Crime organisé: le jeu du gendarme et des voleurs continue autour des messageries cryptées

Au même moment, le FBI, Europol et plusieurs pays révélaient que la police fédérale américaine avait secrètement mis au point de nouveaux cryptophones (Photo de THOMAS SAMSON / AFP).
Au même moment, le FBI, Europol et plusieurs pays révélaient que la police fédérale américaine avait secrètement mis au point de nouveaux cryptophones (Photo de THOMAS SAMSON / AFP).
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Publié le Mercredi 20 décembre 2023

Crime organisé: le jeu du gendarme et des voleurs continue autour des messageries cryptées

  • Les agences de coopération européennes policière Europol et judiciaire Eurojust, ainsi que les parquets français et néerlandais, présentent le riche bilan du démantèlement d'EncroChat en 2020
  • La fermeture des deux messageries «a créé un vide sur le marché des communications cryptées», expliquait en juin 2021 la police néo-zélandaise

PARIS: "On joue toujours aux gendarmes et aux voleurs": malgré les coups de filets réalisés grâce au décryptage des messageries cryptées EncroChat ou Sky ECC, les enquêteurs continuent à pister les moyens utilisés par les narcotrafiquants pour échanger discrètement.

Devant les caméras, les sourires sont de mise à Lille en ce 27 juin 2023. Les agences de coopération européennes policière Europol et judiciaire Eurojust, ainsi que les parquets français et néerlandais, présentent le riche bilan du démantèlement d'EncroChat en 2020.

Ce "tournant", ce "séisme" pour le crime organisé, c'est selon leur décompte plus de 6 500 personnes arrêtées, "une centaine d'assassinats ou enlèvements" évités, 900 millions d'euros d'avoirs criminels saisis ou gelés ou plus de 100 tonnes de cocaïne saisies.

Non contentes d'avoir "craqué" EncroChat, les polices européennes ont, un an plus tard, doublé la mise en "perçant" le système de communication qui a pris sa suite, Sky ECC.

En s'introduisant ainsi au cœur des discussions les plus directes des narcotrafiquants, les enquêteurs ont pu, pour la première fois, observer en direct le fonctionnement des réseaux criminels qu'ils traquaient.

"C'était dingue", raconte un juge d'instruction parisien. "On a vraiment vu des gens qu'on ne voyait jamais. On voyait cette tête de réseau, dont on nous disait qu'elle dirigeait le trafic à Casablanca sans qu’on n'ait rien, écrire des messages sur Sky".

Discussions sans filtre 

"Avant, notre vision du trafic se déployait à hauteur de +tonton+ ou d'informateur (...) Nous avons réalisé qu'il existait un échelon supérieur, plutôt basé à l'étranger", a résumé la semaine dernière Christophe Perruaux, le directeur du service d'enquête judiciaire des finances (SEJF), devant la commission d'enquête du Sénat sur l'impact du narcotrafic.

A l'abri de "cryptophones" qu'ils croyaient inviolables, les utilisateurs, parfois des barons du crime, discutaient sans filtre sur leurs pratiques à travers des centaines de millions de messages: livraisons de drogue, projets d'assassinats et parfois photos de victimes démembrées...

Comment la justice a-t-elle pu se "brancher" sur ces criminels? Grâce à un ingénieux travail des enquêteurs parti d'un postulat dont la légalité provoque le débat au sein du monde judiciaire: ces messageries seraient essentiellement, voire délibérément, à usage criminel.

"L'envie d'efficacité des enquêteurs est louable mais ne doit pas faire oublier nos droits", ont déploré Mes Robin Binsard et Guillaume Martine, qui défendent des mis en cause dans les dossiers Sky ECC ou EncroChat.

"D'habitude, on part d'une ligne ou d'un local qu'on sonorise car il est suspect, puis on élargit. Là, on prend tout sur un réseau sans aucun filtre, avec dans le lot les messages de nombreuses personnes qui n'ont rien à voir avec la justice", ont-ils déploré.

Avec d'autres avocats européens, ils ont tenté, en vain pour l'instant, de contester la légalité du procédé.

La fermeture des deux messageries "a créé un vide sur le marché des communications cryptées", expliquait en juin 2021 la police néo-zélandaise.

