Triste Noël pour les Libanais

«La révolution n’a réalisé aucune de nos ambitions, et l’explosion survenue dans le port de Beyrouth a révélé à quel point notre État est corrompu», déclare Joëlle Daniel, une résidente de Beyrouth. (Reuters)
«La révolution n’a réalisé aucune de nos ambitions, et l’explosion survenue dans le port de Beyrouth a révélé à quel point notre État est corrompu», déclare Joëlle Daniel, une résidente de Beyrouth. (Reuters)
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Publié le Jeudi 24 décembre 2020

Triste Noël pour les Libanais

  • Tout le monde souffre économiquement, et nous devons nous contenter de ce que nous avons. Cette année a été mauvaise, et nous ne pensons pas que ce sera mieux en 2021
  • Une paire de chaussures de bonne qualité qui se vendait jusqu'à 300 000 LBP coûte désormais plus de 1 million de LBP

BEYROUTH: Cette année, c’est un Liban en crise qui va fêter Noël.

Et si ces derniers jours les rues et les marchés se sont remplis d'acheteurs de dernière minute pour Noël, ce n'est pas le signe d'une amélioration de l'économie ou d'un sentiment de liesse. Cela reflète en fait une recherche désespérée de bonnes affaires.

Les salaires au Liban ont perdu environ 80 % de leur valeur cette année par rapport au dollar (1 dollar = 0,82 euro). Ils ne suffisent déjà plus à couvrir l’achat des produits de première nécessité, dont les prix ont grimpé en flèche, alors comment peuvent-ils permettre de se payer des «luxes» festifs tels que des cadeaux pour les enfants ou un dîner de Noël chaleureux?

«100 000 livres libanaises ([LBP], 1 livre libanaise = 0,00054 euro) ne suffisent pas pour acheter du détergent, de la lessive, du dentifrice et du shampooing», raconte Souad, une habitante de Forn el-Chebbak dans la banlieue sud de Beyrouth. «Alors, comment une personne avec un salaire de 800 000 LBP peut-elle payer les autres besoins de base, ainsi que la nourriture et les boissons?»

«J'essaie de convaincre mes enfants de se contenter d'un seul cadeau cette année. Nous devons nous contenter de ce que nous avons – et nous ne nous attendons pas à mieux l’année prochaine.»

Les prix des jouets et des cadeaux pour les enfants qui étaient d’environ 20 000 livres avant l’effondrement de la monnaie sont maintenant à plus de 120 000 livres. Les prix des jouets importés de marques étrangères bien connues sont passés de 45 000 à 250 000 livres.

Le coût des cadeaux pour adultes est encore plus prohibitif – une paire de chaussures de bonne qualité qui se vendait jusqu'à 300 000 livres coûte désormais plus de 1 million de livres.

«La baisse hebdomadaire qui affecte notre activité a atteint près de 90 %», explique Ghassan, propriétaire d'une bijouterie. «Une personne qui pouvait acheter un collier pour 200 dollars, ou 300 000 livres il y a un an doit maintenant débourser 1,6 million de livres, soit trois fois le salaire minimum du pays.»

Si la menace que représente la crise du coronavirus pour la santé ne doit pas être banalisée, la pandémie pourrait, dans une certaine mesure, se révéler une bénédiction financière déguisée au Liban, car les familles pourront réduire le coût des repas de Noël en évitant les grands rassemblements familiaux.

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Une femme est assise dans sa maison endommagée à Beyrouth le 6 août, deux jours après qu'une explosion massive dans le port a dévasté la capitale libanaise. (AFP)

Les viandes chères, les desserts extravagants et les fromages importés seront absents de la plupart des tables de fête cette année. Une assiette contenant 200 grammes de trois types de fromages et une sélection de viandes transformées coûte désormais 350 000 livres, contre 60 000 l'année dernière.

La dinde, une tradition du dîner de Noël au Liban, coûtait en moyenne 150 000 livres dans un restaurant. Désormais, le prix d'une dinde cuite livrée à votre domicile est d'au moins 750 000 livres – et pourrait atteindre 1,3 million de livres selon les plats commandés pour l’accompagner.

Quant aux friandises sucrées pour le dessert, le prix d'un kilogramme de chocolat de haute qualité dépasse désormais 120 000 livres, tandis qu'un gâteau de Noël de luxe peut coûter jusqu'à 1 million de livres.

