Cisjordanie: des Palestiniens chassés de leurs villages dans l'ombre de la guerre

Un homme blessé est assis sur un lit d'hôpital parmi des Palestiniens déplacés réfugiés dans une tente dans l'enceinte de l'hôpital Al-Shifa, dans la ville de Gaza, le 29 octobre 2023, au milieu des combats continus entre Israël et le mouvement palestinien Hamas (Photo de Dawood NEMER / AFP).
Un homme blessé est assis sur un lit d'hôpital parmi des Palestiniens déplacés réfugiés dans une tente dans l'enceinte de l'hôpital Al-Shifa, dans la ville de Gaza, le 29 octobre 2023, au milieu des combats continus entre Israël et le mouvement palestinien Hamas (Photo de Dawood NEMER / AFP).
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Publié le Dimanche 29 octobre 2023

Cisjordanie: des Palestiniens chassés de leurs villages dans l'ombre de la guerre

  • Une semaine après l'éviction, l'armée israélienne a autorisé les habitants à revenir chercher leurs affaires
  • Les colons de Cisjordanie sont loin de pouvoir se prévaloir d'un soutien majoritaire de l'opinion publique

TAYBEH: En une heure, un hameau de Cisjordanie occupée s'est complètement vidé de ses habitants. Ils sont partis à pied, avec leur chèvres et leurs moutons.

Cinq jours après le début de la guerre entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas dans la bande de Gaza, les habitants palestiniens disent que des dizaines de colons israéliens, sont arrivés dans le village de Wadi al Seeq, accompagnés de policiers et de soldats israéliens.

Ils ont donné une heure aux 200 habitants de cette communauté bédouine pour quitter leurs terres, affirment leurs représentants.

Sollicitée à plusieurs reprises, l'armée n'a pas répondu.

"On a payé pour ce qui s'est passé chez eux", juge Abou Bachar, réfugié avec une dizaine de familles sur un terrain privé de Taybeh (centre de la Cisjordanie).

L'éleveur caprin de 48 ans fait référence aux attaques du Hamas sur le sol israélien, inédites par leur violence et leur ampleur depuis la création de l'Etat d'Israël en 1948: selon le bilan israélien, plus de 1 400 personnes, en majorité des civils de tous âges, ont été tuées.

Depuis, Israël est en guerre avec le Hamas et pilonne sans interruption la bande de Gaza. Plus de 8 000 personnes ont été tuées dans le petit territoire côtier, là encore principalement des civils, d'après le décompte du ministère de la Santé du Hamas.

Parallèlement, la Cisjordanie occupée depuis 1967 par Israël, déjà théâtre d'affrontements fréquents, est en proie à une flambée de violences: plus de 110 personnes y ont été tuées depuis le début de la guerre.

La cohabitation entre les trois millions de Palestiniens et plus de 490 000 colons israéliens, dont l'installation est illégale au regard du droit international, est particulièrement tendue avec une moyenne de huit incidents par jour selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA): intimidations, vols, agressions...

"On ne dort plus, c'est un cauchemar", raconte Alia Mlihat, une habitante de Mu'arrajat, un autre hameau bédouin entre Ramallah et Jéricho.

A 27 ans, elle a peur que son village soit le suivant sur la liste: "Avec la guerre, on voit que les colons ont plus d'armes, c'est très difficile, on se demande ce qui va se passer".

"Nous vivons une nouvelle +Nakba+, à cause des colons et de l'armée", poursuit-elle en référence au terme +catastrophe+ en arabe, qui désigne le déplacement et l'expulsion de plus de 760 000 Palestiniens lors de la création d'Israël en 1948.

Cette année-là, les Mlihat, comme la plupart des bédouins palestiniens, avaient quitté le désert du Néguev.

Depuis le 7 octobre, 607 personnes, dont plus de la moitié sont des enfants, ont été déplacées au sein de la Cisjordanie, selon l'OCHA. Les 18 mois précédents, 1 100 personnes avaient déjà dû quitter leur terre.

