Liban: L'ONU renouvelle le mandat de la Finul après des discussions «difficiles»

Un soldat de la paix des Nations Unies (Finul) sur un véhicule blindé des Nations unies à Naqoura, près de la frontière avec Israël, au Sud-Liban, le 31 août 2023 (Photo, Reuters).
Un soldat de la paix des Nations Unies (Finul) sur un véhicule blindé des Nations unies à Naqoura, près de la frontière avec Israël, au Sud-Liban, le 31 août 2023 (Photo, Reuters).
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Publié le Vendredi 01 septembre 2023

Liban: L'ONU renouvelle le mandat de la Finul après des discussions «difficiles»

  • Le vote a été reporté un jour plus tôt en raison de désaccords sur la liberté de mouvement de la Finul
  • Les tentatives de progrès au Liban par le biais d'un partenariat avec le Hezbollah n'ont abouti qu'à la déception et à la misère, a signalé l'envoyé des EAU

NEW YORK: Après deux jours d'intenses négociations et plusieurs amendements à un projet de résolution, le Conseil de sécurité de l'ONU a voté jeudi la prolongation du mandat de la force de maintien de la paix de l'ONU au Sud-Liban jusqu'au 31 août 2024.

Le projet a été préparé par la France, qui est le rédacteur pour le Liban. Un rédacteur est le membre du Conseil qui dirige la négociation et la rédaction des résolutions sur un point particulier de l'ordre du jour. Le projet a finalement été adopté par 13 voix pour. La Russie et la Chine se sont abstenues.

Un vote précédemment prévu a été reporté à la dernière minute mercredi, en raison de désaccords entre les membres du Conseil, à savoir la France, les États-Unis et les Émirats arabes unis, sur la manière dont la Force intérimaire des Nations unies au Liban devrait être autorisée à exercer sa liberté de mouvement, et sur la manière d'aborder les restrictions et les défis auxquels les soldats de la paix sont confrontés pour accéder à des endroits clés.

Plusieurs sources du Conseil de sécurité ont révélé à Arab News que les négociations s'étaient avérées «difficiles».

La Finul a été créée en 1978 dans le but de superviser le retrait des forces israéliennes du Sud-Liban et de maintenir la stabilité le long de la frontière entre les deux pays.

Le principal point de discorde dans le renouvellement du mandat de la Finul cette semaine concerne un paragraphe qui a été ajouté au texte de la résolution de renouvellement l'année dernière, la résolution 2650, qui stipule que «la Finul n'a pas besoin d'autorisation ou de permission préalable pour entreprendre les tâches qui lui ont été confiées» et qu'elle «est autorisée à mener ses opérations de manière indépendante».

Cette formulation n'a pas été bien accueillie par le Hezbollah ni par le ministère libanais des Affaires étrangères, qui a publié une déclaration peu après l'adoption de la résolution l'année dernière, protestant contre le fait que la «formulation n'est pas conforme à l'accord-cadre que le Liban a signé avec les Nations unies».

Dans la résolution adoptée jeudi, le paragraphe litigieux a été conservé mais, compte tenu des demandes libanaises, la France a ajouté un texte appelant les forces de maintien de la paix à s'engager dans une «coordination continue avec le gouvernement libanais».

Dans le cadre d'un compromis avec les États-Unis et les Émirats arabes unis, la France a également réintroduit un texte qu'elle avait supprimé de la résolution de l'année dernière et qui exigeait que toutes les parties autorisent des «patrouilles annoncées et inopinées» par les troupes de l'ONU.

En août, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a envoyé une lettre au Conseil de sécurité dans laquelle il déclarait que «la capacité de la Finul à mener des patrouilles et des activités de manière indépendante devait être maintenue», tout en soulignant que la coopération et la coordination entre les forces de maintien de la paix et les forces armées libanaises «restaient cruciales pour une mise en œuvre réussie de la résolution 1701».

À la suite d'un conflit d'un mois entre Israël et le Hezbollah en 2006, la résolution 1701 a élargi la mission de la Finul afin de permettre aux soldats de la paix d'aider l'armée libanaise à empêcher la présence d'armes ou de combattants armés dans le sud, autres que ceux représentant le gouvernement libanais.

