En Arménie, des réfugiés du Haut-Karabakh ne «croient pas en la paix» avec l'Azerbaïdjan

Des réfugiés du Karabakh, Suren Martirosyan (à gauche) et son épouse Maina (à droite) dînent avec leur famille dans une maison de location du village de Noyakert, dans la province d'Ararat en Arménie, le 22 décembre 2023 (Photo, AFP).
Des réfugiés du Karabakh, Suren Martirosyan (à gauche) et son épouse Maina (à droite) dînent avec leur famille dans une maison de location du village de Noyakert, dans la province d'Ararat en Arménie, le 22 décembre 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 27 décembre 2023

En Arménie, des réfugiés du Haut-Karabakh ne «croient pas en la paix» avec l'Azerbaïdjan

  • Cet exode de la quasi-totalité de la population arménienne de l'enclave, au centre d'un conflit territorial entre Bakou et Erevan depuis des décennies, a déclenché une crise migratoire en Arménie
  • Une seule journée de combat avait suffi pour convaincre les séparatistes arméniens, qui contrôlaient le territoire depuis une trentaine d'années, de se rendre

NOIAKERT: Avant de fuir vers l'Arménie, face à l'avancée des troupes azerbaïdjanaises, Souren Martirossian a eu le temps de jeter un dernier regard vers son verger de l'enclave du Haut-Karabakh.

"L'image de notre beau jardin, que j'ai vu pour la dernière fois, est gravée dans ma mémoire: les grenades et les kakis brillaient sur les arbres, sous un soleil éclatant", dit cet homme de 65 ans.

Sa famille, huit personnes au total, a fait partie du flot des quelque 100.000 habitants qui ont quitté ce territoire montagneux, reconquis en septembre par Bakou grâce à une offensive éclair contre les séparatistes arméniens.

Cet exode de la quasi-totalité de la population arménienne de l'enclave, au centre d'un conflit territorial entre Bakou et Erevan depuis des décennies, a déclenché une crise migratoire en Arménie.

Le 19 septembre, premier jour de l'offensive azerbaïdjanaise, "nous avons entendu des tirs de mitraillettes et des explosions causées par l'artillerie près de notre maison", se remémore Arevik, belle-fille de Souren.

"Au début, nous avons pensé qu'il s'agissait simplement d'une escarmouche de plus avec les Turcs", explique-t-elle en faisant référence aux Azerbaïdjanais, qui parlent l'azéri, une langue turque.

"Mais ensuite, notre chef de village paniqué est arrivé et a dit que nous devions nous enfuir car les Turcs étaient déjà dans la périphérie de notre village."

La famille Martirossian vit désormais dans une maison décrépite de Noïakert, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale arménienne Erevan, louée grâce à une aide gouvernementale.

Dissolution 

Une seule journée de combat avait suffi pour convaincre les séparatistes arméniens, qui contrôlaient le territoire depuis une trentaine d'années, de se rendre.

Une victoire majeure pour Bakou, qui ramenait ainsi sous son giron cette enclave qui lui échappait jusqu'alors.

Pour Souren Martirossian, les coupables sont tout trouvés: l'Arménie et les troupes russes de maintien de la paix.

Ces dernières avaient été déployées par Moscou, alliée de l'Arménie, dans le cadre de l'accord de cessez-le-feu qui avait mis fin aux précédentes hostilités dans la zone en 2020.

"Notre armée s'est battue avec courage pour protéger notre patrie, c'est la Russie et le gouvernement arménien qui ont été défaits au Karabakh", assure Souren Martirossian.

Les séparatistes avaient accepté de dissoudre leur république autoproclamée à la fin de l'année, mettant de fait un point final à la longue dispute territoriale entre Bakou et Erevan.

Mais leur dirigeant, Samvel Chakhramanian, s'est finalement rétracté la semaine dernière, à la surprise générale.

L'annonce a beau être spectaculaire, elle n'aura aucun effet concret car les séparatistes ont été chassés du Haut-Karabakh, désormais sous le ferme contrôle azerbaïdjanais. Et il est peu probable que l'Arménie soit disposée à soutenir le fonctionnement d'une institution séparatiste sur son propre territoire.

