En l’absence d’un État palestinien, le conflit est inévitable

De la fumée s’élève au-dessus des bâtiments lors d’une frappe aérienne israélienne, dans la ville de Gaza, le 9 octobre 2023 (Photo, AFP).
De la fumée s’élève au-dessus des bâtiments lors d’une frappe aérienne israélienne, dans la ville de Gaza, le 9 octobre 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 12 octobre 2023

En l’absence d’un État palestinien, le conflit est inévitable

En l’absence d’un État palestinien, le conflit est inévitable
  • Ce n’est pas une mince affaire que les combattants du Hamas entrent dans les colonies autour de Gaza et prennent en otage plusieurs habitants
  • La première leçon consiste à reconnaître le droit des Palestiniens à avoir leur propre État indépendant

Il est trop tôt pour se demander ce que les institutions politiques, militaires et sécuritaires israéliennes décideront à la suite des développements actuels. Il est également trop tôt pour se demander ce que fera le Hamas.

Les institutions israéliennes considéreront-elles cette évolution comme un échec terrible qu’il faudra surmonter en faisant payer au Hamas et à Gaza un prix à la hauteur des dégâts infligés à l’image de l’armée israélienne et à sa puissance de dissuasion? Vont-elles punir ceux qu’elles jugent responsables tout en préparant la prochaine guerre?

Il faut attendre la fin de la guerre, qui pourrait devenir incontrôlable si elle se prolonge et connaît une violence encore plus grande que celle que nous avons observée jusqu’à présent.

Qu’en est-il du Hamas? Que va-t-il faire? Va-t-il se convaincre, une fois de plus, qu’il ne peut y avoir d’autres solutions que la guerre et se préparer à d’autres guerres à venir? Dans ce cas, qu’en est-il de la Cisjordanie et des tensions qui y couvent à la suite des combats actuels?

Que dire de la frontière libano-israélienne qui pourrait être témoin d’une éventuelle extension de la guerre? Et la frontière libano-syrienne dans tout cela? La guerre va-t-elle s’étendre à tout le pays malgré la présence russe en Syrie? Qu’en est-il de toute la région? Qu’en est-il des alliés des parties belligérantes, soit les États-Unis et l’Iran?

Ce qui se passe est bien plus qu’une simple guerre entre Israël et la bande de Gaza. Il s’agit d’un nouveau tournant dans ce conflit long et acharné entre Israéliens et Palestiniens.

Il n’est pas exagéré de dire que ces nouvelles images constituent une première. Que les Brigades Izz al-Din al-Qassam aient attaqué Israël par voie terrestre, maritime et aérienne n’était pas chose aisée. Il n’est pas simple d’ébranler ainsi l’armée israélienne. Il n’est pas simple d’occasionner des pertes humaines aussi lourdes, de causer autant de blessés et de capturer autant de personnes. Il n’est pas simple de se préparer à une telle guerre et de surprendre les renseignements israéliens. Nous parlons ici de Gaza, un territoire que l’armée israélienne croyait assiéger et surveiller de près.

Ces scènes sont en effet inédites. Ce n’est pas une mince affaire que les combattants du Hamas entrent dans les colonies autour de Gaza et prennent en otage plusieurs habitants. Ce n’est pas non plus une mince affaire pour ces brigades de tirer des milliers de roquettes sur Israël.

L’armée régulière israélienne a été incapable de riposter immédiatement et de combler les lacunes exploitées. Le Premier ministre, Benjamin Netanyahou, a lui-même été contraint de reconnaître qu’Israël était en guerre et qu’il devait faire appel aux réservistes.

Les peuples du Moyen-Orient n’ont connu que des conflits longs et acharnés. Le conflit palestino-israélien est en tête de liste. L’un des nombreux chapitres de cette longue leçon est que ce conflit ne peut être résolu ni par la guerre ni par un règlement.

«Le gouvernement israélien actuel compte, parmi ses membres, des personnalités dont la provocation est le pain quotidien. Le résultat est la situation actuelle.»

