France : pour la première fois, un ministre de la Justice jugé pour conflits d'intérêts

A partir de lundi, le ministre de la Justice en exercice, Eric Dupond-Moretti, sera assis pendant dix jours sur le banc des prévenus d'un tribunal, accusé d'avoir abusé de ses fonctions de ministre pour régler des comptes liés à son passé d'avocat. (AFP)
A partir de lundi, le ministre de la Justice en exercice, Eric Dupond-Moretti, sera assis pendant dix jours sur le banc des prévenus d'un tribunal, accusé d'avoir abusé de ses fonctions de ministre pour régler des comptes liés à son passé d'avocat. (AFP)
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Publié le Dimanche 05 novembre 2023

France : pour la première fois, un ministre de la Justice jugé pour conflits d'intérêts

  • Il se dit «innocent» et répète n'avoir fait que suivre «les recommandations» de son ministère en lançant des enquêtes administratives contre quatre magistrats avec qui il avait eu des différends quand il était avocat
  • Le ministre «qui savait mieux que quiconque les conflits d'intérêts qu'il pouvait avoir avec les magistrats concernés» aurait dû s'abstenir d'être «décideur», a conclu l'enquête

PARIS: C'est une situation totalement inédite en France. A partir de lundi, le ministre de la Justice en exercice, Eric Dupond-Moretti, sera assis pendant dix jours sur le banc des prévenus d'un tribunal, accusé d'avoir abusé de ses fonctions de ministre pour régler des comptes liés à son passé d'avocat.

L'audience devant la Cour de justice de la République (CJR), seule habilitée à poursuivre et juger des membres du gouvernement pour des faits commis dans l'exercice de leurs fonctions, doit s'ouvrir à 13H00 GMT au palais de justice de Paris.

Maintenu malgré sa mise en examen (inculpation), le ministre pourra continuer tout au long de son procès, prévu jusqu'au 16 novembre, à exercer ses fonctions à la faveur de "mesures pratiques et classiques d'organisation du travail gouvernemental", a fait savoir à l'AFP une source gouvernementale.

"Il faudra qu'il ait le temps nécessaire pour se défendre", a justifié vendredi la Première ministre Elisabeth Borne, ajoutant que "l'organisation est en place pour que le ministère continue à tourner".

S'il est reconnu coupable de "prise illégale d'intérêts", il encourt cinq ans d'emprisonnement et 500.000 euros d'amende, et une peine complémentaire d'inéligibilité et d'interdiction d'exercer une fonction publique.

Réputé pour son audace et ses coups de gueule, M. Dupond-Moretti, 62 ans dont 36 comme avocat, est "serein", a fait valoir son entourage.

L'ancien ténor du barreau, à la carrure et à la voix intimidantes, se dit "innocent" et répète n'avoir fait que suivre "les recommandations" de son ministère en lançant des enquêtes administratives contre quatre magistrats avec qui il avait eu des différends quand il était avocat.

Fadettes 

Pendant l'enquête, celui qui a toujours entretenu des relations rugueuses voire hostiles avec les magistrats a dénoncé une instruction "biaisée" visant à "salir la réputation d'un ancien avocat" et nourrir son procès en "illégitimité à occuper les fonctions de garde des Sceaux".

Ce dossier inédit débute fin juin 2020, en marge d'une affaire de corruption visant l'ancien président Nicolas Sarkozy.

Le Point révèle que des magistrats du Parquet national financier (PNF) ont fait éplucher les factures téléphoniques détaillées (fadettes) de plusieurs avocats, dont Eric Dupond-Moretti, pour débusquer une éventuelle taupe qui aurait informé M. Sarkozy et son avocat Thierry Herzog qu'ils étaient sur écoute.

Eric Dupond-Moretti, ami très proche de Me Herzog, dénonce une "enquête barbouzarde". "On a basculé dans la République des juges", "on est chez les dingues", s'insurge celui qui est alors l'un des avocats les plus médiatiques du pays, avant de porter plainte.

La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, demande alors une "inspection de fonctionnement" sur l'enquête du PNF.

