L’Arabie saoudite investit dans la recherche pour assurer son autosuffisance

Du 3 au 11 décembre dans les locaux de l’accélérateur d’entreprises The Garage un symposium réunissant des start-up françaises et des institutions gouvernementales et privées saoudiennes. (Photo fournie)
Du 3 au 11 décembre dans les locaux de l’accélérateur d’entreprises The Garage un symposium réunissant des start-up françaises et des institutions gouvernementales et privées saoudiennes. (Photo fournie)
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Publié le Mardi 12 décembre 2023

L’Arabie saoudite investit dans la recherche pour assurer son autosuffisance

  • Une conférence actuellement organisée à Riyad a pour objectif que des start-up françaises montrent ce que la France propose en matière de technologie pour soutenir l’industrie agroalimentaire saoudienne
  • Malgré son environnement désertique, l’Arabie saoudite a réussi à atteindre l'autosuffisance dans la production de dattes, de produits laitiers frais et d'œufs de table

RIYAD: Sous le patronage de l’ambassade de France Arabie saoudite et avec l’étroite collaboration du ministère de l’Environnement, de l’Eau et de l’Agriculture, Business France organise au sein des locaux de The Garage Startups, un symposium consacré à réunir les start-up françaises et des institutions saoudiennes – gouvernementales comme privées – du 3 au 11 décembre 2023.  

Mohamed Mourchid, responsable de la filière agrotech à Business France, a brillamment dirigé cette mission, qui a été saluée par l'ensemble des partenaires franco-saoudiens comme les entreprises françaises, le ministère de l'Environnement, de l'Eau et de l'Agriculture, la commission royale d'AlUla, l’Agence française pour le développement d’AlUla (Afalula), Neom, Diriyah Gate Authority, l’université du roi Abdallah pour les sciences et la technologie (Kaust), Red Sea Farm, ainsi que des entreprises de renommée internationale telles que Naqua, Watania, Tanmiah, Al Safi Danone, etc. Cette initiative a déjà facilité des échanges de haut niveau, permettant aux entreprises françaises d'entamer des discussions directes sur des projets majeurs et structurants en Arabie saoudite.

Rachid Boulaouine, directeur de Business France en Arabie saoudite, souligne que les entreprises françaises présentes aujourd’hui en Arabie saoudite ont été sélectionnées par un jury composé d’importantes personnalités saoudiennes et françaises.

Ces entreprises françaises sont à Riyad pour montrer ce que la France propose en matière de technologie afin de soutenir l’industrie agroalimentaire saoudienne. 

M. Boulaouine annonce par ailleurs que ces entreprises ont pris contact depuis septembre avec leurs homologues saoudiens et que l’objectif de cette semaine est de finaliser et de concrétiser leurs partenariats pour être opérationnelles dans le Royaume et contribuer concrètement à la Vision 2030. 

Huddle Corp est une société française qui conçoit des aliments et des ingrédients naturels encapsulés, une démarche qui contribue à lutter contre les déchets d’ingrédients et les rejets de gaz dans l’environnement.

 

M. Abdeslam el-Harrak, cofondateur et directeur général de Huddle Corp, indique quant à lui à Arab News en français: «Le marché saoudien possède un véritable savoir-faire. Les exploitations sont déjà installées, il y a le noyau de constitution. Le démarrage se déroule bien et le pays se donne les moyens de son ambition, c’est ce qui est extraordinaire.»

Il affirme par ailleurs: «Le potentiel de l’aquaculture est très important et il peut être retranscrit dans chaque région du monde, ce qui, bien sûr, offre une capacité d’autonomie alimentaire.»

Depuis quelques années, le ministère de l’Environnement, des Eaux et de l’Agriculture s'efforce de créer un système intégré de services agricoles, logistiques, de marketing et de connaissance. 

«L'Arabie saoudite investit massivement dans les petites exploitations agricoles et dans la désalinisation afin de développer son secteur agroalimentaire et de réduire sa dépendance aux importations alimentaires. Nos solutions sont une source de protéine qualitative et elles permettent de simplifier les processus d’élevage dans les fermes.» 

