Lafarge en Syrie: la Cour de cassation se prononce mardi sur la validité des poursuites

Vue générale de la cimenterie Lafarge Cement Syria (LCS) à Jalabiya, à une trentaine de kilomètres d'Ain Issa, dans le nord de la Syrie, le 19 février 2018. (Photo Delil Souleiman AFP)
Vue générale de la cimenterie Lafarge Cement Syria (LCS) à Jalabiya, à une trentaine de kilomètres d'Ain Issa, dans le nord de la Syrie, le 19 février 2018. (Photo Delil Souleiman AFP)
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Publié le Dimanche 01 octobre 2023

Lafarge en Syrie: la Cour de cassation se prononce mardi sur la validité des poursuites

  • Le groupe, désormais filiale du suisse Holcim, est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes jihadistes afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya
  • En octobre 2022, Lafarge, avalé par le groupe suisse Holcim en 2015, a annoncé avoir accepté de payer une sanction financière de 778 millions de dollars aux Etats-Unis et de plaider coupable pour avoir aidé des organisations «terroristes»

PARIS : La Cour de cassation doit se prononcer mardi sur la validité des inculpations du cimentier français Lafarge, accusé de mise en danger de salariés syriens et complicité de crimes contre l'humanité, pour avoir maintenu l'activité d'une usine en Syrie jusqu'en 2014 malgré la guerre civile.

Le groupe, désormais filiale du suisse Holcim, est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes jihadistes, dont l'organisation Etat islamique (EI), et à des intermédiaires, afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, alors même que le pays s'enfonçait dans la guerre.

Sur ce site mis en service en 2010 et qui lui avait coûté plusieurs centaines de millions d'euros, Lafarge avait fait travailler jusqu'en septembre 2014 ses salariés syriens, exposés aux risques d'extorsion et d'enlèvement, alors qu'elle avait exfiltré ses employés de nationalité étrangère en 2012.

La cimenterie avait été évacuée en urgence en septembre 2014, peu avant que l'EI ne s'en empare. Des ONG et plusieurs salariés syriens ont par la suite porté plainte.

Dans le cadre d'une information judiciaire ouverte en 2017, la société-mère Lafarge SA a été mise en examen en 2018 pour complicité de crimes contre l'humanité - rarissime pour une entreprise - financement d'entreprise terroriste et mise en danger de la vie d'autrui.

Elle a depuis multiplié les recours pour faire annuler les poursuites.

Si la Cour de cassation - qui est en France le juge du droit et ne réexamine pas les faits - a définitivement validé, en 2021, la mise en examen pour financement d'entreprise terroriste, la défense du groupe français peut encore espérer obtenir mardi un sursis pour les deux autres infractions.

Les dates-clés de l'affaire du cimentier Lafarge en Syrie

Rappel des dates-clés de l'affaire Lafarge en Syrie alors que la Cour de cassation, la plus haute juridiction française, se prononce mardi sur la validité des mises en examen du cimentier français pour mise en danger de la vie d'autrui et complicité de crimes contre l'humanité.

- "Arrangements troubles" -

Le 21 juin 2016, Le Monde affirme que le cimentier Lafarge a tenté, en 2013 et 2014, de faire fonctionner "coûte que coûte" son usine, située à 150 km au nord-est d'Alep en Syrie, "au prix d'arrangements troubles et inavouables avec les groupes armés environnants", dont l'organisation Etat islamique (EI).

LafargeHolcim, issu de la fusion de Lafarge et du Suisse Holcim en 2015, assure que sa "priorité absolue" a "toujours été d'assurer la sécurité et la sûreté de son personnel".

- Plaintes -

Fin septembre 2016, Bercy dépose une plainte portant notamment sur une interdiction d'acheter du pétrole en Syrie, édictée par l'Union européenne dans le cadre d'une série de sanctions contre le régime de Bachar al-Assad et sur l'interdiction de toute relation avec les organisations terroristes présentes en Syrie. Le parquet de Paris ouvre une enquête.

Plusieurs associations, dont l'ONG Sherpa, portent également plainte.

- La direction française suspectée -

Le 9 juin 2017, une information judiciaire est ouverte. Le Service national de douane judiciaire (SNDJ) conclut dans un rapport que Lafarge Cement Syrie (LCS), branche syrienne du groupe, a "effectué des paiements aux groupes jihadistes" et que la direction française de l'époque a "validé ces remises de fonds en produisant de fausses pièces comptables".