Quelques jours plus tard, coup de théâtre : à la surprise générale, Eric Dupond-Moretti, sans doute alors l'avocat le plus connu de France, redoutable plaideur aux quelque 140 acquittements qui lui ont valu le surnom d''Acquittator", raccroche la robe pour prendre sa succession au ministère.

Malgré des alertes sur le risque de conflits d'intérêt, il refuse de suspendre l'inspection. A la réception du rapport, il ordonne une enquête administrative contre deux des magistrats chargés de l'enquête et la cheffe du PNF de l'époque, Eliane Houlette, pour déterminer s'il y a eu des fautes individuelles.

«Vengeance»

Il ouvre également, dans une autre affaire, une enquête contre un quatrième magistrat, Edouard Levrault, ex-juge détaché à Monaco dont il avait dénoncé en tant qu'avocat les méthodes de "cow-boy" et contre lequel il avait porté plainte au nom d'un client pour violation du secret de l'instruction.

Le ministre "qui savait mieux que quiconque les conflits d'intérêts qu'il pouvait avoir avec les magistrats concernés" aurait dû s'abstenir d'être "décideur", a conclu l'enquête.

"J'ai fait ce que n'importe quel garde des Sceaux aurait fait à ma place", s'est défendu le ministre, qui a réfuté toute idée de "vengeance" et qualifié d'"humiliation" la perquisition ordonnée à son ministère en juillet 2021.

Les quatre magistrats visés ont été blanchis fin 2022 par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), leur organe disciplinaire, qui a estimé que le garde des Sceaux s'était "trouvé dans une situation objective de conflit d'intérêts".

Souvent donné partant du gouvernement, Eric Dupond-Moretti - aujourd'hui en couple avec la chanteuse canadienne Isabelle Boulay - a toujours, malgré ses outrances et sa mise en examen, gardé la confiance d'Emmanuel Macron.

Régulièrement critiquée pour la clémence de ses jugements, la CJR est une juridiction mi-juridique mi-politique, composée de trois magistrats de la Cour de cassation et de douze parlementaires de tous bords, y compris de l'extrême droite et de la gauche radicale... farouches adversaires politiques d'Eric Dupond-Moretti.


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
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  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».


Selon ManPowerGroup, l'IA pourrait réduire l'importance des « compétences » dans le recrutement

Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
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  • L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences ».
  • « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

PARIS : L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences », selon un dirigeant de ManPowerGroup.

En effet, « les compétences pourraient s'avérer obsolètes dans six mois », explique Tomas Chamorro-Premuzic, directeur de l'innovation du géant américain du travail temporaire, rencontré par l'AFP au salon Vivatech, à Paris, qui ferme ses portes samedi.  Selon lui, « il vaut mieux savoir que vous travaillez dur, que vous êtes curieux, que vous avez de bonnes aptitudes relationnelles et ça, l'IA peut vous aider à l'évaluer ».

Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

Cependant, les tâches informatiques (utilisation d'Internet, messagerie, etc.) pouvant être accomplies de manière autonome par des agents d'IA connaissent une « rapide expansion ». 

Dans ce contexte, les employeurs pourraient rechercher de plus en plus de salariés dotés de compétences hors de portée de l'IA, telles que le jugement éthique, le service client, le management ou la stratégie, comme l'indique une enquête de ManpowerGroup menée auprès de plus de 40 000 employeurs dans 42 pays et publiée cette semaine.

M. Chamorro-Premuzic déplore toutefois que ces compétences ne soient pas encore davantage mises en avant dans la formation. « Pour chaque dollar que vous investissez dans la technologie, vous devez investir huit ou neuf dollars dans les ressources humaines, la transformation culturelle, la gestion du changement », dit-il.

Les craintes d'un chômage de masse provoqué par l'IA restent par ailleurs exagérées à ce stade, estime le dirigeant, malgré certaines prédictions alarmistes.

D'après Dario Amodei, patron de la société d'intelligence artificielle Anthropic, cette technologie pourrait faire disparaître la moitié des emplois de bureau les moins qualifiés d'ici cinq ans. 

