Carburants: La vente à perte voulue pour décembre, sans faire l’unanimité

TotalEnergies a promis la semaine dernière de prolonger l'an prochain le plafonnement à 1,99 euro par litre du prix de l'essence et du gazole. (Photo: JULIEN DE ROSA / AFP)
TotalEnergies a promis la semaine dernière de prolonger l'an prochain le plafonnement à 1,99 euro par litre du prix de l'essence et du gazole. (Photo: JULIEN DE ROSA / AFP)
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Publié le Mercredi 20 septembre 2023

Carburants: La vente à perte voulue pour décembre, sans faire l’unanimité

  • En France, environ un tiers des 10 000 à 11 000 stations sont gérées par TotalEnergies, et une moitié par la grande distribution. Environ 2 500 sont indépendantes
  • Cet été, les prix des carburants sont repartis à la hausse, frôlant deux euros le litre, dans le sillage de l'envolée du pétrole

PARIS: Après le plafonnement des prix de l'essence pour faire face à l'inflation, le gouvernement a sorti la carte de la vente à perte de carburants, une mesure qu'il veut rendre effective "début décembre" mais accueillie lundi avec une part de scepticisme.

"Ce sera effectif j'espère le 1er décembre puisque le texte de loi (sur les négociations commerciales entre producteurs et distributeurs, NDLR) sera examiné à l'Assemblée début octobre", a affirmé lundi le ministre de l'Economie Bruno Le Maire sur France 2, ajoutant que la mesure durerait "six mois".

Elisabeth Borne l'avait annoncée samedi, levant un vieux tabou. Le projet de loi sera présenté en Conseil des ministres le 27 septembre, a confirmé Bercy.

La vente à perte est interdite en France depuis 1963 et son éventuelle légalisation temporaire fait craindre une concurrence trop forte des grandes surfaces face aux petites stations-service indépendantes, argument soulevé par plusieurs élus d'opposition.

Le groupe RN (88 députés) y est ainsi défavorable, a dit son vice-président Sébastien Chenu sur Public Sénat. Pour le député LFI Eric Coquerel, la mesure causera "un dérèglement qui avantage la grande distribution".

"Ce qu'il faut c'est que le gouvernement taxe des gens comme Total (…) et pouvoir aussi financer des chèques carburants à celles et ceux qui en ont le plus besoin", a réagi Marine Tondelier, secrétaire nationale d'EELV, estimant que certains "peuvent se permettre le carburant à ce prix-là" ou de prendre moins leur voiture, "d'autres pas".

Elle n'a pas précisé si son groupe voterait ou non la mesure.

Du côté des élus LR, la question doit être discutée mardi, selon une source au groupe, qui indique que les élus partent assez divisés, mais qu'un vote pour n'est pas à exclure en fonction des avancées obtenues.

Effet d'annonce

Si elle est votée, la question sera de connaître le nombre de stations-service qui l'utiliseront, car on imagine mal les indépendantes vendre à perte leur principale source de chiffre d'affaires, contrairement aux grandes surfaces utilisant l'essence comme produit d'appel.

En France, environ un tiers des 10 000 à 11 000 stations sont gérées par TotalEnergies (3.400), et une moitié par la grande distribution. Environ 2 500 sont indépendantes.

 

Carburants: le PDG de TotalEnergies refuse de vendre à perte

Le PDG de TotalEnergies Patrick Pouyanné refuse de vendre à perte ses carburants et "ne descendra pas plus bas" que le prix actuel de 1,99 euro par litre fixé actuellement dans les stations-service de son groupe en France, a-t-il prévenu mardi.

"1,99, c'est un plafond, la politique de TotalEnergies sera assurée (...) Je ne descendrai pas plus bas. C'est déjà un effort important", a déclaré M. Pouyanné, interrogé par un journaliste de l'émission "Quotidien".

"Ce plafond s'applique dans à peu près aujourd'hui 3.000 stations. Donc ça veut dire que le prix normal est au-dessus", a-t-il ajouté.

"Vous vendez souvent à perte, vous, des produits?", a-t-il demandé à son intervieweur. "Un peu de bon sens, voilà, merci", a-t-il conclu.

