel Alhaiby revient au Liban

Ce spectacle fait suite à ses années d'expérience dans des lieux et événements prestigieux, notamment le Festival de Cannes, où il a partagé sa musique avec un public international. (Fichier/ Fourni)
Ce spectacle fait suite à ses années d'expérience dans des lieux et événements prestigieux, notamment le Festival de Cannes, où il a partagé sa musique avec un public international. (Fichier/ Fourni)
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  • "Se produire au Liban, c'est comme boucler la boucle pour moi. C'est là que tout a commencé, et c'est tellement important", a-t-il déclaré
  • "Partager ma musique dans mon pays d'origine est comme une célébration de mon voyage, de Paris à la scène mondiale et de retour à la maison

DUBAI : Flûte en main, Daniel Alhaiby, profondément attaché à l'Orient et à l'Occident, se prépare à donner son premier concert solo au Casino du Liban le 10 septembre.

Ce concert fait suite à ses années d'expérience dans des lieux et événements prestigieux, notamment le Festival de Cannes, où il a partagé sa musique avec un public international.
"Cannes, c'est de la magie à l'état pur. Chaque fois que je joue, j'ai l'impression de représenter non seulement moi-même, mais aussi toute une culture, toute une histoire", a déclaré M. Alhaiby à Arab News.

Le retour au Liban pour son concert solo est un moment profondément personnel pour Alhaiby.

"Se produire au Liban, c'est comme boucler la boucle pour moi. C'est là que tout a commencé, et c'est tellement important", a-t-il déclaré.


"Partager ma musique dans mon pays d'origine est comme une célébration de mon voyage, de Paris à la scène mondiale et de retour à la maison.

"Le Casino du Liban a toujours été un lieu de rêve pour moi... Le public peut s'attendre à une expérience vraiment spéciale. J'ai soigneusement élaboré la liste des morceaux pour les emmener dans un voyage musical qui mêle mes compositions originales à des classiques revisités."

Les influences musicales d'Alhaiby sont diverses, allant de Piazzolla et Rimsky-Korsakov à Fairuz, Hans Zimmer, Pink Floyd et Bach.

"Je suis plus influencé par l'émotion que par le genre. Tout ce qui me touche, qu'il s'agisse d'une partita de Bach ou d'une improvisation orientale, se retrouve dans ma musique", a-t-il déclaré.

Le musicien a expliqué qu'il avait été attiré par la flûte dès son "plus jeune âge" : "Sa sonorité a toujours été proche de mon âme, il y a quelque chose dans son souffle, dans sa tonalité expressive, qui se connecte profondément à mes émotions. Au fil du temps, elle est devenue plus qu'un simple instrument ; elle est devenue ma voix, ma façon d'exprimer tout ce que les mots ne peuvent pas exprimer".


Essence de grands parfums, le jasmin égyptien se fane sous le réchauffement

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  • Dans cette région fertile, le jasmin fait vivre des milliers de familles depuis des générations
  • De juin à octobre, elles se rendent dans les champs entre minuit et l'aube, quand les fleurs exhalent leur parfum le plus intense

CHOBRA BELOULA: Depuis des années, Wael al-Sayed sillonne les champs du delta du Nil pour récolter les fleurs de jasmin qui finiront dans les flacons des grandes maisons de parfum. Mais ces derniers étés, les pétales se raréfient et leur parfum s'évanouit.

"C'est la chaleur", soupire M. al-Sayed, 45 ans, qui cultive depuis près de dix ans le jasmin à Chobra Beloula, village du delta du Nil à une centaine de kilomètres au nord du Caire et haut lieu de cette production en Egypte.

A mesure que les températures grimpent, explique-t-il, les floraisons se raréfient. En deux ans, sa récolte quotidienne est passée de six kilos à seulement deux ou trois.

Dans cette région fertile, le jasmin fait vivre des milliers de familles depuis des générations. De juin à octobre, elles se rendent dans les champs entre minuit et l'aube, quand les fleurs exhalent leur parfum le plus intense.