- "Complicité de crimes contre l'humanité" -

Début décembre 2017, deux anciens directeurs de la filiale syrienne, Bruno Pescheux et Frédéric Jolibois, ainsi que le directeur de la sûreté du groupe, Jean-Claude Veillard, sont inculpés pour "financement d'une entreprise terroriste" et "mise en danger de la vie d'autrui".

Puis, c'est au tour de Bruno Lafont, PDG de Lafarge de 2007 à 2015 et de plusieurs autres dirigeants. Au total, huit cadres sont mis en examen.

Le 28 juin 2018, Lafarge est mis en examen notamment pour une accusation rarissime de "complicité de crimes contre l'humanité". Et également "financement d'une entreprise terroriste, "mise en danger de la vie" d'anciens salariés syriens et "violation d'un embargo".

- Rebondissements procéduraux -

Le groupe et trois dirigeants forment un recours contre cette décision des juges et la cour d'appel annule, le 7 novembre 2019, l'inculpation pour "complicité de crimes contre l'humanité".

Mais en septembre 2021, la Cour de cassation casse cette décision et en mai 2022, après un retour à la chambre de l'instruction, la cour d'appel de Paris confirme la mise en examen du groupe pour "complicité de crimes contre l'humanité" et "mise en danger de la vie d'autrui".

Lafarge dépose un pourvoi. La Cour de cassation se prononce une nouvelle fois mardi sur la validité de ces mises en examen.

«Connaissance» des crimes 

Lors de l'audience devant la chambre criminelle le 19 septembre, l'avocat général s'est néanmoins prononcé pour le rejet total du pourvoi de Lafarge.

Le groupe conteste l'arrêt rendu le 18 mai 2022 par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, qui avait confirmé la mise en examen pour ces deux qualifications.

Dans cette décision, les magistrats concluaient que "la société Lafarge avait connaissance que les groupes terroristes dont Daech (l'EI, ndlr), à qui elle adressait plus ou moins directement des versements réguliers, commettaient des crimes contre l’humanité", "leur permettant ainsi de poursuivre leurs activités sans qu'il soit nécessaire de démontrer qu'elle adhérait à de telles infractions".

Lafarge demande à la Cour de cassation de renvoyer une nouvelle fois le dossier à la chambre de l'instruction, pour qu'elle statue sur la compétence des juridictions françaises concernant la complicité de crime contre l'humanité.

La défense plaide également l'annulation de sa mise en examen pour mise en danger de la vie d'autrui, en soutenant que le droit français ne s'applique pas aux contrats de travail des salariés syriens avec la filiale syrienne.

Si Lafarge perd mardi sur ces deux points, l'entreprise ne pourrait plus contester ses mises en examen, qui deviendraient définitives.

"La Cour de Cassation devrait permettre que la société Lafarge puisse enfin répondre de ses actes commis contre ses salariés et la population syrienne", estime Me Joseph Breham, avocat de parties civiles.

Les avocats de Lafarge n'ont pas souhaité s'exprimer avant la décision.

Dans cette information judiciaire, outre la personne morale, huit cadres et dirigeants, dont l'ex-PDG de Lafarge Bruno Lafont, mais aussi un intermédiaire syro-canadien ou un ex-gestionnaire des risques jordanien sont mis en examen.

En octobre 2022, Lafarge, avalé par le groupe suisse Holcim en 2015, a annoncé avoir accepté de payer une sanction financière de 778 millions de dollars aux Etats-Unis et de plaider coupable pour avoir aidé des organisations «terroristes», dont le groupe EI, entre 2013 et 2014.


« La Syrie n’est pas condamnée » : les leçons d’un an de transition, selon Hakim Khaldi

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  • Parmi les scènes les plus marquantes, Khaldi se souvient d’une vieille dame de Homs qui, voyant les portraits d’Assad retirés des bâtiments officiels, murmure : « On peut respirer ? Est-ce que c’est vrai ? »
  • Mais ce soulagement intense laisse rapidement place à une inquiétude plus sourde : celle du vide

PARIS: La Syrie post-Assad, carnets de bord, de Hakim Khaldi, humanitaire chez Médecins sans frontières, publié chez L’Harmattan, n’est pas seulement un récit de témoins, mais une immersion dans la réalité d’un pays brisé mais pas vaincu, où la chute d’un pouvoir omnipotent n’a pas suffi à étouffer l’exigence de dignité.
Ce qu’il raconte, c’est l’envers des discours diplomatiques, la géographie vécue d’une société projetée brutalement hors d’un demi-siècle d’autoritarisme dans un vide politique, économique et moral.