Coup d'avance 

Au même moment, le FBI, Europol et plusieurs pays révélaient que la police fédérale américaine avait secrètement mis au point de nouveaux cryptophones dénommés "Anom", vendus au sein de mafias du monde entier afin de permettre d'autres coups de filets.

Mais la nature a horreur de ce vide. Dès 2022, un haut magistrat avertissait: "il se dit aujourd'hui qu'un nouveau système existe. On a toujours un temps de retard".

"Les actions se poursuivent pour pénétrer les nouveaux réseaux cryptés, extraire les données sans éveiller l'attention des utilisateurs", a simplement indiqué devant le Sénat la procureure de Paris Laure Beccuau.

Sa collègue juge du siège Sophie Aleksic, qui coordonne le pôle parisien de lutte contre la criminalité organisée, a justifié lors de la même audition la nécessité de garder un coup d'avance: dans une information judiciaire, on "expose tout ce qu'on fait et comment on le fait (...), ce qui permet aux trafiquants de comprendre leurs points de fragilité, de savoir comment ils ont été interpellés et de pouvoir s'adapter."

Pour un haut magistrat, certains narcotrafiquants ont désormais "tendance à être prudents et retournent vers des messageries classiques comme WhatsApp, Telegram, Signal".

Comme l'ont souligné en 2018 dans la revue Délibérée par les juges Benoist Hurel et Vincent Lemonier, la principale "zone de fragilité" des organisations criminelles est "l'impérieuse nécessité qu’éprouvent leurs membres de communiquer à distance".


Le ministre saoudien des communications appelle à combler le fossé mondial de l’IA

Le monde doit agir de manière décisive pour combler les fossés afin qu'aucune nation ne soit laissée pour compte, a déclaré le ministre Abdullah Al-Swaha. (SPA)
Le monde doit agir de manière décisive pour combler les fossés afin qu'aucune nation ne soit laissée pour compte, a déclaré le ministre Abdullah Al-Swaha. (SPA)
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  • À l'ère de l'IA, a-t-il dit, il existe actuellement des lacunes dans l'infrastructure informatique, la disponibilité des données et les algorithmes qui pourraient ralentir les avancées nécessaires pour soutenir le progrès humain
  • M. Al-Swaha a réitéré "l'engagement inébranlable" de l'Arabie saoudite à soutenir et à diriger les efforts internationaux visant à combler les fractures technologiques émergentes

GENÈVE : Le ministre saoudien des communications et des technologies de l'information a appelé à une "collaboration internationale décisive" pour remédier à l'inégalité des infrastructures informatiques qui pourrait laisser d'autres nations à la traîne à l'ère de l'intelligence artificielle.

Dans un discours prononcé à l'occasion du 160e anniversaire de l'Union internationale des télécommunications (UIT) à Genève, le ministre Abdullah Al-Swaha a évoqué "la concentration de la puissance informatique dans quelques régions, le manque d'infrastructures d'intelligence artificielle dans de nombreux pays et la participation limitée des pays du Sud à l'élaboration des cadres de gouvernance et des politiques de réglementation".

Aujourd'hui, le monde est confronté à un "fossé existentiel" en raison des disparités alarmantes dans l'accès aux technologies de l'IA, a déclaré le ministre, selon l'agence de presse saoudienne.

M. Alswaha a déclaré que le monde pouvait tirer des leçons des phases précédentes de la transformation technologique : l'ère analogique, qui a pris plus d'un siècle pour connecter 800 millions de personnes, et l'ère numérique, qui a connecté 5,5 milliards d'individus en seulement 50 ans, mais qui a laissé 2,6 milliards d'individus sans connexion.

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Le ministre Al-Swaha a déclaré que l'Arabie saoudite sous le roi Salmane et le prince héritier Mohammed ben Salmane avait positionné le Royaume en tant que leader mondial à l'ère de l'IA grâce à une série d'initiatives audacieuses. (SPA)

À l'ère de l'IA, a-t-il dit, il existe actuellement des lacunes dans l'infrastructure informatique, la disponibilité des données et les algorithmes qui pourraient ralentir les avancées nécessaires pour soutenir le progrès humain.

M. Al-Swaha a réitéré "l'engagement inébranlable" de l'Arabie saoudite à soutenir et à diriger les efforts internationaux visant à combler les fractures technologiques émergentes.