Saccage 

Abou Bachar ne pense qu'à revenir. "Je n'ai pas d'autre endroit où aller", explique-t-il, "nous avons toutes nos affaires là-bas, les denrées que nous achetons en gros, nos tracteurs, nos panneaux solaires..."

Une semaine après l'éviction, l'armée israélienne a autorisé les habitants à revenir chercher leurs affaires.

"Tout était détruit, les sacs de nourriture pour nos animaux étaient renversés sur le sol", assure Abou Bachar.

Sur place, l'AFP a constaté le saccage des maisons: armoires vidées, lits d'enfants cassés, rideaux arrachés, documents administratifs, sandalettes, jouets éparpillés sur le sol. Autour et dans le village, circulent des véhicules civils, certains arborant des drapeaux israéliens, ont constaté les journalistes de l'AFP.

Il souhaite que "les colons (le) laissent vivre en paix", mais n'y croit pas: "Il y a un plan à long-terme pour nous chasser et récupérer nos terres, et ils ont saisi cette occasion pour le faire, pendant que tout le monde regarde Gaza".

Vulnérable 

Militant israélien de défense des droits humains, Guy Hirschfeld, estime que "les colons profitent de la guerre pour finir de vider des personnes non juives la zone C", une partie de la Cisjordanie occupée administrée par l'armée israélienne. Il affirme que 150 kilomètres carrés de terre ont été vidés de leur habitants.

Les colons de Cisjordanie sont loin de pouvoir se prévaloir d'un soutien majoritaire de l'opinion publique. Mais celui de responsables de premier plan, y compris au sein du gouvernement de Benjamin Netanyahu soutenu par l'extrême droite, leur est acquis.

"L'armée n'est pas toujours présente aux côtés des colons (lors des raids), mais quand elle l'est, généralement, elle n'intervient pas" et "sa présence a tendance à générer plus de violence", note Allegra Pacheco, directrice du Consortium de protection de la Cisjordanie, un groupement d'ONG coordonnant l'aide humanitaire.


L'armée israélienne dit se préparer à une «  offensive décisive » contre le Hezbollah libanais

Les violences depuis le 8 octobre entre l'armée israélienne et le Hezbollah ont fait au moins 523 morts au Liban, en majorité des combattants, selon un bilan établi par l'AFP à partir de différentes sources. (AFP)
Les violences depuis le 8 octobre entre l'armée israélienne et le Hezbollah ont fait au moins 523 morts au Liban, en majorité des combattants, selon un bilan établi par l'AFP à partir de différentes sources. (AFP)
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  • "Quand le moment viendra et que nous passerons à l'offensive, ce sera une offensive décisive"
  • Dans un discours prononcé lors d'un déplacement dans le nord, le général israélien Ori Gordin, a déclaré aux soldats: "nous avons déjà éliminé plus de 500 terroristes au Liban, la grande majorité d'entre eux appartenant au Hezbollah"

JERUSALEM: Un commandant de l'armée israélienne a indiqué vendredi que les troupes dans le nord du pays, où Israël à une frontière avec le Liban, se préparaient à une "offensive décisive" contre le Hezbollah, après des mois d'échanges de tirs transfrontaliers.

Le mouvement islamiste libanais Hezbollah et l'armée israélienne échangent des tirs quasi quotidiennement depuis l'attaque le 7 octobre du mouvement islamiste palestinien Hamas en Israël, qui a déclenché la guerre dans la bande de Gaza.

Dans un discours prononcé lors d'un déplacement dans le nord, le général israélien Ori Gordin, a déclaré aux soldats: "nous avons déjà éliminé plus de 500 terroristes au Liban, la grande majorité d'entre eux appartenant au Hezbollah", selon un communiqué de l'armée.

Les troupes israéliennes dans le nord sont actuellement en opération pour protéger les habitants de cette partie du pays et "préparer la transition vers l'offensive", a ajouté le général Gordin, commandant les forces israéliennes dans le nord.

"Quand le moment viendra et que nous passerons à l'offensive, ce sera une offensive décisive", a-t-il encore dit.

