Le centre de la France, eldorado des logisticiens du trafic de stupéfiants

Selon le patron de la police judiciaire locale, 90% de la drogue qui passe dans la région arrive d'Espagne et irrigue le nord et l'ouest de la France. (AFP)
Selon le patron de la police judiciaire locale, 90% de la drogue qui passe dans la région arrive d'Espagne et irrigue le nord et l'ouest de la France. (AFP)
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Publié le Jeudi 21 décembre 2023

Le centre de la France, eldorado des logisticiens du trafic de stupéfiants

  • Les département d'Eure-et-Loir et du Loiret "constituent une base arrière des trafiquants d'Ile-de-France pour le stockage intermédiaire des produits avant leur écoulement sur les points de deal"
  • L'expertise des Drouais tient sa légende du réseau "Furax", qui était parvenu à écouler 50 tonnes de cannabis, selon l'enquête, entre 2008 et 2010

ORLEANS: Une demi-tonne de cocaïne retrouvée dans un entrepôt à Nogent-le-Phaye, une commune tranquille du département d'Eure-et-Loir, dans le centre de la France: en novembre, cette saisie a confirmé l'intérêt des trafiquants pour la région et ses nombreuses plateformes logistiques.

"S'ils sont tous implantés ici, c'est pour une bonne raison", remarque le directeur territorial de la police judiciaire d'Orléans, Eric Corderot.

"Ca remonte de Nantes, Bordeaux, l'Espagne, le Maroc...", complète le procureur de la République de Chartres, Frédéric Chevallier. "Il y a une capacité à être mobile par plein d'axes, principaux et secondaires, qui complexifient la lutte" contre le trafic.

Les organisations criminelles et leurs intermédiaires dans la logistique profitent de ce maillage de routes et d'autoroutes pour convoyer la drogue en go-fast à travers les champs du Berry et de la Beauce.

Les département d'Eure-et-Loir et du Loiret, à une centaine de kilomètres au sud de Paris, "constituent une base arrière des trafiquants d'Ile-de-France pour le stockage intermédiaire des produits avant leur écoulement sur les points de deal", décrypte Corinne Cléostrate, sous-directrice pour la lutte contre la fraude à la direction générale des douanes.

Au cœur de cette zone, les services de renseignement et d'investigation s'accordent à considérer la ville de Dreux comme la  "plaque tournante du trafic de résine de cannabis".

"Des familles de Marocains se sont installées. Ils maîtrisent au Maroc une partie de la production de résine de cannabis. Les approvisionnements se font par une organisation drouaise liée à cet historique géographique", affirme M. Chevallier.

Transit 

A une heure trente de Paris et de ses trafics, la ville de 30.000 habitants est "un point d'alimentation de Paris", commente le commissaire Corderot.

"Quelqu'un qui veut acheter une tonne, il ne va pas à Dreux mais il contacte des Drouais", poursuit le policier, ils "importent d'Espagne et vendent en gros ou semi-gros à des trafiquants franciliens qui écoulent la marchandise".

L'expertise des Drouais tient sa légende du réseau "Furax", qui était parvenu à écouler 50 tonnes de cannabis, selon l'enquête, entre 2008 et 2010.

Les trafiquants avaient fait d'un corps de ferme, dans une petite ville proche de Dreux, leur centre de stockage. En février 2010, 3,2 tonnes de résine de cannabis y ont été saisies, une prise record pour la gendarmerie.

Dreux comptait en 2022 entre 1,6 et 3 (selon les typologies) mis en cause pour 1.000 habitants pour trafic de stupéfiants, un niveau similaire à Marseille, gangrenée par le narcotrafic, contre 0,7 au niveau national, selon le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI).

Selon le patron de la police judiciaire locale, 90% de la drogue qui passe dans la région arrive d'Espagne et irrigue le nord et l'ouest de la France.

Les autorités y ont saisi 1,7 tonne de cannabis et 1,7 million d'euros d'avoirs criminels depuis le début de l'année.

«Pas de rivalité»

En plus de son réseau routier, la région Centre-Val de Loire offre également aux trafiquants une discrétion très recherchée.

"Il y a des plateformes logistiques. Le tissu urbain est adapté au trafic, à la limite de la campagne et des villes. Il y a une logique commerciale, c'est plus facile de faire ça dans notre région que dans un centre-ville d'une grande ville", explique le directeur territorial de la police judiciaire.

