49.3, CMP, motion de rejet: la démocratie française encore et toujours en question

Le président français Emmanuel Macron visite la base aérienne Prince Hassan (H5) de l'armée de l'air royale jordanienne, à environ 117 kilomètres au nord-ouest de la capitale Amman, le 22 décembre 2023, lors d'une visite de deux jours en Jordanie. (Photo, AFP)
Le président français Emmanuel Macron visite la base aérienne Prince Hassan (H5) de l'armée de l'air royale jordanienne, à environ 117 kilomètres au nord-ouest de la capitale Amman, le 22 décembre 2023, lors d'une visite de deux jours en Jordanie. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 22 décembre 2023

49.3, CMP, motion de rejet: la démocratie française encore et toujours en question

  • Depuis sa réélection sans majorité, le président de la République est encore plus accusé d'attenter aux prérogatives du Parlement, et même de faire peu de cas de sa propre majorité
  • Le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, a le sens de la formule: «L'autre jour, j'étais dans une classe de lycée. Et il y avait deux vedettes: Kylian Mbappé et le 49.3»

PARIS: Un texte rejeté avant débat à l'Assemblée nationale, une commission députés-sénateurs largement négociée à Matignon, un exécutif qui reconnaît l'inconstitutionnalité d'une partie de la loi sur l'immigration, des 49.3 à répétition: épisode après épisode, la présidence Macron alimente le débat sur le fonctionnement des institutions.

Le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, a le sens de la formule: "L'autre jour, j'étais dans une classe de lycée. Et il y avait deux vedettes: Kylian Mbappé et le 49.3".

Avec un président réélu gouvernant sans majorité absolue, "les Français sont devenus de grands spécialistes du 49.3". Et "maintenant, ils deviennent peu à peu spécialistes de la motion de rejet", votée par les oppositions à l'Assemblée nationale sur la loi sur l'immigration, avait ajouté l'ancien Premier ministre.

Le premier quinquennat Macron avait déjà nourri de larges critiques sur la pratique présidentielle. "Emmanuel Macron a amené l'hyperprésidentialisation jusqu'à l'excès. Là-dessus, on a gravement dérivé, et je pense qu'il le paye très, très cher", relève un député Renaissance.

Le second mandat s'est ouvert sur une réforme des retraites adoptée chaotiquement par 49.3, les oppositions criant au "déni démocratique". Un 49.3 permettant l'adoption d'un texte sans vote, sauf motion de censure contre le gouvernement, devenu routine sur les textes budgétaires et indélébile marque de fabrique de la Première ministre Elisabeth Borne.

La loi sur l'immigration a ajouté un nouveau chapitre. Une œuvre collective: des oppositions, coalisées à l'Assemblée nationale derrière une motion de rejet. De l'exécutif, désireux de voir un texte aboutir à tout prix et cédant largement aux revendications de la droite et du Sénat.

La tenue de la Commission mixte paritaire (CMP) --sept députés et sept sénateurs chargés de trouver un compromis entre les deux chambres-- a également été critiquée. Les Républicains, en position de force dans ce cénacle, avaient été préalablement reçus à Matignon.

"Qu'est-ce que vous voulez que j'explique à mes étudiants quand vous avez le président de la République qui appelle des membres de la CMP (l’Elysée a démenti), la CMP qui se joue à Matignon... Ils ne respectent pas les règles, ces gens-là, ce n'est pas possible", se lamente un constitutionnaliste.

Dans le quotidien Le Monde, son confrère Denis Baranger pointe du doingt "une inversion des rôles au profit du Sénat", alors que l'Assemblée nationale est censée avoir le dernier mot.

Gouverner avec le peuple

L'exécutif n'a pas craint non plus de reconnaître que certaines dispositions de la loi immigration concédées à la droite sont contraires à la Constitution. "Un président de la République ne peut pas accepter une loi dont il sait, dont il avoue qu'elle est inconstitutionnelle !",critique l'ancien président François Hollande.

"On se défausse sur le Conseil constitutionnel pour faire annuler un certain nombre de dispositions. Mais quel courage! Et quel comportement", ajoute-t-il.

Habitué depuis 2017 au procès de sa pratique du pouvoir, M. Macron invoque l'esprit de la Ve République. "Au fond, (la Constitution de) 1958 referme la quête du bon gouvernement", "celui qui agit ou se démet, celui qui avance et répond de ses actions, celui qui demeure tant qu'une majorité contraire n'existe pas", avait-il expliqué en octobre.

Depuis sa réélection sans majorité, le président de la République est encore plus accusé d'attenter aux prérogatives du Parlement, et même de faire peu de cas de sa propre majorité.

Mais pour le secrétaire général de Renaissance, Stéphane Séjourné, "la France n'a pas la culture parlementaire. Ce sont quand même des choses qui se passent très souvent dans des coalitions, dans tous les Parlements d'Europe. On surjoue souvent les divisions en disant tout de suite que c'est une crise politique", avait-il expliqué mercredi, interrogé sur les discussions entre le parti présidentiel et son allié du MoDem.