«Les célébrations de Noël de cette année sont différentes, car il n'y a pas de mets étrangers sur les tables ni de cadeaux importés», explique Joëlle Daniel, une résidente de Beyrouth. «Nous achetons des produits locaux, et nous nous concentrons sur les cadeaux éducatifs pour enfants, fabriqués par des designers libanais.

«Tout le monde souffre économiquement, et nous devons nous contenter de ce que nous avons. Cette année a été mauvaise, et nous ne pensons pas que ce sera mieux en 2021. Ma famille et moi avons commencé à préparer nos papiers d'immigration parce que la situation économique, sociale et politique ici est devenue désastreuse.»

«La révolution n’a réalisé aucune de nos ambitions, et l’explosion survenue dans le port de Beyrouth a révélé à quel point notre État est corrompu.»

Beaucoup de ceux qui ont déjà quitté le Liban à la recherche d'une vie meilleure à l'étranger sont rentrés dans le pays pour passer Noël avec leur famille. Au cours des derniers jours, plus de 7 000 personnes sont revenues à Beyrouth pour les vacances, et plus de 8 000 sont arrivées depuis le début du mois. Mais il est peu probable que les visiteurs apportent beaucoup de joie aux entreprises en difficulté.

«L'activité économique qui a accompagné les vacances a eu un effet limité», explique Ghassan Abou Jaoude, propriétaire d'un magasin de vêtements près du Palais de justice à Beyrouth. «Lorsque les vacances seront terminées, chaque commerçant devra faire le bilan de ses pertes et de ses bénéfices et constatera que rester chez soi coûte moins cher que d'accumuler plus de dettes.»

«C'est parce que les gens n'ont tout simplement plus d'argent, alors que tous nos dirigeants politiques ont abandonné leur peuple, préfèrent obéir aux souhaits des puissances étrangères et refusent toute concession face à ces questions nationales si catastrophiques.» 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur ArabNews.com


La diplomatie française estime qu'Israël doit faire preuve de « la plus grande retenue » au Liban

Le drapeau français flotte sur le lac d'Enghien, à Enghien-les-Bains, dans la banlieue nord de Paris, le 25 avril 2025. (Photo Thibaud MORITZ / AFP)
Le drapeau français flotte sur le lac d'Enghien, à Enghien-les-Bains, dans la banlieue nord de Paris, le 25 avril 2025. (Photo Thibaud MORITZ / AFP)
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  • l'armée israélienne continue de mener des frappes au Liban, affirmant viser des combattants et des infrastructures du mouvement libanais, Hezbollah.
  • Le Liban avait alors demandé à Washington et Paris, garants de l'accord de cessez-le-feu, de « contraindre Israël à cesser immédiatement ses attaques ».

PARIS : La France a exhorté mercredi Israël « à faire preuve de la plus grande retenue » au Liban après la frappe israélienne qui a touché Beyrouth dimanche dernier, et a souligné que le démantèlement des sites militaires du Hezbollah revenait « exclusivement aux forces armées libanaises ».

Malgré un cessez-le-feu entré en vigueur le 27 novembre après plus d'un an de guerre entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne continue de mener des frappes au Liban, affirmant viser des combattants et des infrastructures du mouvement libanais, très affaibli, qui affirme de son côté respecter l'accord.

Le week-end dernier, Israël a assuré avoir visé un entrepôt de missiles.

Le Liban avait alors demandé à Washington et Paris, garants de l'accord de cessez-le-feu, de « contraindre Israël à cesser immédiatement ses attaques ».

« La France rappelle que le respect du cessez-le-feu s'impose à toutes les parties sans exception afin de garantir la sécurité des populations civiles des deux côtés de la Ligne bleue », la frontière de facto délimitée par les Nations unies, a souligné mercredi Christophe Lemoine, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.

« La France appelle donc Israël à faire preuve de la plus grande retenue et à se retirer au plus vite des cinq points toujours occupés sur le territoire libanais », a-t-il ajouté lors d'un point presse.

Une commission regroupant le Liban, Israël, les États-Unis, la France et l'ONU est chargée de superviser l'application du cessez-le-feu.

Beyrouth presse la communauté internationale de faire pression sur Israël pour qu'il mette fin à ses attaques et se retire des cinq positions frontalières où il s'est maintenu dans le sud du pays, malgré l'accord.