Mais les déclarations de Samvel Chakhramanian ont touché une corde sensible chez de nombreux réfugiés du Haut-Karabakh, qui continuent de rêver de l'indépendance de leur enclave, malgré la défaite.

"Les enfants font tout le temps des cauchemars, pleurent la nuit et me demandant quand nous rentrerons à la maison", témoigne Arevik.

Mais, pour elle, un retour n'est envisageable que si la "sécurité" de ses enfants est garantie et qu'elle est certaine de pouvoir vivre en étant "complétement séparée" des Azerbaïdjanais.

«Assassiné mon enfant»

L'Arménie et l'Azerbaïdjan ont récemment assuré vouloir normaliser leurs relations, historiquement exécrables, en signant un accord de paix.

Ce processus, vu comme une bonne nouvelle par les partenaires de ces pays du Caucase, n'enthousiasme pas les réfugiés du Haut-Karabakh.

Une haine tenace, nourrie par les deux guerres ayant opposé Arménie et Azerbaïdjan au sujet de l'enclave, empoisonne toujours les relations entre les deux peuples.

"Je ne crois pas en la paix" avec les Azerbaïdjanais, dit ainsi Boris Doloukhanian, réfugié de 65 ans, dont le fils a été tué lors du conflit de 2020.

"Comment pourrait-on vivre aux côtés de Turcs qui ont assassiné mon enfant?", explique-t-il. "Nous devons devenir assez puissants pour reprendre notre terre par la force."

Boris Doloukhanian affirme que sa famille était "prospère" quand elle vivait au Haut-Karabakh, où elle avait plusieurs maisons, des terrains et même une ferme d'oiseaux exotiques.

"Nous avons laissé notre paradis derrière nous", regrette-t-il.

L'appartement de trois pièces près d'Erevan où ils avaient trouvé refuge est désormais au-dessus de leurs moyens, et la famille va devoir faire ses valises une nouvelle fois.

La petite-fille de Boris Doloukhanian, Rouzanna, 10 ans, espère que "le Père Noël fasse un miracle pour qu'on puisse rentrer à la maison".


Les ministres du Groupe E3 condamnent les frappes israéliennes à Doha

Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
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  • Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza
  • Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas

PARIS: Les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni ont condamné, dans une déclaration conjointe, les frappes israéliennes ayant visé Doha le 9 septembre. Ils estiment que ces attaques constituent une violation de la souveraineté du Qatar et représentent un risque d’escalade supplémentaire dans la région.

Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza. « Nous appelons toutes les parties à intensifier leurs efforts pour parvenir à un cessez-le-feu immédiat », ont-ils insisté.

Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas. Ils appellent les parties à « faire preuve de retenue » et à saisir l’opportunité de rétablir la paix.

Les ministres ont réaffirmé que la priorité devait rester la mise en place d’un cessez-le-feu permanent, la libération des otages et l’acheminement massif d’aide humanitaire à Gaza pour enrayer la famine. Ils demandent l’arrêt immédiat des opérations militaires israéliennes dans la ville de Gaza, dénonçant les déplacements massifs de civils, les pertes humaines et la destruction d’infrastructures vitales.

Ils exhortent par ailleurs à garantir aux Nations unies et aux ONG humanitaires un accès sûr et sans entrave à l’ensemble de la bande de Gaza, y compris dans le Nord.

Enfin, le Groupe E3 a rappelé sa condamnation « sans équivoque » des crimes commis par le Hamas, qualifié de mouvement terroriste, qui doit, selon eux, « libérer immédiatement et sans condition les otages, être désarmé et écarté définitivement de la gouvernance de la bande de Gaza ».


L’ONU adopte une résolution franco-saoudienne pour la paix israélo-palestinienne sans le Hamas

L'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères et présidente de la 80e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Annalena Baerbock, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale pour voter sur la solution de deux États à la question palestinienne au siège des Nations Unies (ONU), le 12 septembre 2025 à New York. (AFP)
L'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères et présidente de la 80e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Annalena Baerbock, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale pour voter sur la solution de deux États à la question palestinienne au siège des Nations Unies (ONU), le 12 septembre 2025 à New York. (AFP)
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  • Résolution adoptée par 142 voix pour, 10 contre — dont Israël et les États-Unis
  • Le vote précède un sommet de haut niveau co-présidé par Riyad et Paris le 22 septembre

​​​​​​NEW YORK : L’Assemblée générale des Nations unies a voté massivement vendredi en faveur de l’adoption de la « Déclaration de New York », une résolution visant à relancer la solution à deux États entre Israël et la Palestine, sans impliquer le Hamas.

