Les combats font rage à Gaza après deux mois de guerre

De la fumée s'échappant suite au bombardement israélien sur Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 7 décembre 2023 (Photo, AFP).
De la fumée s'échappant suite au bombardement israélien sur Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 7 décembre 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 08 décembre 2023

Les combats font rage à Gaza après deux mois de guerre

  • Après une première phase, dans le nord du territoire palestinien, de son offensive terrestre contre le Hamas, l'armée a étendu ses opérations jusque dans le sud
  • Le bilan dans le petit territoire palestinien assiégé et dévasté par les bombardements israéliens s'est encore alourdi jeudi pour atteindre 17177 morts

JÉRUSALEM: Les combats ont encore fait rage jeudi dans et autour des plus grandes villes de la bande de Gaza, deux mois après le début de la guerre entre Israël et le Hamas, déclenchée le 7 octobre par l'attaque sanglante du mouvement islamiste palestinien sur le sol israélien.

Après une première phase, dans le nord du territoire palestinien, de son offensive terrestre contre le Hamas, l'armée a étendu ses opérations jusque dans le sud, où sont réfugiés des centaines de milliers de civils désormais pris au piège, acculés dans un territoire de plus en plus exigu.

Le bilan dans le petit territoire assiégé et dévasté s'est encore alourdi jeudi pour atteindre 17.177 morts, à 70% des femmes et des moins de 18 ans, tués par les bombardements israéliens, selon le ministère de la Santé du Hamas.

En Israël, l'attaque sans précédent menée par le Hamas le 7 octobre a fait 1.200 morts, essentiellement des civils, et 138 otages sont toujours détenus à Gaza, sur environ 240 enlevés le jour de l'attaque, selon les autorités israéliennes.

Dans la bande de Gaza, les soldats israéliens, appuyés par des frappes aériennes, ont affronté jeudi les combattants du Hamas à Khan Younès, la plus grande ville du sud devenue l'épicentre de la guerre, ainsi que dans le nord, dans la ville de Gaza et le secteur voisin de Jabalia.

Dans le sud, des centaines de milliers de civils se sont massés depuis le début de la guerre à proximité de la frontière fermée avec l'Egypte, fuyant les combats dans le nord, dans une situation humanitaire désastreuse.

Depuis la reprise des combats le 1er décembre après sept jours de trêve, une partie d'entre eux ont été contraints par l'armée de se déplacer à nouveau, fuyant quelques kilomètres plus loin vers la ville frontalière de Rafah, à mesure que les combats s'étendaient.

En riposte à l'attaque du 7 octobre, Israël a promis d'anéantir le Hamas, au pouvoir à Gaza, classé organisation terroriste par les Etats-Unis, l'Union européenne et Israël, et a lancé sur le territoire une intense campagne de frappes aériennes doublée depuis le 27 octobre d'une offensive terrestre.

Au total, 89 soldats israéliens ont été tués dans les combats à Gaza, selon l'armée.

Prier et pleurer

Dans le nord, des dizaines de chars et véhicules blindés israéliens ont pénétré dans la vieille ville de Gaza. A Khan Younès, l'armée a annoncé jeudi avoir "tué des terroristes du Hamas et frappé des dizaines de cibles terroristes".

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a déclaré mercredi que les forces israéliennes "encerclaient la maison" à Khan Younès de Yahya Sinouar, le chef du Hamas dans la bande de Gaza, considéré comme l'architecte de l'attaque du 7 octobre.

Le porte-parole de l'armée Daniel Hagari a affirmé que Yahya Sinouar se cachait dans des tunnels du Hamas.

A l'hôpital Al-Aqsa, dans la ville de Gaza, 115 corps sont arrivés en 24 heures, selon Médecins Sans Frontières.

A Rafah, dans la morgue de l'hôpital al-Najjar, une vingtaine de cadavres enveloppés de plastique blanc, dont ceux d'enfants, étaient allongés par terre, entourés par leurs proches qui priaient et pleuraient.

Dans cette ville, des milliers de déplacés ont installé des camps de fortune où ils tentent de survivre dans le plus grand dénuement.

Abdullah Abou Daqqa, de Khan Younès, et désormais à Rafah, est à bout: "Depuis deux mois, on bouge d'un endroit à un autre, c'était les deux mois les plus durs. Nous avons beaucoup perdu (...), de l'argent, des enfants et nous nous sommes perdus nous-mêmes. Nous sommes très fatigués, nous dormons dans la rue".