« Si l'histoire nous enseigne une chose, c'est que la plupart des prévisions sont fausses », répond M. Chamorro-Premuzic.

Concernant le recrutement, activité principale de ManPowerGroup, le dirigeant ajoute que « les agents d'intelligence artificielle ne deviendront certainement pas le cœur de notre métier dans un futur proche ». Il constate également que l'IA est utilisée par les demandeurs d'emploi.

« Des candidats sont capables d'envoyer 500 candidatures parfaites en une journée, de passer des entretiens avec leurs bots et de déjouer certains éléments des évaluations », énumère-t-il.

 


Salon du Bourget : les députés et le président de la Seine-Saint-Denis boycotteront l'inauguration

L'équipe de démonstration de l'armée de l'air et de l'espace française « Patrouille de France » effectue des figures acrobatiques lors du Salon international de l'aéronautique et de l'espace (SIAE) à l'aéroport du Bourget, au nord de Paris, le 23 juin 2023. (Photo de Christophe ARCHAMBAULT / AFP)
L'équipe de démonstration de l'armée de l'air et de l'espace française « Patrouille de France » effectue des figures acrobatiques lors du Salon international de l'aéronautique et de l'espace (SIAE) à l'aéroport du Bourget, au nord de Paris, le 23 juin 2023. (Photo de Christophe ARCHAMBAULT / AFP)
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  • le président socialiste du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, et les députés du département ont fait part de leur refus de participer à l'inauguration du Salon du Bourget lundi.
  • « Il est inadmissible que ces entreprises et des représentants de l'État israélien soient reçus sous le haut patronage de l'État français a déclaré Stéphane Peu

BOBIGNY, FRANCE : Jeudi et vendredi, le président socialiste du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, et les députés du département ont fait part de leur refus de participer à l'inauguration du Salon du Bourget lundi, en raison de la présence d'entreprises israéliennes.

Organisé par le Gifas (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales), le plus ancien et le plus grand rendez-vous aérospatial au monde se tient du 16 au 22 juin au Bourget, en Seine-Saint-Denis.

La présence d'Israël, qui compte neuf exposants, a été vivement critiquée, et a même fait l'objet de recours en justice.

Mardi, le tribunal judiciaire de Bobigny a rejeté la requête d'associations qui lui demandaient d'exclure les entreprises israéliennes du Bourget au nom du risque de perpétuation de crimes internationaux. La cour d'appel de Paris a par la suite confirmé cette décision. 

« Des entreprises israéliennes d'armement y seront présentes. « Comment peut-on, d'un côté, se dire attaché aux droits humains et, de l'autre, dérouler le tapis rouge à un État mis en cause par la Cour pénale internationale pour actes génocidaires ? », a écrit jeudi sur X le président socialiste de la Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel.

« Je ne participerai pas à l'accueil protocolaire traditionnel du président de la République et du Premier ministre », a-t-il poursuivi.

La position est identique chez l'ensemble des députés de Seine-Saint-Denis, tous de gauche.

« Il est inadmissible que ces entreprises et des représentants de l'État israélien soient reçus sous le haut patronage de l'État français, alors que le gouvernement israélien poursuit ses violations du droit international en commettant un véritable génocide à Gaza », a déclaré Stéphane Peu (PCF) dans un communiqué de presse. 

Joint par l'AFP, Éric Coquerel, président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale et député LFI, a indiqué que c'était également la position des députés insoumis. « Nous allons même manifester contre », a-t-il ajouté.

Samedi, une manifestation est prévue au départ de la Bourse du travail de Bobigny à 13 heures, à l'appel d'une intersyndicale et d'une coalition d'associations.

Cette manifestation s'inscrit dans le cadre d'un week-end de mobilisation et d'un « village anti-guerre » organisé du 20 au 22 juin à Bobigny.

Israël est en guerre depuis près de 20 mois contre le Hamas, à la suite de l'attaque du 7 octobre 2023 menée par le mouvement islamiste palestinien.

Les accusations de génocide et de crimes de guerre contre Israël se multiplient, provenant d'experts de l'ONU, de groupes de défense des droits humains et de pays de plus en plus nombreux. Israël les rejette.