Les premiers jours après la chute du régime de Bachar Al-Assad ressemblent, selon Khaldi, à un moment de bascule irréel.

Dans ses carnets, comme dans ses réponses à Arab News en français, revient une même conviction : la chute d’un régime ne signifie pas la naissance immédiate d’un pays. La Syrie, aujourd’hui, est entre les deux, « en état de transformation ».

Les premiers jours après la chute du régime de Bachar Al-Assad ressemblent, selon Khaldi, à un moment de bascule irréel : « On ne savait pas si c’était la fin d’une époque ou le début d’une autre tragédie », confie-t-il.
Dans les villes « libérées », les scènes oscillent entre euphorie et sidération ; la population découvre, sans y croire encore, la possibilité de parler librement, de respirer autrement.

Il raconte ces familles qui, pendant quarante ans, n’avaient jamais osé prononcer le mot « moukhabarat » (services secrets en arabe), ne serait-ce qu’à voix basse chez elles.
Et brusquement, les voilà qui se mettent à raconter : les disparitions, les tortures, les humiliations, et la peur devenue routine.
Des parents ressortent des photos d’adolescents morts sous la torture, des certificats de décès maquillés, des lettres écrites depuis la prison mais jamais envoyées.

Parmi les scènes les plus marquantes, Khaldi se souvient d’une vieille dame de Homs qui, voyant les portraits d’Assad retirés des bâtiments officiels, murmure : « On peut respirer ? Est-ce que c’est vrai ? »
Ce qui l’a le plus frappé, c’est « ce sentiment presque physique d’un poids qui tombe. C’est ce que j’ai le plus entendu », affirme-t-il.

Mais ce soulagement intense laisse rapidement place à une inquiétude plus sourde : celle du vide. En quelques jours, l’État s’est évaporé : plus de police, plus d’électricité, plus d’école, plus de justice.
Les anciens bourreaux disparaissent dans la nature, mais les réseaux de corruption se reconstituent, et les premières milices locales émergent, prêtes à occuper le terrain déserté par les institutions.

Pourtant, au fil de ses déplacements, Khaldi est frappé par la force de résilience et d’auto-organisation de la population : « Les Syriens n’ont jamais cessé d’exister comme société, même quand l’État les avait réduits au silence », assure-t-il.
Dans les villages, des comités improvisés se forment et organisent la distribution alimentaire, la remise en marche d’une station d’eau, la sécurité ou la scolarisation d’urgence.

Un an après la chute du régime (le 8 décembre 2024), la Syrie tente de se relever lentement, mais elle demeure une mosaïque de composants hybrides.

Cette responsabilité populaire est, pour Khaldi, l’un des rares points lumineux du paysage syrien, la preuve qu’une société peut exister en dehors de l’appareil répressif qui prétendait être l’État.

Un an après la chute du régime (le 8 décembre 2024), la Syrie tente de se relever lentement, mais elle demeure une mosaïque de composants hybrides, de milices rivales, de zones d’influence et d’ingérences étrangères. « Une mosaïque qui ne ressemble plus au pays d’avant », estime Khaldi.
Le territoire est éclaté entre forces locales, groupes armés (notamment les milices druzes à Soueida, au nord-est du pays), gouvernances provisoires ou structures étrangères. Les routes sont coupées, les administrations doublées ou contradictoires.

Avec des infrastructures détruites, une monnaie en chute libre et un secteur productif quasi paralysé, la survie quotidienne est devenue un exercice d’équilibriste.
Les Syriens ne nourrissent plus d’illusions sur l’arrivée immédiate d’un modèle démocratique idéal : il s’agit d’abord de survivre, de reconstruire, de retrouver un minimum de continuité.

Le traumatisme est profond, à cause des disparitions massives, de l’exil et des destructions psychologiques. Pourtant, affirme Khaldi, « jamais je n’ai entendu un Syrien regretter que la dictature soit tombée ».