Cela a provoqué des tensions avec le Hezbollah, qui maintient un contrôle de facto sur le sud du Liban malgré la présence officielle de l'armée libanaise.

«Nous sommes préoccupés depuis longtemps par les actions menées par certains acteurs pour entraver la liberté de mouvement de la mission», a déclaré au Conseil de sécurité jeudi Linda Thomas-Greenfield, l'ambassadrice des États-Unis auprès des Nations unies.

«La résolution adoptée aujourd'hui réaffirme avec force la pleine liberté de mouvement de la Finul», a-t-elle souligné.

Selon des sources diplomatiques au sein du Conseil, les Émirats arabes unis se sont opposés à l'ajout d'un texte demandant aux troupes de l'ONU de coordonner leurs activités avec le gouvernement libanais et ont réaffirmé que la Finul n'avait pas besoin d'autorisation préalable pour mener à bien ses missions.

Ce mercredi, les Émirats arabes unis ont soumis un amendement au paragraphe litigieux, dont Arab News a eu connaissance. L'amendement conserve le libellé du paragraphe tel qu'il a été adopté l'année dernière, renforçant ainsi le point de vue selon lequel la Finul n'a pas besoin d'autorisation préalable pour effectuer des patrouilles ou d'autres activités.

Toutefois, peu avant le vote de jeudi, les Émirats arabes unis ont retiré leur amendement, de sorte que les membres du Conseil n'ont voté que sur la dernière version de la résolution dans son ensemble.

«Les négociations du Conseil de sécurité sont de plus en plus compliquées à cause des tensions mondiales accrues, ce qui conduit parfois à négliger les intérêts et les préoccupations régionales», a déclaré à Arab News, une diplomate émiratie ayant pris part aux négociations.

«Notre priorité était d'empêcher que cela ne se produise en ce qui concerne le mandat de la Finul. Nous pensons que le résultat d'aujourd'hui a largement contribué à servir les intérêts du peuple libanais et de la région», a-t-elle ajouté.

Compromis inutile

L'envoyée émiratie auprès des Nations unies, Lana Nusseibeh, a salué le «langage clair» ajouté par la France au texte confirmant l'indépendance des forces de maintien de la paix de l'ONU, et a exhorté le gouvernement libanais à «assumer ses responsabilités en ce qui concerne la liberté de mouvement de la Finul, ce qu'elle n'a pas fait à plusieurs reprises».

Elle a déclaré aux membres du Conseil : «Le fait est que les tensions sur la Ligne bleue ont atteint un niveau inégalé depuis la guerre de 2006. Au cours de l'année passée, le Hezbollah a quotidiennement tourné en dérision les résolutions 1701 et 1559 du Conseil de sécurité.

«Le Hezbollah a dressé des avant-postes militaires en béton et des tours d'observation, mené des exercices militaires à balles réelles et empêché la liberté de mouvement de la Finul tout en attaquant effrontément les forces de maintien de la paix», a indiqué Nusseibeh.

«Le Hezbollah a aussi activement perpétué la myriade de crises que connaît le Liban, entravé l'enquête sur l'explosion dévastatrice du port de Beyrouth et paralysé des institutions clés de l'État», a-t-elle ajouté.

Nusseibeh a poursuivi : «Ces actes incendiaires menacent d'entraîner une escalade dangereuse dans notre région. C'est pourquoi les Émirats arabes unis ont travaillé d'arrache-pied avec le rédacteur et les membres du Conseil dans le cadre de négociations approfondies afin de garantir que le mandat de la Finul tienne compte des évolutions sur le terrain qui compromettent la capacité de la Finul à s'acquitter de son mandat.

«La Finul continue de faire face à des défis concernant sa liberté de mouvement et le manque d'accès à des sites stratégiques, comme l'a signalé le secrétaire général de l'ONU. Nous avons donc essayé d’améliorer le texte afin de mieux répondre à ces défis et de soutenir les efforts de la Finul pour maintenir le calme et la stabilité au Sud-Liban et dans l'ensemble de la région», a-t-elle expliqué.