La société Adnid propose des analyses d’ADN innovantes de haute performance pour aider les fabricants à améliorer le contrôle de la qualité des aliments ainsi qu’à accroître la confiance dans les transactions commerciales.

Fabienne Moreau, directrice générale chez Adnon, précise à Arab News en français: «Nous sommes tout à fait ouverts à un transfert de technologie et à l’aide à l’installation de laboratoires de biologie moléculaire dans le Royaume. Cela nous permettra de pénétrer le marché saoudien et de se donner la chance d’être davantage en accord avec les attentes de nos partenaires saoudiens.» 

Depuis quelques années, le ministère de l’Environnement, des Eaux et de l’Agriculture s'efforce de créer un système intégré de services agricoles, logistiques, de marketing et de connaissance. Son objectif est d'adopter des technologies modernes afin d’optimiser la production et d’augmenter le taux de consommation des dattes saoudiennes au niveau local et mondial.

À cet effet, Mme Fabienne Moreau déclare à Arab News en français: «Sur le palmier-dattier, sur le plan de l’identification du sexe et de la variété, il y a une demande, elle est concrète; elle manque toutefois d’un peu quantification pour bénéficier d’une bonne vision. Nous sommes présents à Riyad dans cet objectif.»

Au sujet des fraudes alimentaires, Fabienne Moreau assure que les technologies utilisées en France pour les contrôler s’appliquent parfaitement au marché saoudien.

La société agrotech Independent Living Base est une société scientifique de recherche et développement. Elle propose une solution innovante d’agriculture urbaine indoor capable de produire en continu un millier d’espèces de fruits, de légumes, de fleurs, d’épices de qualité dans une structure isotherme totalement autonome quant à l’apport en électricité et en eau. 

Les végétaux sont donc plantés dans des bacs de terre hors sol disposés sur des étagères. Leur culture ne requiert aucun produit chimique; la production est donc naturelle. De plus, grâce à cette méthode, nous consommerons des aliments qui bénéficient de l’ensemble des minéraux et des oligoéléments naturellement présents dans la terre et nécessaires à leur croissance.

Pascale Benveniste, PDG d’Independent Living Base, révèle pour sa part à Arab News en français les résultats d’une expérience urbaine effectuée à côté de Paris: «J’ai créé un food container qui produit de l’eau, de l’électricité, de la nourriture et qui recycle les eaux usées. J’ai demandé à l’un de mes collaborateurs d’aller sur place pendant deux ans. Il mangeait, buvait, s’éclairait grâce à ce dispositif. Il est toujours vivant, il est directeur général aujourd’hui.»

«Après cette expérience, nous avons construit une bubble tech dans un immeuble d’une superficie de 3 500 mètres carrés sans toucher aux éléments d’infrastructure de la bâtisse. Cela signifie que l’on peut s’insérer dans des immeubles existants ou neufs, en surface ou au sous-sol, dans le désert, sur les parkings, sur les bateaux, pour produire tout type de végétal. Grâce à la bubble tech, on peut reproduire automatiquement les conditions climatiques idéales.»

Créée en 2000 par Greentech, la société Greencell développe, produit et commercialise des micro-organismes et des dérivés microbiens de valeur environnementale, agronomique et alimentaire.

Greencell sélectionne des micro-organismes naturellement présents dans le sol et sur les plantes afin de développer de nouveaux produits. Ces derniers, une fois qu’ils ont été utilisés sur les cultures, créent un environnement favorable à leur développement et ils sont naturellement protégés contre l’attaque de pathogènes.

«Dans la Vision 2030 de l'Arabie saoudite, la question de la réutilisation de l'eau est une très grande priorité. On peut et on pourra venir avec toutes les technologies du monde», explique à Arab News en français Mohamed Gareche, directeur international de la société Greencell.

«S'il n'y a pas d'eau, il n'y a pas d'agriculture. Nous proposons aux agriculteurs, par le biais des stations de traitement des eaux, de bénéficier d'une eau limpide, claire, qui leur permet de ne pas compter exclusivement sur les nappes phréatiques ou sur l'eau de pluie et d'avoir un troisième canal abondant, celui des eaux usées. Car nous les nettoyons à la fin du processus de traitement, et elles pourront être utilisées par tous les agriculteurs.»

