Battus, placés avec les morts: les témoignages glaçants d'ex-détenus syriens hospitalisés

Diab Serriya, partenaire fondateur de l'Association des détenus et des disparus de la prison de Sednaya (ADMSP), regarde un écran d'ordinateur affichant une page sur la prison hébergée par le site Internet d'Amnesty International, lors d'un entretien dans son bureau de Gaziantep, dans le sud-est de la Turquie, le 12 août 2022. (AFP).
Diab Serriya, partenaire fondateur de l'Association des détenus et des disparus de la prison de Sednaya (ADMSP), regarde un écran d'ordinateur affichant une page sur la prison hébergée par le site Internet d'Amnesty International, lors d'un entretien dans son bureau de Gaziantep, dans le sud-est de la Turquie, le 12 août 2022. (AFP).
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Publié le Mardi 03 octobre 2023

Battus, placés avec les morts: les témoignages glaçants d'ex-détenus syriens hospitalisés

  • Les prisonniers malades recevaient rarement un traitement et étaient soumis à des "tortures brutales" de la part forces de sécurité, voire du personnel hospitalier
  • Les corps des prisonniers morts sous la torture ou du fait des conditions déplorables de détention étaient transférés dans cet hôpital où les causes de décès étaient maquillées

BEYROUTH: Des détenus syriens malades ont été maltraités, battus et parfois jetés avec les morts dans l'hôpital militaire de Damas où ils avaient été conduits, selon un rapport publié mardi et des témoignages recueillis par l'AFP.

Intitulé "Enterrés en silence", ce rapport de l'Association des détenus et des disparus de la prison de Sednaya (ADMSP) dresse un tableau glaçant du sort des prisonniers admis à l'hôpital militaire Techrine, dans la capitale syrienne.

Les prisonniers malades recevaient rarement un traitement et étaient soumis à des "tortures brutales" de la part forces de sécurité, voire du personnel hospitalier, selon ce rapport basé sur des entretiens avec 32 personnes, dont d'anciens détenus et des membres du corps médical.

Les corps des prisonniers morts sous la torture ou du fait des conditions déplorables de détention étaient transférés dans cet hôpital où les causes de décès étaient maquillées, avant d'être enterrés dans des "fosses communes" près de Damas, selon l'ADMSP.

"Les prisonniers avaient peur d'aller à l'hôpital car beaucoup d'entre eux ne revenaient pas", raconte à l'AFP Abou Hamza, 43 ans, un ancien détenu hospitalisé à trois reprises dans cet établissement.

"Si l'un de nous était en état de marcher, il était renvoyé en prison. Ceux qui étaient très malades étaient abandonnés à leur sort jusqu'à mourir dans la section de l'hôpital réservée aux prisonniers", ajoute Abou Hamza, détenu entre 2012 et 2019.

Depuis le début du soulèvement de 2011 en Syrie, plus de 100.000 personnes sont morts dans les prisons du régime, notamment sous la torture, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Environ 30.000 personnes auraient été détenues depuis la révolte dans la tristement célèbre prison de Sednaya, près de Damas. Le rapport couvre la période entre 2011 et 2020 mais ses auteurs croient savoir que les exactions se poursuivent.

« Agoniser »

Les détenus malades étaient placés dans la prison de l'hôpital, où les corps des prisonniers décédés étaient également jetés. Parfois, "des détenus oscillaient entre la vie et la mort, avant qu'un policier les achève", selon l'ADMSP.

"Une fois, un détenu semblait agoniser (...), ils ne l'ont pas montré au médecin, ils l'ont placé parmi les corps et l'ont laissé mourir", raconte Abou Hamza.

Il a ensuite été forcé de transporter des heures durant, pieds nus et dans un froid glacial, les dépouilles numérotées des détenus, avant qu'un photographe ne vienne documenter les corps.

En 2013, un ex-photographe de la police militaire, dit "César", s'est enfui en possession de 55.000 photographies de corps torturés dans les prisons du régime et des hôpitaux militaires, comme celui de Techrine.

L'hôpital délivrait des certificats de décès, évoquant comme causes une crise cardiaque, une insuffisance rénale ou un AVC, et aucune autopsie n'était menée, selon le rapport.

L'ADSMP a également documenté "des actes de torture sauvage de détenus malades" par des policiers dans la prison de l'hôpital.

Certains prisonniers étaient également humiliés par le "personnel médical" et battus par des détenus de droit commun, sous le regard indifférent des agents de sécurité, note le rapport.

Parfois, les policiers ordonnaient à un prisonnier désigné responsable de la cellule de se débarrasser de détenus malades en les étranglant avec une serviette ou un chiffon, selon la même source.