Les services de sécurité des Émirats déjouent un transfert illégal d'armes vers le Soudan

Les autorités ont saisi environ cinq millions de munitions de type Goryunov (7,62 x 54 mm) retrouvées dans l'avion. (AFP)
Les autorités ont saisi environ cinq millions de munitions de type Goryunov (7,62 x 54 mm) retrouvées dans l'avion. (AFP)
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  • Les services de sécurité ont réussi à empêcher le transfert d'une quantité d'équipements militaires aux forces armées soudanaises 
  • Les prévenus ont été arrêtés lors d'une inspection de munitions dans un avion privé dans l'un des aéroports du pays

ABU DHABI: Les services de sécurité des Émirats arabes unis ont déjoué une tentative de transfert illégal d'armes et d'équipements militaires aux forces armées soudanaises, a déclaré mercredi le procureur général des Émirats arabes unis, Hamad Saif al-Chamsi.

M. Al-Chamsi a déclaré que les services de sécurité avaient réussi à empêcher le transfert d'une quantité d'équipements militaires aux forces armées soudanaises après l'arrestation de membres d'une cellule impliquée dans la médiation non autorisée, le courtage et le trafic illicite d'équipements militaires, sans avoir obtenu les licences nécessaires auprès des autorités compétentes.

Les prévenus ont été arrêtés lors d'une inspection de munitions dans un avion privé dans l'un des aéroports du pays.

L'avion transportait environ cinq millions de munitions de type Goryunov (54,7 x 62 mm).

Les autorités ont également saisi une partie du produit financier de la transaction en possession de deux suspects dans leurs chambres d'hôtel.

M. Al-Chamsi a déclaré que l'enquête avait révélé l'implication de membres de la cellule des chefs militaires soudanais, notamment l'ancien chef des services de renseignement Salah Gosh, un ancien officier de l'agence de renseignement, un ancien conseiller du ministre des Finances et une personnalité politique proche du général Abdel Fattah al-Burhan et de son adjoint Yasser al-Atta. Plusieurs hommes d'affaires soudanais ont également été impliqués.

Selon les enquêteurs, les membres de la cellule ont conclu un marché d'équipement militaire portant sur des fusils Kalachnikov, des munitions, des mitrailleuses et des grenades d'une valeur de plusieurs millions de dollars.

Les armes ont été transférées de l'armée soudanaise à une société d'importation des Émirats arabes unis en utilisant la méthode de transfert des HAWALADARS.

La transaction a été facilitée par l'intermédiaire d'une société appartenant à un membre fugitif de la cellule travaillant pour les forces armées soudanaises, en coordination avec le colonel Othman al-Zubair, responsable des opérations financières au sein de l'armée soudanaise.

De faux contrats et de fausses factures commerciales ont été utilisés pour prétendre que les paiements concernaient un contrat d'importation de sucre.

L'enquête a conclu que ces transactions avaient été effectuées à la demande du comité d'armement des forces armées soudanaises, présidé par Al-Burhan et son adjoint Al-Atta, en toute connaissance de cause et avec leur approbation. Les membres de la cellule ont été directement chargés de négocier et de finaliser les transactions par Ahmed Rabie Ahmed al-Sayed, une personnalité politique proche du commandant en chef soudanais et responsable de la délivrance des certificats et des approbations des utilisateurs finaux.

Les enquêteurs ont confirmé que Salah Gosh jouait un rôle central dans la gestion du trafic illégal d'équipements militaires aux Émirats arabes unis, en coordination avec d'autres membres de la cellule.

Le groupe a réalisé une marge bénéficiaire de 2,6 millions de dollars (1 dollar = 0,88 euro) par rapport à la valeur réelle des deux transactions, qu'il s'est répartie entre lui et plusieurs complices. La part de Gosh a été retrouvée en possession du suspect Khalid Youssef Mukhtar Youssef, ancien officier de renseignement et ex-chef de cabinet de Gosh.

La cargaison saisie était arrivée à l'aéroport des Émirats arabes unis à bord d'un avion privé en provenance d'un pays étranger.

L'avion s'était posé pour faire le plein et avait officiellement déclaré qu'il transportait un lot de fournitures médicales.

Cependant, la cargaison militaire a été découverte sous la supervision du ministère public, sur la base de mandats judiciaires émis par le procureur général.

Les autorités ont également saisi des copies des contrats relatifs aux deux transactions, de faux documents d'expédition, ainsi que des enregistrements audio et des messages échangés entre les membres de la cellule.

L'enquête a permis de découvrir plusieurs sociétés appartenant à un homme d'affaires soudano-ukrainien, dont une opérant aux Émirats arabes unis.

Ces sociétés ont fourni à l'armée soudanaise des armes, des munitions, des grenades et des drones, en collaboration avec les membres de la cellule et le responsable financier de l'armée.

L'une des sociétés figure sur la liste des sanctions américaines.

