Le rétablissement des liens entre Ankara et Le Caire, un défi pour les Frères musulmans

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, s’est rendu au Caire le 14 février dans le cadre d’une visite d’État destinée à accélérer la normalisation progressive entre les deux pays. (AFP).
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, s’est rendu au Caire le 14 février dans le cadre d’une visite d’État destinée à accélérer la normalisation progressive entre les deux pays. (AFP).
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Publié le Mercredi 21 février 2024

Le rétablissement des liens entre Ankara et Le Caire, un défi pour les Frères musulmans

  • La visite d’Erdogan marque un changement dans la position de la Turquie à l’égard des Frères musulmans, un facteur crucial dans l’apaisement des tensions entre les deux nations
  • Le rapprochement avec l’Égypte permettrait à Erdogan de présenter un modèle de réussite avant les élections, tant sur le plan politique qu’économique

ANKARA: Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a rencontré son homologue égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, au Caire le 14 février dans le cadre d’une visite d’État importante destinée à accélérer la normalisation progressive entre les deux pays, entamée en 2021. Le président Al-Sissi devrait se rendre en Turquie au mois d’avril.

Au lendemain de la visite, les autorités turques auraient révoqué la demande de citoyenneté du secrétaire général des Frères musulmans, Mahmoud Hussein Ahmed Hassan, ce qui soulève des interrogations sur les motifs de cette décision.

La visite d’Erdogan marque un changement dans la position de la Turquie à l’égard des Frères musulmans, un facteur crucial dans l’apaisement des tensions entre les deux nations.

Al-Arabiya rapporte que Hussein s’est dépossédé de ses biens à Istanbul et qu’il a entamé des discussions avec des responsables des Frères musulmans sur des plans d’action potentiels, notamment une résolution avec les autorités turques ou la recherche d’un autre lieu de résidence.

Au cours des deux dernières années, la Turquie a adopté une série de mesures pour répondre aux demandes égyptiennes de réprimer les membres des Frères musulmans en exil et de fermer des médias basés à Istanbul qui critiquent le gouvernement égyptien. En conséquence, d’éminentes personnalités des Frères musulmans, des figures des médias et des universitaires ont commencé à quitter la Turquie, tandis que les dissidents égyptiens font face à des restrictions imposées par les autorités turques sur les réseaux sociaux.

En 2022, la chaîne de télévision égyptienne Mekameleen TV, affiliée aux Frères musulmans, a arrêté d’émettre à partir de la Turquie, ce qui souligne les changements survenus dans la dynamique régionale. L’année dernière a marqué une étape importante puisque l’Égypte et la Turquie ont nommé des ambassadeurs dans leurs capitales respectives pour la première fois depuis une décennie. La réunion du Caire du 14 février ainsi que la visite prévue d’Al-Sissi en Turquie au mois d’avril témoignent du désir de normalité diplomatique.

Soner Cagaptay, chercheur principal au Washington Institute, confie à Arab News: «La réconciliation avec l’Égypte représente l’aspect final, et le plus difficile, des efforts continus de la Turquie pour rétablir ses relations avec les puissances du Moyen-Orient. Pendant près d’une décennie, les relations de la Turquie avec les pays du Moyen-Orient étaient tendues, principalement en raison du soutien unilatéral d’Ankara aux Frères musulmans, à partir de 2011. La Turquie a commencé à rétablir progressivement ses liens avec d’autres pays, mais l’Égypte est restée le dernier obstacle, puisque le président Al-Sissi a insisté pour que la Turquie adopte des mesures concrètes afin de réprimer les membres des Frères musulmans exilés sur son territoire.»

Malgré de récents échanges chaleureux qui visaient à rétablir les liens, les experts expliquent qu’il est essentiel de régler le conflit libyen avant de pouvoir parvenir à une véritable coopération, étant donné que ces deux pays se sont souvent trouvés en désaccord dans leur soutien aux gouvernements rivaux au sein de ce pays d’Afrique du Nord.

«Il existe une dimension supplémentaire, mais tacite, du processus de réconciliation: les négociations entre Ankara et Le Caire ont également abordé un éventuel accord de partage du pouvoir pour la Libye dans le but de parvenir à une compréhension commune du conflit libyen. L’Égypte considère la partie orientale de ce pays d’Afrique du Nord comme faisant partie de sa sphère d’influence», soutient M. Cagaptay.

