Le Hezbollah se trouve dans une impasse au moment du renouvellement du mandat de la Finul

Le renouvellement du mandat de la Force intérimaire des nations unies au Liban a été approuvé jeudi dernier par le Conseil de sécurité de l’ONU. (Photo, AFP)
Le renouvellement du mandat de la Force intérimaire des nations unies au Liban a été approuvé jeudi dernier par le Conseil de sécurité de l’ONU. (Photo, AFP)
Short Url
Publié le Vendredi 08 septembre 2023

Le Hezbollah se trouve dans une impasse au moment du renouvellement du mandat de la Finul

Le Hezbollah se trouve dans une impasse au moment du renouvellement du mandat de la Finul
  • Le Hezbollah se trouve dans une position délicate et il ne fait confiance à personne
  • Son allié le plus proche, le Courant patriotique libre chrétien, lui a tourné le dos en juin et s’est allié aux Forces libanaises en soutenant Jihad Azour

Le renouvellement du mandat de la Force intérimaire des nations unies au Liban (Finul) – une force de maintien de la paix déployée le long de la frontière israélo-libanaise – a été approuvé jeudi dernier par le Conseil de sécurité de l’Organisation des nations unies (ONU). 

Le vote initial a été retardé, car les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, les États-Unis et le Royaume-Uni, se sont opposés à la résolution rédigée par la France, qu’ils considéraient comme restreignant les mouvements de la Finul. Bien entendu, le Hezbollah ne souhaite pas que la force de l’ONU se déplace librement et découvre ses cachettes et ses dépôts d’armes. Cependant, plus le Hezbollah est perçu comme contrôlant le sud du Liban, plus il est susceptible d’être la cible d’une frappe israélienne.

Le renouvellement du mandat de l’année dernière comprenait une disposition autorisant les troupes de la Finul à effectuer des patrouilles sans coordination préalable avec l’armée libanaise, en plus de celles annoncées précédemment. Toutefois, le Liban souhaitait cette fois modifier cette disposition. Le ministre des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, a également refusé une disposition qui aurait transféré le mandat de la Finul du chapitre VI de la Charte des nations unies au chapitre VII. 

Alors que le chapitre VI prévoit la résolution des conflits par des moyens pacifiques, le chapitre VII est utilisé lorsque la situation est désastreuse et que le recours à la force est nécessaire. Dans ce cas, lorsqu’un État représente un danger pour ses citoyens et ses voisins, le Conseil de sécurité peut recourir à la force pour rétablir l’ordre.

Alors que le gouvernement libanais, sous l’influence du Hezbollah, a utilisé la souveraineté comme prétexte pour rejeter cette disposition, la question est en réalité bien plus compliquée que cela. Se souvient-on de la mort tragique d’un jeune soldat irlandais de la Finul dans le sud du Liban l’année dernière? Alors que le Hezbollah a tenté de faire croire à un affrontement entre une patrouille et des habitants d’Al-Aqbiya, la rumeur qui circulait dans la ville était que le soldat malchanceux s’était rendu à un endroit où il n’était pas censé aller. Peut-être avait-il découvert un dépôt d’armes du Hezbollah.

Le groupe ne fait certainement pas confiance à l’ONU pour ses installations, mais il ne veut pas non plus provoquer une confrontation avec Israël.

Dr Dania Koleilat Khatib

La mort de ce soldat a mis tout le monde dans l’embarras, mais particulièrement le Hezbollah. Le tribunal militaire libanais a accusé cinq membres du groupe d’avoir tué le Casque bleu irlandais. Dix jours après l’incident, le Hezbollah a remis aux autorités un homme soupçonné d’être le principal assaillant. Le Hezbollah souhaite-t-il que des incidents similaires se produisent à l’avenir? Bien sûr que non. C’est pourquoi les restrictions imposées aux mouvements des troupes de la Finul sont nécessaires: pour maintenir la sécurité des infrastructures du groupe au profit de sa propre survie.

Alors que le ministre de la Culture, Mohammed al-Mourtada, a fait une déclaration rejetant la probabilité de l’application du chapitre VII, cette option reste tout à fait possible et le vote a effectivement été adopté. Bien que le texte comprenne une clause sur la «coordination avec l’armée», il utilise un langage ferme concernant la liberté de mouvement de la Finul dans le sud.