Malgré son environnement désertique, l’Arabie saoudite a réussi à atteindre l'autosuffisance dans la production de dattes, de produits laitiers frais et d'œufs de table. Elle a aussi progressé dans la culture de pommes de terre, de volaille, de tomates, entre autres.

L'Arabie saoudite a investi et continue d’investir dans la désalinisation pour une utilisation plus efficace de l'eau. Elle a imposé des réglementations strictes contre l'extraction des eaux souterraines afin de préserver cette ressource vitale.

En 2021, le Royaume a exporté plus de trois cents types de dattes, produisant environ 1,54 million de tonnes pour une valeur de 1,2 milliard de SAR (soit 300 millions d’euros). Cela a placé le Royaume au premier rang sur 113 pays, selon le Centre du commerce international.


L’intelligence artificielle, levier d’émancipation pour les femmes selon la directrice de la DCO

Interrogée par Arabnews en français en marge des Rencontres économiques de l’Institut du monde arabe à Paris, El Haddaoui affiche un optimisme mesuré : « On ne peut pas dire que l’intelligence artificielle est une bonne ou une mauvaise chose en soi, explique-t-elle, mais je suis très optimiste quant aux opportunités qui existent pour les femmes. » (Photo fournie)
Interrogée par Arabnews en français en marge des Rencontres économiques de l’Institut du monde arabe à Paris, El Haddaoui affiche un optimisme mesuré : « On ne peut pas dire que l’intelligence artificielle est une bonne ou une mauvaise chose en soi, explique-t-elle, mais je suis très optimiste quant aux opportunités qui existent pour les femmes. » (Photo fournie)
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  • Pour la directrice générale de la Digital Cooperation Organization (DCO), Hajar El Haddaoui, l’intelligence artificielle (IA) représente une opportunité considérable pour les femmes sur le marché du travail, à condition toutefois de réduire les fractures
  • Interrogée par Arabnews en français en marge des Rencontres économiques de l’Institut du monde arabe à Paris, El Haddaoui affiche un optimisme mesuré

PARIS: Pour la directrice générale de la Digital Cooperation Organization (DCO), Hajar El Haddaoui, l’intelligence artificielle (IA) représente une opportunité considérable pour les femmes sur le marché du travail, à condition toutefois de réduire les fractures numériques, de renforcer la coopération internationale et d’intégrer cette technologie au cœur des stratégies nationales de développement.

Interrogée par Arabnews en français en marge des Rencontres économiques de l’Institut du monde arabe à Paris, El Haddaoui affiche un optimisme mesuré : « On ne peut pas dire que l’intelligence artificielle est une bonne ou une mauvaise chose en soi, explique-t-elle, mais je suis très optimiste quant aux opportunités qui existent pour les femmes. »

« On voit de plus en plus de femmes s’intéresser à l’IA et aux algorithmes dans différents domaines ; il faut s’en saisir comme d’une opportunité », souligne El Haddaoui, dont l’organisation, fondée à Riyad en 2020, regroupe 16 États membres et compte plus de 40 partenaires issus des secteurs technologique et financier.

Œuvrant essentiellement autour de deux axes stratégiques — la résilience technologique et la prospérité numérique —, la DCO s’est vu accorder un siège d’observateur à l’Assemblée générale des Nations unies en 2022.

L’accès à l’intelligence artificielle n’est cependant pas uniforme à l’échelle mondiale, plaide El Haddaoui, dont l’organisation œuvre pour l’inclusivité numérique et technologique.
« Non, il n’y a pas d’égalité entre les pays, affirme-t-elle sans détour. Certains ont énormément investi dans l’IA et disposent des ressources nécessaires, tandis que d’autres en sont encore loin. »

Elle insiste sur l’importance de la coopération régionale pour réduire ces écarts : « Il faut échanger les bonnes pratiques et, surtout, soutenir les pays en retard par de grands investissements », souligne-t-elle, rappelant que « certains pays n’ont même pas la 5G, ce qui rend toute avancée en IA très difficile ».

Pour elle, la réduction de cette fracture nécessite des partenariats solides entre États, des échanges d’expériences et un appui financier ciblé, afin « de permettre à davantage de pays d’intégrer l’intelligence artificielle dans leurs priorités nationales ».

