La loi immigration laisse derrière elle une majorité fracturée

Ironie de l'histoire ou continuité politique, c'est sur l'immigration, déjà, que la majorité macroniste s'était pour la première fois fissurée, en 2018 (Photo, AFP).
Ironie de l'histoire ou continuité politique, c'est sur l'immigration, déjà, que la majorité macroniste s'était pour la première fois fissurée, en 2018 (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 20 décembre 2023

La loi immigration laisse derrière elle une majorité fracturée

  • Emmanuel Macron a bâti son pouvoir à l'Élysée avec comme contre-modèle absolu son prédécesseur François Hollande et ses frondeurs du PS
  • Mais malgré l'adoption du projet de loi immigration, c'est tout un pan de la macronie qui s'est élevé contre un texte soutenu par le RN

PARIS: Emmanuel Macron a bâti son pouvoir à l'Élysée avec comme contre-modèle absolu son prédécesseur François Hollande et ses frondeurs du PS. Mais malgré l'adoption du projet de loi immigration, c'est tout un pan de la macronie qui s'est élevé contre un texte soutenu par le RN.

Philippe Grangeon est un des cofondateurs d'En Marche en 2016. Ancien conseiller spécial du président Macron, ex-cadre de la CFDT, il ne marche plus sur la loi immigration. "Si j'étais parlementaire, je voterais avec tristesse contre", a-t-il déclaré à l'AFP.

Ce texte "tourne le dos au logiciel doctrinal de 2017 et aux valeurs humanistes. Ce n'est pas possible pour moi de le soutenir", a-t-il ajouté.

La voix de Philippe Grangeon n'est pas isolée. "Il ne fait aucun doute que la majorité va se fracturer sur ce texte. Le Modem déjà. Et Renaissance, bien sûr. Le problème c'est que vous avez de plus en plus de macronisme par affection, et de moins en moins par conviction. Et sur le terrain de la conviction, il y en a qui n'en peuvent plus", expliquait avant le scrutin un proche du président.

"La majorité a été solide", a jugé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

Mais le résultat esquisse un tableau moins positif: sur 170 députés Renaissance, 131 députés ont voté pour, vingt se sont abstenus et dix-sept ont voté contre, dont le président de la commission des Lois Sacha Houlié, les anciens ministres Stéphane Travers et Nadia Hai et l'ex-président du groupe Gilles Le Gendre.

Soit, en ajoutant les députés Horizons et Modem, 59 défections, contrebalancées par les 62 voix favorables des Républicains (LR).

Une opposition partagée par les députés apparentés Renaissance du parti de l'aile gauche En Commun, dont la députée Stella Dupont avait dénoncé "une ligne rouge majeure" franchie sur la question des allocations familiales et des aides au logement pour les étrangers.

Selon une source ministérielle, trois ministres --Aurélien Rousseau, Sylvie Retailleau, Patrice Vergriete-- avaient également mis leur démission dans la balance après l'accord en Commission mixte paritaire entre la majorité et la droite, qui a immédiatement reçu le soutien du Rassemblement national.

Sorte de pont entre la majorité et le centre-gauche réfractaire à la Nupes, la Fédération progressiste de l'ancien ministre socialiste François Rebsamen avait appelé à voter contre le texte. Et prône surtout la création d'un "groupe progressiste à l'Assemblée" pour "défendre les valeurs humanistes".

Jusqu'aux Jeunes avec Macron, qui avaient appelé dans un communiqué les parlementaires et les ministres à s'opposer à un texte "qui contreviendrait aux valeurs et aux orientations de notre famille politique".

Le précédent 2018

Ironie de l'histoire ou continuité politique, c'est sur l'immigration, déjà, que la majorité macroniste s'était pour la première fois fissurée, en 2018.

Quatorze députés du groupe s'étaient abstenus sur le projet de loi de Gérard Collomb, et un député --Jean-Michel Clément-- avait voté contre, devançant l'exclusion en quittant le groupe. Une péripétie à l'époque de la majorité absolue, mais qui était déjà très prise au sérieux.

"Abstention, péché véniel, vote contre, péché mortel", théorisait alors le macroniste en chef de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand.

Depuis, les députés du camp présidentiel ont connu la crise des "gilets jaunes", la perte de la majorité absolue, le 49.3 déclenché sur la retraite à 64 ans.