Ankara a récemment commencé à discuter avec divers acteurs en Libye plutôt que de se limiter au gouvernement d’union nationale, l’un des deux gouvernements rivaux qui ont émergé dans ce pays ravagé par la guerre.

Samedi, le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, a tenu des consultations avec son homologue italien, Antonio Tajani, sur la situation en Libye en marge de la 16e conférence de Munich sur la sécurité, qui coïncide avec les efforts diplomatiques entre Ankara et Le Caire.

M. Fidan a également rencontré le Premier ministre libyen, Abdelhamid Dbeibah, à Tripoli, il y a deux semaines, avant de rencontrer séparément Mohammed el-Menfi, chef du Conseil présidentiel libyen, Abdallah al-Lafi, le chef adjoint du conseil, et Mohammed Muftah Takala, président du Haut Conseil d’État libyen.

«Le traitement réservé par la Turquie aux Frères musulmans fait partie du processus de rapprochement avec l’Égypte, qui repose sur des motivations à la fois internes et externes», explique Pinar Akpinar, professeure adjointe au département des affaires internationales et au programme d’études du Golfe de l’université du Qatar, dans un entretien accordé à Arab News.

«La principale motivation interne se situe au niveau des élections anticipées, éclipsées par la crise économique grave à laquelle la Turquie se trouve confrontée. La démission du dernier gouverneur de la Banque centrale, Mme Hafize Gaye Erkan, neuf mois seulement après avoir repris ses fonctions, a érodé encore plus la confiance de la population et des investisseurs dans l’économie turque», ajoute-t-elle.

Selon Mme Akpinar, le rapprochement avec l’Égypte – une puissance régionale importante et le principal partenaire commercial de la Turquie en Afrique – permet à Erdogan de présenter un modèle de réussite avant les élections, tant sur le plan politique qu’économique.

«Erdogan veut montrer qu’il renforce son alliance avec l’Occident, comme en témoigne le soutien de la Turquie à l’adhésion de la Suède à l’Otan, son rapprochement avec l’Égypte et sa rupture avec des éléments anti-occidentaux dans la région», poursuit-elle.

«Il convient également de noter que, pour la première fois, [le président russe Vladimir] Poutine s’abstient de soutenir Erdogan lors des élections et qu’il a reporté sa visite, prévue en Turquie la semaine dernière. Erdogan se tourne vers les alliés traditionnels de la Turquie et recherche leur soutien pour ces élections. Son rapprochement avec Al-Sissi en tant qu’allié occidental solide de ces dernières années s’inscrit dans le cadre de cette démarche.»

Par ailleurs, M. Fidan soutient qu’un accord a été finalisé pour fournir des drones à l’Égypte au début de ce mois.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


La coalition arabe met en garde contre toute action militaire compromettant la désescalade au Yémen

Des membres yéménites des tribus Sabahiha de Lahj lors d'un rassemblement pour manifester leur soutien au Conseil de transition du Sud (STC) dans la ville portuaire côtière d'Aden, le 14 décembre 2025. (AFP)
Des membres yéménites des tribus Sabahiha de Lahj lors d'un rassemblement pour manifester leur soutien au Conseil de transition du Sud (STC) dans la ville portuaire côtière d'Aden, le 14 décembre 2025. (AFP)
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  • Le porte-parole de la coalition, le général de division Turki Al-Maliki, a indiqué que cet avertissement fait suite à une demande du Conseil présidentiel yéménite pour prendre des mesures urgentes

DUBAÏ : La coalition arabe soutenant le gouvernement yéménite internationalement reconnu a averti samedi que tout mouvement militaire compromettant les efforts de désescalade serait traité immédiatement afin de protéger les civils, a rapporté l’Agence de presse saoudienne.

Le porte-parole de la coalition, le général de division Turki Al-Maliki, a déclaré que cet avertissement fait suite à une demande du Conseil présidentiel yéménite visant à prendre des mesures urgentes pour protéger les civils dans le gouvernorat de Hadramout, face à ce qu’il a qualifié de graves violations humanitaires commises par des groupes affiliés au Conseil de transition du Sud (CTS).