Arrivé lui aussi à Rafah, Ahmad Hajjaj, venu du camp de Chati, dans le nord, décrit une situation catastrophique: "Nous n'avons pas de produits de première nécessité, la situation empire de jour en jour, et il n'y a pas de solution politique à l'horizon".

Système de santé «à genoux»

Le directeur général de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a évoqué un système de santé "à genoux" dans la bande de Gaza, où la plupart des hôpitaux du nord ne fonctionnent plus tandis que ceux du sud, submergés par l'afflux de milliers de blessés, sont au bord de l'effondrement.

Israël a imposé depuis le 9 octobre un siège total à la bande de Gaza, qui provoque de graves pénuries d'eau, de nourriture, de médicaments, d'électricité, tandis que l'aide humanitaire, dont l'entrée est soumise au feu vert israélien, n'arrive qu'au compte-gouttes depuis l'Egypte.

Le carburant, nécessaire au fonctionnement des générateurs dans les hôpitaux et aux équipements de dessalinisation de l'eau, manque aussi.

Le gouvernement israélien a cependant autorisé la livraison d'un "supplément minimal" de carburant à Gaza pour éviter un "effondrement humanitaire" et des épidémies, deux jours après un appel en ce sens des Etats-Unis, son allié.

Selon l'ONU, 1,9 million de personnes, soit environ de 85% la population, ont été déplacées par la guerre dans la bande de Gaza où plus de la moitié des habitations sont détruites ou endommagées.

La ville de Rafah est le seul endroit où de l'aide humanitaire est encore distribuée, en quantité limitée, selon l'ONU.

L'ONU voit des «signes» d'ouverture d'un second passage vers Gaza, Israël réfute

Un responsable israélien a écarté jeudi l'idée d'une réouverture complète d'un deuxième point de passage vers la bande de Gaza, à la suite des déclarations du chef des opérations humanitaires de l'ONU faisant état de "signes prometteurs" en ce sens.

C'est par ce poste de contrôle de Kerem Shalom entre Israël et la bande de Gaza que transitaient 60% des marchandises entrant dans ce territoire palestinien avant la guerre entre Israël et le Hamas.

Une ouverture de ce passage, qui s'ajouterait à celui de Rafah sur la frontière entre l'Egypte et la bande de Gaza, "changerait la nature même de l'accès de l'aide humanitaire" dont cette enclave a désespérément besoin, a dit Martin Griffiths au cours d'un point de presse à Genève.

"Nous sommes toujours en négociation et avec quelques signes prometteurs" d'un accès à Kerem Shalom, a poursuivi M. Griffiths, précisant qu'Israël, les Etats-Unis, l'Egypte et l'ONU sont parties aux négociations.

Israël a toutefois ensuite dit à l'AFP qu'il n'y permettrait que les inspections des camions qui transportent de l'aide avant que celle-ci ne soit envoyée vers Rafah.

"Nous autoriserons un contrôle de sécurité des camions d'aide humanitaire au terminal de Kerem Shalom - mais pas le passage des camions vers la bande de Gaza", a expliqué un porte-parole de l'organisme du ministère israélien de la Défense chargé des affaires civiles palestiniennes, le COGAT.

Une menorah à 138 branches

Jeudi, les chaînes de télévision israéliennes ont diffusé des vidéos montrant des dizaines de Palestiniens en sous-vêtements, les yeux bandés, sous la garde de soldats israéliens dans la bande de Gaza, provoquant une vive polémique sur les réseaux sociaux.

Parmi les hommes arrêtés, des témoins, journalistes et proches ont reconnu le reporter Diaa Al-Kahlout, correspondant à Gaza du média The New Arab.

"Nous enquêtons et vérifions qui est lié au (mouvement islamiste palestinien) Hamas et qui ne l'est pas", alors que des soldats israéliens traquent "des terroristes qui se cachent encore dans (des) tunnels comme des lâches", a réagi le porte-parole de l'armée israélienne, Daniel Hagari.

Israël, traumatisé par l'attaque du 7 octobre, a commencé jeudi à célébrer Hanouka, la fête juive des Lumières. A Tel-Aviv, des familles et proches des otages ont participé à une veillée où ils ont allumé les bougies d'une menorah géante, ou chandelier, comptant symboliquement 138 branches.

Une exposition s'est ouverte jeudi dans la ville, consacrée à la mémoire des 364 personnes tuées par des combattants du Hamas le 7 octobre alors qu'elles participaient au festival de musique Tribe of Nova dans le sud d'Israël.

La guerre a aussi ravivé les tensions à la frontière entre Israël et le Liban, où les échanges de tirs sont quotidiens entre l'armée israélienne et le Hezbollah libanais, allié du Hamas.