« Politique délibérée »

"Techrine joue un rôle central dans les disparitions forcées, la dissimulation des tortures et la falsification des causes de décès, ce qui équivaut à des crimes de guerre", affirme le cofondateur de l'ADMSP, Diab Serriya.

"Ce qui se passe à Techrine et dans d'autres hôpitaux militaires est une politique délibérée", dénonce-t-il.

Plusieurs poursuites judiciaires ont été engagées en Europe contre le régime syrien, accusé d'avoir torturé des détenus et appliqué des condamnations à mort sans procès.

En Allemagne, un médecin des hôpitaux militaires, Alaa Moussa, est jugé à Francfort pour 18 cas de torture d'opposants et le meurtre par injection d'un détenu.

Mahmoud, 25 ans, arrêté alors qu'il n'avait que 16 ans, a été roué de coups par des détenus dans la prison de l'hôpital, sans qu'aucun agent de sécurité ne vienne le secourir.

"Ils m'ont mis à terre, m'ont marché dessus et m'ont fermé la bouche avec leurs mains jusqu'à ce que je (...) perde connaissance", raconte-t-il à l'AFP. "Je me suis réveillé au milieu des cadavres dans un coin de la cellule".

Deux corps qui gisaient sur l'adolescent ont roulé au sol et il a commencé à hurler de frayeur.

Cet ex-détenu, atteint de tuberculose, est rentré à Sednaya sans avoir été vu par un médecin, et a vécu dans la frayeur d'être ramené à Techrine. En prison, "mes camarades de cellule me cachaient dans les toilettes lors de la visite du médecin, pour qu'on ne m'emmène plus à l'hôpital".


Les services de sécurité des Émirats déjouent un transfert illégal d'armes vers le Soudan

Les autorités ont saisi environ cinq millions de munitions de type Goryunov (7,62 x 54 mm) retrouvées dans l'avion. (AFP)
Les autorités ont saisi environ cinq millions de munitions de type Goryunov (7,62 x 54 mm) retrouvées dans l'avion. (AFP)
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  • Les services de sécurité ont réussi à empêcher le transfert d'une quantité d'équipements militaires aux forces armées soudanaises 
  • Les prévenus ont été arrêtés lors d'une inspection de munitions dans un avion privé dans l'un des aéroports du pays

ABU DHABI: Les services de sécurité des Émirats arabes unis ont déjoué une tentative de transfert illégal d'armes et d'équipements militaires aux forces armées soudanaises, a déclaré mercredi le procureur général des Émirats arabes unis, Hamad Saif al-Chamsi.

M. Al-Chamsi a déclaré que les services de sécurité avaient réussi à empêcher le transfert d'une quantité d'équipements militaires aux forces armées soudanaises après l'arrestation de membres d'une cellule impliquée dans la médiation non autorisée, le courtage et le trafic illicite d'équipements militaires, sans avoir obtenu les licences nécessaires auprès des autorités compétentes.

Les prévenus ont été arrêtés lors d'une inspection de munitions dans un avion privé dans l'un des aéroports du pays.

L'avion transportait environ cinq millions de munitions de type Goryunov (54,7 x 62 mm).

Les autorités ont également saisi une partie du produit financier de la transaction en possession de deux suspects dans leurs chambres d'hôtel.

M. Al-Chamsi a déclaré que l'enquête avait révélé l'implication de membres de la cellule des chefs militaires soudanais, notamment l'ancien chef des services de renseignement Salah Gosh, un ancien officier de l'agence de renseignement, un ancien conseiller du ministre des Finances et une personnalité politique proche du général Abdel Fattah al-Burhan et de son adjoint Yasser al-Atta. Plusieurs hommes d'affaires soudanais ont également été impliqués.

Selon les enquêteurs, les membres de la cellule ont conclu un marché d'équipement militaire portant sur des fusils Kalachnikov, des munitions, des mitrailleuses et des grenades d'une valeur de plusieurs millions de dollars.

Les armes ont été transférées de l'armée soudanaise à une société d'importation des Émirats arabes unis en utilisant la méthode de transfert des HAWALADARS.

La transaction a été facilitée par l'intermédiaire d'une société appartenant à un membre fugitif de la cellule travaillant pour les forces armées soudanaises, en coordination avec le colonel Othman al-Zubair, responsable des opérations financières au sein de l'armée soudanaise.

De faux contrats et de fausses factures commerciales ont été utilisés pour prétendre que les paiements concernaient un contrat d'importation de sucre.