Toutefois, Nusseibeh a exprimé sa déception face à ce qu'elle a décrit comme «le compromis inutile visant à supprimer la référence non qualifiée à l'occupation israélienne de la ville d'Al-Ghajar, qui figurait dans les versions précédentes et qui, nous le pensons, bénéficiait d'un large soutien au sein de ce Conseil».

Elle a ajouté : «Nous aurions également préféré des références claires aux obstacles croissants qui entravent la liberté de mouvement de la Finul et sa capacité à atteindre tous les sites importants, notamment les zones où des conteneurs sont placés par l'organisation Green Without Borders, affiliée au Hezbollah.

«Les Émirats arabes unis ne comprennent pas non plus l'hésitation à nommer le Hezbollah et son groupe, qui sapent activement la capacité de la Finul à mener à bien son mandat dans ses zones d'opération», a-t-elle précisé.

«Aucune adaptation ne changera le fait que la poursuite du progrès au Liban par le biais d'un partenariat avec le Hezbollah n'a engendré que déception et misère, en particulier pour le peuple libanais.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


L’Arabie saoudite et ses partenaires régionaux rejettent tout déplacement forcé des Palestiniens de Gaza

Les ministres des Affaires étrangères d'Arabie saoudite, d'Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d'Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi leur profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l'ouverture du passage de Rafah dans un seul sens. (AFP)
Les ministres des Affaires étrangères d'Arabie saoudite, d'Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d'Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi leur profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l'ouverture du passage de Rafah dans un seul sens. (AFP)
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  • Les ministres ont exprimé une profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes sur l’ouverture du passage de Rafah dans un seul sens

RIYAD : Les ministres des Affaires étrangères d’Arabie saoudite, d’Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d’Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi une profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l’ouverture du passage de Rafah dans un seul sens, rapporte l’Agence de presse saoudienne.

Dans une déclaration conjointe, les ministres ont estimé que cette mesure pourrait faciliter le déplacement des Palestiniens de la bande de Gaza vers l’Égypte.

Ils ont fermement rejeté toute tentative de forcer les Palestiniens à quitter leurs terres, soulignant la nécessité d’une pleine application du plan proposé par le président américain Donald Trump, qui prévoyait l’ouverture du passage de Rafah dans les deux sens et garantissait la liberté de circulation sans coercition.

Les ministres ont insisté sur la création de conditions permettant aux Palestiniens de rester sur leurs terres et de participer à la reconstruction de leur pays, dans le cadre d’un plan global visant à restaurer la stabilité et à répondre à la crise humanitaire à Gaza.

Ils ont réitéré leur appréciation pour l’engagement de Trump en faveur de la paix régionale et ont souligné l’importance de la mise en œuvre complète de son plan, sans entrave.

La déclaration a également mis en avant l’urgence d’un cessez-le-feu durable, de la fin des souffrances des civils, de l’accès humanitaire sans restriction à Gaza, ainsi que du lancement d’efforts de relèvement et de reconstruction précoces.

Les ministres ont en outre demandé la mise en place de conditions permettant à l’Autorité palestinienne de reprendre ses responsabilités dans l’enclave.

Les huit pays ont réaffirmé leur volonté de continuer à coordonner leurs actions avec les États-Unis et les partenaires internationaux pour assurer la pleine mise en œuvre de la résolution 2803 du Conseil de sécurité de l’ONU et des autres résolutions pertinentes, en vue d’une paix juste et durable fondée sur le droit international et la solution à deux États, incluant la création d’un État palestinien indépendant selon les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Nouveaux bombardements israéliens au Liban malgré des discussions «positives»