Ghassan Charbel

L’armée israélienne a remporté une victoire éclatante en 1967. Elle a vaincu les armées arabes et occupé davantage de territoires. Mais la guerre n’a pas obligé les vaincus à se rendre. Au lieu de cela, ils ont riposté durement en 1973. Israël a été pris au dépourvu, mais le soutien américain a empêché une victoire arabe. Le choc de la guerre n’a pas convaincu Israël d’opter pour la paix comme moyen de mettre fin au conflit. L’État hébreu a accepté suffisamment de conditions pour que l’Égypte quitte Gaza. Israël s’est trompé en pensant que le départ de l’Égypte mettrait fin aux guerres et que la cause palestinienne finirait par être oubliée.

Dans les années 1970, Beyrouth devient la capitale de la cause palestinienne. Les affrontements à la frontière libano-israélienne sont des messages haineux. Les Palestiniens revendiquent leurs droits. Israël essaye de les priver de ces droits. En 1982, Israël conclut qu’il doit déraciner l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) de son dernier point d’appui sur la ligne de front israélo-arabe. L’armée israélienne envahit le Liban et assiège Beyrouth, forçant l’OLP à se retirer du pays. Israël croyait à l’époque que la cause palestinienne serait vaincue.

Les observateurs neutres estiment qu’Israël a perdu une occasion majeure de guider le conflit vers un règlement qui mettrait fin au cycle de guerres. Le pays est passé à côté de la chance offerte par la poignée de main entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin à la Maison-Blanche. Il s’agissait d’une poignée de main entre deux guerriers jouissant chacun d’une pleine légitimité dans leur milieu. Israël a sous-estimé l’importance de la légitimité politique et militaire d’Arafat, ainsi que de sa légitimité palestinienne, arabe et islamique. Ariel Sharon s’est trompé en croyant qu’un «boycott» d’Arafat détruirait le rêve des Palestiniens de créer leur propre État.

Israël est également passé à côté de l’opportunité offerte par l’Initiative de paix arabe, lors du sommet de la Ligue arabe à Beyrouth en 2002. Cette initiative était le produit d’efforts acharnés pour résoudre le conflit d’une manière qui garantirait l’établissement d’un État palestinien aux côtés d’Israël. Ce dernier s’est vu promettre d’être inclus dans la région s’il acceptait la proposition.

Le sentiment de supériorité et de puissance d’Israël l’a incité à faire fi de davantage de possibilités. Il estimait que le monde post-11-Septembre et l’invasion américaine de l’Irak étaient l’occasion rêvée d’imposer un statu quo qui ignore l’essence du conflit palestinien. Il a ôté tout espoir aux Palestiniens et son comportement a affaibli la position des modérés, qui misaient sur un règlement négocié. La société israélienne a glissé encore plus vers la droite. Le gouvernement israélien actuel compte des personnalités dont la provocation est le pain quotidien. Le résultat est la situation actuelle.

La guerre pourrait affecter différentes régions. Mais l’expansion de la destruction et de la guerre ne pourra effacer les scènes incroyables du premier jour, alors qu’Israël a été témoin de l’inattendu.

Ce conflit ne peut être résolu qu’en tirant quelques leçons. La première consiste à reconnaître le droit des Palestiniens à avoir leur propre État indépendant. Toute autre option revient simplement à attendre qu’une autre guerre, encore plus féroce, fasse encore plus de victimes, notamment parmi les civils, et entraîne des pertes économiques considérables.

La question qui se pose est la suivante: que feront les combattants lorsque les combats prendront fin? Ils ne peuvent sortir de ce conflit chronique sans procéder à un examen approfondi et sans prendre des décisions douloureuses. La formation d’un État palestinien est la première étape vers l’établissement de la stabilité dans la région. Sans cela, nous assisterons à davantage de conflits comme celui qui se déroule actuellement.

 

Ghassan Charbel est le rédacteur en chef du quotidien Asharq al-Awsat.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com