La majorité invoque l'adoption de plusieurs dizaines de textes depuis 2022. Mais sur les deux dossiers sensibles, retraites et immigration, la discussion a viré au psychodrame. "Emmanuel Macron doit arriver à faire l'exercice du parlementarisme, même si c'est difficile. En majorité relative, vous n'avez pas le choix", estime la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina.

François Bayrou (MoDem), lui, a plusieurs fois publiquement prôné de "changer complètement de méthode de gouvernement". "Gouverner, ce n'est pas seulement gouverner au nom du peuple, mais avec le peuple", a-t-il dit.

"Un président qui préside, un gouvernement qui gouverne, un Parlement qui légifère et qui contrôle, ça a l'air d'une tautologie sémantique mais c'est une réforme très profonde. (...) Il n'est pas possible que tout remonte, quelles que soient ses qualités éminentes, à une seule personne", observe Laurent Fabius. D'autant que "les Français sont très, très favorables à une évolution".


Légion d'honneur, Sarkozy « prend acte », rappelant que la CEDH doit encore examiner son recours

La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
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  • L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 
  • Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain.

PARIS : L'ancien président Nicolas Sarkozy a « pris acte » dimanche de son exclusion de la Légion d'honneur et rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) doit encore se prononcer sur son recours dans l'affaire des écoutes, a indiqué son avocat Patrice Spinosi dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Nicolas Sarkozy prend acte de la décision prise par le grand chancelier. Il n’a jamais fait de cette question une affaire personnelle », a affirmé Patrice Spinosi, soulignant que si l'ancien chef de l'État « a fait valoir des arguments juridiques, c’était au nom de la fonction même de président de la République ».

L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 

« La condamnation de la France (par la CEDH) impliquera la révision de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, en même temps que l’exclusion de l’ordre de la Légion d’Honneur ; l’une n’étant que la conséquence de l’autre », a assuré Patrice Spinosi.

Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain, à qui la Légion d'honneur avait été retirée en 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi.

« Ce lien avec le maréchal Pétain est indigne », a déclaré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas (LR), prenant « acte » elle aussi de cette décision « automatique qui fait partie du code de la Légion d’Honneur ».

« Le président Sarkozy a été là pour la France à des moments extrêmement compliqués », a-t-elle déclaré, se disant « un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison ».

« C'est une règle, mais c'est aussi une honte », a déploré sur franceinfo Othman Nasrou, le nouveau secrétaire général de LR et proche de Bruno Retailleau, apportant son « soutien et son respect » à l'ex-président.

À gauche, le député écologiste Benjamin Lucas s'est félicité de la décision, appelant sur X à ce que « la République prive de ses privilèges et de son influence institutionnelle celui qui a déshonoré sa fonction et trahi le serment sacré qui lie le peuple à ses élus, celui de la probité ».


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
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  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».


Selon ManPowerGroup, l'IA pourrait réduire l'importance des « compétences » dans le recrutement

Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
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  • L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences ».
  • « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

PARIS : L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences », selon un dirigeant de ManPowerGroup.

En effet, « les compétences pourraient s'avérer obsolètes dans six mois », explique Tomas Chamorro-Premuzic, directeur de l'innovation du géant américain du travail temporaire, rencontré par l'AFP au salon Vivatech, à Paris, qui ferme ses portes samedi.  Selon lui, « il vaut mieux savoir que vous travaillez dur, que vous êtes curieux, que vous avez de bonnes aptitudes relationnelles et ça, l'IA peut vous aider à l'évaluer ».

Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

Cependant, les tâches informatiques (utilisation d'Internet, messagerie, etc.) pouvant être accomplies de manière autonome par des agents d'IA connaissent une « rapide expansion ». 

Dans ce contexte, les employeurs pourraient rechercher de plus en plus de salariés dotés de compétences hors de portée de l'IA, telles que le jugement éthique, le service client, le management ou la stratégie, comme l'indique une enquête de ManpowerGroup menée auprès de plus de 40 000 employeurs dans 42 pays et publiée cette semaine.

M. Chamorro-Premuzic déplore toutefois que ces compétences ne soient pas encore davantage mises en avant dans la formation. « Pour chaque dollar que vous investissez dans la technologie, vous devez investir huit ou neuf dollars dans les ressources humaines, la transformation culturelle, la gestion du changement », dit-il.

Les craintes d'un chômage de masse provoqué par l'IA restent par ailleurs exagérées à ce stade, estime le dirigeant, malgré certaines prédictions alarmistes.

D'après Dario Amodei, patron de la société d'intelligence artificielle Anthropic, cette technologie pourrait faire disparaître la moitié des emplois de bureau les moins qualifiés d'ici cinq ans. 

« Si l'histoire nous enseigne une chose, c'est que la plupart des prévisions sont fausses », répond M. Chamorro-Premuzic.

Concernant le recrutement, activité principale de ManPowerGroup, le dirigeant ajoute que « les agents d'intelligence artificielle ne deviendront certainement pas le cœur de notre métier dans un futur proche ». Il constate également que l'IA est utilisée par les demandeurs d'emploi.

« Des candidats sont capables d'envoyer 500 candidatures parfaites en une journée, de passer des entretiens avec leurs bots et de déjouer certains éléments des évaluations », énumère-t-il.