Mais les vagues de chaleur, les sécheresses prolongées et la prolifération de parasites liés au dérèglement climatique menacent cet héritage. Confrontés à des récoltes de plus en plus maigres, certains finissent par renoncer.

D'autres, comme M. al-Sayed, s'accrochent. Cette année, il a dû faire appel à sa femme et deux de ses enfants – âgés de neuf et dix ans – pour l'aider sur leur parcelle de 350 m². "On n’a pas le choix", explique-t-il, résigné.

Trop chaud pour fleurir 

Selon A. Fakhry & Co, principal transformateur du pays, l'Egypte fournit près de la moitié de la concrète de jasmin produite dans le monde, cette pâte cireuse qui entre dans la composition des plus grands parfums de luxe.

Dans les années 1970, le pays en produisait 11 tonnes par an, selon la Fédération Internationale des Huiles Essentielles. Aujourd’hui, la production plafonne à 6,5 tonnes, affirme A. Fakhry & Co.

Ali Emara, 78 ans, cueille le jasmin depuis l’âge de 12 ans. "Les étés étaient chauds, mais pas comme maintenant", dit-il.

Mohamed Bassiouny, 56 ans, et ses quatre fils ont vu leur récolte fondre de 15 à 7 kilos, malgré des journées de plus de huit heures.

Le jasmin de la région est particulièrement sensible à la chaleur et à l’humidité, explique Karim Elgendy, du Carboun Institute, un think tank néerlandais spécialisé dans le climat et l’énergie. "Les températures élevées peuvent perturber la floraison, altérer la concentration en huile essentielle  (...) et diminuer le rendement", explique-t-il.

Un rapport de l’Agence Internationale de l’Énergie, publié en 2023, révèle que la température moyenne en Égypte a augmenté de 0,38°C par décennie entre 2000 et 2020 – soit plus vite que la moyenne mondiale.

La chaleur émousse la puissance olfactive du jasmin, dépréciant l'huile précieuse qui en est extraite, explique Badr Atef, directeur chez A. Fakhry & Co. Dans le même temps, les nuisibles – acariens et vers des feuilles – prolifèrent sous ces températures extrêmes, aggravant encore la situation.

A Grasse (France), capitale mondiale du parfum, Alexandre Levet, PDG de la French Fragrance House, constate lui aussi l'ampleur des dégâts: "Des dizaines d'ingrédients naturels souffrent déjà du dérèglement climatique", explique-t-il à l'AFP, ajoutant que de nouveaux terroirs émergent à mesure que les anciens deviennent incertains.

Revenus dérisoires 

Le delta du Nil se révèle particulièrement exposé: la montée de la Méditerranée modifie la salinité des sols, plaçant les cultivateurs de jasmin en première ligne.

Ces derniers sont "complètement livrés à eux-mêmes", dénonce le sociologue Saker El Nour. Ils n’ont "aucun pouvoir" dans une industrie qui dépend pourtant entièrement de leur travail.

Alors que les grandes maisons de parfum écoulent le kilo d’absolue de jasmin – une huile essentielle pure – à plus de 5.000 euros, les cueilleurs égyptiens, eux, ne reçoivent que 105 livres égyptiennes, soit à peine deux euros, pour chaque kilo de fleurs récoltées. Or il faut près d’une tonne de pétales pour extraire seulement 2 à 3 kilos de concrète, et une quantité plus infime encore d’huile essentielle.

"Que valent 100 livres aujourd’hui ? Rien", tranche M. al-Sayed.

Depuis 2022, la livre égyptienne a perdu plus des deux tiers de sa valeur, entraînant une flambée des prix et plongeant plusieurs familles dans une précarité extrême.

En juin, les cueilleurs ont mené une grève inédite pour exiger que leur rémunération soit portée à 150 livres égyptiennes par kilo. Mais face à des prix verrouillés par une poignée de transformateurs privés, ils n’ont arraché qu'une maigre augmentation de 10 livres.

D'année en année, les revenus s'érodent, tandis que le réchauffement climatique menace l'existence même de cette communauté. "Des villages entiers pourraient devenir invivables", prévient M. Elgendy.