Déjà à l'époque des retraites, les réfractaires avaient fait l'objet d'une forte pression.

"On nous a dit que c'était une question d'appartenance à la majorité. On a eu le droit à la totale, +si vous ne votez pas, il y aura dissolution, vous serez responsable de l'accession au pouvoir de Marine Le Pen+", expliquait alors une des députées récalcitrantes.

Mardi, la majorité jouait encore gros. Après la stupeur de l'annonce du vote favorable du RN et une réunion de crise à l'Élysée, Élisabeth Borne avait exhorté les députés Renaissance à ne pas tomber dans ce "piège grossier" et à approuver le texte.

Du côté des alliés, si Horizons, le parti d'Édouard Philippe, a très largement approuvé le texte --28 pour, 2 contre--, le MoDem s'est assez largement divisé: trente députés centristes ont voté pour, 5 contre et 15 abstentions. Le président du groupe Jean-Paul Mattei, qui s'est abstenu, avait laissé les députés "libres de leur vote".

Allié historique du président, François Bayrou, le patron du MoDem, avait fait savoir qu'il n'accepterait pas une loi sur l'immigration "revendiquée par le RN". Sans aller jusqu'à la rupture avec le chef de l’État.


Présidentielle: Le Pen «annoncera sa décision» après son procès en appel, sans attendre la cassation

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  • Le Rassemblement national sera fixé sur le nom de sa candidate (ou de son candidat) avant les prochaines vacances d'été
  • Tel est en tout cas l'agenda fixé par Mme Le Pen dans un entretien au mensuel conservateur Causeur, publié jeudi

PARIS: Candidate déclarée à la prochaine présidentielle malgré son inéligibilité, Marine Le Pen affirme qu'elle ne se présentera "évidemment pas" si sa peine est confirmée en appel et qu'elle "annoncera donc (sa) décision" dans la foulée, sans attendre une éventuelle cassation.

Le Rassemblement national sera fixé sur le nom de sa candidate (ou de son candidat) avant les prochaines vacances d'été. Tel est en tout cas l'agenda fixé par Mme Le Pen dans un entretien au mensuel conservateur Causeur, publié jeudi.

Condamnée en première instance - dans l'affaire des assistants parlementaires européens - à une peine d'inéligibilité de cinq ans avec application immédiate, la triple candidate à l'élection présidentielle admet qu'elle ne pourra "évidemment pas" se représenter une quatrième fois si cette peine devait être confirmée en appel.

"Je prendrai ma décision de me présenter ou non lors du rendu de l'arrêt de la cour d'appel", ajoute-t-elle, évacuant l'hypothèse d'un suspense prolongé en cas de pourvoi en cassation. "On ne sait pas quand une telle décision serait rendue et on ne peut pas se lancer dans une campagne présidentielle au dernier moment", explique-t-elle.

Son second procès étant programmé du 13 janvier au 12 février 2026, avec un délibéré attendu quatre mois plus tard, "j'annoncerai donc ma décision cet été", précise celle qui s'était hissée au second tour en 2017 et en 2022 face à Emmanuel Macron.

Un calendrier choisi aussi "pour ne pas hypothéquer la candidature de Jordan Bardella dans le cas où il devrait y aller", souligne-t-elle, confirmant ainsi le statut de dauphin du jeune président du parti à la flamme.


Macron au Brésil, pour évoquer une "relation transatlantique réimaginée"

Le président français Emmanuel Macron s'exprime lors de l'ouverture du festival « Notre avenir – Brésil-France, dialogues avec l'Afrique » à Salvador, dans l'État de Bahia, au Brésil, le 5 novembre 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron s'exprime lors de l'ouverture du festival « Notre avenir – Brésil-France, dialogues avec l'Afrique » à Salvador, dans l'État de Bahia, au Brésil, le 5 novembre 2025. (AFP)
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  • Emmanuel Macron est arrivé à Salvador de Bahia pour promouvoir une « relation transatlantique réimaginée » entre l’Amérique du Sud, l’Afrique et la France, à travers la culture, la mémoire et la jeunesse
  • Cette visite s’inscrit dans une refondation des liens franco-africains, marquée par la reconnaissance de l’esclavage, la restitution d’objets coloniaux et la préparation du sommet Afrique–France à Nairobi en 2026

SALVADOR: Emmanuel Macron est arrivé mercredi à Salvador de Bahia, au Brésil, pour plaider en faveur d'une "relation transatlantique réimaginée" associant Amérique du Sud et Afrique, avant de participer à un sommet climat à Belem, a indiqué l'Elysée.