Israël a de nouveau bombardé jeudi le sud du Liban, disant viser des sites du Hezbollah pro-iranien qu'elle accuse de se réarmer, au lendemain des premières discussions directes depuis plusieurs décennies entre des représentants des deux pays. (AFP)
Israël a de nouveau bombardé jeudi le sud du Liban, disant viser des sites du Hezbollah pro-iranien qu'elle accuse de se réarmer, au lendemain des premières discussions directes depuis plusieurs décennies entre des représentants des deux pays. (AFP)
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  • Le président libanais Joseph Aoun, saluant les réactions "positives" à la réunion de mercredi, a annoncé que les discussions reprendraient le 19 décembre afin d'éloigner "le spectre d'une deuxième guerre" au Liban
  • "Il n'y a pas d'autre option que la négociation", a-t-il ajouté

JBAA: Israël a de nouveau bombardé jeudi le sud du Liban, disant viser des sites du Hezbollah pro-iranien qu'elle accuse de se réarmer, au lendemain des premières discussions directes depuis plusieurs décennies entre des représentants des deux pays.

L'armée israélienne, qui a multiplié ses frappes ces dernières semaines, a encore frappé jeudi le sud du Liban après avoir appelé des habitants de plusieurs villages à évacuer.

Les bombardements ont touché quatre localités, où des photographes de l'AFP ont vu de la fumée et des maisons en ruines.

Dans le village de Jbaa, Yassir Madir, responsable local, a assuré qu'il n'y avait "que des civils" dans la zone. "Quant aux dégâts, il n'y a plus une fenêtre à 300 mètres à la ronde. Tout le monde est sous le choc", a-t-il ajouté. 


« La Syrie n’est pas condamnée » : les leçons d’un an de transition, selon Hakim Khaldi

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  • Parmi les scènes les plus marquantes, Khaldi se souvient d’une vieille dame de Homs qui, voyant les portraits d’Assad retirés des bâtiments officiels, murmure : « On peut respirer ? Est-ce que c’est vrai ? »
  • Mais ce soulagement intense laisse rapidement place à une inquiétude plus sourde : celle du vide

PARIS: La Syrie post-Assad, carnets de bord, de Hakim Khaldi, humanitaire chez Médecins sans frontières, publié chez L’Harmattan, n’est pas seulement un récit de témoins, mais une immersion dans la réalité d’un pays brisé mais pas vaincu, où la chute d’un pouvoir omnipotent n’a pas suffi à étouffer l’exigence de dignité.
Ce qu’il raconte, c’est l’envers des discours diplomatiques, la géographie vécue d’une société projetée brutalement hors d’un demi-siècle d’autoritarisme dans un vide politique, économique et moral.

Les premiers jours après la chute du régime de Bachar Al-Assad ressemblent, selon Khaldi, à un moment de bascule irréel.

Dans ses carnets, comme dans ses réponses à Arab News en français, revient une même conviction : la chute d’un régime ne signifie pas la naissance immédiate d’un pays. La Syrie, aujourd’hui, est entre les deux, « en état de transformation ».

Les premiers jours après la chute du régime de Bachar Al-Assad ressemblent, selon Khaldi, à un moment de bascule irréel : « On ne savait pas si c’était la fin d’une époque ou le début d’une autre tragédie », confie-t-il.
Dans les villes « libérées », les scènes oscillent entre euphorie et sidération ; la population découvre, sans y croire encore, la possibilité de parler librement, de respirer autrement.

Il raconte ces familles qui, pendant quarante ans, n’avaient jamais osé prononcer le mot « moukhabarat » (services secrets en arabe), ne serait-ce qu’à voix basse chez elles.
Et brusquement, les voilà qui se mettent à raconter : les disparitions, les tortures, les humiliations, et la peur devenue routine.
Des parents ressortent des photos d’adolescents morts sous la torture, des certificats de décès maquillés, des lettres écrites depuis la prison mais jamais envoyées.

Parmi les scènes les plus marquantes, Khaldi se souvient d’une vieille dame de Homs qui, voyant les portraits d’Assad retirés des bâtiments officiels, murmure : « On peut respirer ? Est-ce que c’est vrai ? »
Ce qui l’a le plus frappé, c’est « ce sentiment presque physique d’un poids qui tombe. C’est ce que j’ai le plus entendu », affirme-t-il.