Le Royaume-Uni a publié une déclaration particulièrement dure à propos de ce mandat. Après le vote, le ministère des Affaires étrangères a déclaré: «Il est inacceptable que la Finul ne puisse toujours pas accéder à certains endroits le long de la frontière de la Ligne bleue, notamment les sites du projet “Vert sans frontières”. Ceci d’autant plus que le Hezbollah a reconnu stocker des armes en violation de la résolution 1 701.» Alors que Vert sans frontières est censé être une initiative environnementale, la rumeur indique qu’il s’agit d’une opération secrète de collecte de renseignements pour le Hezbollah. Jugé comme apportant un soutien au groupe, le projet a été sanctionné le mois dernier par les États-Unis.

Le Hezbollah se trouve dans une position délicate. Il ne fait confiance à personne. Son allié le plus proche, le Courant patriotique libre chrétien (CPL), lui a tourné le dos en juin et il s’est allié aux Forces libanaises (FL) en soutenant Jihad Azour, directeur du Fonds monétaire international (FMI) pour le Moyen-Orient, comme prochain président du Liban. Même si toute cette situation n’est qu’une mise en scène pour que le leader du CPL, Gebran Bassil, puisse extorquer davantage de concessions au Hezbollah, le groupe sait désormais que même ses alliés les plus proches peuvent le faire chanter.

Le groupe dispose de trois centres de gravité: le sud, la Bekaa et la banlieue du sud de Beyrouth. Permettra-t-il d’exposer l’un de ces centres? Certainement pas. Ainsi, une insécurité accrue s’accompagne d’un besoin accru de contrôle, notamment sur les installations. Ce contrôle semble désormais insaisissable, menacé comme il l’est par la liberté de mouvement de la Finul.

Le Hezbollah doit maintenir le prestige dont il jouit auprès de la communauté chiite en tant que force de résistance – ce qui explique toute cette démonstration de force.

Dr Dania Koleilat Khatib

Le groupe ne fait certainement pas confiance à l’ONU pour ses installations, mais il ne veut pas non plus provoquer une confrontation avec Israël. Les restrictions de mouvement de la Finul ont bien fonctionné pour le Hezbollah. Elles ont empêché une frappe israélienne tout en permettant au groupe d’opérer tranquillement. Mais cette situation est en train de changer. Israël ne se contente plus d’une Finul restreinte. L’État hébreu veut une plus grande application du mandat de la force de l’ONU; dans le cas contraire, il cherchera à résoudre le problème par ses propres moyens.

Une confrontation avec Israël n’est pas dans l’intérêt du Hezbollah, en particulier en ce moment. Désormais, on assiste à une montée en puissance du sentiment anti-Hezbollah au Liban. Le groupe se sent acculé. Un mouvement solide, dirigé par des chrétiens, s’y oppose. La rue chrétienne parle de partition du pays et de fédéralisme.

Est-il temps de se battre avec Israël? Pas vraiment. Une lutte renforcerait les revendications des chrétiens en faveur du fédéralisme, car ils ne voudraient pas être constamment sous la menace d’une attaque de la part d’un voisin belligérant. Israël n’a aucun intérêt à une confrontation avec le Liban. Il a déjà assez de problèmes internes. Il n’a pas besoin d’un autre Gaza sur sa frontière nord. Il ne veut pas non plus de chaos au Liban, car cela aurait des répercussions. Cependant, s'il perçoit un quelconque danger, la sécurité étant prioritaire, le pays mènera une attaque.

Le Hezbollah doit maintenir le prestige dont il jouit auprès de la communauté chiite en tant que force de résistance – ce qui explique toute la démonstration de force dans le sud. Mais il doit éviter de franchir le seuil qui pourrait provoquer une réaction de la part d’Israël. Ainsi, d’une certaine manière, le vote de l’ONU diminue la menace d’une éventuelle frappe israélienne. Plus Israël estime que le Hezbollah est contenu, moins il est en danger et moins il envisage une frappe.

La présence de la Finul est nécessaire pour empêcher une nouvelle attaque. Néanmoins, ce vote a placé le Hezbollah dans une situation difficile: il ne peut pas se permettre d’être exposé par la Finul, mais il ne peut pas non plus se permettre une confrontation comme celle avec le soldat irlandais. Bien que le Hezbollah ait minimisé la décision et déclaré qu’elle resterait «lettre morte», le groupe se trouve dans une situation complexe. Il s’agit toutefois d’un test pour montrer jusqu’où il peut repousser les limites.

 

La Dr Dania Koleilat Khatib est une spécialiste des relations américano-arabes, et plus particulièrement du lobbying. Elle est présidente du Centre de recherche pour la coopération et la construction de la paix, une organisation non gouvernementale libanaise axée sur la voie II.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com