L'enquête a conclu que ces transactions avaient été effectuées à la demande du comité d'armement des forces armées soudanaises, présidé par Al-Burhan et son adjoint Al-Atta, en toute connaissance de cause et avec leur approbation. Les membres de la cellule ont été directement chargés de négocier et de finaliser les transactions par Ahmed Rabie Ahmed al-Sayed, une personnalité politique proche du commandant en chef soudanais et responsable de la délivrance des certificats et des approbations des utilisateurs finaux.

Les enquêteurs ont confirmé que Salah Gosh jouait un rôle central dans la gestion du trafic illégal d'équipements militaires aux Émirats arabes unis, en coordination avec d'autres membres de la cellule.

Le groupe a réalisé une marge bénéficiaire de 2,6 millions de dollars (1 dollar = 0,88 euro) par rapport à la valeur réelle des deux transactions, qu'il s'est répartie entre lui et plusieurs complices. La part de Gosh a été retrouvée en possession du suspect Khalid Youssef Mukhtar Youssef, ancien officier de renseignement et ex-chef de cabinet de Gosh.

La cargaison saisie était arrivée à l'aéroport des Émirats arabes unis à bord d'un avion privé en provenance d'un pays étranger.

L'avion s'était posé pour faire le plein et avait officiellement déclaré qu'il transportait un lot de fournitures médicales.

Cependant, la cargaison militaire a été découverte sous la supervision du ministère public, sur la base de mandats judiciaires émis par le procureur général.

Les autorités ont également saisi des copies des contrats relatifs aux deux transactions, de faux documents d'expédition, ainsi que des enregistrements audio et des messages échangés entre les membres de la cellule.

L'enquête a permis de découvrir plusieurs sociétés appartenant à un homme d'affaires soudano-ukrainien, dont une opérant aux Émirats arabes unis.

Ces sociétés ont fourni à l'armée soudanaise des armes, des munitions, des grenades et des drones, en collaboration avec les membres de la cellule et le responsable financier de l'armée.

L'une des sociétés figure sur la liste des sanctions américaines.

Les enquêtes en cours ont révélé que les intérêts financiers et les profits du groupe sont étroitement liés à la poursuite du conflit interne au Soudan.

Le procureur général a souligné que cet incident représentait une grave atteinte à la sécurité nationale des Émirats arabes unis, en faisant de leur territoire une plateforme pour le trafic illégal d'armes à destination d'un pays en proie à des troubles civils, en plus de constituer des infractions pénales punissables par la loi.

Il a conclu en déclarant que le ministère public poursuivait ses procédures d'enquête en vue de déférer les suspects à une procédure judiciaire d'urgence.

Les résultats définitifs seront annoncés à la fin de l'enquête.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Retailleau engage la procédure de dissolution d'Urgence Palestine

Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau intervient lors d'un débat sur le narcotrafic à l'Assemblée nationale française à Paris, le 29 avril 2025. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau intervient lors d'un débat sur le narcotrafic à l'Assemblée nationale française à Paris, le 29 avril 2025. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
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  • A la veille du 1er mai, Bruno Retailleau a annoncé  mecredi l'engagement de la procédure de dissolution du groupe Urgence Palestine.
  • Le groupe organise régulièrement des manifestations, qui ont parfois été interdites par les autorités.

PARIS : A la veille du 1er mai, Bruno Retailleau a annoncé  mecredi l'engagement de la procédure de dissolution du groupe Urgence Palestine, ainsi que de Lyon Populaire, qui appartient à l'ultra droite, après avoir lancé mardi celle du groupe antifasciste La Jeune Garde.

Invité de CNews/Europe 1, le ministre de l'Intérieur a justifié la dissolution d'Urgence Palestine en affirmant qu'il fallait « taper sur les islamistes ». « L'islamisme est une idéologie qui essaie d'instrumentaliser une religion. Il y a une défiguration de la foi », a-t-il dit.

« Il ne faut pas défigurer la juste cause des Palestiniens », a poursuivi M. Retailleau, qui a insisté sur le fait que « beaucoup de nos compatriotes musulmans professent une foi parfaitement compatible avec les valeurs de la République ».

Créé au lendemain de l'attaque sans précédent du Hamas dans le sud d'Israël le 7 octobre 2023, qui a déclenché la guerre à Gaza, le collectif Urgence Palestine dit rassembler « des citoyens, des organisations et mouvements associatifs, syndicaux et politiques mobilisés pour l'auto-détermination du peuple palestinien ». 

Le groupe organise régulièrement des manifestations, qui ont parfois été interdites par les autorités.

« À l'heure où le peuple palestinien est confronté au génocide, à la famine, où les Israéliens cherchent à détruire et à anéantir le peuple palestinien, que fait le gouvernement français ? Il veut dissoudre notre collectif, c'est insupportable », a réagi Omar Al Soumi, l'un des militants d'Urgence Palestine.

