En Afrique de l'Est, des oiseaux savent distinguer les appels des chasseurs de miel

 En Afrique de l'Est, des chasseurs de miel lancent des appels à une espèce d'oiseaux, nommée «Grand Indicateur», qui les conduisent jusqu'à des essaims d'abeilles sauvages. (AFP)
 En Afrique de l'Est, des chasseurs de miel lancent des appels à une espèce d'oiseaux, nommée «Grand Indicateur», qui les conduisent jusqu'à des essaims d'abeilles sauvages. (AFP)
Short Url
Publié le Vendredi 08 décembre 2023

En Afrique de l'Est, des oiseaux savent distinguer les appels des chasseurs de miel

  • Les Hadza utilisent un sifflement mélodique pour établir un partenariat avec les Grands Indicateurs, tandis que les Yao du Mozambique se servent eux d'un roulement de consonnes suivi d'un grognement
  • Une fois qu'une ruche est découverte, les hommes l'ouvrent et en récupèrent le miel et les larves, les oiseaux se délectant pour leur part de la cire d'abeilles désormais accessible

WASHINGTON: En Afrique de l'Est, des chasseurs de miel lancent des appels à une espèce d'oiseaux, nommée "Grand Indicateur", qui les conduisent jusqu'à des essaims d'abeilles sauvages, une collaboration homme-animal engendrant un bénéfice mutuel, selon une étude publiée jeudi dans la revue Science.

Cette étude montre que des oiseaux "guides" en Tanzanie et au Mozambique font la distinction entre les différents appels de chasseurs de miel, répondant plus promptement à ceux qui proviennent de leur propre région.

"L'attribution d'une signification à des sons arbitraires ou semi-arbitraires est l'une des caractéristiques du langage humain", a expliqué à l'AFP Claire Spottiswoode, autrice principale de l'étude et spécialiste en biologie de l'évolution à l'université de Cambridge.

Ce phénomène "s'étend à nos interactions avec d'autres espèces, ce qui montre à quel point nous sommes en continuité avec le reste du monde naturel", selon les chercheurs.

Les Hadza, un groupe de chasseurs-cueilleurs du nord de la Tanzanie, utilisent un sifflement mélodique pour établir un partenariat avec les Grands Indicateurs, tandis que les Yao du Mozambique se servent eux d'un roulement de consonnes suivi d'un grognement.

Une fois qu'une ruche est découverte, les hommes l'ouvrent et en récupèrent le miel et les larves, les oiseaux se délectant pour leur part de la cire d'abeilles désormais accessible.

A l'aide de modèles mathématiques et d'enregistrements audio, Claire Spottiswoode et Brian Wood, anthropologue à UCLA et co-auteur de l'étude, ont examiné ces signaux, leur utilité pour les humains et leurs effets sur les oiseaux.

«Coévolution culturelle»

Ils ont constaté que les Grands Indicateurs de Tanzanie étaient trois fois plus enclins à coopérer après avoir entendu un sifflement Hadza plutôt qu'un appel Yao, considéré comme "étranger".

A l'inverse, les Grands Indicateurs du Mozambique étaient presque deux fois plus susceptibles de collaborer après avoir entendu un grognement Yao plutôt qu'un sifflement Hadza "étranger".

Pour les chercheurs, il s'agit d'un exemple de "coévolution culturelle": les humains d'une région ont plus de chances de réussite s'ils s'en tiennent à la tradition locale, tout comme les oiseaux de cette région sont à l'écoute des appels locaux spécifiques.

Ces différences marquées entre les communautés pourraient être liées à des considérations pratiques.

Les Hadza chassent des mammifères avec des arcs et des flèches, et l'utilisation d'un sifflement similaire à celui d'un oiseau réduit le risque d'effrayer les autres proies qui les intéressent.

De leur côté, les Yao ne chassent pas de mammifères et leurs grognements pourraient être un bon moyen d'éloigner les éléphants ou buffles qu'ils ne souhaitent pas prendre au dépourvu en cas de rencontre rapprochée.

"Pas seulement chez les Hadza, mais dans toutes les cultures de chasseurs du monde entier, les gens utilisent le sifflement comme un type de communication cryptée, afin de transmettre des informations tout en évitant d'être détectés par des proies", a souligné Brian Wood.