De ses observations et des témoignages qu’il a collectés en arpentant le pays, Khaldi tire les priorités pour éviter que la Syrie ne devienne ni un conflit gelé ni un espace livré aux milices.
De son point de vue, la reconstruction politique ne peut se réduire à remplacer un gouvernement par un autre : il faut rebâtir les fondations, à savoir une justice indépendante, une police professionnelle et des administrations locales.

Des dizaines de groupes armés contrôlent aujourd’hui une partie du territoire, et une transition politique sérieuse est impensable sans un processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration, soutenu par une autorité légitime et par un cadre international solide.
Au-delà des aides internationales, la Syrie a besoin d’un cadre empêchant la capture des fonds par les anciens réseaux de corruption ou les factions armées.
Elle doit donner la priorité à la relance de l’agriculture, au rétablissement de l’électricité, des réseaux routiers et des petites industries, les seules capables à court terme de soutenir la vie quotidienne.

Le pays porte une blessure immense : celle des prisons secrètes, des fosses communes, des disparitions et des exactions documentées. « Sans justice, il n’y aura pas de paix durable », affirme Khaldi.
Il ne s’agit ni de vengeance ni de tribunaux-spectacle, mais de vérité et de reconnaissance, conditions indispensables à une réconciliation nationale.

De cet entretien se dégage une idée forte : malgré la faim, la peur, les ruines, malgré la fragmentation politique et l’ingérence étrangère, les Syriens n’ont pas renoncé à eux-mêmes.
Ils ouvrent des écoles improvisées, réparent des routes avec des moyens dérisoires, organisent l’entraide, résistent au chaos. « La Syrie n’est plus la Syrie d’avant, mais elle n’est pas condamnée pour autant », affirme Khaldi.
Son témoignage rappelle qu’un pays ne meurt pas quand un régime tombe ; il meurt lorsque plus personne ne croit possible de le reconstruire. Et les Syriens, eux, y croient encore.


Liban: Israël annonce des frappes dans le sud, appelle à des évacuations

L'armée israélienne a annoncé jeudi après-midi des frappes imminentes dans le sud du Liban contre ce qu'elle présente comme des infrastructures du mouvement islamiste Hezbollah, et a appelé à des évacuations dans deux villages de cette région. (AFP)
L'armée israélienne a annoncé jeudi après-midi des frappes imminentes dans le sud du Liban contre ce qu'elle présente comme des infrastructures du mouvement islamiste Hezbollah, et a appelé à des évacuations dans deux villages de cette région. (AFP)
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  • Les forces israéliennes vont "bientôt attaquer des infrastructures terroristes du Hezbollah à travers le sud du Liban afin de contrer ses tentatives illégales de rétablir ses activités dans la région"
  • Dans un "message urgent" en arabe, le colonel Adraee signale, cartes à l'appui, deux bâtiments dans les villages de Jbaa et Mahrouna, dont il appelle les riverains dans un rayon d'au moins 300 mètres à s'écarter

JERUSALEM: L'armée israélienne a annoncé jeudi après-midi des frappes imminentes dans le sud du Liban contre ce qu'elle présente comme des infrastructures du mouvement islamiste Hezbollah, et a appelé à des évacuations dans deux villages de cette région.

Cette annonce survient au lendemain d'une rencontre entre responsables civils libanais et israélien, lors d'une réunion de l'organisme de surveillance du cessez-le-feu entré en vigueur il y a un an, présentée comme de premières discussions directes depuis plus de 40 ans entre les deux pays toujours techniquement en état de guerre.

Les forces israéliennes vont "bientôt attaquer des infrastructures terroristes du Hezbollah à travers le sud du Liban afin de contrer ses tentatives illégales de rétablir ses activités dans la région", a annoncé le colonel Avichay Adraee, porte-parole de l'armée israélienne pour le public arabophone.

Dans un "message urgent" en arabe, le colonel Adraee signale, cartes à l'appui, deux bâtiments dans les villages de Jbaa et Mahrouna, dont il appelle les riverains dans un rayon d'au moins 300 mètres à s'écarter.

Accusant le Hezbollah de se réarmer dans le sud du pays et de violer ainsi les termes de la trêve entrée en vigueur fin novembre 2024, l'armée israélienne a multiplié depuis plusieurs semaines les frappes aériennes dans le sud du Liban mais a marqué une pause dans ses attaques pendant la visite du pape Léon XIV cette semaine.

Israël a même frappé jusque dans la banlieue de Beyrouth le 23 novembre pour y éliminer le chef militaire du Hezbollah, Haitham Ali Tabatabai.