Le groupe pétrolier, qui gère le tiers des stations-service en France, avait annoncé la semaine dernière qu'il prolongerait l'an prochain le plafonnement à 1,99 euro par litre du prix de l'essence et du gazole dans ses 3.400 stations, "tant que les prix resteront élevés".

Francis Perrin, directeur de recherche à l'Iris (Institut de relations internationales et stratégiques), table au mieux sur "des opérations exceptionnelles" sur "un mois ou deux" par les grandes surfaces, en fonction des "zones géographiques et des situations de concurrence" mais pas une vente à perte généralisée.

Cet été, les prix des carburants sont repartis à la hausse, frôlant deux euros le litre, dans le sillage de l'envolée du pétrole. Et la tendance risque de se confirmer, avec les réductions de production décidées par des pays producteurs.

"Je suis très très sceptique", dit Patrice Geoffron, professeur d'économie à Paris Dauphine. "Il y a un effet d'annonce. Mais il ne faut pas se leurrer, la grande distribution a des marges assez réduites, elle va se rattraper ailleurs".

Dans une note, le cabinet Asteres souligne également le risque d'une hausse des prix des autres produits pour "compenser" et d'un évincement des petites stations.

Indépendants mécontents

"Mes adhérents vivent à 40, 50% voire plus de la vente du carburant, donc s'ils vendent à perte, je leur donne trois mois", s'est indigné Francis Pousse, président du syndicat professionnel Mobilians, représentant 5 800 stations-service hors grandes surfaces.

De nombreux distributeurs ont déjà ces derniers mois vendu du carburant à prix coûtant, ce qui fait baisser le prix de quelques centimes à peine. La plupart se sont engagés à poursuivre jusqu'en fin d'année.

TotalEnergies a promis la semaine dernière de prolonger l'an prochain le plafonnement à 1,99 euro par litre du prix de l'essence et du gazole.

Avec la vente à perte, le gouvernement fait "un pari de six mois, mais après?" interroge l'économiste Patrice Geoffron, qui "constate qu'il n'y a aujourd'hui pas grand-chose dans la boîte à outils de la politique publique".

"Seule antidote", accélérer la sortie du pétrole, une "question de survie économique", dit-il, au moment où Elisabeth Borne présente lundi aux partis les axes de sa "planification écologique".


A Paris, une réunion des droites sous l'égide des médias Bolloré

Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027. (AFP)
Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027. (AFP)
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  • Mardi 20H00, les 4.000 places du Dôme de Paris, plongées dans le noir, sont remplies. Musique épique, jeu de projecteurs bleus, blancs, rouges, le ton est donné
  • Pour chauffer la salle, le directeur du JDD, Geoffroy Lejeune commence par quelques railleries sur Libération, Mediapart et Télérama

PARIS: Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027.

Mardi 20H00, les 4.000 places du Dôme de Paris, plongées dans le noir, sont remplies. Musique épique, jeu de projecteurs bleus, blancs, rouges, le ton est donné.

Pour chauffer la salle, le directeur du JDD, Geoffroy Lejeune commence par quelques railleries sur Libération, Mediapart et Télérama. Huées puis rires quand il lance: "On sait quel article ils vont écrire, on l'a rédigé comme ça ils pourront aller au bistrot".

Apparaît Philippe de Villiers, largement promu par le groupe du milliardaire breton - il est chroniqueur chez Cnews et son dernier livre est publié chez Fayard, également dans la galaxie Bolloré.

Le souverainiste commence par "remercier Jean-Luc Mélenchon" - qui lui aurait inspiré son ouvrage - déclenchant une nouvelle bronca.

Puis, il sert son discours habituel sur une France "au bord de l'abîme", menacée par "un changement de peuplement" encouragé par "un parti sarrasin", et abandonnée par des "élites écartelées entre le wokistan et l'islamistan".

Pour le fondateur du Puy du Fou, la solution est simple: "la remigration ou la françisation". Nouvelle salve d'applaudissements, on entend quelques "Philippe président". L'hypothèse d'une candidature pour 2027 a encore été entretenue en une de Valeurs actuelles la semaine dernière, où l'intéressé affirme être "redescendu dans l'arène".