«Relation prospère»

Comprendre comment les Grands Indicateurs apprennent à reconnaître les appels humains locaux pourrait faire l'objet d'études futures.

Peut-être qu'ils observent et imitent le comportement d'oiseaux plus âgés, ou qu'ils établissent une association positive entre les signaux humains et une récompense. Les chercheurs ignorent aussi à quand remonte ce type de partenariat.

Il a fallu attendre une étude fondamentale publiée en 1989 pour que la communauté scientifique soit convaincue que la relation entre l'oiseau-guide et les chasseurs de miel était réelle, et pas simplement une légende ou une superstition.

Mais cette pratique disparaît lentement, en partie à cause des changements dans la façon dont les populations se procurent des aliments sucrés et en partie parce que les personnes ne peuvent plus interagir avec ces oiseaux dans les parcs naturels protégés.

"Les oiseaux nous appellent toujours mais nous ne les suivons pas systématiquement", a souligné Claire Spottiswoode.

"Nous devrions vraiment chérir ces derniers endroits où cette relation prospère toujours et où cette riche culture inter-espèces existe encore", a-t-elle poursuivi.


Dans l'est ukrainien pilonné par les drones, les routes se couvrent de filets

Depuis des mois, Moscou attaque les hommes et les véhicules avec de petits drones FPV ("First Person view", ou "vue subjective" en français). Dotés d'une caméra embarquée, ces engins permettent à leurs pilotes de voir les images du terrain en direct comme s'ils étaient à bord.  Ces drones restent identiques à ceux que l'on trouve dans le commerce, mais sont équipés d'explosifs. (AFP)
Depuis des mois, Moscou attaque les hommes et les véhicules avec de petits drones FPV ("First Person view", ou "vue subjective" en français). Dotés d'une caméra embarquée, ces engins permettent à leurs pilotes de voir les images du terrain en direct comme s'ils étaient à bord. Ces drones restent identiques à ceux que l'on trouve dans le commerce, mais sont équipés d'explosifs. (AFP)
Short Url
  • Ces drones restent identiques à ceux que l'on trouve dans le commerce, mais sont équipés d'explosifs
  • Si, après trois ans d'invasion meurtrière de l'Ukraine par la Russie, leur utilisation est devenue courante des deux côtés, leur nombre et leur portée ne cessent d'augmenter

DOBROPILLIA: Sur l'autoroute de Dobropillia, dans l'est ukrainien, une voiture gît, un trou béant en guise de moteur, les portières constellées d'éclats: elle vient d'être touchée par un drone russe, à plus de 25 km du front.

Depuis des mois, Moscou attaque les hommes et les véhicules avec de petits drones FPV ("First Person view", ou "vue subjective" en français). Dotés d'une caméra embarquée, ces engins permettent à leurs pilotes de voir les images du terrain en direct comme s'ils étaient à bord.

Ces drones restent identiques à ceux que l'on trouve dans le commerce, mais sont équipés d'explosifs.

Si, après trois ans d'invasion meurtrière de l'Ukraine par la Russie, leur utilisation est devenue courante des deux côtés, leur nombre et leur portée ne cessent d'augmenter.

Pour s'en prémunir, le commandant Denis et son équipe couvrent les routes du Donbass de kilomètres de filets verts, montés sur des poteaux de quatre mètres, donnant à l’ensemble des allures de courts de tennis géants qui s'étend à travers champs.

"Quand un drone heurte le filet, sa course est court-circuitée et il ne peut pas cibler les véhicules", explique, sous un soleil de plomb, le jeune commandant de brigade du génie de 27 ans.

Une protection efficace, selon les soldats ukrainiens, même si les pilotes russes arrivent à pénétrer les filets par des ouvertures et attendent, depuis l'intérieur, le passage de véhicules pour attaquer.

L'armée russe recouvre également ses axes routiers pour abriter les lignes d'approvisionnement proches du front, selon un rapport du ministère russe de la Défense datant d'avril.

Les yeux vers le ciel 

"C'est la guerre des drones", résume Denis. Son équipe et lui sont protégés par des soldats équipés de fusils à pompe chargés d'abattre les FPV, qui ont déjà grièvement blessé plusieurs de ses hommes. "Même les civils ont fini par s'habituer", lâche le commandant.