Cependant, les disparités ne sont pas seulement internationales, souligne El Haddaoui : elles sont également internes, car « dans certains pays, les zones rurales n’ont même pas accès à Internet, alors que d’autres régions abritent des hubs d’innovation très avancés », observe-t-elle.

Cette fracture numérique interne constitue, selon elle, un défi majeur. La solution passe par une stratégie globale d’éducation et d’inclusion : « Il faut prendre en compte l’éducation dès le plus jeune âge, développer des applications accessibles dans les langues locales et former les talents nationaux pour diffuser les connaissances liées à l’IA au sein même du pays. »

Ce n’est qu’une fois ces bases posées que la réduction de la fracture pourra s’étendre aux niveaux régional et mondial.

Interrogée sur le risque de voir le financement de l’IA se faire au détriment d’autres secteurs essentiels, El Haddaoui se veut rassurante : « Si l’intelligence artificielle est intégrée dans la stratégie numérique nationale et appliquée à tous les secteurs — santé, finance, économie ou éducation —, elle ne concurrence pas les autres investissements, elle les renforce », explique-t-elle.

Elle met toutefois en garde contre une approche sectorielle trop étroite : « Dans les pays où l’investissement est concentré uniquement sur l’IA sans vision transversale, le risque existe. Il ne faut pas répéter les erreurs commises lors de la transformation digitale dans certaines régions. L’IA doit être pensée comme une stratégie cross-industry, présente dans tous les secteurs et non en silo. »

Pour cette raison, ajoute-t-elle, la DCO travaille avec de nombreux États membres, dont le Maroc : « Nous sommes présents sur le terrain dans plusieurs pays membres afin d’accompagner le développement numérique local », précise-t-elle.


La ministre de la transition numérique marocaine: l’IA une opportunité pour l’émancipation des femmes

L’intelligence artificielle (IA) peut devenir un outil puissant pour renforcer la place des femmes dans la société et sur le marché du travail. C’est le message porté par la ministre marocaine de la Transition numérique, Amal El Fallah Seghrouchni. (Photo fournie)
L’intelligence artificielle (IA) peut devenir un outil puissant pour renforcer la place des femmes dans la société et sur le marché du travail. C’est le message porté par la ministre marocaine de la Transition numérique, Amal El Fallah Seghrouchni. (Photo fournie)
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  • Le Maroc multiplie les initiatives pour démocratiser l’accès à ces technologies
  • En juillet dernier, les Assises nationales de l’intelligence artificielle ont réuni 2 500 acteurs publics et privés

PARIS: L’intelligence artificielle (IA) peut devenir un outil puissant pour renforcer la place des femmes dans la société et sur le marché du travail.
C’est le message porté par la ministre marocaine de la Transition numérique, Amal El Fallah Seghrouchni, qui voit dans cette technologie une opportunité majeure pour réduire les fractures sociales et économiques, à condition de s’y préparer dès maintenant.

Nommée ministre en 2024, Seghrouchni est une pionnière de l’intelligence artificielle. Elle est même décrite par certains comme « l’Elon Musk du Maroc », mais elle se distingue de ce dernier par son engagement éthique et son attachement à l’inclusion et à la justice sociale liées à l’avènement des nouvelles technologies.
Dans le cadre de ses fonctions et responsabilités, elle poursuit sa quête d’une utilisation raisonnée de l’intelligence artificielle, au profit de tous.

Présente à Paris à l’occasion de la 16ᵉ édition des Rencontres économiques, organisées par l’Institut du monde arabe, la ministre a insisté, en réponse à Arab News en français, sur la nécessité d’intégrer les femmes dans cette révolution technologique.
« Aujourd’hui, l’intelligence artificielle est utilisée dans tous les secteurs de la vie professionnelle : la santé, l’agriculture, l’art, la culture, le droit ou encore la fintech », indique-t-elle. « Et si les femmes maîtrisent l’intelligence artificielle, elles peuvent accéder à un marché de l’emploi beaucoup plus vaste. »

Selon la ministre, l’IA permet aux femmes d’améliorer leur productivité et d’accéder à des ressources jusqu’ici moins accessibles, comme la traduction automatique, les calculs complexes ou la recherche d’informations ciblées : « autant d’usages concrets qui peuvent faciliter leur insertion professionnelle ».
Elle met également en avant le potentiel des outils d’IA pour les femmes entrepreneures, dirigeant des petites ou moyennes entreprises, qui peuvent ainsi s’appuyer sur le commerce électronique pour dépasser les limites des marchés locaux.
« Il existe aujourd’hui des plateformes qui permettent aux femmes d’accéder à un marché global grâce à l’intelligence artificielle », explique-t-elle.