Pour le procureur de Chartres, ces réseaux ont "la capacité d'être extrêmement mobiles, de se ruraliser. Ce n'est plus l'archétype du voyou installé dans des lieux repérés. C'est plus diffus".

Contrairement à des villes comme Marseille, où les règlements de comptes liés aux trafics sont légion, les points de deal locaux restent plutôt calmes.

Malgré quelques échauffourées, "il n'y a pas de rivalité territoriale ou pour reprendre un marché déjà détenu", détaille Frédéric Chevallier. "Il y a du travail pour tout le monde, et d'autre part, l'activité des services est intense", ajoute pour sa part Eric Corderot.

Malgré la mise en place d'unités spécialisées, police et gendarmerie ont du mal à endiguer la vague.

"C'est moins dense en service d'investigation que Paris ou Marseille", observe le magistrat. "Il y a un intérêt à aller là où il y a moins de pression policière. On n'a pas les moyens pour totalement investiguer sur l'ensemble des réseaux".


Un peu moins d'un Français sur deux soutient le mouvement du 10 septembre

Le Premier ministre français François Bayrou pose depuis le balcon de son bureau à l'hôtel Matignon, résidence officielle du Premier ministre français, à Paris, le 6 septembre 2025. (AFP)
Le Premier ministre français François Bayrou pose depuis le balcon de son bureau à l'hôtel Matignon, résidence officielle du Premier ministre français, à Paris, le 6 septembre 2025. (AFP)
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  • Un peu moins d'un Français sur deux (46%) soutient le mouvement appelant à "bloquer" le pays le 10 septembre
  • Les sympathisants de gauche soutiennent massivement (à 73% pour LFI, 67% pour les écologistes et 61% pour le PS) ce mouvement né sur les réseaux sociaux

PARIS: Un peu moins d'un Français sur deux (46%) soutient le mouvement appelant à "bloquer" le pays le 10 septembre, tandis que 28% y sont opposés et 26% indifférents, selon un sondage publié par la Tribune Dimanche.

La première raison pouvant expliquer ce mouvement serait par ailleurs "la baisse du pouvoir d'achat", selon cette étude Ipsos-BVA-CESI (école d'ingénieurs) réalisée du 3 au 4 septembre auprès d'un échantillon de 1.000 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

Les sympathisants de gauche soutiennent massivement (à 73% pour LFI, 67% pour les écologistes et 61% pour le PS) ce mouvement né sur les réseaux sociaux, et dans une moindre mesure (à 58%) ceux du Rassemblement national, selon l'enquête.

A l'inverse, le mouvement est rejeté à 73% par les sympathisants Renaissance-Horizons-Modem et à 57% par les LR.

Par catégories d'âge, seuls les 60 ans et plus récusent majoritairement l'appel à tout bloquer et ses initiatives hétéroclites.

Des appels à la grève ont été lancés pour mercredi par plusieurs syndicats notamment dans les transports et les hôpitaux, et d'autres actions annoncées dont certaines rappellent celles des Gilets jaunes, avec des blocages d'axes routiers ou des sabotages de radars ou de distributeurs de billets.

Des appels à ne pas utiliser sa carte bancaire ou à ne pas aller faire ses courses circulent également sur les réseaux sociaux et messageries.

Les Français expliquent à 51% le mouvement "Bloquons tout" par "la baisse du pouvoir d'achat des ménages", à 47% par "le plan de François Bayrou pour la réduction du déficit", et à 43% par "l'hostilité" au président Emmanuel Macron et au Premier ministre François Bayrou, d'après le sondage publié à la veille de la chute probable de ce dernier, lundi, à l'issue d'un périlleux vote de confiance à l'Assemblée nationale.