Sous les filets, une voiture soviétique fonce, un drapeau blanc accroché à l'antenne, dans l'espoir de ne pas être prise pour cible.

Serveuse dans un petit café-supérette à Dobropillia, Olga a fini par prendre d'étonnants réflexes : "Quand je conduis, j'ouvre les vitres pour éviter les éclats de verre si jamais le drone me touche", explique-t-elle à l'AFP avec un naturel déconcertant.

Olga, 45 ans, garde aussi son sac sur le siège à côté d'elle "pour pouvoir sauter rapidement" de la voiture en cas d'attaque.

Derrière son comptoir, la blonde aux yeux bleu électrique écoute les récits de ses clients, victimes des attaques quotidiennes.

"J'ai été poursuivi par un FPV sur 200 mètres", raconte l'un, "il est tombé devant moi", décrit l'autre en faisant des gestes vers le ciel.

Nouvelle tactique 

Le danger ne se limite pas aux routes. Depuis début juillet, l'armée russe a commencé à utiliser ses drones FPV pour frapper la ville de Dobropillia.

Selon les soldats ukrainiens, c'est la première fois qu'une ville aussi éloignée du front est massivement et quotidiennement touchée, révélant de nouvelles tactiques russes.

Pourtant, les rues semblent paisibles, des mères de famille font leurs courses avec leurs enfants. Mais, quand elles n'ont pas les yeux en l'air pour tenter d'apercevoir des drones, elles les gardent rivés au téléphone, pour s'informer sur la messagerie Telegram de la présence de FPV au-dessus de la ville.

Soudain, un sinistre zonzonnement de drone emplit l'atmosphère. Tout le monde se précipite dans les magasins et s'accroupit, les visages déformés par la peur.

La menace passée, une femme sort timidement de son abri, le nez vers le ciel, puis reprend ses sacs de courses laissés au sol et repart comme si de rien n'était. Un spectacle angoissant devenu quotidien.

L'échoppe voisine de celle d'Olga a récemment été touchée par un FPV, laissant sa propriétaire dans le coma. Une atmosphère "effrayante" s'est installé en ville, décrit-elle.

"Maintenant, on sursaute à chaque courant d'air", raconte Olga à l'AFP. "La journée passe, la nuit passe, et on est content de se réveiller, avec encore des bras et des jambes".

Tous en danger 

Malgré les attaques sur les routes, Olga reçoit ce dont elle a besoin pour faire tourner son petit café, les fournisseurs faisant un détour par des chemins plus éloignés du front.

Mais elle ne sait pas pour combien de temps: "tout est en suspens maintenant, nous vivons au jour le jour", dit-elle.

Chaque jour, les victimes  affluent dans le petit hôpital de la ville. Selon son directeur, Vadym Babkov, les FPV "n'épargnent ni les travailleurs médicaux ni les civils".

Comme les routes "ne sont pas encore couvertes à 100 %" par les filets, les ambulances doivent prendre des détours de plusieurs kilomètres, diminuant l'espoir de survie des patients, explique l'homme de 60 ans.

"Maintenant, nous sommes tous en danger", conclut Vadym, sombre.


Inde: les pilotes rejettent les premières conclusions sur l'accident du vol 171 d'Air India

Dans un premier rapport publié samedi, le Bureau indien d'enquête sur les accidents aériens (AAIB) a révélé que l'alimentation en kérosène des deux réacteurs de l'avion avait été interrompue juste après son décollage d'Ahmedabad.  Cette coupure des interrupteurs a causé une brusque perte de puissance des deux moteurs de l'avion, qui est tombé sur des bâtiments proches de l'aéroport en causant 260 morts. (AFP)
Dans un premier rapport publié samedi, le Bureau indien d'enquête sur les accidents aériens (AAIB) a révélé que l'alimentation en kérosène des deux réacteurs de l'avion avait été interrompue juste après son décollage d'Ahmedabad. Cette coupure des interrupteurs a causé une brusque perte de puissance des deux moteurs de l'avion, qui est tombé sur des bâtiments proches de l'aéroport en causant 260 morts. (AFP)
Short Url
  • L'enregistreur des conversations du cockpit a indiqué que l'un des pilotes avait demandé à l'autre "pourquoi il a coupé l'alimentation en carburant" et que ce dernier avait répondu "qu'il ne l'a pas fait", a toutefois précisé l'AAIB
  • Les enquêteurs n'ont pas publié la retranscription exacte de leur dialogue

NEW DELHI: Deux associations de pilotes de ligne indiens ont vivement rejeté les résultats préliminaires de l'enquête sur l'accident du Boeing 787 d'Air India le 12 juin dans le nord-est de l'Inde, qui suggèrent la possibilité d'une erreur humaine.