« C'est la réalité d'une France complice du génocide », a-t-il accusé dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux.

Urgence Palestine a reçu de nombreux messages de soutien de la part d'organisations de l'extrême gauche et de la gauche radicale. 

« Non à la dissolution d'Urgence Palestine », a écrit sur Instagram le Nouveau Parti Anticapitaliste, dénonçant « des prétextes pour faire taire les voix solidaires avec la Palestine ! ».

L'eurodéputée insoumise Rima Hassan a également critiqué les dissolutions engagées contre la Jeune Garde et Urgence Palestine.

« La dérive autoritaire et fasciste de Macron est aussi réelle, tangible et concrète », a-t-elle réagi sur X.

Tsedek!, qui se présente comme un « collectif juif décolonial », a aussi apporté son soutien à ces deux organisations.

« Le gouvernement qui appelle à la dissolution d’Urgence Palestine, c’est la République qui reprend ses droits et réaffirme que l’antisémitisme ne passera pas en France », s'est au contraire félicitée Sarah Aizenman, présidente du collectif « Nous vivrons », auprès de l'AFP. 

« Cette organisation ne défend pas les droits des Palestiniens, elle soutient une organisation terroriste », a accusé Mme Aizenman.

Les annonces de procédures de dissolution contre La Jeune Garde et Urgence Palestine interviennent à la veille des rassemblements du 1er-Mai et pourraient tendre le climat des manifestations, notamment à Paris, selon un haut responsable de la police.

Le ministre de l'Intérieur et le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, ont par avance prévenu qu'aucun débordement ne serait toléré.

Environ 15 000 personnes sont attendues jeudi pour la manifestation parisienne.


Syrie: 11 morts dans de nouveaux affrontements confessionnels près de Damas

Les affrontements se sont étendus dans la nuit à Sahnaya, à quelque 15 kilomètres au sud-ouest de la capitale, et opposent des forces affiliées aux autorités à des combattants locaux druzes, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). (AFP)
Les affrontements se sont étendus dans la nuit à Sahnaya, à quelque 15 kilomètres au sud-ouest de la capitale, et opposent des forces affiliées aux autorités à des combattants locaux druzes, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). (AFP)
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  • Lundi, des affrontements meurtriers dans la localité voisine à majorité druze de Jaramana, aux environs de Damas, avaient fait 17 morts, selon un nouveau bilan de l'OSDH: huit combattants druzes et neuf membres des groupes armés qui ont donné l'assaut
  • En soirée, un accord avait été scellé entre des représentants du gouvernement syrien et les responsables druzes de Jaramana pour mettre un terme aux affrontements

BEYROUTH: Au moins deux personnes ont été tuées dans de nouveaux affrontements à caractère confessionnel aux environs de Damas, a annoncé mercredi une ONG, au lendemain d'accrochages meurtriers dans une localité syrienne voisine à majorité druze qui ont fait 17 morts.

Les affrontements se sont étendus dans la nuit à Sahnaya, à quelque 15 kilomètres au sud-ouest de la capitale, et opposent des forces affiliées aux autorités à des combattants locaux druzes, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

"Nous n'avons pas dormi de la nuit (...) les obus de mortier s'abattent sur nos maisons", a déclaré à l'AFP au téléphone Samer Rafaa, un habitant et militant actif de Sahnaya, où une partie de la population est druze.

Selon l'OSDH, basée en Grande-Bretagne mais qui dispose d'un solide réseau de sources en Syrie, l'un des deux morts à Sahnaya est un combattant druze.

Lundi, des affrontements meurtriers dans la localité voisine à majorité druze de Jaramana, aux environs de Damas, avaient fait 17 morts, selon un nouveau bilan de l'OSDH: huit combattants druzes et neuf membres des groupes armés qui ont donné l'assaut à la localité.

En soirée, un accord avait été scellé entre des représentants du gouvernement syrien et les responsables druzes de Jaramana pour mettre un terme aux affrontements.

Ces violences ont réveillé le spectre des affrontements confessionnels, après des massacres qui ont visé en mars la minorité alaouite dont était issu le président déchu Bachar al-Assad, renversé en décembre par la coalition islamiste au pouvoir.

L'attaque contre Jaramana a été menée par des groupes affiliés au pouvoir après la diffusion sur les réseaux sociaux d'un message audio attribué à un druze et jugé blasphématoire à l'égard du prophète Mahomet.

L'AFP n'a pas pu vérifier l'authenticité du message et les chefs spirituels de la minorité druze ont condamné toute atteinte au prophète.