Les enquêtes en cours ont révélé que les intérêts financiers et les profits du groupe sont étroitement liés à la poursuite du conflit interne au Soudan.

Le procureur général a souligné que cet incident représentait une grave atteinte à la sécurité nationale des Émirats arabes unis, en faisant de leur territoire une plateforme pour le trafic illégal d'armes à destination d'un pays en proie à des troubles civils, en plus de constituer des infractions pénales punissables par la loi.

Il a conclu en déclarant que le ministère public poursuivait ses procédures d'enquête en vue de déférer les suspects à une procédure judiciaire d'urgence.

Les résultats définitifs seront annoncés à la fin de l'enquête.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Retailleau engage la procédure de dissolution d'Urgence Palestine

Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau intervient lors d'un débat sur le narcotrafic à l'Assemblée nationale française à Paris, le 29 avril 2025. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau intervient lors d'un débat sur le narcotrafic à l'Assemblée nationale française à Paris, le 29 avril 2025. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
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  • A la veille du 1er mai, Bruno Retailleau a annoncé  mecredi l'engagement de la procédure de dissolution du groupe Urgence Palestine.
  • Le groupe organise régulièrement des manifestations, qui ont parfois été interdites par les autorités.

PARIS : A la veille du 1er mai, Bruno Retailleau a annoncé  mecredi l'engagement de la procédure de dissolution du groupe Urgence Palestine, ainsi que de Lyon Populaire, qui appartient à l'ultra droite, après avoir lancé mardi celle du groupe antifasciste La Jeune Garde.

Invité de CNews/Europe 1, le ministre de l'Intérieur a justifié la dissolution d'Urgence Palestine en affirmant qu'il fallait « taper sur les islamistes ». « L'islamisme est une idéologie qui essaie d'instrumentaliser une religion. Il y a une défiguration de la foi », a-t-il dit.

« Il ne faut pas défigurer la juste cause des Palestiniens », a poursuivi M. Retailleau, qui a insisté sur le fait que « beaucoup de nos compatriotes musulmans professent une foi parfaitement compatible avec les valeurs de la République ».

Créé au lendemain de l'attaque sans précédent du Hamas dans le sud d'Israël le 7 octobre 2023, qui a déclenché la guerre à Gaza, le collectif Urgence Palestine dit rassembler « des citoyens, des organisations et mouvements associatifs, syndicaux et politiques mobilisés pour l'auto-détermination du peuple palestinien ». 

Le groupe organise régulièrement des manifestations, qui ont parfois été interdites par les autorités.

« À l'heure où le peuple palestinien est confronté au génocide, à la famine, où les Israéliens cherchent à détruire et à anéantir le peuple palestinien, que fait le gouvernement français ? Il veut dissoudre notre collectif, c'est insupportable », a réagi Omar Al Soumi, l'un des militants d'Urgence Palestine.

« C'est la réalité d'une France complice du génocide », a-t-il accusé dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux.

Urgence Palestine a reçu de nombreux messages de soutien de la part d'organisations de l'extrême gauche et de la gauche radicale. 

« Non à la dissolution d'Urgence Palestine », a écrit sur Instagram le Nouveau Parti Anticapitaliste, dénonçant « des prétextes pour faire taire les voix solidaires avec la Palestine ! ».

L'eurodéputée insoumise Rima Hassan a également critiqué les dissolutions engagées contre la Jeune Garde et Urgence Palestine.

« La dérive autoritaire et fasciste de Macron est aussi réelle, tangible et concrète », a-t-elle réagi sur X.

Tsedek!, qui se présente comme un « collectif juif décolonial », a aussi apporté son soutien à ces deux organisations.

« Le gouvernement qui appelle à la dissolution d’Urgence Palestine, c’est la République qui reprend ses droits et réaffirme que l’antisémitisme ne passera pas en France », s'est au contraire félicitée Sarah Aizenman, présidente du collectif « Nous vivrons », auprès de l'AFP. 

« Cette organisation ne défend pas les droits des Palestiniens, elle soutient une organisation terroriste », a accusé Mme Aizenman.

Les annonces de procédures de dissolution contre La Jeune Garde et Urgence Palestine interviennent à la veille des rassemblements du 1er-Mai et pourraient tendre le climat des manifestations, notamment à Paris, selon un haut responsable de la police.

Le ministre de l'Intérieur et le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, ont par avance prévenu qu'aucun débordement ne serait toléré.

Environ 15 000 personnes sont attendues jeudi pour la manifestation parisienne.