L'Assemblée nationale rejette la loi immigration, une déroute pour le gouvernement

Ce coup de tonnerre politique qui sonne comme une déroute à la fois pour le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et pour le président Emmanuel Macron (Photo, AFP).
Ce coup de tonnerre politique qui sonne comme une déroute à la fois pour le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et pour le président Emmanuel Macron (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Mardi 12 décembre 2023

L'Assemblée nationale rejette la loi immigration, une déroute pour le gouvernement

  • L'exécutif peut choisir désormais de laisser le texte poursuivre son parcours législatif au Sénat, pour une deuxième lecture, ou décider de le retirer.
  • Gérald Darmanin, qui s'était fait fort de réussir à trouver une majorité sur ce texte, malgré les multiples avertissements de LR, n'a finalement pas réussi son pari

PARIS: L'Assemblée nationale a rejeté lundi le projet de loi sur l'immigration, un coup de tonnerre politique qui sonne comme une déroute à la fois pour le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et pour le président Emmanuel Macron.

M. Darmanin s'est immédiatement rendu lundi soir à l'Elysée où il a remis sa démission au président de la République qui l'a refusée. "C'est un échec", a reconnu le ministre sur TF1, tout en fustigeant "l'alliance des contraires" qui a abouti à ce vote.

La Première ministre Elisabeth Borne a de son côté accusé les oppositions de "refuser le débat".

270 députés ont voté pour la motion de rejet préalable des écologistes, 265 votant contre. Les groupes Les Républicains (LR) et Rassemblement national (RN), qui avaient maintenu ces derniers jours le suspense sur leur vote, ont dévoilé dans l'hémicycle seulement leur intention d'approuver la motion et pour la circonstance de s'allier à la gauche.

Neuf députés de la majorité n'ont pas pris part à ce vote qui coupe court à tout débat de fond à l'Assemblée sur le projet de loi.

L'exécutif peut choisir désormais de laisser le texte poursuivre son parcours législatif au Sénat, pour une deuxième lecture, ou en commission mixte paritaire Sénat-Assemblée, ou encore décider de le retirer.

"Nous verrons ce que nous déciderons", a déclaré Gérald Darmanin en précisant que le chef de l'Etat avait demandé que lui soit présentée dès mardi "une suite pour ce texte".

De leur côté, les trois groupes du camp présidentiel (Renaissance-MoDem-Horizons) ont appelé lundi à ne pas retirer le projet de loi immigration et à poursuivre le "processus législatif (...) le plus rapidement possible".

Lever les «blocages»

Emmanuel Macron attend du gouvernement des propositions pour lever les "blocages" et "aboutir à un texte de loi efficace", a précisé l'Elysée.

Elisabeth Borne a convié les ministres concernés et les présidents de groupes parlementaires de la majorité lundi soir pour une réunion de crise. Rien n'y a été tranché, a indiqué une source de l'exécutif.

Gérald Darmanin, qui s'était fait fort de réussir à trouver une majorité sur ce texte, malgré les multiples avertissements de LR, n'a finalement pas réussi son pari.

A l'Assemblée, la gauche et le RN ont salué debout dans l'hémicycle l'adoption de la motion de rejet, des députés de gauche appelant à la démission du ministre.

Les écologistes ont invité dans un communiqué le gouvernement à tirer les conséquences de sa défaite en retirant "définitivement" son texte. "Abandonnons cette mauvaise loi !", a commenté sur X le président du groupe PS Boris Vallaud.

Après le «naufrage» du projet de loi immigration, les ONG appellent à «retirer» le texte

"Tout renvoi du texte vers le Sénat ou une commission mixte paritaire serait une manœuvre politicienne désastreuse", écrivent 23 organisations engagées dans la défense des droits des étrangers dans un communiqué commun, parmi lesquelles la LDH, le Gisti, Utopia 56 ou encore Solidaires.

"Il faut arrêter de s'entêter et retirer le texte", a tranché auprès de l'AFP Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de La Cimade, l'une des associations qui avaient organisé un rassemblement contre ce projet de loi en début d'après-midi près de l'Assemblée nationale.

"Ce qui s'est passé confirme ce qu'on dit depuis plusieurs mois: ce texte est un naufrage annoncé. La communication démagogique du gouvernement a fait peser une pression considérable sur ce projet de loi, dont on sait pourtant depuis le début qu'il n'existe pas de majorité pour le voter", a-t-elle ajouté.

La macronie "a fini par exaspérer toutes les oppositions. L'arrogant Darmanin a braqué tout le monde. Le début de la fin est commencé", a commenté le chef de file des Insoumis Jean-Luc Mélenchon.

Ces derniers jours, la majorité ne semblait pas croire à un vote de la motion, estimant qu'il serait très difficile pour LR de refuser le débat sur le projet de loi et de voter à l'unisson des écologistes.

Le président de LR Eric Ciotti, qui n'a cessé ces derniers mois de faire monter la pression sur ce projet de loi, a défendu lundi la "cohérence" d'un vote destiné non pas à "interrompre les débats" mais à faire en sorte qu'ils "se poursuivent sur une base beaucoup plus crédible", en reprenant la version élaborée par les sénateurs en première lecture.

Une majorité des députés LR (40 élus sur 62) a voté pour la motion de rejet, 2 ont voté contre, signe de la relative cohésion des députés du groupe autour de son président Olivier Marleix.

"Nous avons protégé les Français d'un appel d'air migratoire", a estimé pour sa part Marine Le Pen (RN), évoquant devant la presse à l'Assemblée un "désaveu extrêmement puissant pour le gouvernement".