Le président français doit participer à l'ouverture du festival "Notre futur – Brésil-France, dialogues avec l'Afrique", qui réunit "les jeunesses et les nouvelles voix des sociétés civiles brésiliennes, africaines et françaises", a expliqué la présidence.

Il s'agit d'un "temps fort de la saison culturelle France-Brésil" qui a scandé l'année 2025.

La capitale de l'Etat de Bahia, dans le nord-est du pays, fut l'un des points d'arrivée majeurs des esclaves africains déportés. Elle est aujourd'hui le foyer vibrant de la culture afro-brésilienne.

Cette étape vise donc "à célébrer et à travailler avec Brasilia à une relation transatlantique réimaginée", associant les "partenaires africains", selon la présidence française.

Emmanuel Macron doit aussi visiter une galerie dédiée au photographe et anthropologue français Pierre Fatumbi Verger (1902-1996), et la Maison du Bénin, où il découvrira l'exposition "Je suis un fleuve noir".

Pour Paris, "cette visite à Bahia s'inscrit dans la politique de refondation et de renouvellement de notre relation avec l'Afrique", au moment où les relations entre la France et ses anciennes colonies africaines sont souvent distendues, voire glaciales comme au Sahel.

La culture est un point fort de cette "refondation", fait-on valoir dans l'entourage du président français, qui a enclenché une démarche de restitution des "objets volés pendant l'époque coloniale".

Autre volet: "la reconnaissance de l'esclavage", qui sera aussi mise en avant à Salvador, point de débarquement "d'un très grand nombre d'esclaves, qui venaient notamment de tout le golfe du Bénin et notamment du port de Cotonou", a fait valoir une conseillère présidentielle.

"Bahia, c'est un point d'étape. On se donne rendez-vous également à Nairobi en mai, pour le nouveau sommet Afrique-France qu'on organise pour la première fois dans un pays anglophone", a souligné l'Elysée.

Jeudi, Emmanuel Macron se rendra à Belem, en Amazonie brésilienne, pour prononcer un discours au sommet des chefs d'Etat et de gouvernement réunis par le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva avant le début de la COP30, conférence de l'ONU sur le climat.

Il terminera sa tournée vendredi à Mexico où il sera accueilli par la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum, un an après sa prise de fonctions.


Premières heures de semi-liberté pour Kohler et Paris à l'ambassade de France à Téhéran

Cécile Kohler et Jacques Paris, les deux Français sortis de prison en Iran vivent mercredi leurs premières heures de semi-liberté à l'ambassade de France, attendant de pouvoir quitter le pays à une date inconnue, que l'Iran semble vouloir lier au sort d'une Iranienne poursuivie en France. (AFP)
Cécile Kohler et Jacques Paris, les deux Français sortis de prison en Iran vivent mercredi leurs premières heures de semi-liberté à l'ambassade de France, attendant de pouvoir quitter le pays à une date inconnue, que l'Iran semble vouloir lier au sort d'une Iranienne poursuivie en France. (AFP)
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  • Le président français Emmanuel Macron s'est entretenu avec eux par visioconférence. "Ils l'ont remercié pour son engagement" afin d'obtenir leur libération, a aussi déclaré Pierre Cochard sur la radio RTL
  • Emanuel Macron a aussi parlé à son homologue iranien Massoud Pezeshkian, demandant la "libération pleine et entière", "le plus rapidement possible", de Cécile Kohler et Jacques Paris

PARIS: Cécile Kohler et Jacques Paris, les deux Français sortis de prison en Iran vivent mercredi leurs premières heures de semi-liberté à l'ambassade de France, attendant de pouvoir quitter le pays à une date inconnue, que l'Iran semble vouloir lier au sort d'une Iranienne poursuivie en France.

"Je les ai trouvés très heureux, très soulagés tous les deux par cette libération", a raconté mercredi matin sur la radio France Inter l'ambassadeur de France à Téhéran Pierre Cochard, qui est allé les chercher mardi à la sortie de la prison d'Evine, de sinistre réputation.