Mais ce soulagement intense laisse rapidement place à une inquiétude plus sourde : celle du vide. En quelques jours, l’État s’est évaporé : plus de police, plus d’électricité, plus d’école, plus de justice.
Les anciens bourreaux disparaissent dans la nature, mais les réseaux de corruption se reconstituent, et les premières milices locales émergent, prêtes à occuper le terrain déserté par les institutions.

Pourtant, au fil de ses déplacements, Khaldi est frappé par la force de résilience et d’auto-organisation de la population : « Les Syriens n’ont jamais cessé d’exister comme société, même quand l’État les avait réduits au silence », assure-t-il.
Dans les villages, des comités improvisés se forment et organisent la distribution alimentaire, la remise en marche d’une station d’eau, la sécurité ou la scolarisation d’urgence.

Un an après la chute du régime (le 8 décembre 2024), la Syrie tente de se relever lentement, mais elle demeure une mosaïque de composants hybrides.

Cette responsabilité populaire est, pour Khaldi, l’un des rares points lumineux du paysage syrien, la preuve qu’une société peut exister en dehors de l’appareil répressif qui prétendait être l’État.

Un an après la chute du régime (le 8 décembre 2024), la Syrie tente de se relever lentement, mais elle demeure une mosaïque de composants hybrides, de milices rivales, de zones d’influence et d’ingérences étrangères. « Une mosaïque qui ne ressemble plus au pays d’avant », estime Khaldi.
Le territoire est éclaté entre forces locales, groupes armés (notamment les milices druzes à Soueida, au nord-est du pays), gouvernances provisoires ou structures étrangères. Les routes sont coupées, les administrations doublées ou contradictoires.

Avec des infrastructures détruites, une monnaie en chute libre et un secteur productif quasi paralysé, la survie quotidienne est devenue un exercice d’équilibriste.
Les Syriens ne nourrissent plus d’illusions sur l’arrivée immédiate d’un modèle démocratique idéal : il s’agit d’abord de survivre, de reconstruire, de retrouver un minimum de continuité.

Le traumatisme est profond, à cause des disparitions massives, de l’exil et des destructions psychologiques. Pourtant, affirme Khaldi, « jamais je n’ai entendu un Syrien regretter que la dictature soit tombée ».

De ses observations et des témoignages qu’il a collectés en arpentant le pays, Khaldi tire les priorités pour éviter que la Syrie ne devienne ni un conflit gelé ni un espace livré aux milices.
De son point de vue, la reconstruction politique ne peut se réduire à remplacer un gouvernement par un autre : il faut rebâtir les fondations, à savoir une justice indépendante, une police professionnelle et des administrations locales.

Des dizaines de groupes armés contrôlent aujourd’hui une partie du territoire, et une transition politique sérieuse est impensable sans un processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration, soutenu par une autorité légitime et par un cadre international solide.
Au-delà des aides internationales, la Syrie a besoin d’un cadre empêchant la capture des fonds par les anciens réseaux de corruption ou les factions armées.
Elle doit donner la priorité à la relance de l’agriculture, au rétablissement de l’électricité, des réseaux routiers et des petites industries, les seules capables à court terme de soutenir la vie quotidienne.

Le pays porte une blessure immense : celle des prisons secrètes, des fosses communes, des disparitions et des exactions documentées. « Sans justice, il n’y aura pas de paix durable », affirme Khaldi.
Il ne s’agit ni de vengeance ni de tribunaux-spectacle, mais de vérité et de reconnaissance, conditions indispensables à une réconciliation nationale.

De cet entretien se dégage une idée forte : malgré la faim, la peur, les ruines, malgré la fragmentation politique et l’ingérence étrangère, les Syriens n’ont pas renoncé à eux-mêmes.
Ils ouvrent des écoles improvisées, réparent des routes avec des moyens dérisoires, organisent l’entraide, résistent au chaos. « La Syrie n’est plus la Syrie d’avant, mais elle n’est pas condamnée pour autant », affirme Khaldi.
Son témoignage rappelle qu’un pays ne meurt pas quand un régime tombe ; il meurt lorsque plus personne ne croit possible de le reconstruire. Et les Syriens, eux, y croient encore.