Il a souligné les efforts déployés par l'Arabie saoudite pour combler ces fossés, en citant l'autonomisation numérique des femmes dans le Royaume - qui ont maintenant un taux de participation d'environ 35 % - et le fait que le Royaume se soit classé en tête du classement mondial en matière de compétitivité numérique pendant deux années consécutives.

Il a également souligné que les chercheurs de l'université saoudienne King Abdullah University of Science and Technology (KAUST) se classent parmi les premiers pour cent au niveau mondial en matière de citations scientifiques, ce qui laisse espérer l'avenir de l'IA.

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Le ministre Abdullah Al-Swaha et sa délégation. (SPA)

Il a également souligné les progrès réalisés par le Royaume en matière de réglementation sur la protection des données et le développement de "modèles linguistiques qui favorisent un accès inclusif à la technologie pour diverses communautés".

M. Al-Swaha a en outre cité le projet HUMAIN lancé par le prince héritier et Premier ministre saoudien Mohammed ben Salmane "pour fournir tout le spectre des capacités d'IA, des processeurs avancés aux meilleurs talents, et pour positionner le Royaume en tant que pionnier mondial de l'IA."

"Les efforts du Royaume sont une réponse directe aux défis mondiaux urgents", a-t-il déclaré.

M. Al-Swaha a souligné que les dix prochaines années seront déterminantes pour combler les fossés. Il a appelé à des "partenariats multinationaux sous l'égide de l'UIT pour construire un écosystème de l'IA équitable, sûr et inclusif qui soutienne le développement durable et améliore le bien-être humain".

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


La plateforme Booking épinglée en France pour «pratiques restrictives de concurrence»

La plateforme de réservation en ligne Booking a été épinglée en France pour "pratiques restrictives de concurrence" envers les hôteliers français par la Répression des fraudes, qui lui ordonne sa mise en conformité d'ici fin 2025, a annoncé cette dernière jeudi dans un communiqué. (Photo capture d'écran Booking)
La plateforme de réservation en ligne Booking a été épinglée en France pour "pratiques restrictives de concurrence" envers les hôteliers français par la Répression des fraudes, qui lui ordonne sa mise en conformité d'ici fin 2025, a annoncé cette dernière jeudi dans un communiqué. (Photo capture d'écran Booking)
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  • Booking a jusqu'au 31 décembre au plus tard pour mettre en conformité les "clauses et pratiques non conformes" dans ses contrats avec les hôteliers, sous peine d'une "astreinte financière journalière "
  • Cette décision s'appuie sur une législation européenne, le règlement P2B, qui oblige les plateformes à davantage de transparence envers les entreprises, ainsi que sur le code du commerce français

PARIS: La plateforme de réservation en ligne Booking a été épinglée en France pour "pratiques restrictives de concurrence" envers les hôteliers français par la Répression des fraudes, qui lui ordonne sa mise en conformité d'ici fin 2025, a annoncé cette dernière jeudi dans un communiqué.

Booking a jusqu'au 31 décembre au plus tard pour mettre en conformité les "clauses et pratiques non conformes" dans ses contrats avec les hôteliers, sous peine d'une "astreinte financière journalière dont le montant total pourra atteindre 69,35 millions d'euros", précise dans son communiqué la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

Cette décision s'appuie sur une législation européenne, le règlement P2B, qui oblige les plateformes à davantage de transparence envers les entreprises, ainsi que sur le code du commerce français.

Selon la DGCCRF, les conditions générales de prestations (CGP) de Booking "comportent des clauses manifestement déséquilibrées au détriment des hôteliers français".

La Répression des fraudes souligne que, selon le code du commerce, "il est interdit de tenter de soumettre ou de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties". Or, "le fait d'entraver la liberté commerciale et tarifaire des hôteliers contrevient notamment à cet article", note-t-elle.

Le règlement P2B, lui, oblige les plateformes à "garantir l'accessibilité des conditions générales, lesquelles doivent être rédigées de manière claire et compréhensible", et à "notifier aux entreprises utilisatrices, sur un support durable, tout changement envisagé de leurs conditions générales".

"La plateforme se doit d'indiquer et de décrire, dans ses conditions générales, les principaux paramètres déterminant le classement des biens et services proposés en justifiant l'importance relative de ces paramètres par rapport aux autres", indique encore la DGCCRF.

Et "en cas de suspension ou de résiliation du compte d'une entreprise utilisatrice, la plateforme doit systématiquement lui transmettre un exposé des motifs", ajoute l'administration.

