L’arrogance israélienne peut offrir un espoir aux Palestiniens

Israël s'est créé trop d'ennemis et suit une voie sur laquelle il sera difficile de revenir. (File/AFP)
Israël s'est créé trop d'ennemis et suit une voie sur laquelle il sera difficile de revenir. (File/AFP)
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Publié le Mercredi 24 septembre 2025

L’arrogance israélienne peut offrir un espoir aux Palestiniens

L’arrogance israélienne peut offrir un espoir aux Palestiniens
  • En multipliant les provocations régionales et en ignorant la pression internationale, Netanyahou mise sur la force et le soutien américain, tout en acceptant la perte de l’image d’Israël à l’échelle mondiale
  • En créant trop d’ennemis et en poussant les États de la région à se sentir menacés, Israël pourrait, malgré lui, provoquer une mobilisation internationale en faveur des Palestiniens.

Lorsque la communauté internationale a exprimé son indignation face à l’attaque israélienne sur Doha ce mois-ci, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou n’a pas adopté une posture conciliante envers le Qatar — pourtant médiateur potentiel pour la libération des otages à Gaza. Au contraire, il a redoublé de bellicisme, affirmant que d’autres frappes cibleraient tout pays accueillant des dirigeants du Hamas.

De plus, face à la reconnaissance de la Palestine par plusieurs États occidentaux à l’Assemblée générale de l’ONU cette semaine, Netanyahou affiche encore plus d’arrogance et de défi, en menaçant cette fois d’annexer la Cisjordanie. Pourtant, aussi improbable que cela puisse paraître, cette arrogance et ce bellicisme israéliens pourraient représenter un espoir pour les Palestiniens.

Aussi douloureux que soit le sort de la Palestine et de Gaza, il faut rester lucides. Les États n’agissent que lorsqu’ils se sentent menacés. Ce sont des acteurs rationnels : ils ne bougent pas pour une cause, mais par intérêt. Les causes servent surtout à mobiliser l’opinion publique. Même face à un génocide, les États ne se mobiliseront pas pour défendre les Palestiniens si cela comporte un risque pour leur propre sécurité. Or, tout soutien aux Palestiniens en entraînerait. Personne ne veut froisser les États-Unis, première puissance mondiale. Pour l’instant, malgré la colère populaire grandissante, la position américaine reste inchangée : un soutien indéfectible à Israël.

Bien sûr, il existe un mouvement populaire. Divers boycotts ont vu le jour. Mais cela ne fera pas plier Israël. L’État hébreu est prêt à sacrifier. Il sait que sa réputation est ruinée — sans doute à jamais. Il n’a donc plus rien à protéger. Netanyahou évoque désormais ouvertement l’isolement international d’Israël, appelant son pays à devenir une « super-Spartiate » autosuffisante. Il admet qu’Israël a perdu la bataille de la hasbara (propagande). Il s’en moque désormais. Et bien que cela causera d’immenses souffrances aux Palestiniens, c’est Israël qui deviendra bientôt la principale victime de cette attitude.

Bien que cela inflige d’immenses souffrances et de morts aux Palestiniens, c’est Israël qui deviendra bientôt la principale victime de cette attitude.

                                                             Dr. Dania Koleilat Khatib

Israël cherche à pousser les Palestiniens de Gaza vers l’Égypte. En parallèle, il s’active avec les Kurdes et les Druzes en Syrie, une source majeure d’inquiétude sécuritaire pour la Turquie.

Ce mois-ci, Israël aurait livré à Chypre un système de défense aérienne intégré Barak MX. Celui-ci comprend un radar capable de surveiller jusqu’à 460 km, couvrant donc une large partie de l’espace aérien turc. Il inclut également des missiles d’une portée de 150 km, capables de viser le territoire turc. Il s’agit là d’une menace directe pour Ankara. À cela s’ajoute une déclaration provocante de Shay Gal, ancien vice-président des relations extérieures chez Israel Aerospace Industries, le fabricant du système, qui a suggéré qu’Israël devrait envisager d’« aider à libérer » le nord de Chypre des forces turques.

Israël veut une région divisée, avec des États faibles fragmentés sur des bases ethniques et confessionnelles. Il veut le chaos. Netanyahou a déjà évoqué sa volonté de redessiner le Moyen-Orient. Son objectif : des petits États affaiblis, se battant entre eux, pendant qu’Israël s’impose comme référence régionale. La Turquie a bien compris que les milices kurdes (YPG) et les installations militaires à Chypre ne sont que les manifestations visibles de la menace. La véritable menace, c’est Israël, qui refuse toute puissance régionale forte. Lorsque ces États sentiront le danger, ils se mobiliseront.

Israël a trop d’ennemis. Il suit un chemin dont il lui sera difficile de revenir en arrière.

                                                          Dr. Dania Koleilat Khatib

L’arrogance israélienne a dépassé toutes les limites. Mais c’est peut-être une bénédiction déguisée pour les Palestiniens. Israël n’écoute plus personne. Il s’est créé trop d’ennemis. Il poursuit une trajectoire irréversible. Que peut-il faire désormais ? Arrêter la guerre ? Se retirer de Gaza ? Cela signerait la fin politique de Netanyahou.

De plus, ce dernier a considérablement relevé les enjeux. Il ne peut plus reculer. Il sait que son temps est compté. Il cherche à modifier l’équilibre régional avant que son mandat ne s’achève. C’est un pari risqué, mais il mise sur le soutien américain.

Mais ce soutien apparemment inébranlable des États-Unis est en réalité plus fragile qu’il n’y paraît. Le président Donald Trump a lui-même déclaré ce mois-ci que le lobby pro-israélien avait perdu de son influence à Washington : « Israël était le lobby le plus puissant que j’aie jamais vu. Ils contrôlaient totalement le Congrès. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. » Israël a déjà perdu les démocrates et les indépendants, et même chez les républicains, les critiques se multiplient. Des figures majeures de la droite comme Tucker Carlson, Candace Owens, Marjorie Taylor Greene ou encore Steve Bannon critiquent désormais Israël.

L’opinion publique évolue, et la politique suivra. Mais les dirigeants israéliens sont trop arrogants pour le comprendre. C’est pourquoi le pari de Netanyahou est probablement perdu d’avance. Il finira par commettre une erreur majeure et se retrouver sans les soutiens nécessaires pour se protéger. Si Israël attaquait la Turquie, pays membre de l’OTAN, l’Occident le soutiendrait-il ? C’est ce sur quoi compte l’arrogance israélienne. Mais tôt ou tard, Israël devra affronter seul les conséquences de ses actes. Et, comme Sparte, il tombera par excès d’arrogance.

 

La Dr Dania Koleilat Khatib est une spécialiste des relations américano-arabes, et plus particulièrement du lobbying. Elle est présidente du Centre de recherche pour la coopération et la construction de la paix, une organisation non gouvernementale libanaise axée sur la voie II.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com