Le président français Emmanuel Macron s'est entretenu avec eux par visioconférence. "Ils l'ont remercié pour son engagement" afin d'obtenir leur libération, a aussi déclaré Pierre Cochard sur la radio RTL.

Emanuel Macron a aussi parlé à son homologue iranien Massoud Pezeshkian, demandant la "libération pleine et entière", "le plus rapidement possible", de Cécile Kohler et Jacques Paris.

A Soultz (Haut-Rhin, est de la France) où a grandi Cécile Kohler, dont le portrait orne la façade de la mairie, les habitants racontaient leur soulagement. "On est impatients qu'elle revienne, on espère que l'Iran ne va pas la retenir", confiait l'un d'eux, Mathieu Taquard.

Mardi soir, les parents ont pu parler par téléphone à leur fille: "Elle disait qu'elle était en forme, et qu'elle avait hâte de revenir", a résumé à l'AFP le maire de Soultz, Marcello Rotolo.

L'ambassadeur a donné quelques éléments sur le déroulé de leur libération.

"On s'est rendus à la prison d'Evine, qui est au nord de Téhéran. L'ambassade se trouve plutôt au centre, donc il y a un trajet important. On s'est présentés, il y avait plusieurs portes à franchir, une barrière. Cela a pris un peu de temps, en coordination avec les autorités iraniennes", a-t-il expliqué. "Les grands portes de la prison d'Evine se sont ouvertes, et on a pu croiser le regard de Cécile et Jacques", qui "avaient été informés à la dernière minute" de leur sortie.

"C'est évidemment un moment qu'on n'oublie pas", a-t-il dit. "Les premiers mots, c'étaient des larmes, des sourires mêlés de larmes. On est restés quelques instants ensemble et puis ensuite on est montés dans la voiture" pour gagner l'abri de l'ambassade, où ils sont protégés par la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, en espérant pouvoir quitter rapidement l'Iran.

Iranienne à l'ambassade 

Les autorités iraniennes, qui les accusent d'espionnage, considèrent qu'ils sont en "libération conditionnelle", "libérés sous caution" et "placés sous surveillance jusqu'à la prochaine étape judiciaire".

"Nous n'allons ménager aucun effort pour obtenir leur retour en France dans les meilleurs délais", a promis le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot.

Professeure de lettres de 41 ans, et enseignant retraité de 72 ans, Cécile Kohler et Jacques Paris ont été arrêtés le 7 mai 2022, au dernier jour d'un voyage touristique en Iran.

Considérés comme des "otages d'Etat" par la France, qui à l'instar d'autres pays occidentaux accuse Téhéran de capturer des étrangers sur son sol pour négocier ensuite leur libération, ils étaient les deux derniers Français détenus sur le sol iranien.

Lourdement sanctionné par de nombreux membres de la communauté internationale, notamment pour ses activités nucléaires, l'Iran détiendrait selon des sources diplomatiques au moins une vingtaine d'Occidentaux qu'il pourrait utiliser comme levier pour obtenir la libération de certains de ses ressortissants à l'étranger ou obtenir des gages politiques.

Dans le cas de Cécile Kohler et Jacques Paris, Téhéran avait rendu publique en septembre la possibilité d'un accord de libération en échange de Mahdieh Esfandiari, une Iranienne arrêtée en France en février, accusée d'avoir fait la promotion du terrorisme sur les réseaux sociaux.

Téhéran semble afficher sa volonté de mettre en parallèle les deux dossiers, le chef de la diplomatie iranienne Abbas Araghchi annonçant mercredi matin que Mme Esfandiari, sous contrôle judiciaire depuis octobre dans l'attente de son procès en janvier, se trouvait désormais à l'ambassade d'Iran et "nous espérons qu'elle rentrera quand son procès sera achevé".

Les autorités françaises n'ont pas commenté cette annonce qui pourrait avoir des conséquences sur la date à laquelle les deux Français pourront quitter l'Iran.

L'élargissement de Cécile Kohler et Jacques Paris pourrait ouvrir la voie à un apaisement des relations entre l'Iran et la France. "Lorsqu'ils seront sur le territoire français, effectivement, cela ouvrira une possibilité de renouer des relations normales avec ce pays", a estimé M. Cochard.