Après une longue bataille, Vincent Bolloré peut enfin s'offrir Lagardère

Arnaud Lagardère, PDG du groupe Lagardère (Photo, AFP).
Arnaud Lagardère, PDG du groupe Lagardère (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Vendredi 17 novembre 2023

Après une longue bataille, Vincent Bolloré peut enfin s'offrir Lagardère

  • Cette semaine, Vivendi a finalisé coup sur coup la cession de ses maisons d'édition Robert Laffont, Le Robert, Nathan ou encore Plon
  • Vivendi possède près de 60% des actions de son rival

PARIS: Trois ans et sept mois: c'est le temps qu'il a fallu au magnat français des médias Vincent Bolloré, entré en avril 2020 via son groupe Vivendi au capital de son concurrent Lagardère, pour être en mesure de devenir officiellement le maître de cette citadelle autrefois jugée imprenable.

Cette semaine, Vivendi a finalisé coup sur coup la cession de ses maisons d'édition Robert Laffont, Le Robert, Nathan ou encore Plon, rassemblées dans le groupe Editis, et celle de son magazine Gala.

Il s'agissait des ultimes remèdes exigés par la Commission européenne pour préserver la concurrence dans les secteurs de l'édition et de la presse "people". L'institution ne devrait plus faire obstacle à la prise de contrôle du groupe par la maison mère de Canal+ et d'Havas, attendue dans les prochaines semaines.

Vivendi possède près de 60% des actions de son rival, mais se devait d'attendre l'accord des autorités européennes de la concurrence pour exercer pleinement les droits de vote associés.

Depuis l'annonce de l'OPA de Vivendi sur Lagardère en septembre 2021, la perspective d'un rapprochement, voire d'une fusion entre les deux premiers éditeurs français Editis et Hachette Livre (Grasset, Fayard, Livre de poche ou Hatier), qui plus est orchestrée par un homme d'affaires aux opinions réputées conservatrices, avait suscité l'émoi des éditeurs indépendants, des auteurs et des libraires.

Au fil des mois, Bruxelles a obtenu de Vincent Bolloré qu'il cède Editis en totalité au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky. Cette transaction s'est finalement réalisée pour un montant total de 653 millions d'euros, bien loin des 829 millions d'euros déboursés en 2019 pour acquérir le groupe.

Mais cette importante décote et la cession à contre-cœur de Gala au Figaro restent un moindre mal pour Vivendi, qui devient le troisième groupe mondial d'édition par la taille (un atout pour la production d'histoires et de séries à grande échelle), acquiert un réseau mondial de distribution dans les gares et aéroports et met la main sur trois médias nationaux d'information (le JDD, Paris Match et Europe 1).

Quelle indépendance pour les médias ? 

L'opération reconfigure profondément l'empire de la famille Bolloré, qui s'est par ailleurs délestée ces derniers mois de ses activités de transport et de logistique, hors pétrole.

Avec plus de 60.000 collaborateurs et 15 milliards d'euros de chiffre d'affaires, Vivendi occupera une place archi-centrale dans le groupe, à moins que celui-ci n'utilise ses importantes liquidités pour un nouvel investissement stratégique.

Pour le moment, les enfants de l'homme d'affaires aux manettes de sociétés du groupe s'efforcent plutôt de rassurer sur les engagements pris pour assurer l'"intégrité" de Lagardère et l'indépendance éditoriale des médias.

Dans l'édition, Vivendi devra affronter son ancienne filiale à l'offensive, dirigée par Catherine Lucet et présidée par Denis Olivennes, ex-dirigeant de Canal+, la Fnac ou Libération et homme lige de Daniel Kretinsky en France.

"Editis a la chance d'être challenger face à Hachette, qui est remarquable. Alors elle doit être plus créative, plus entreprenante, elle doit prendre plus de risques", a-t-il récemment affirmé.

Hachette sera de son côté présidé par Arnaud Lagardère, passé de gérant-commandité à PDG du groupe dont il a hérité de son père Jean-Luc. Il contrôlera aussi le pôle radio (Europe 1, Europe 2, RFM) via une nouvelle société en commandite par actions, censée garantir son autonomie.