Dans un premier rapport publié samedi, le Bureau indien d'enquête sur les accidents aériens (AAIB) a révélé que l'alimentation en kérosène des deux réacteurs de l'avion avait été interrompue juste après son décollage d'Ahmedabad.

Cette coupure des interrupteurs a causé une brusque perte de puissance des deux moteurs de l'avion, qui est tombé sur des bâtiments proches de l'aéroport en causant 260 morts.

Le document de l'AAIB ne tire pour l'heure aucune conclusion ni ne pointe aucune responsabilité .

L'enregistreur des conversations du cockpit a indiqué que l'un des pilotes avait demandé à l'autre "pourquoi il a coupé l'alimentation en carburant" et que ce dernier avait répondu "qu'il ne l'a pas fait", a toutefois précisé l'AAIB.

Les enquêteurs n'ont pas publié la retranscription exacte de leur dialogue.

"Nous avons le sentiment que l'enquête suit une piste qui présume la responsabilité des pilotes et nous nous y opposons fermement", a réagi l'Association des pilotes de ligne indiens (ALPA).

L'ALPA, qui revendique 800 membres, a regretté le "secret" qui entoure l'enquête et regretté de ne pas y être associée en tant qu'"observatrice".

Une autre organisation, l'Association des pilotes commerciaux indiens (ICPA), s'est pour sa part déclarée "très perturbée par ces spéculations (...) notamment celles qui insinuent de façon infondée l'idée du suicide d'un pilote".

"Une telle hypothèse n'a aucune base en l'état actuel de l'enquête", a poursuivi l'ICPA en réaction aux propos d'experts suggérant que la catastrophe pourrait être le fruit du suicide d'un pilote.

La catastrophe aérienne, la plus meurtrière depuis 2014 dans le monde, a causé la mort de 241 passagers et membres d'équipage du Boeing 787, ainsi que 19 autres personnes au sol.

Un passager a miraculeusement survécu.

 


Russie: le suicide apparent d'un ministre sème la peur au sein de l'élite

Roman Starovoït avait été gouverneur de la région russe de Koursk, frontalière de l'Ukraine, avant d'être promu ministre à Moscou en mai 2024, trois mois avant que les troupes ukrainiennes ne prennent le contrôle d'une petite partie de ce territoire lors d'une offensive surprise. Une attaque qui avait été un revers pour le Kremlin. (AFP)
Roman Starovoït avait été gouverneur de la région russe de Koursk, frontalière de l'Ukraine, avant d'être promu ministre à Moscou en mai 2024, trois mois avant que les troupes ukrainiennes ne prennent le contrôle d'une petite partie de ce territoire lors d'une offensive surprise. Une attaque qui avait été un revers pour le Kremlin. (AFP)
Short Url
  • Si les circonstances de la mort de Roman Starovoït, âgé de 53 ans, restent floues, les médias russes ont évoqué une enquête pour corruption le visant, assurant qu'il devait être arrêté prochainement
  • Limogé par le président Vladimir Poutine, il s'est probablement donné la mort, selon les premiers résultats de l'enquête, qui est en cours

SAINT-PETERSBOURG: Le suicide probable du ministre russe des Transports, Roman Starovoït, annoncé peu après son limogeage lundi par Vladimir Poutine sur fond d'allégations de corruption, a profondément choqué l'élite politique, où chacun redoute de faire les frais de la chasse aux profiteurs.

Ses funérailles ont eu lieu vendredi dans un cimetière de Saint-Pétersbourg en présence de sa famille et de collègues, mais en l'absence de M. Poutine qui n'a pas non plus participé à la cérémonie d'adieu jeudi.

Si les circonstances de la mort de Roman Starovoït, âgé de 53 ans, restent floues, les médias russes ont évoqué une enquête pour corruption le visant, assurant qu'il devait être arrêté prochainement.