Les violences depuis le 8 octobre entre l'armée israélienne et le Hezbollah ont fait au moins 523 morts au Liban, en majorité des combattants, selon un bilan établi par l'AFP à partir de différentes sources.

La plupart d'entre eux, 342 personnes, ont été confirmés comme étant des combattants du Hezbollah, mais le bilan comprend également 104 civils. M. Gordin n'a pas mentionné de victimes civiles. Dans le nord d'Israël, au moins 18 soldats israéliens et 13 civils ont été tués, selon l'armée.

Le Hezbollah, soutenu par l'Iran, affirme que ses attaques contre Israël depuis le 8 octobre ont pour objectif de soutenir son allié du Hamas.

Des dizaines de milliers d'habitants ont depuis été déplacés au Liban et en Israël en raison de cette flambée de violence transfrontalière.


Polio, eaux usées, hôpitaux surchargés: la crise sanitaire à Gaza

Seulement 16 des 36 hôpitaux à Gaza sont opérationnels, mais partiellement, selon l'OMS, qui fait état d'un "afflux massif de blessés". (AFP)
Seulement 16 des 36 hôpitaux à Gaza sont opérationnels, mais partiellement, selon l'OMS, qui fait état d'un "afflux massif de blessés". (AFP)
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  • L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a fait état de vives inquiétudes face à une possible épidémie de polio dans la bande de Gaza
  • De son côté, l'armée israélienne a annoncé dimanche avoir lancé une campagne de vaccination de ses soldats contre la polio

GENEVE: L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a fait état de vives inquiétudes face à une possible épidémie de polio dans la bande de Gaza, alors que la crise sanitaire y est déjà très grave.

Voici un aperçu de certains des défis sanitaires auxquels est confronté le territoire palestinien, selon l'OMS.

Polio dans les eaux usés

Menace largement répandue voici encore une quarantaine d'années, la poliomyélite - qui peut entraîner en quelques heures des paralysies irréversibles - a très largement disparu dans le monde grâce aux vaccins.

Mais il existe une autre forme de poliovirus qui peut se propager: le poliovirus qui a muté à partir de la source contenue à l'origine dans le vaccin antipoliomyélitique oral (VPO). C'est ce poliovirus dérivé d'une souche vaccinale (PVDVc) qui a été retrouvé à Gaza.

Lorsqu'elles se répliquent dans le tube digestif, les souches de VPO changent génétiquement et peuvent se propager dans les communautés qui ne sont pas complètement vaccinées contre la poliomyélite, en particulier dans les zones où les conditions d'hygiène et d'assainissement sont mauvaises, ou dans des zones surpeuplées.

Le 16 juillet, le Réseau mondial de laboratoires de lutte contre la poliomyélite a isolé le poliovirus de type 2 dérivé d'une souche vaccinale (PVDVc2) dans six échantillons d'eaux usées à Deir al-Balah et Khan Younès.

Aucun prélèvement humain n'a encore été effectué à Gaza de sorte que l'OMS ne sait toujours pas si quelqu'un y a été infecté par le poliovirus. L'OMS et le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) espèrent collecter cette semaine les premiers échantillons humains.

De son côté, l'armée israélienne a annoncé dimanche avoir lancé une campagne de vaccination de ses soldats contre la polio.

Manque d'eau et d'assainissement

L'OMS et ses partenaires espèrent achever l'évaluation des risques liés à la polio cette semaine. Mais l'OMS a prévenu qu'il y a "un risque élevé" de propagation du poliovirus à Gaza et au niveau international "si cette épidémie ne fait pas l'objet d'une réponse rapide et optimale".

Le Dr Ayadil Saparbekov, chef d'équipe à l'OMS pour les urgences sanitaires dans les territoires palestiniens, espère que des recommandations pourront être publiées dimanche.

Mais "étant donné les limites actuelles en matière d'hygiène et assainissement de l'eau à Gaza, il sera très difficile pour la population de suivre le conseil de se laver les mains et de boire de l'eau salubre", a-t-il relevé mardi, lors d'un point de presse.