Le texte a été approuvé par 142 pays, contre 10 votes négatifs — dont Israël et les États-Unis — et 12 abstentions. Il condamne fermement les attaques du Hamas du 7 octobre 2023, exige le désarmement du groupe, la libération de tous les otages, et appelle à une action internationale collective pour mettre fin à la guerre à Gaza.

Intitulée officiellement « Déclaration de New York sur le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution à deux États », la résolution a été présentée conjointement par l’Arabie saoudite et la France, avec le soutien préalable de la Ligue arabe et de 17 États membres de l’ONU.

Le texte souligne la nécessité de mettre fin à l’autorité du Hamas à Gaza, avec un transfert des armes à l’Autorité palestinienne, sous supervision internationale, dans le cadre d’une feuille de route vers une paix durable. Celle-ci inclut un cessez-le-feu, la création d’un État palestinien, le désarmement du Hamas, et une normalisation des relations entre Israël et les pays arabes.

L’ambassadeur de France, Jérôme Bonnafont, qui a présenté la résolution, l’a qualifiée de « feuille de route unique pour concrétiser la solution à deux États », soulignant l’engagement de l’Autorité palestinienne et des pays arabes en faveur de la paix et de la sécurité. Il a aussi insisté sur l’urgence d’un cessez-le-feu immédiat et de la libération des otages.

Ce vote intervient à quelques jours d’un sommet de haut niveau de l’ONU, co-présidé par Riyad et Paris le 22 septembre, où le président Emmanuel Macron s’est engagé à reconnaître officiellement un État palestinien.

La représentante américaine, Morgan Ortagus, s’est vivement opposée à la résolution, la qualifiant de « coup de communication malvenu et malavisé » qui récompenserait le Hamas et nuirait aux efforts diplomatiques authentiques.

Elle a dénoncé la mention du « droit au retour » dans le texte, estimant qu’il menace le caractère juif de l’État d’Israël.

« Cette résolution est un cadeau au Hamas,» a déclaré Mme Ortagus, ajoutant que le désarmement du Hamas et la libération des otages étaient la clé de la fin de la guerre. Elle a exhorté les autres nations à se joindre aux États-Unis pour s'opposer à la déclaration.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Frappes ukrainiennes sur les raffineries et forte demande: en Russie, l'essence devient chère

Début septembre, le prix de la tonne d'AI-95, l'un des carburants sans-plomb les plus populaires en Russie, s'est envolé pour atteindre plus de 82.000 roubles (environ 826 euros), tutoyant des records, selon les données de la bourse de Saint-Pétersbourg. (AFP)
Début septembre, le prix de la tonne d'AI-95, l'un des carburants sans-plomb les plus populaires en Russie, s'est envolé pour atteindre plus de 82.000 roubles (environ 826 euros), tutoyant des records, selon les données de la bourse de Saint-Pétersbourg. (AFP)
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  • Mercredi, le média Izvestia évoquait des "interruptions d'approvisionnement" dans "plus de dix régions" de Russie, l'un des principaux producteurs de pétrole au monde
  • A Moscou, vitrine de la Russie, pas de pénurie mais une hausse qui a propulsé le litre de sans-plomb 95 à plus de 66 roubles (0,67 euro)

MOSCOU: "Doucement mais sûrement": Oleg fait le plein d'essence à Moscou et vitupère contre la hausse des prix nourrie par une demande accrue et les frappes ukrainiennes contre les infrastructures pétrolières, secteur clé de l'économie russe que les Occidentaux veulent sanctionner.

"Tout le monde l'a remarqué", tonne Oleg, retraité de 62 ans: les prix des carburants vont crescendo à la pompe. Au 1er septembre, l'essence au détail coûtait 6,7% de plus que fin 2024, selon Rosstat, l'agence nationale des statistiques.

