A Gaza, les puces virtuelles pour rester en ligne

Des Palestiniens fouillent les décombres d'un bâtiment après le bombardement israélien à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 26 décembre 2023 (Photo, AFP).
Des Palestiniens fouillent les décombres d'un bâtiment après le bombardement israélien à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 26 décembre 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 27 décembre 2023

A Gaza, les puces virtuelles pour rester en ligne

  • Sans les eSIM, les Gazaouis seraient «coupés du monde» et «personne ne saurait ce qui se passe dans la bande de Gaza»
  • Comme de nombreux Palestiniens, Hani al-Shaer s'est procuré une puce virtuelle pour faire face aux fréquentes coupures de téléphone et d'internet

RAFAH: Sans les eSIM, les Gazaouis seraient "coupés du monde" et "personne ne saurait ce qui se passe dans la bande de Gaza". Comme de nombreux Palestiniens, Hani al-Shaer s'est procuré une puce virtuelle pour faire face aux fréquentes coupures de téléphone et d'internet.

Mardi, pour la quatrième fois depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, l'ensemble des télécommunications étaient interrompues, selon l'opérateur palestinien Paltel.

La puce dématérialisée est le sésame des habitants de Gaza pour communiquer avec le monde extérieur. Ces eSIM sont achetées par les familles vivant à l'étranger.

Le principe est simple, pour activer la carte il faut scanner le QR code envoyé par le proche avec un appareil photo d'un téléphone portable compatible avec le système. L'utilisateur se connecte ensuite en mode itinérance sur un réseau étranger, souvent israélien, parfois égyptien.

Le recours à l'eSIM est quasi indispensable pour rester connecté depuis que l'armée israélienne pilonne la bande de Gaza après l'attaque sanglante perpétrée par le Hamas le 7 octobre sur le sol israélien, faisant environ 1.140 morts, en majorité des civils, d'après les autorités israéliennes.

En représailles, Israël, qui a juré "d'anéantir" le Hamas, mène des bombardements et une offensive terrestre dans le petit territoire où plus de 20.915 personnes, majoritairement des civils, ont été tuées, selon le dernier bilan du gouvernement du Hamas.

Rechercher les victimes

Pendant plus d'une semaine, Samar Labad a "perdu le contact" avec sa famille.

Son frère qui vit en Belgique a fini par lui envoyer une eSIM, raconte la mère de famille de 38 ans, qui a dû fuir avec ses trois enfants le ville de Gaza et les combats pour s'installer à Rafah, dans le sud, où s'entassent des dizaines de milliers de déplacés dans des camps de fortune.

"La communication n'est pas stable, mais elle fait l'affaire", confie-t-elle. "Au moins, nous restons en contact les uns avec les autres pour se rassurer, même de manière intermittente".

En revanche, elle n'arrive pas à joindre directement ses proches qui résident à Khan Younès. "Je prends de leurs nouvelles grâce à une personne qui réside avec eux et dont le téléphone est compatible avec la eSIM".

Il ne suffit pas d'avoir une puce virtuelle pour garantir la communication. Le service n'est disponible que dans les zones proches des frontières avec Israël ou bien il faut se hisser sur les toits pour capter un signal.

Dans son magasin de téléphonie mobile, Ibrahim Mukhaimar voit surtout défiler des journalistes.

Ils "utilisent des eSIM pour transmettre au monde la situation réelle, en particulier le fait que l'occupation a délibérément cherché à dissimuler ce qui se passe dans la bande de Gaza", dénonce-t-il. "Montrer qu'il manque des produits de base nécessaires à sa survie", ajoute le commerçant.

Outre les reporters, "il y a aussi les médecins et les employés de la défense civile qui cherchent à connaître l'emplacement exact des frappes pour aider les gens", note Ibrahim Mukhaimar. S'ajoutent les employés de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens "l'Unrwa qui en ont besoin pour organiser des convois d'aide", détaille-t-il.

«Coupés du monde»

Si ces puces virtuelles pallient les coupures de télécommunication, l'ironie veut qu'il faille internet pour les activer. "Cela peut nous prendre deux ou trois heures", explique Yasser Qudieh, journaliste reporter d'images (JRI).

Le prix de la carte varie entre "15 et 100 dollars, en fonction de la période de validité, qui va d'une semaine à deux mois", précise-t-il. Pour "obtenir un meilleur service Wi-Fi", les tarifs peuvent s'envoler.

"Sans ces cartes eSim, nous serions coupés du monde et personne ne saurait ce qui se passe dans la bande de Gaza", affirme Hani al-Shaer, journaliste local, qui s'en sert aussi pour effectuer ses "directs en 4G ou 5G".

Fin octobre, l'ONG Human Rights Watch (HRW) avait averti que les coupures des télécommunications et d'internet dans la bande de Gaza risquerait de "servir de couverture à des atrocités de masse et de contribuer à l'impunité des violations des droits humains".

En plus de documenter la guerre, les journalistes palestiniens détenteurs d'une eSIM servent de messager.

"De nombreux expatriés nous contactent pour suivre les dernières nouvelles dans la bande de Gaza et obtenir des informations sur leurs familles, et nous les rassurons et les informons sur les lieux des bombardements lorsque les fournisseurs de services palestiniens ne fonctionnent pas", explique Yasser Qudieh.


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.