Mais Arnaud Lagardère peut-il être un rempart face à de potentielles ingérences du clan Bolloré, avec qui il semble à l'unisson?

Le rapprochement opéré ces dernières années entre la généraliste Europe 1 et CNews (la chaîne d'info conservatrice de Canal+), la nomination du journaliste Geoffroy Lejeune, marqué à l'extrême droite, à la tête du JDD, et les unes de Paris Match élevant certains cardinaux du Vatican au rang d'icônes "people" ont dernièrement nourri les soupçons d'ingérence.

Bruxelles a d'ailleurs ouvert cet été une enquête formelle sur une éventuelle prise de contrôle anticipée de Lagardère par Vivendi, une infraction qui, si elle était confirmée, ne remettrait pas en cause l'acquisition, mais pourrait coûter à Vivendi jusqu'à 10% de son chiffre d'affaires total.

A court terme, la mainmise de Vivendi pourrait encore se renforcer si certains actionnaires, dont Arnaud Lagardère et Bernard Arnault (l'une des fortunes venues à son secours en 2020), apportent leurs titres à l'OPA, comme ils en ont la possibilité jusqu'à la fin de l'année.


Grève nationale : les syndicats unis contre le budget du futur gouvernement

Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
Short Url
  • Journée de grève nationale ce jeudi à l’appel des 8 principaux syndicats français, unis contre les mesures budgétaires jugées « brutales »
  • Les autorités redoutent des débordements à Paris, avec jusqu’à 100 000 manifestants attendus et la présence annoncée de casseurs. 900 000 personnes pourraient se mobiliser dans toute la France

Les syndicats français ont promis une "journée noire" de manifestations et de grèves jeudi pour peser sur les choix budgétaires du prochain gouvernement, en pleine crise politique dans la deuxième économie de l'UE.

A Paris, le préfet de police s'est dit "très inquiet" de la présence de nombreux casseurs venant pour "en découdre" dans la manifestation prévue dans la capitale, qui pourrait selon lui rassembler 50.000 à 100.000 personnes.

Les autorités s'attendent à une mobilisation massive, avec plus de 250 cortèges annoncés qui pourraient réunir jusqu'à 900.000 personnes à travers le pays, soit cinq fois plus que lors du mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre lancé sur les réseaux sociaux, hors de tout cadre syndical.

Cette mobilisation lancée par les huit syndicats français, unis pour la première fois depuis le 6 juin 2023, vise les mesures budgétaires "brutales" préconisées cet été par le Premier ministre François Bayrou pour réduire le déficit de la France (coupes dans le service public, réforme de l'assurance chômage, gel des prestations sociales notamment).

Son gouvernement alliant le centre droit et la droite, minoritaire à l'Assemblée nationale, a été renversé par les députés le 8 septembre.

Nommé le lendemain, son successeur Sébastien Lecornu - troisième Premier ministre d'Emmanuel Macron depuis juin 2024, le cinquième depuis sa réélection en 2022 - s'est lui aussi engagé à réduire le déficit qui plombe les comptes de la nation (114% du PIB), tout en promettant des "ruptures sur le fond" en matière budgétaire.

Ce fidèle du président a entamé une série de consultations avec les partis politiques avant de composer un gouvernement et présenter son programme, en vue de boucler dès que possible un projet de budget pour 2026.

Il a également reçu quasiment tous les syndicats, qui n'en ont pas moins maintenu leur mot d'ordre, espérant une mobilisation similaire à celles de 2023 contre la réforme des retraites qui avaient régulièrement réuni un million de manifestants, dont un pic à 1,4 million.

- "Démonstration de force" -

"Aucune des mesures catastrophiques du musée des horreurs de M. Bayrou n'est enterrée !", s'est indignée lundi la leader de la CGT, Sophie Binet, après avoir rencontré le nouveau Premier ministre.

L'abandon par Sébastien Lecornu de la très controversée suppression de deux jours fériés voulue par François Bayrou est "une première victoire", qui "confirme que nous sommes en position de force", a-t-elle estimé.

Même la CFDT, syndicat réputé plus apte au compromis, est "plus que jamais motivée pour aller dans la rue", a fait savoir sa responsable Marylise Léon qui attend "des faits et des preuves" du nouveau chef de gouvernement, et notamment un "besoin d’efforts partagés".