L'armée et les secours israéliens ont annoncé jeudi la mort d'un civil israélien, tué dans le nord d'Israël par un tir de missile antichar revendiqué par le Hezbollah.

Benjamin Netanyahu a lancé un nouvel avertissement au Hezbollah: "Je suggère à nos ennemis de bien faire attention, parce que si le Hezbollah choisit de déclencher une guerre totale, il transformera par sa faute Beyrouth et le sud du Liban, non loin d'ici, en Gaza et Khan Younès".


Un documentaire affirme avoir identifié le meurtrier de Shireen Abu Akleh

Cette photo obtenue par un ancien collègue de Shireen Abu Akleh, journaliste chevronnée d'Al-Jazira, montre son reportage à Jérusalem le 12 juin 2021. (Photo HANDOUT / AFP)
Cette photo obtenue par un ancien collègue de Shireen Abu Akleh, journaliste chevronnée d'Al-Jazira, montre son reportage à Jérusalem le 12 juin 2021. (Photo HANDOUT / AFP)
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  • Qui a tiré ? S'agissait-il vraiment d'un « accident » ? Le documentaire « Who killed Shireen ? » (« Qui a tué Shireen ? »), diffusé par le site indépendant Zeteo, pointe pour la première fois un suspect : le soldat d'élite Alon Scaggio.
  • Alon Scaggio, alors âgé de 20 ans, avait terminé une formation dans les Duvdevan, unité d'élite de l'armée israélienne, trois mois plus tôt, selon le documentaire.

NEW-YORK : Qui a tué Shireen Abu Akleh ? Un nouveau documentaire affirme enfin révéler l'identité du soldat israélien soupçonné d'avoir tué la reporter vedette de la chaîne Al-Jazeera, trois ans après cet événement qui avait endeuillé le Moyen-Orient.

Retour en arrière. Le 11 mai 2022, une « alerte » retentit sur les chaînes d'information du monde entier. La journaliste américano-palestinienne, connue pour sa couverture du conflit israélo-palestinien, vient d'être abattue à l'entrée du camp de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie occupée. Elle portait pourtant un casque et un gilet pare-balles siglé du mot « Press ».

Al-Jazeera et des témoins blâment aussitôt l'armée israélienne. Le Premier ministre israélien de l'époque, Naftali Bennett, estime quant à lui que les tirs proviennent de combattants palestiniens. Dans les semaines qui suivent, les enquêtes journalistiques s'accumulent et révèlent toutes la même origine des tirs : Israël. 

Quelques mois plus tard, l'armée publie les « conclusions » de son enquête interne : « Il y a une forte probabilité que madame Abu Akleh ait été touchée accidentellement par un tir de l'armée israélienne visant des suspects identifiés comme des hommes armés palestiniens ».

Qui a tiré ? S'agissait-il vraiment d'un « accident » ? Le documentaire « Who killed Shireen ? » (« Qui a tué Shireen ? »), diffusé par le site indépendant Zeteo, pointe pour la première fois un suspect : le soldat d'élite Alon Scaggio.

« Israël a tout fait pour cacher l'identité du soldat. Ils ne voulaient pas transmettre cette information aux États-Unis, ne voulaient pas laisser les Américains l'interroger, ne voulaient pas leur transmettre son témoignage, ils ne voulaient pas leur donner son nom », explique à l'AFP Dion Nissenbaum, journaliste à l'origine du film. 

- Israël vs États-Unis -

Aidé notamment par la reporter Fatima AbdulKarim, qui travaille pour le New York Times en Cisjordanie occupée, et par le producteur Conor Powell, cet ex-correspondant du Wall Street Journal au Moyen-Orient a pu recueillir les témoignages de deux soldats israéliens présents à Jénine le 11 mai 2022 ainsi que ceux de hauts responsables américains.

Alon Scaggio, alors âgé de 20 ans, avait terminé une formation dans les Duvdevan, unité d'élite de l'armée israélienne, trois mois plus tôt, selon le documentaire.

« Il l'a tuée intentionnellement. Il n'y a pas de doute à ce sujet. La question est de savoir s'il savait qu'elle était journaliste et plus précisément qu'il s'agissait de Shireen Abu Akleh. Les ordres venaient-ils d'en haut ? Personnellement, je ne pense pas qu'il y ait eu d'ordre. Je ne pense pas qu'il savait qu'il s'agissait de Shireen, mais elle portait un gilet pare-balles tagué +Press+ », explique M. Nissenbaum. 