Limogé par le président Vladimir Poutine, il s'est probablement donné la mort, selon les premiers résultats de l'enquête, qui est en cours.

"C'est une grande perte pour nous, très inattendue. Nous sommes tous choqués", a déclaré à l'AFP Vassilissa, 42 ans, l'épouse d'un collègue de M. Starovoït, lors de la cérémonie de jeudi.

"Il était tellement actif, joyeux, il aimait énormément la vie. Je ne comprends pas comment cela a pu arriver", ajoute cette femme, les larmes aux yeux.

Après avoir déposé devant le cercueil de grands bouquets de roses rouges, des anciens collègues de M. Starovoït, en costumes sombres, sont repartis très vite dans leurs luxueuses voitures noires.

Dans une ambiance très lourde rappelant les funérailles dans le film culte "Le Parrain" de Francis Ford Coppola, d'autres personnes interrogées par les journalistes de l'AFP dans la foule ont refusé de parler.

"Bouc émissaire" 

Roman Starovoït avait été gouverneur de la région russe de Koursk, frontalière de l'Ukraine, avant d'être promu ministre à Moscou en mai 2024, trois mois avant que les troupes ukrainiennes ne prennent le contrôle d'une petite partie de ce territoire lors d'une offensive surprise. Une attaque qui avait été un revers pour le Kremlin.

Son successeur à la tête de cette région, Alexeï Smirnov, a lui été arrêté au printemps pour le détournement des fonds destinés à renforcer les fortifications à la frontière. Celle-là même que les Ukrainiens ont traversé facilement, pour n'être repoussés que neuf mois plus tard.

Les autorités "ont essayé de faire de lui (Roman Starovoït) un bouc émissaire", accuse auprès de l'AFP Andreï Pertsev, analyste du média indépendant Meduza, reconnu "indésirable" et interdit en Russie.

L'incursion ukrainienne "s'est principalement produite parce qu'il n'y avait pas assez de soldats pour protéger la frontière", mais c'était "plus facile de rejeter la faute sur un responsable civil", explique-t-il.

L'affaire Starovoït s'inscrit dans une vague récente de répression visant de hauts responsables soupçonnés de s'être enrichis illégalement pendant l'offensive russe en Ukraine. Et selon des analystes, si les scandales de corruption on toujours existé en Russie, la campagne militaire a changé les règles du jeu politique.

"Il existait des règles auparavant, selon lesquelles les gens savaient: une fois qu'ils montaient suffisamment haut, on ne les embêtait plus", estime M. Pertsev. "Mais elles ne fonctionnent plus."

"On ne vole pas" 

Alors que Vladimir Poutine promettait régulièrement de s'attaquer à la corruption - étant lui même accusé de s'être enrichi illégalement par ses détracteurs -, les rares arrestations médiatisées ont été davantage utilisées pour cibler des opposants ou résultaient de luttes internes entre les échelons inférieurs du pouvoir en Russie.

Depuis l'offensive en Ukraine lancée en février 2022, "quelque chose dans le système a commencé à fonctionner de manière complètement différente", souligne la politologue Tatiana Stanovaïa du Centre Carnegie Russie Eurasie, interdit en Russie en tant qu'organisation "indésirable".

"Toute action ou inaction qui, aux yeux des autorités, accroît la vulnérabilité de l'État face aux actions hostiles de l'ennemi doit être punie sans pitié et sans compromis", estime Mme Stanovaïa en définissant la nouvelle approche du pouvoir.

Pour le Kremlin, la campagne en Ukraine est une "guerre sainte" qui a réécrit les règles, confirme Nina Khrouchtcheva, professeure à The New School, une université de New York, et arrière-petite-fille du dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev.

"Pendant une guerre sainte, on ne vole pas (...) on se serre la ceinture et on travaille 24 heures sur 24", résume-t-elle.

Signe des temps, plusieurs généraux et responsables de la Défense ont été arrêtés pour des affaires de détournement de fonds ces dernières années. Début juillet, l'ancien vice-ministre de la Défense Timour Ivanov a été condamné à 13 ans de prison.

Cette ambiance, selon Mme Stanovaïa, a créé un "sentiment de désespoir" au sein de l'élite politique à Moscou, qui est peu susceptible de s'atténuer.

"À l'avenir, le système sera prêt à sacrifier des figures de plus en plus en vue," avertit-elle.