Macron, en quête d'un Premier ministre, remet les mains dans le cambouis national

Le président français Emmanuel Macron arrive à la cérémonie d'adieu aux armes de l'ancien chef d'état-major des armées Thierry Burkhard dans la cour de l'hôtel des Invalides à Paris, le 5 septembre 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron arrive à la cérémonie d'adieu aux armes de l'ancien chef d'état-major des armées Thierry Burkhard dans la cour de l'hôtel des Invalides à Paris, le 5 septembre 2025. (AFP)
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  • Emmanuel Macron se prépare à nommer un nouveau Premier ministre, anticipant la chute attendue du gouvernement Bayrou

PARIS: Une main tendue aux socialistes, le pied sur le frein face à leur programme économique, et un oeil ouvert sur de probables remous sociaux et financiers. Emmanuel Macron prépare l'après-Bayrou, en quête d'un Premier ministre ouvert sur sa gauche... mais capable aussi de le protéger.

A peine sorti d'un sommet sur l'Ukraine, voilà que le président doit remettre les mains dans le cambouis national.

Lundi, tout le monde s'attend à ce que le gouvernement de François Bayrou soit renversé à l'Assemblée nationale. Dès le soir, les regards se tourneront vers l'Elysée.

Le chef de l'Etat prendra-t-il la parole? Recevra-t-il les partis? Les questions, et le sentiment de déjà-vu, sont les mêmes à chaque épisode du feuilleton de l'instabilité politique née de la dissolution ratée de l'Assemblée l'an dernier.

"Le président proclame qu'il veut aller vite", rapporte un macroniste historique. "Il l'a déjà dit par le passé", tempère un autre proche, rappelant sa tendance à procrastiner lorsqu'il s'agit de nommer.

Les stratèges présidentiels ont plusieurs échéances en tête qui devraient l'inciter à brusquer son naturel: le mouvement "Bloquons tout" mercredi, suivi le 18 septembre d'une mobilisation syndicale; entre les deux, l'agence Fitch pourrait dégrader vendredi la note de la dette, envoyant un signal inquiétant aux marchés financiers.

Puis, le 22 septembre, Emmanuel Macron s'envole pour New York où il doit reconnaître l'Etat de Palestine à la tribune de l'ONU, son grand rendez-vous diplomatique qu'il prépare depuis des mois.

"Ce qui l'intéresse c'est l'international, et il a besoin de stabilité pour ça", théorise un député socialiste.

D'autant que son impopularité bat des records depuis 2017, et que les appels de LFI et du RN à sa démission connaissent un écho croissant dans l'opinion - 64% des Français la souhaitent, selon un sondage.

De fait, le président de la République s'est borné à invoquer la "responsabilité" et la "stabilité", prenant soin de ne pas devancer la chute de son allié historique.

Mais dans le huis clos élyséen, il prépare la suite, et exhorte la coalition gouvernementale à "travailler avec les socialistes".

Justement, leur patron, Olivier Faure, a fait acte de candidature pour Matignon, à la tête d'un gouvernement de gauche, sans LFI, mais aussi sans les macronistes, avec lesquels il serait seulement prêt à négocier des compromis.

Sans qu'on en connaisse l'origine, l'idée a flotté ces derniers jours qu'Emmanuel Macron caresserait l'idée de le nommer. Pourtant, aucun des nombreux proches et interlocuteurs du président interrogés par l'AFP ne l'imaginent emprunter cette voie.

"Si Faure expliquait qu'il veut prendre le pouvoir avec nous", dans une nouvelle alliance entre les socialistes et la macronie, "ça pourrait avoir de la valeur", explique un cadre du camp présidentiel. "Mais ce n'est pas du tout ce qu'il dit."

Ces mêmes sources voient plutôt le locataire de l'Elysée se tourner, à nouveau, vers un profil de la droite ou du centre.

"Quelqu'un dans le bloc central, plutôt proche du président, mais qui sache discuter avec le PS" pour négocier un pacte de non-censure plus durable que sous François Bayrou, résume un ténor du gouvernement.

Il s'agira du troisième Premier ministre en un an dans ce périmètre et les mêmes noms circulent que lors des précédentes nominations.

Parmi eux, les ministres Sébastien Lecornu (Armées), Gérald Darmanin (Justice), Catherine Vautrin (Travail et Santé) et Eric Lombard (Economie). Ou encore le président LR des Hauts-de-France Xavier Bertrand.

Ces dernières heures, une source au fait de la réflexion présidentielle évoquait un pressing important auprès de l'ex-chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian, 78 ans et retiré de la politique active.

Emmanuel Macron avait déjà tenté en décembre de convaincre son ami breton d'aller à Matignon, en vain. Aujourd'hui, l'ex-socialiste serait moins ferme dans son refus, selon cette source.