Ce renchérissement s'inscrit dans un contexte de hausse générale des prix, avec une inflation annuelle qui a été de 8,14% en août, à l'heure où la Russie intensifie l'offensive qu'elle a lancée en 2022 en Ukraine.

Début septembre, le prix de la tonne d'AI-95, l'un des carburants sans-plomb les plus populaires en Russie, s'est envolé pour atteindre plus de 82.000 roubles (environ 826 euros), tutoyant des records, selon les données de la bourse de Saint-Pétersbourg.

Et depuis le début de l'été, les réseaux sociaux sont saturés de vidéos montrant des files d'attente devant les stations-service de l'Extrême-Orient russe, en Crimée - région que la Russie a annexée au détriment de Kiev en 2014 -, et dans certaines régions du sud proches de l'Ukraine, pour cause de pénurie.

Mercredi, le média Izvestia évoquait des "interruptions d'approvisionnement" dans "plus de dix régions" de Russie, l'un des principaux producteurs de pétrole au monde.

Raffineries frappées 

A Moscou, vitrine de la Russie, pas de pénurie mais une hausse qui a propulsé le litre de sans-plomb 95 à plus de 66 roubles (0,67 euro). Ce prix, qui reste bien inférieur à ceux affichés dans de nombreux pays européens, surprend le consommateur russe, habitué à ne pas payer cher l'essence et au revenu moyen moindre.

Artiom, un Moscovite qui ne souhaite pas donner son nom de famille, observe cette augmentation "depuis le début de l'année". "Pour des personnes ordinaires, 300 ou 400 roubles en plus par plein (3 à 4 euros, ndlr), cela commence à être sensible", dit-il.

Sur le site Gazeta.ru, Igor Iouchkov, analyste au Fonds national de sécurité énergétique, met en avant l'augmentation d'"environ 16%" du droit d'accise (impôt indirect) depuis le 1er janvier et la baisse de subsides versés aux compagnies pétrolières.

Car, comme l'explique à l'AFP Sergueï Teriochkine, expert en questions énergétiques, "plus les subventions sont faibles, plus la rentabilité est faible", ce qui pousse les pétroliers à "répercuter" ces pertes sur les prix au détail.

La demande a, elle, été dopée par les départs en vacances et les engins agricoles.

Restent - surtout - les frappes contre les raffineries et dépôts de pétrole que l'Ukraine a multipliées afin de toucher Moscou au portefeuille et d'entraver sa capacité à financer son offensive.

"Les frappes ont ciblé de grandes raffineries dans la partie européenne de la Russie", notamment dans les régions de Samara, Riazan, Volgograd et Rostov, énumère Alexandre Kots, journaliste russe spécialiste des questions militaires, sur Telegram.

"Ce n'est rien!" 

L'une de ces attaques, à la mi-août, a touché la raffinerie de Syzran, dans la région de Samara, selon l'état-major ukrainien. Le complexe se trouve à plus de 800 km de la frontière ukrainienne. Il est présenté par Kiev comme le "plus important du système Rosneft", géant russe des hydrocarbures.

Moscou n'a pas quantifié l'impact de ces frappes, mais dans le journal Kommersant, l'analyste Maxime Diatchenko parle d'une baisse de la production "de près de 10%" depuis le début de l'année.

"C'est rien!", assure Alexandre, un homme d'affaires moscovite, après avoir rempli le réservoir de sa berline allemande. "Une frappe, deux frappes, trois frappes, ça n'est rien pour le marché en général ou pour les prix".

"Le pays a besoin d'argent. L'augmentation du prix de l'essence, c'est une façon d'augmenter le revenu de l'Etat", estime de son côté Vladimir, un Moscovite de 50 ans.

Pour tenter de stabiliser la situation, Moscou a prolongé une interdiction d'"exporter de l’essence pour les automobiles" jusque fin octobre.

La Russie reste par ailleurs un exportateur majeur de pétrole brut, des exportations que les Occidentaux entendent étouffer pour tarir une des principales sources de financement de l'offensive russe en Ukraine, pays qui compte l'Union européenne comme principale alliée.