« Les preuves indiquent un meurtre intentionnel de Shireen Abu Akleh. Savaient-ils qui c'était ? Cela peut faire l'objet d'un débat, mais ils devaient absolument savoir qu'il s'agissait d'une personne des médias ou, au minimum, qu'il ne s'agissait pas d'un combattant », témoigne dans le documentaire un haut responsable de l'administration Biden d'avant Joe Biden sous couvert d'anonymat.

Le documentaire soutient également que les États-Unis n'ont pas fait pression outre mesure pour creuser cette affaire afin de ne pas entacher leur relation avec leur allié.

« Ce n'était pas un sujet dans les échanges entre le président (Joe Biden) et le Premier ministre », déclare le conseiller à la sécurité nationale de M. Bennett, Eyal Hulata.

Le sénateur américain Chris Van Hollen (démocrate) témoigne avoir demandé à Joe Biden, avec des collègues, qu'un rapport détaillé sur cette affaire soit « déclassifié ». En vain. 

- Impunité -

Selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), dont les données remontent à 1992, « il s'agit de la première fois qu'un suspect potentiel est nommé en lien avec le meurtre d'un journaliste par un Israélien ».

L'impunité de ce « meurtre » a, selon cette organisation basée à New York, « donné concrètement à Israël la permission d'en taire des centaines d'autres ». Selon Reporters sans frontières, environ 200 journalistes ont été tués en 18 mois de frappes israéliennes à Gaza. 

Un porte-parole de l'armée israélienne a dénoncé la divulgation « par la famille » du nom d'un soldat « alors qu'il n'y a pas de conclusion définitive » quant à l'identité du tireur.

Mais Alon Scaggio ne pourra jamais répondre aux questions : l'armée souligne qu'il est « tombé lors d'une opération ».

Au début de son enquête, l'équipe de Dion Nissenbaum pensait que le soldat avait été tué à Gaza, avant d'en arriver à la conclusion que sa mort est survenue à Jénine. Le 27 juin 2024, soit près de deux ans après la mort de Shireen Abu Akleh. 


Le ministre saoudien des Affaires étrangères reçoit son homologue iranien à Djeddah

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, s'adresse à l'AFP lors d'une interview au consulat iranien de Jeddah, le 7 mars 2025. (AFP)
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, s'adresse à l'AFP lors d'une interview au consulat iranien de Jeddah, le 7 mars 2025. (AFP)
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  • M. Araqchi s'est rendu à Djeddah pour rencontrer de hauts responsables saoudiens
  • Cette visite précède d'éventuelles discussions indirectes entre les États-Unis et l'Iran, qui se tiendront dimanche à Oman.

RIYAD : Le ministre saoudien des Affaires étrangères Faisal ben Farhane a reçu samedi son homologue iranien Abbas Araqchi à Djeddah, a rapporté la chaîne d'information Al Arabiya.

M. Araqchi s'est rendu à Djeddah pour rencontrer de hauts responsables saoudiens et discuter des questions bilatérales et des développements régionaux et internationaux.

Il devrait ensuite se rendre au Qatar pour participer au sommet du dialogue Iran-Monde arabe à Doha, a déclaré vendredi un porte-parole du ministère iranien.

Cette visite précède également d'éventuelles discussions indirectes entre les États-Unis et l'Iran, qui auront lieu dimanche à Oman.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Derrière le soutien d'Israël aux druzes, l'objectif d'affaiblir durablement la Syrie

Des religieux druzes assistent aux funérailles de membres de la minorité syrienne qui ont été tués lors de récents affrontements sectaires, dans le village de Salkhad, dans le gouvernorat de Suwayda, au sud du pays, le 3 mai 2025. (AFP)
Des religieux druzes assistent aux funérailles de membres de la minorité syrienne qui ont été tués lors de récents affrontements sectaires, dans le village de Salkhad, dans le gouvernorat de Suwayda, au sud du pays, le 3 mai 2025. (AFP)
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  • L'attachement affiché par Israël à défendre les druzes syriens s'accorde, de l'aveu même de certains de ses dirigeants, avec un but stratégique de long terme: l'affaiblissement de la Syrie
  • Pour le Premier ministre Benjamin Netanyahu, il s'agissait d'adresser un "message clair": Israël ne permettra aucun "déploiement de forces [armées syriennes] au sud de Damas" ni aucune "menace" contre les druzes

Jérusalem, Non défini: L'attachement affiché par Israël à défendre les druzes syriens s'accorde, de l'aveu même de certains de ses dirigeants, avec un but stratégique de long terme: l'affaiblissement de la Syrie.