"En réalité, ça dépendra de ce que le PS accepte", glisse un proche du président.

Tous préviennent que pour obtenir la non-censure du PS, il faudra lui "offrir de vraies victoires politiques".

Parmi les totems que les socialistes espèrent décrocher, un effort budgétaire revu à la baisse, mais aussi une remise en cause de la retraite à 64 ans et une taxation substantielle des plus riches.

Or sur ces deux derniers points, Emmanuel Macron "n'acceptera jamais", prévient un fidèle de la première heure. C'est pour cela qu'il veut choisir un Premier ministre "dans sa zone de confort".


Narcotrafic à Clermont-Ferrand: Retailleau annonce des renforts policiers

 Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a annoncé vendredi l'envoi de 22 policiers supplémentaires à Clermont-Ferrand, où les narcotrafiquants se livrent selon lui une "guerre territoriale" d'une grande "barbarie". (AFP)
Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a annoncé vendredi l'envoi de 22 policiers supplémentaires à Clermont-Ferrand, où les narcotrafiquants se livrent selon lui une "guerre territoriale" d'une grande "barbarie". (AFP)
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  • Depuis janvier, quatre personnes ont été tuées et une autre grièvement blessée à Clermont-Ferrand en lien avec le trafic de stupéfiants
  • La violence des modes d'action a particulièrement choqué dans cette ville relativement épargnée par le phénomène jusqu'à l'an passé

CLERMONT-FERRAND: Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a annoncé vendredi l'envoi de 22 policiers supplémentaires à Clermont-Ferrand, où les narcotrafiquants se livrent selon lui une "guerre territoriale" d'une grande "barbarie".

Dix-sept agents sont arrivés le 1er septembre. "Cinq, qui seront dédiés à l'investigation, vont compléter pour arriver à 22", a-t-il déclaré lors d'un déplacement dans la capitale auvergnate. "C'est un effort conséquent, croyez-moi, compte tenu de la disette budgétaire, mais (...) c'est absolument nécessaire."

Depuis janvier, quatre personnes ont été tuées et une autre grièvement blessée à Clermont-Ferrand en lien avec le trafic de stupéfiants. La violence des modes d'action a particulièrement choqué dans cette ville relativement épargnée par le phénomène jusqu'à l'an passé.

Le week-end dernier, il y a encore eu "deux fusillades pendant une heure avec trois blessés dont deux graves", a relevé le ministre en visitant un point de deal démantelé récemment. "Le pic de cette barbarie a été atteint le 13 août, quand on a retrouvé le corps calciné d'un homme", a-t-il jugé.

Pour lui, ce "déchaînement de violences" est lié aux actions de la police et de la justice "qui ont ébranlé l'écosystème de la drogue". Cela a ouvert une "guerre territoriale parce que d'autres individus, venus d'autres territoires tentent de se réimplanter sur place", a-t-il expliqué.

Pour lutter contre ces violences, outre les renforts, le ministre a annoncé que l'Etat apporterait 160.000 euros pour renforcer le réseau de caméras de vidéosurveillance "en complément" de la mairie. Une unité de force mobile occupera en parallèle l'espace public "à plein temps" et "le temps qu'il faudra".

"Je pense qu'en quelques mois, ici, on peut obtenir des résultats", a-t-il promis.

Valérie (qui n'a pas souhaité donner son nom à l'AFP), 50 ans, vit au dessus du point de deal visité par le ministre dans le quartier de la Visitation, près de la gare. Elle avait pris l'habitude d'éviter sa cave et son balcon parce que les trafiquants lui "reprochaient de les surveiller".

Depuis vendredi, elle "respire car il y a une présence policière 20h sur 24", grâce au déploiement de renforts de CRS, et espère "que ça dure".

En mars, les autorité avaient annoncé l'arrestation de dix personnes "situées à un bon niveau du réseau" opérant dans ce quartier. Cette opération avait relancé les rivalités et, en avril, un jeune Albanais de 19 ans y a été abattu.

Fin juillet, Clermont-Ferrand a été inscrite dans le dispositif "ville sécurité renforcée" par le gouvernement, permettant d'apporter des moyens complémentaires aux forces de l'ordre, soit plusieurs dizaines de CRS.