L'Umih, principale organisation professionnelle dans l'hôtellerie et la restauration, a salué jeudi dans un communiqué l'"avancée significative" que constitue cette injonction, qui doit permettre "un rééquilibrage des relations entre les plateformes numériques et les professionnels du tourisme".

Booking, dont la maison mère est aux Pays-Bas, a indiqué à l'AFP que "bien que Booking.com soit en désaccord avec les conclusions de l'enquête", l'entreprise s'emploie "activement à dissiper toutes les préoccupations".

Elle assure avoir "collaboré étroitement avec la DGCCRF afin de répondre à ses préoccupations et d'élaborer des solutions qui continuent de stimuler la demande pour (ses) partenaires d'hébergement en France, tout en satisfaisant les besoins des consommateurs".


Tutelle du FMI: «nous n'en sommes pas là», dit le gouverneur de la Banque de France

Une intervention du FMI, comme en Grèce au tournant des années 2010, parait improbable, d'autant que l'Union européenne a depuis mis en place ses propres dispositifs d'intervention d'urgence, à travers le Mécanisme européen de stabilité (MES) et la Banque centrale européenne (BCE). (AFP)
Une intervention du FMI, comme en Grèce au tournant des années 2010, parait improbable, d'autant que l'Union européenne a depuis mis en place ses propres dispositifs d'intervention d'urgence, à travers le Mécanisme européen de stabilité (MES) et la Banque centrale européenne (BCE). (AFP)
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  • Le Fonds monétaire international "intervient dans une situation extrême, quand un pays ne peut plus s'en sortir tout seul. Nous n'en sommes pas là, nous avons dans les mains notre destin, mais c'est maintenant qu'il faut agir"
  • "Je redis avec un peu de gravité, avec toute l'indépendance de la Banque de France, qu'il y a là un sujet d'intérêt national"

PARIS: "Nous n'en sommes pas là", a répondu jeudi le gouverneur de la Banque de France, interrogé sur le risque agité par le gouvernement d'une mise sous tutelle de la France par le FMI en cas de dérive des comptes, à quelques jours de l'annonce d'un grand plan d'économies par Matignon.

Le Fonds monétaire international "intervient dans une situation extrême, quand un pays ne peut plus s'en sortir tout seul. Nous n'en sommes pas là, nous avons dans les mains notre destin, mais c'est maintenant qu'il faut agir", a dit François Villeroy de Galhau en présentant devant la presse le rapport annuel de la balance des paiements à la Banque de France à Paris.

"Je redis avec un peu de gravité, avec toute l'indépendance de la Banque de France, qu'il y a là un sujet d'intérêt national", a affirmé le gouverneur, selon qui "il y a un lien très direct entre le niveau de notre dette et la liberté de la France".

"J'espère que nous n'avons pas besoin du FMI pour réaliser que le sujet est extrêmement sérieux", a-t-il poursuivi, précisant qu'il n'avait lui-même "jamais employé cette expression", à propos du mot tutelle.

La ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a de nouveau pointé mercredi le risque "qu'un jour, les institutions internationales décident pour nous", après avoir à plusieurs reprises ces dernières semaines évoqué le risque d'une "tutelle" des institutions internationales, dont le FMI, en cas de dérive des comptes publics.

Ces mises en garde surviennent avant que le gouvernement annonce, le 15 juillet, un grand plan d'économies qui doit représenter un effort budgétaire de 40 milliards d'euros.

"Il faut évidemment tout faire pour éviter ça, notre destin budgétaire, il est entre nos mains", a dit M. Villeroy de Galhau.

Une intervention du FMI, comme en Grèce au tournant des années 2010, parait improbable, d'autant que l'Union européenne a depuis mis en place ses propres dispositifs d'intervention d'urgence, à travers le Mécanisme européen de stabilité (MES) et la Banque centrale européenne (BCE).

L'économiste en chef de l'institution de Washington, interrogé mi-juin, avait affirmé que "la question pourrait se poser mais, j'ai envie de dire, ni demain ni après-demain. Si vraiment rien n'était fait (...), s'il n'y avait aucune volonté d'infléchir la trajectoire de la dette, évidemment qu'à un moment donné, la question se poserait", avait estimé Pierre-Olivier Gourinchas.