A la suite de heurts intercommunautaires sanglants dans ce pays, Israël, qui occupe une partie de son territoire depuis 1967, a invoqué la protection de la minorité druze pour justifier plusieurs frappes, dont une le 3 mai à proximité du palais présidentiel à Damas.

Pour le Premier ministre Benjamin Netanyahu, il s'agissait d'adresser un "message clair": Israël ne permettra aucun "déploiement de forces [armées syriennes] au sud de Damas" ni aucune "menace" contre les druzes.

Dès mars, l'Etat hébreu avait menacé d'intervenir si le nouveau pouvoir qui a fait tomber Bachar al-Assad "s'en [prenait] aux druzes".

Toutefois, selon Andreas Krieg, maître de conférences au King's College de Londres, Israël n'est pas mu par "un souci altruiste": il "se sert [des druzes] comme d'un prétexte pour justifier son occupation militaire" en Syrie.

Dans une déclaration révélatrice des intentions d'Israël, le ministre des Finances Bezalel Smotrich a affirmé que son gouvernement ne mettrait pas fin à la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 par le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza avant que "la Syrie [soit] démantelée".

"Pour contenir la situation", le président syrien par intérim, Ahmad al-Chareh, a confirmé mercredi "des discussions indirectes" avec Israël. Interrogée par l'AFP, la diplomatie israélienne n'a pas commenté.

- "Autonomie druze" -

Enferré depuis le 7-Octobre dans une guerre qui a largement débordé des frontières d'Israël, M. Netanyahu répète que son pays se bat pour sa survie et qu'il est déterminé à "changer le Moyen-Orient".

En 2015, alors membre de l'Institut d'études pour la sécurité nationale (INSS), son ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, avait défendu un morcellement de la Syrie en diverses entités ethno-religieuses, prévoyant une "autonomie druze dans le sud".

Le projet rappelle le découpage de la Syrie imposé dans l'Entre-deux-guerres par la France, alors puissance mandataire. Paris avait dû y renoncer sous la pression des nationalistes syriens, y compris druzes.

Grand voisin d'Israël au nord-est, la Syrie a participé à trois guerres israélo-arabes, en 1948-1949, 1967 et 1973.

La dernière a consacré la mainmise d'Israël sur la partie du Golan syrien conquise en 1967 (et annexée depuis 1981).

Dans la foulée de la chute de M. Assad, Israël a pris le contrôle de la zone démilitarisée sous contrôle de l'ONU au Golan et mené des centaines de frappes sur des cibles militaires en Syrie.

Objectif affiché: empêcher que les armes du pouvoir déchu ne tombent entre les mains des nouvelles autorités, issues de la mouvance islamiste, et dans lesquelles le gouvernement israélien voit un ennemi.

Les druzes, adeptes d'une religion syncrétique issue de l'islam chiite, sont présents surtout en Syrie, au Liban et en Israël.

Israël recense quelque 152.000 druzes, selon les dernières données disponibles. Ce chiffre inclut les 24.000 druzes habitant dans la partie annexée du Golan, dont moins de 5% ont la nationalité israélienne.

- Contrer la Turquie -

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), des affrontements avec les forces de sécurité du nouveau pouvoir fin avril ont fait 126 morts dans des zones majoritairement druzes et chrétiennes proches de Damas et dans le bastion druze de Soueïda (sud-ouest).

Après ces heurts, cheikh Hikmat al-Hajri, sommité religieuse druze syrienne, a réclamé l'envoi d'une force de protection internationale, et souscrit à une déclaration communautaire affirmant que les druzes constituent "une partie inaliénable" de la Syrie.

En Israël, des druzes ont participé à plusieurs manifestations réclamant que le gouvernement défende leurs coreligionnaires en Syrie.

Loyaux à Israël, les druzes sont surreprésentés dans l'armée et la police, par rapport à leur importance dans la population.

"Israël se sent redevable vis-à-vis des druzes et de leur engagement exceptionnel dans l'armée", note Efraïm Inbar, chercheur à l'INSS.

Selon lui, les défendre s'inscrit aussi dans la géopolitique recomposée de l'après-Assad où Israël "tente de protéger les minorités druze et kurde de la majorité sunnite et d'éviter que la Turquie n'étende son influence à la Syrie".

A rebours d'Israël, Ankara, aux prises avec son propre problème kurde, soutient les nouvelles autorités de Damas et ne veut surtout pas voir se consolider les positions kurdes dans le nord-est de la Syrie, le long de sa frontière.