"Avec le système de santé paralysé, le manque d'eau et d'assainissement, ainsi que le manque d'accès de la population aux services de santé... la situation s'annonce très mauvaise", a-t-il souligné.

Au-delà de la polio, l'OMS est "très inquiète" face à de possibles épidémies dans la bande de Gaza.

Système de santé dévasté 

Seulement 16 des 36 hôpitaux à Gaza sont opérationnels, mais partiellement, selon l'OMS, qui fait état d'un "afflux massif de blessés" dans le complexe médical Nasser après de nouveaux bombardements lundi à Khan Younès, dans un contexte de "grave pénurie de réserves de sang, de fournitures médicales et de lits d'hôpitaux".

Avant le conflit à Gaza, déclenché le 7 octobre par les attaques du Hamas, il y avait environ 3.500 lits d'hôpitaux dans le territoire palestinien. Aujourd'hui, l'OMS estime qu'il y en a 1.532.

Seulement 45 des 105 établissements de soins de santé primaires sont opérationnels. Huit des dix hôpitaux de campagne sont opérationnels, dont quatre seulement partiellement.

Dans une telle situation, "il se peut que davantage de personnes meurent de maladies transmissibles que des blessures" liées à la guerre, a averti le Dr Saparbekov.

Selon ce responsable de l'OMS, "jusqu'à 14.000 personnes pourraient" avoir besoin d'une évacuation médicale hors de Gaza.


Les EAU proposent une mission internationale temporaire pour l'après-guerre à Gaza

Reem bint Ebrahim Al-Hashimy, ministre d'État émiratie pour la coopération internationale, a déclaré que la mission contribuerait à rétablir l'ordre public et à répondre à la crise humanitaire dans Gaza d'après-guerre. (Archive/AFP)
Reem bint Ebrahim Al-Hashimy, ministre d'État émiratie pour la coopération internationale, a déclaré que la mission contribuerait à rétablir l'ordre public et à répondre à la crise humanitaire dans Gaza d'après-guerre. (Archive/AFP)
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  • Elle a souligné le rôle clé des États-Unis dans le succès de la mission
  • La mission ouvrirait la voie à la réunification de Gaza et de la Cisjordanie occupée sous une Autorité palestinienne unique et légitime

ABOU DHABI : Les Émirats arabes unis ont appelé à l'établissement d'une mission internationale temporaire pour poser les jalons d'une nouvelle gouvernance à Gaza après la guerre.

Jeudi, dans un communiqué relayé par l'agence de presse nationale, Reem Al-Hashimy, ministre d'État pour la coopération internationale,  a déclaré que cette mission viserait à rétablir l'ordre et à faire face à la crise humanitaire dans Gaza post-conflit.
Selon la ministre, la mission devrait être déployée à l'invitation du gouvernement palestinien, sous la houlette d'un "nouveau Premier ministre crédible et indépendant", pour répondre aux besoins des Palestiniens et reconstruire Gaza. 

Elle préparerait le terrain pour la réunification de Gaza et de la Cisjordanie occupée sous une Autorité palestinienne unique et légitime.

Al-Hashimy a souligné qu'un retour à la situation d'avant le 7 octobre ne garantirait pas une paix durable, cruciale pour la stabilité régionale. 

Elle a exhorté les États-Unis à mener les efforts internationaux pour reconstruire Gaza, parvenir à la solution à deux États et faciliter les réformes palestiniennes, autant d'éléments qui contribueraient au succès de la mission internationale.

Israël, a-t-elle ajouté, doit également respecter le droit humanitaire international.

"Gaza ne peut se relever sous un blocus continu, ou si l'Autorité palestinienne légitime est empêchée d'assumer ses responsabilités", a-t-elle affirmé, appelant à l'arrêt des colonies israéliennes illégales et des violences en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. 

La ministre a réitéré le soutien des EAU aux efforts internationaux pour la solution à deux États.
"Notre ambition dépasse les frontières de Gaza et exige une collaboration internationale. L'établissement de la paix n'est pas seulement une nécessité régionale, mais un enjeu global qui profiterait à tout le Moyen-Orient et au monde entier", a-t-elle souligné pour conclure.