La formation à l’IA représente un investissement, concède la ministre, mais celui-ci reste accessible et rentable. De nombreux programmes, soutenus par des organisations internationales ou des initiatives nationales, visent à réduire cette barrière financière.
« Nous avons lancé un programme qui s’appelle Elevate pour le commerce électronique : il aide gratuitement des femmes à accéder à ces plateformes », précise-t-elle. Et même si certaines formations sont payantes, les coûts restent modérés « au regard du retour sur investissement potentiel ».

La ministre reconnaît cependant l’existence de plusieurs niveaux de fracture : alphabétisation, numérique, et désormais intelligence artificielle.
Mais elle estime que « la question n’est pas de savoir s’il va y avoir une fracture, mais si nous allons pouvoir maîtriser ces technologies pour ne pas rester sur le bord du chemin », car il ne s’agit pas de subir ces transformations, mais « de les utiliser comme leviers de réduction des inégalités ».

Le Maroc multiplie les initiatives pour démocratiser l’accès à ces technologies. En juillet dernier, les Assises nationales de l’intelligence artificielle ont réuni 2 500 acteurs publics et privés.
Le pays a lancé des plateformes de formation, un programme de soutien aux start-up, ainsi qu’un vaste réseau d’instituts de recherche et de développement baptisé Jazari.

« Rien n’arrive tout seul », rappelle la ministre. « Le coût est là, mais aussi la volonté d’apporter les moyens humains, financiers et techniques nécessaires. C’est un grand chantier que nous voulons mener à bien, avec la détermination des femmes à monter dans ce que j’appelle le train de l’IA. »

La métaphore est claire : l’intelligence artificielle avance rapidement, et il faut savoir monter à bord au bon moment. En misant sur la formation, l’accès aux outils et l’accompagnement des femmes, la ministre entend faire de l’IA non pas une nouvelle ligne de fracture, mais une voie d’émancipation et d’ouverture.


Les Rencontres Économiques de l’IMA: la place des femmes dans l’économie à l’ère de l’IA

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  • Quatre tables rondes, réunissant le temps d’une journée des personnalités féminines éminentes du monde arabe et de la France, ont échangé sur la manière de mettre en lumière le rôle des femmes dans la transformation numérique
  • Parmi la trentaine de participantes figuraient notamment la ministre marocaine de la Transition numérique Amal El Fallah Seghrouchni, l’ancienne ministre française de la Culture Rima Abdul Malak, aujourd’hui à la tête d’un média francophone libanais

PARIS: Organisée par l’Institut du Monde Arabe à Paris autour du thème « Femmes, business et innovation », la 16ᵉ édition des Rencontres économiques du monde arabe a décortiqué tous les aspects de l’économie au féminin.

Quatre tables rondes, réunissant le temps d’une journée des personnalités féminines éminentes du monde arabe et de la France, ont échangé sur la manière de mettre en lumière le rôle des femmes dans la transformation numérique, l’entrepreneuriat et la création, ainsi que sur les moyens de favoriser des synergies franco-arabes.

Parmi la trentaine de participantes figuraient notamment la ministre marocaine de la Transition numérique Amal El Fallah Seghrouchni, l’ancienne ministre française de la Culture Rima Abdul Malak, aujourd’hui à la tête d’un média francophone libanais, des femmes d’affaires telles que Hajar El Haddaoui, directrice générale de Digital Cooperation Organization (Maroc–Arabie saoudite), ou encore Olfa Zorgati, membre du conseil d’administration d’Ubisoft, ainsi que des ambassadrices comme Delphine O, et Shayna Al Zuhairi, directrice générale du Iraq Business Women Council.