Le Liban dénonce ces attaques comme des violations patentes du cessez-le-feu.

Mais Israël, qui peut compter sur l'aval tacite des Etats-Unis pour ces frappes, affirme qu'il ne fait qu'appliquer la trêve en empêchant le Hezbollah, allié de la République islamique d'Iran, ennemie d'Israël, "de se reconstruire et de se réarmer".

Tout en déclarant que les discussions directes de mercredi avec le Liban s'étaient déroulées dans "une atmosphère positive", le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a rappelé mercredi soir que le désarmement du Hezbollah restait une exigence "incontournable" pour son pays.


Soudan: le chef des droits de l'homme de l'ONU appelle à cesser les combats «immédiatement»

Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme a appelé jeudi les belligérants à "cesser immédiatement les combats" dans le sud du Soudan, affirmant craindre une nouvelle vague d'atrocités après les massacres d'El-Facher. (AFP)
Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme a appelé jeudi les belligérants à "cesser immédiatement les combats" dans le sud du Soudan, affirmant craindre une nouvelle vague d'atrocités après les massacres d'El-Facher. (AFP)
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  • Depuis le 25 octobre, date à laquelle les FSR ont pris le contrôle de la ville de Bara, dans le Kordofan-Nord, le Haut-Commissariat a recensé "au moins 269 morts parmi les civils, victimes de frappes aériennes, de tirs d'artillerie et d'exécutions
  • "Il est véritablement choquant de voir l'histoire se répéter au Kordofan si peu de temps après les événements terrifiants d'El-Facher", a déclaré le Haut-Commissaire

GENEVE: Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme a appelé jeudi les belligérants à "cesser immédiatement les combats" dans le sud du Soudan, affirmant craindre une nouvelle vague d'atrocités après les massacres d'El-Facher.

"Nous ne pouvons rester silencieux face à cette nouvelle catastrophe", a déclaré Volker Türk dans un communiqué. "Ces combats doivent cesser immédiatement et l’aide humanitaire vitale doit parvenir aux personnes menacées de famine".

Les combats se sont intensifiés cette semaine dans la région du Kordofan, dans le sud du Soudan riche en pétrole, l'armée cherchant à repousser les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) loin de l'axe routier vital reliant la capitale Khartoum au Darfour.

Depuis le 25 octobre, date à laquelle les FSR ont pris le contrôle de la ville de Bara, dans le Kordofan-Nord, le Haut-Commissariat a recensé "au moins 269 morts parmi les civils, victimes de frappes aériennes, de tirs d'artillerie et d'exécutions sommaires".

Et il affirme avoir relevé "des cas de représailles, de détentions arbitraires, d'enlèvements, de violences sexuelles et de recrutements forcés, y compris d'enfants".

"Il est véritablement choquant de voir l'histoire se répéter au Kordofan si peu de temps après les événements terrifiants d'El-Facher", a déclaré le Haut-Commissaire, en référence aux exactions commises par les FSR après la prise fin octobre de la dernière grande ville du Darfour (ouest) qui échappait à leur contrôle.

"Nous ne devons pas permettre que le Kordofan devienne un autre El-Facher", a insisté M. Türk.

Dans son communiqué, le Haut-Commissariat rapporte que le 3 novembre dernier, un drone des FSR avait frappé une tente où des personnes en deuil étaient rassemblées à El Obeid, dans le Kordofan du Nord, tuant 45 personnes, principalement des femmes.

Il indique aussi que le 29 novembre, une frappe aérienne des Forces armées soudanaises (SAF) à Kauda, dans le Kordofan du Sud, aurait fait au moins 48 morts, pour la plupart des civils.

Selon l'organisation, "de violents combats se poursuivent depuis dans les trois États du Kordofan". "La situation humanitaire est catastrophique : la famine est confirmée à Kadugli et un risque de famine persiste à Dilling", ajoute le Haut-Commissariat, affirmant que "toutes les parties entravent l’accès et les opérations humanitaires".

"Nous ne pouvons (...) laisser d’autres Soudanais devenir victimes de terribles violations des droits de l’homme. Nous devons agir", a insisté M. Türk.

Depuis avril 2023, les combats ont fait des dizaines de milliers de morts, forcé le déplacement de 12 millions de personnes et plongé le pays dans la plus grande crise humanitaire au monde, selon l'ONU.