Il n'est pas le seul. Surgit l'animatrice Christine Kelly de Cnews, pour lancer une discussion sur "notre civilisation judéo-chrétienne" entre Michel Onfray et Eric Zemmour.

Au terme d'un échange théologique parfois confus, le président du parti Reconquête conclut que "la croisade a sauvé l'Occident" et qu'"à partir du moment où nous retrouverons notre identité, tout ira beaucoup mieux". L'ancien polémiste de Cnews, propulsé par l'empire Bolloré dans la course à l'Elysée en 2022, espère déjà rendosser son costume de candidat en 2027. En attendant, il reste lui aussi en tête de gondole chez Fayard.

"Le côté sans filtre" 

D'autres ne bénéficient pas de la même bienveillance. Comme Aurore Bergé, lors d'une tumultueuse séquence "insécurité" face à Claire Géronimi, devenue vice-présidente de l'UDR d'Eric Ciotti après avoir été victime d'un viol par un étranger sous OQTF.

La ministre déléguée à l'Egalité Femmes-Hommes, conspuée, reste combative: "Je suis venue pour accepter l'idée du débat (...) Ma ligne ne changera pas, quel que soit le public".

Plus en phase avec l'assistance, l'avocat Gilles-William Goldnadel fustige "le racisme anti-blanc" et le "féminisme d'extrême gauche".

Un discours familier aux oreilles de Philippe, 55 ans et sans emploi, qui a déboursé 25 euros pour "voir le côté sans filtre" de ces personnalités médiatiques dont il "partage les idées, sans ambiguïté". Plus intéressé par l'aspect politique, Foucauld, 24 ans, étudiant en école de commerce, reconnaît que l'événement "participe à faire avancer les pions vers l'union des droites".

Pourquoi pas avec David Lisnard? Invité à ouvrir le chapitre du "grand enjeu" des municipales de mars 2026, le maire de Cannes fait florès avec ses leitmotiv: "Vive la liberté" et "Afuera!" la "bureaucratie" et la "technocratie".

Lui succèdent une brochette de candidats plus ou moins déclarés, dont la députée RN Laure Lavalette déplorant qu'il y ait "autant de barbiers et de kebabs" dans sa ville de Toulon.

Signe d'un rapprochement entre le parti à la flamme et la galaxie Bolloré? Après tout, Jordan Bardella en est à son deuxième livre publié chez Fayard.

Mais c'est une autre étoile montante qui est mise à l'honneur mardi soir. Clou du spectacle, l'eurodéputée Reconquête Sarah Knafo vient délivrer un "message d'espérance" face à l'essayiste Eric Neaulleau, dans le rôle du décliniste persuadé que "tout est foutu" car "les lieux de pouvoir sont tous tenus par des gens animés d'une idéologie immigrationniste".

Au contraire, les idées infusent dans la société et "le combat de la lucidité est gagné", réplique la nouvelle coqueluche de la "bollosphère", qui assure "qu'on peut changer les choses, avec méthode, détermination et travail". Et quelques solides appuis.


Pour la présidente de l'Assemblée Braun-Pivet, une majorité absolue n'est plus «souhaitable»

Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi. (AFP)
Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi. (AFP)
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  • "J'ai toujours privilégié le travail en collégialité, (...) et je m'étais toujours dit, au fond de moi, une Assemblée où il y a une majorité absolue, c'est une Assemblée qui finalement ne représente pas bien les Français"
  • Sans majorité, pour décider par exemple de la création d'une commission d'enquête ou encore de la tenue d'un débat, "vous présentez nécessairement des décisions qui sont les plus justes pour l'institution et les plus équilibrées"

PARIS: Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi.

"J'ai une conviction personnelle forte qui est que nous n'aurons pas demain à nouveau une majorité absolue mais je pense surtout, et c'est ça ma conviction forte, c'est que ce n'est pas souhaitable pour notre pays", a-t-elle déclaré dans le podcast "Dans l'Hémicycle".

"Je suis convaincue que la délibération collective avec des groupes politiques qui ne partagent pas les mêmes orientations mais qui essayent de trouver des solutions, elle est bénéfique", a-t-elle poursuivi.

