Liban: Un pays entier otage du Hezbollah

Manifestation organisée par le Hezbollah, le 18 octobre à Beyrouth (Photo, AFP).
Manifestation organisée par le Hezbollah, le 18 octobre à Beyrouth (Photo, AFP).
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Publié le Samedi 21 octobre 2023

Liban: Un pays entier otage du Hezbollah

 Liban: Un pays entier otage du Hezbollah
  • Les tensions sont en hausse constante, de quoi semer l’inquiétude au sein de la population libanaise, prise au piège dans un conflit dans lequel la majorité refuse toute implication militaire
  • L’opposition au Hezbollah et à son rôle au niveau régional est d’autant plus féroce ces jours-ci que si la guerre venait à éclater avec Israël, ce sont les États-Unis que la milice aurait à affronter en première ligne

Le Liban, qui souffre depuis un an d’une paralysie politique causée par un vide présidentiel et par l’absence d’un gouvernement en pleine fonction, est aujourd’hui pris en otage par la milice pro-iranienne, le Hezbollah. 

Depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre dernier à Gaza qui a fait plus de 1 500 morts du côté israélien, le Hezbollah ne cesse de dangereusement pousser le pays vers une guerre ouverte avec Israël. En effet, les tensions à la frontière libano-israélienne ne cessent de monter, les attaques de la milice contre les postes militaires de l’autre côté de la frontière se multipliant au fil des jours. Plus préoccupants encore sont les éléments armés du Hamas, ainsi que du Jihad Islamique palestinien, qui commencent à faire surface dans la région frontalière du Liban-Sud. Ces évènements rappellent une période tristement trouble de l’histoire du Liban, le jour où l’État libanais a cédé en 1969 sa souveraineté sur une partie du sud à l’organisation palestinienne Fatah, jadis conduite par Yasser Arafat. Cette dernière avait reçu l’aval implicite des autorités libanaises pour mener des raids contre Israël à partir du territoire national. Ce fut le début de la décente aux enfers du pays du cèdre, qui éclatera quelques années plus tard en une guerre civile destructrice et meurtrière. Cette guerre durera de 1975 à 1990 et se soldera par quelque 200 000 morts et la destruction totale du pays qu’on surnommait la Suisse du Moyen-Orient.

La milice pro-iranienne refuse de prendre en compte l’opinion publique libanaise, majoritairement opposée à cet aventurisme guerrier

Ali Hamade

Depuis l’attaque du 7 octobre, et l’entrée d’Israël en guerre contre le Hamas et la bande de Gaza, la frontière sud est en ébullition. Les tensions sont en hausse constante, de quoi semer l’inquiétude au sein de la population libanaise, prise au piège dans un conflit dans lequel la majorité refuse toute implication militaire. L’opinion publique demande que la solidarité avec les Palestiniens ne dégénère pas en conflit armé semblable à la guerre de 2006. Le Liban est un pays meurtri en proie à une crise économique sociale et politique d’une violence rare. Or une guerre entre Téhéran et Tel Aviv sur le sol libanais viendrait aggraver une situation déjà insoutenable. 

Des voix s’élèvent dans les milieux politiques et au sein de la société civile, mettant le Hezbollah en garde contre toute aventure qui mènerait à un conflit militaire. Il faut dire que le pays est verticalement divisé sur le sujet du Hezbollah en tant qu’organisation armée jusqu’aux dents. C’est bien un sujet de discorde nationale. Il faut reconnaitre que la milice pro-iranienne a réussi à s’imposer en tant qu’acteur déterminant dans la vie politique, sans pour autant réussir à faire unanimité.

L’opposition au Hezbollah et à son rôle au niveau régional est d’autant plus féroce ces jours-ci que si la guerre venait à éclater avec Israël, ce sont les États-Unis que la milice aurait à affronter en première ligne.

La situation du Liban est précaire. La milice pro-iranienne refuse de prendre en compte l’opinion publique libanaise, majoritairement opposée à cet aventurisme guerrier auquel se livre le Hezbollah. Toutefois, personne n’est dupe; si Téhéran donnait l’ordre à sa milice de s’impliquer dans le conflit actuel, cette dernière s’exécuterait sans état d’âme, d’où la crainte grandissante d’une majorité des Libanais qui se sent prise en otage.


Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban. Twitter: @AliNahar
NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.