IA et leadership

Parmi les temps forts figuraient un fireside chat sur l’intelligence artificielle et le leadership, plusieurs tables rondes réunissant cheffes d’entreprise et responsables d’institutions, ainsi qu’une keynote consacrée à la transformation des médias.

Dans le fireside chat dédié à l’IA et au leadership, Amal El Fallah Seghrouchni et Anne Bouverot (envoyée spéciale pour l’IA en France) ont croisé leurs visions, soulignant l’importance d’une gouvernance responsable et partagée de l’IA entre l’Europe et le monde arabe, conciliant innovation et protection des droits.

Elles ont également mis en avant la place centrale des femmes et de l’éducation dans la formation, pour réduire la fracture numérique et encourager l’industrialisation de solutions locales.

La programmation, détaillée par l’IMA, a alterné débats sur l’intelligence artificielle et le leadership, sessions sur les industries culturelles et créatives (ICC), et interventions consacrées au financement et à la coopération institutionnelle.

Les intervenantes issues du monde de la tech et du secteur privé (start-up, entreprises, écosystèmes) ont discuté des opportunités de co-développement entre acteurs français et arabes, ainsi que du besoin d’écosystèmes favorables (financement, cadres réglementaires, formation) pour transformer le talent féminin en entreprises viables.

La transformation des médias à l’ère des transitions

Une autre table ronde, réunissant un panel mixte de diplomates et de femmes actives dans les secteurs des financements publics, du droit et de l’IA, a insisté sur la nécessité d’aligner les réponses aux défis climatiques, énergétiques et numériques à travers des partenariats bilatéraux et multilatéraux.

Rima Abdul Malak a prononcé une courte keynote sur la transformation des médias à l’ère des transitions, montrant comment innover avec l’IA tout en préservant la déontologie et la diversité culturelle.
Elle a également souligné le rôle des femmes dirigeantes dans la recomposition du paysage médiatique.

Les tables rondes de l’après-midi ont porté sur les industries culturelles et créatives, les synergies franco-arabes pour la création artistique, les modèles de financement (fondations, philanthropie, fonds publics) et la médiation culturelle à l’ère de l’IA.

Sur le fond, deux lignes directrices ont traversé les discussions. D’abord, l’idée que l’émancipation économique des femmes constitue un levier stratégique de développement. Les intervenantes, issues des secteurs public et privé, ont insisté sur la nécessité de traduire les discours en dispositifs concrets : accès au financement, incubateurs dédiés, formations techniques et réseaux de mentorat.

Ensuite, la nécessité d’une coopération pratique à travers des partenariats, des centres d’excellence et des mécanismes de financement conjoints, plutôt que de simples déclarations d’intention.

Tout au long de la journée, les intervenantes françaises et arabes ont appelé à bâtir des cadres éthiques communs et des programmes de formation destinés à réduire la fracture numérique.
L’enjeu n’est plus seulement technique, a-t-il été rappelé, mais également politique. Il concerne la régulation, la souveraineté technologique et la capacité des pays du Sud à développer des solutions adaptées à leurs usages.

La table ronde dédiée aux industries culturelles et créatives a insisté sur l’importance des modèles hybrides — mécénat, fonds d’impact, structures de coopération publique-privée — permettant de soutenir la création sans l’enfermer dans des logiques purement marchandes.

Les intervenantes issues du monde de l’art et des fondations ont partagé leurs retours d’expérience et proposé des pistes concrètes pour professionnaliser les filières tout en préservant la diversité culturelle.

Plusieurs participantes ont également souligné l’importance d’instruments financiers adaptés : garanties publiques, fonds de capital-risque dédiés aux entrepreneures et dispositifs de venture philanthropy pour accompagner les premières étapes des projets culturels et technologiques.

Ces rencontres confirment la maturation d’un agenda franco-arabe centré sur l’économie du savoir et la création, et réaffirment que la question du genre ne peut demeurer un simple enjeu symbolique, mais doit se traduire par une véritable architecture d’accompagnement (financement, formation, incubateurs, réglementation).

Pour que les promesses tiennent, les participantes ont appelé à une feuille de route opérationnelle, assortie de calendriers, de budgets et d’indicateurs, afin de transformer l’énergie du plaidoyer en actions mesurables.