Depuis 2022, le camp présidentiel auquel appartient Mme Braun-Pivet ne dispose pas d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale. Face à une fragmentation de l'hémicycle encore accentuée depuis la dissolution de juin 2024, de nombreux députés disent espérer le retour d'une majorité absolue après l'élection présidentielle de 2027. Mais pas la présidente de l'Assemblée.

"J'ai toujours privilégié le travail en collégialité, (...) et je m'étais toujours dit, au fond de moi, une Assemblée où il y a une majorité absolue, c'est une Assemblée qui finalement ne représente pas bien les Français", a-t-elle déclaré dans cette interview.

Sans majorité, pour décider par exemple de la création d'une commission d'enquête ou encore de la tenue d'un débat, "vous présentez nécessairement des décisions qui sont les plus justes pour l'institution et les plus équilibrées, parce qu'autrement, ça ne passe pas", a-t-elle dit.

Cette situation force aussi à "inventer des nouvelles façons de faire", a-t-elle ajouté en donnant l'exemple des semaines dédiées aux textes proposés par les députés, auparavant dévolues à ceux de la majorité. Depuis 2022, ces semaines sont devenues "transpartisanes", avec des propositions soutenues par différents groupes.

Au moment où les débats budgétaires peinent à aboutir, Mme Braun-Pivet a toutefois estimé qu'il fallait encore "adapter" les règles de l'Assemblée à cette nouvelle configuration. Elle a rappelé avoir lancé une réflexion autour d'une modification du règlement de l'institution.


Laurent Wauquiez dépose une proposition de loi pour interdire le voile aux mineures

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  • Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public
  • Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier

PARIS: Le chef des députés Les Républicains Laurent Wauquiez a déposé lundi une proposition de loi pour interdire aux mineures de porter le voile dans l'espace public, mais son examen rapide semble peu probable et sa constitutionnalité mise en doute par des juristes.

M. Wauquiez veut interdire "à tout parent d'imposer à sa fille mineure ou de l'autoriser à porter, dans l'espace public, une tenue destinée à dissimuler sa chevelure", selon l'article unique de sa proposition de loi.

Il s'appuie notamment sur un rapport sur les Frères musulmans commandé par le gouvernement et publié en mai dernier, relatant l'augmentation "massive et visible du nombre de petites filles portant le voile".

Il estime que "le voilement de jeunes filles" heurte les principes républicains "les plus fondamentaux", tels que la "protection de l'enfant", "la liberté de conscience" et "l'égalité entre les hommes et les femmes".

Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public.

Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier.

En outre, des professeurs de droit public interrogés par l'AFP émettent de sérieuses réserves quant à la conformité avec la Constitution de cette proposition déjà formulée, tout en la circonscrivant aux moins de 15 ans, par le patron des députés macronistes Gabriel Attal en mai - même si celui-ci n'avait pas déposé de texte.

Pour la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, elle n'a "aucune chance d'être conforme", rappelant que la loi sur la dissimulation du visage que son texte vient modifier a un motif de "sécurité à l'ordre public" et ne "vise aucune religion en particulier".

Or, M. Wauquiez cible très clairement le voile islamique dans l'espace public, contrevenant "au principe de liberté de religion", ajoute l'enseignante.

Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’Université de Lille, se dit également "très réservé".

Bien que le texte se heurte au principe de liberté religieuse, Laurent Wauquiez justifie sa démarche par la "préservation des droits de l’enfant", ce qui est "assez habile", reconnaît-il, mais insuffisant pour garantir sa conformité constitutionnelle.

Assimiler le port du voile par une mineure à "une forme d’asservissement" reste juridiquement fragile. "Incontestablement, une fillette de 9 ans pourrait le faire par mimétisme ou sous l'effet d’une instrumentalisation", observe-t-il. "Mais une adolescente de 16 ans peut davantage le porter par conviction personnelle."

Il rappelle par ailleurs que l’interdiction de dissimulation du visage est justifiée par des raisons de sécurité, avec la nécessité de pouvoir "identifier les personnes", un raisonnement difficilement transposable au fait de se couvrir la chevelure.