Elle a apprécié à cet égard que le successeur de François Bayrou se dise selon elle conscient de la nécessité de "faire quelque chose" au sujet de la taxation des hauts patrimoines, revenue au cœur du débat.

"Le budget va se décider dans la rue", estime Mme Binet, qui évoque une "démonstration de force" et laisse entrevoir une mobilisation dans la durée.

Côté transports, le trafic sera "perturbé" voire "très perturbé" dans la capitale, ainsi que pour les trains interurbains.

Ce sera moins le cas pour les trains régionaux et les TGV. Un service proche de la normale est attendu dans les aéroports, le principal syndicat de contrôleurs aériens ayant reporté sa grève.

A l'école, un tiers des enseignants du premier degré (écoles maternelles et élémentaires) seront grévistes. L'ampleur du mouvement dans la fonction publique en générale reste encore à préciser.


Le PDG de CMA CGM assure «ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale» des médias qu'il possède

Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
Short Url
  • "Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media
  • Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique"

PARIS: Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC.

"Les journaux ou chaînes de télévision qu'on a rachetés ont une indépendance, ce sont des journaux qui sont nuancés, qui offrent le pluralisme. Je ne m'immisce pas dans la ligne éditoriale de ces journaux", a-t-il déclaré lors d'une audition devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée.

Il répondait au député France insoumise René Pilato qui suggérait une "grande loi de séparation des entreprises et des médias".

"Si des investisseurs comme le groupe CMA CGM ne viennent pas, ces médias malheureusement tombent", a ajouté M. Saadé, rappelant que le secteur des médias est "très sinistré".

"Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media.

Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique".

"Dans un monde traversé par les +fake news+, je crois que les industriels ont un rôle à jouer pour défendre le pluralisme, l'indépendance et la qualité de l'information. Si nous voulons continuer à produire de l'information en France et résister à la domination des grandes plateformes, nous devons garantir des groupes de médias solides capables de créer des contenus de qualité et de les diffuser sur tous les supports", a-t-il défendu.

Outre BFMTV, RMC, et désormais Brut, CMA Media possède les journaux La Tribune et La Tribune Dimanche, La Provence et Corse Matin. Le groupe vient également de racheter la chaîne télé Chérie 25 (NRJ Group).

Vendredi, les Sociétés des journalistes (SDJ) de BFMTV, RMC et La Tribune avaient déploré qu'"une prise de position de Rodolphe Saadé sur l'actualité politique et sociale du pays (ait) été diffusée à l'antenne de BFMTV" jeudi.

Il s'agissait d'extraits écrits tirés d'une tribune publiée dans La Provence après le mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre. "Les entreprises ne sont pas des adversaires, elles sont des partenaires de la Nation", y écrivait notamment M. Saadé.

 


Faure «sur sa faim» après son entretien avec Lecornu, resté «très flou» sur ses intentions

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
Short Url
  • Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu
  • Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland

PARIS: Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions".

"Pour l'instant, nous sommes restés sur notre faim et nous verrons bien ce qu'il a à nous dire dans les prochains jours", a déclaré le premier secrétaire du PS, à l'issue de sa première rencontre à Matignon, qui a duré près de deux heures.

Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu à la veille d'une importante journée de mobilisation syndicale.

Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland.

A propos de la journée d'actions de jeudi, il a expliqué que ces manifestations seraient "aussi un élément du rapport de force que nous devons installer avec un exécutif qui, jusqu'ici, n'a pas fait la démonstration de sa capacité à comprendre la colère et même l'exaspération des Français".

Olivier Faure a également dit qu'il ne souhaitait pas "voir revenir sur la table une loi immigration", estimant que le Premier ministre macroniste était "tiraillé par une droite qui lorgne de plus en plus vers l'extrême droite" et avait  "beaucoup de problèmes dans son propre socle commun".

"Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution. Nous cherchons à ce que les Français soient entendus", a-t-il plaidé, en citant un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

"Il y a des mesures qui sont très majoritaires dans le pays, pour la taxe Zucman" sur les hauts patrimoines, "pour en finir" avec la réforme des retraites, pour "rendre du pouvoir d'achat", notamment à travers "un taux différentiel de CSG", a-t-il détaillé.