Les débats avaient débuté à 16H00 sur ce texte, en gestation depuis un an, qui vise notamment à faciliter les expulsions des étrangers jugés dangereux d'un côté et à permettre la régularisation de travailleurs sans-papiers dans certains métiers en tension.

«Qui a peur du débat ?»

Gérald Darmanin était apparu sur la défensive dans son propos introductif. "Qui a peur du débat? Ceux qui vont, dans une alliance contre-nature, se mettre d'accord pour que les Français ne voient pas les choses avancer?", a-t-il demandé dans l'hémicycle.

"Bien sûr, ce texte mérite d’être amélioré et la main du gouvernement est tendue", a poursuivi le ministre.

Ces propos n'ont pas suffi à convaincre les oppositions. Dans son discours, le député du groupe écologiste Benjamin Lucas s'en était pris avec virulence aux procédés "démagogiques et fallacieux" d'un ministre qui s'est livré à un "vaste marchandage".

Le gouvernement aura plusieurs opportunités de préciser ses vues mardi sur les suites à donner à ce vote.

Un Conseil des ministres, antérieurement programmé, est prévu dans la matinée et la traditionnelle séance de questions au gouvernement aura lieu l'après-midi à l'Assemblée. Quant à Gérald Darmanin, premier flic de France, il visitera tôt le matin un commissariat dans le Val-de-Marne.


Légion d'honneur, Sarkozy « prend acte », rappelant que la CEDH doit encore examiner son recours

La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
Short Url
  • L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 
  • Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain.

PARIS : L'ancien président Nicolas Sarkozy a « pris acte » dimanche de son exclusion de la Légion d'honneur et rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) doit encore se prononcer sur son recours dans l'affaire des écoutes, a indiqué son avocat Patrice Spinosi dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Nicolas Sarkozy prend acte de la décision prise par le grand chancelier. Il n’a jamais fait de cette question une affaire personnelle », a affirmé Patrice Spinosi, soulignant que si l'ancien chef de l'État « a fait valoir des arguments juridiques, c’était au nom de la fonction même de président de la République ».

L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 

« La condamnation de la France (par la CEDH) impliquera la révision de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, en même temps que l’exclusion de l’ordre de la Légion d’Honneur ; l’une n’étant que la conséquence de l’autre », a assuré Patrice Spinosi.

Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain, à qui la Légion d'honneur avait été retirée en 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi.

« Ce lien avec le maréchal Pétain est indigne », a déclaré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas (LR), prenant « acte » elle aussi de cette décision « automatique qui fait partie du code de la Légion d’Honneur ».

« Le président Sarkozy a été là pour la France à des moments extrêmement compliqués », a-t-elle déclaré, se disant « un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison ».

« C'est une règle, mais c'est aussi une honte », a déploré sur franceinfo Othman Nasrou, le nouveau secrétaire général de LR et proche de Bruno Retailleau, apportant son « soutien et son respect » à l'ex-président.

À gauche, le député écologiste Benjamin Lucas s'est félicité de la décision, appelant sur X à ce que « la République prive de ses privilèges et de son influence institutionnelle celui qui a déshonoré sa fonction et trahi le serment sacré qui lie le peuple à ses élus, celui de la probité ».


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
Short Url
  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».


Selon ManPowerGroup, l'IA pourrait réduire l'importance des « compétences » dans le recrutement

Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Short Url
  • L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences ».
  • « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

PARIS : L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences », selon un dirigeant de ManPowerGroup.

En effet, « les compétences pourraient s'avérer obsolètes dans six mois », explique Tomas Chamorro-Premuzic, directeur de l'innovation du géant américain du travail temporaire, rencontré par l'AFP au salon Vivatech, à Paris, qui ferme ses portes samedi.  Selon lui, « il vaut mieux savoir que vous travaillez dur, que vous êtes curieux, que vous avez de bonnes aptitudes relationnelles et ça, l'IA peut vous aider à l'évaluer ».

Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

Cependant, les tâches informatiques (utilisation d'Internet, messagerie, etc.) pouvant être accomplies de manière autonome par des agents d'IA connaissent une « rapide expansion ». 

Dans ce contexte, les employeurs pourraient rechercher de plus en plus de salariés dotés de compétences hors de portée de l'IA, telles que le jugement éthique, le service client, le management ou la stratégie, comme l'indique une enquête de ManpowerGroup menée auprès de plus de 40 000 employeurs dans 42 pays et publiée cette semaine.

M. Chamorro-Premuzic déplore toutefois que ces compétences ne soient pas encore davantage mises en avant dans la formation. « Pour chaque dollar que vous investissez dans la technologie, vous devez investir huit ou neuf dollars dans les ressources humaines, la transformation culturelle, la gestion du changement », dit-il.

Les craintes d'un chômage de masse provoqué par l'IA restent par ailleurs exagérées à ce stade, estime le dirigeant, malgré certaines prédictions alarmistes.

D'après Dario Amodei, patron de la société d'intelligence artificielle Anthropic, cette technologie pourrait faire disparaître la moitié des emplois de bureau les moins qualifiés d'ici cinq ans. 

« Si l'histoire nous enseigne une chose, c'est que la plupart des prévisions sont fausses », répond M. Chamorro-Premuzic.

Concernant le recrutement, activité principale de ManPowerGroup, le dirigeant ajoute que « les agents d'intelligence artificielle ne deviendront certainement pas le cœur de notre métier dans un futur proche ». Il constate également que l'IA est utilisée par les demandeurs d'emploi.

« Des candidats sont capables d'envoyer 500 candidatures parfaites en une journée, de passer des entretiens avec leurs bots et de déjouer certains éléments des évaluations », énumère-t-il.