Le communiqué précise que ces mesures s’inscrivent dans le cadre des efforts conjoints et continus de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis pour réduire les tensions, faciliter le retrait des forces, remettre les camps militaires et permettre aux autorités locales d’exercer leurs fonctions.

Al-Maliki a réaffirmé le soutien de la coalition au gouvernement yéménite internationalement reconnu et a appelé toutes les parties à faire preuve de retenue et à privilégier des solutions pacifiques, selon l’agence.

Le CTS a chassé ce mois-ci le gouvernement internationalement reconnu de son siège à Aden, tout en revendiquant un contrôle étendu sur le sud du pays.

L’Arabie saoudite a appelé les forces du CTS à se retirer des zones qu’elles ont prises plus tôt en décembre dans les provinces orientales de Hadramout et d’Al-Mahra.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Les Émirats arabes unis saluent les efforts de l’Arabie saoudite pour soutenir la stabilité au Yémen

Les Émirats arabes unis ont également réaffirmé leur engagement à soutenir toutes les initiatives visant à renforcer la stabilité et le développement au Yémen. (WAM)
Les Émirats arabes unis ont également réaffirmé leur engagement à soutenir toutes les initiatives visant à renforcer la stabilité et le développement au Yémen. (WAM)
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  • Les Émirats arabes unis ont salué le rôle constructif du Royaume dans la promotion des intérêts du peuple yéménite

DUBAÏ : Les Émirats arabes unis ont salué vendredi les efforts de l’Arabie saoudite pour soutenir la sécurité et la stabilité au Yémen, a rapporté l’agence de presse officielle WAM.

Dans un communiqué, les Émirats ont loué le rôle constructif du Royaume dans la promotion des intérêts du peuple yéménite et dans le soutien de leurs aspirations légitimes à la stabilité et à la prospérité.

Les Émirats ont également réaffirmé leur engagement à soutenir toutes les initiatives visant à renforcer la stabilité et le développement au Yémen, en soulignant leur appui aux efforts contribuant à la sécurité et à la prospérité régionales.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le Liban adopte le projet de loi sur le gap financier malgré l’opposition du Hezbollah et des Forces libanaises

Le Premier ministre libanais Nawaf Salam s'exprimant lors d'une conférence de presse après une réunion du Conseil des ministres à Beyrouth, le 26 décembre 2025. (AFP)
Le Premier ministre libanais Nawaf Salam s'exprimant lors d'une conférence de presse après une réunion du Conseil des ministres à Beyrouth, le 26 décembre 2025. (AFP)
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  • Le texte vise à trancher le sort de milliards de dollars de dépôts bloqués et devenus inaccessibles pour les citoyens libanais depuis l’effondrement financier du pays

BEYROUTH : Le Conseil des ministres libanais a approuvé vendredi un projet de loi controversé visant à encadrer la relance financière et à restituer les dépôts bancaires gelés aux citoyens. Cette décision est perçue comme une étape clé dans les réformes économiques longtemps retardées et exigées par le Fonds monétaire international (FMI).

Le texte a été adopté par 13 voix pour et neuf contre, à l’issue de discussions marathon autour du projet de loi dit du « gap financier » ou de récupération des dépôts, bloqué depuis des années après l’éclatement de la crise bancaire en 2019. Les ministres de la Culture et des Affaires étrangères étaient absents de la séance.

La législation vise à déterminer le sort de milliards de dollars de dépôts devenus inaccessibles pour les Libanais durant l’effondrement financier du pays.

Le projet a été rejeté par trois ministres des Forces libanaises, trois ministres du Hezbollah et du mouvement Amal, ainsi que par la ministre de la Jeunesse et des Sports, Nora Bayrakdarian, le ministre des Télécommunications, Charles Al-Hajj, et le ministre de la Justice, Adel Nassar.

Le ministre des Finances, Yassin Jaber, a rompu avec ses alliés du Hezbollah et d’Amal en votant en faveur du texte. Il a justifié sa position par « l’intérêt financier suprême du Liban et ses engagements envers le FMI et la communauté internationale ».

Le projet de loi a suscité une vive colère parmi les déposants, qui rejettent toute tentative de leur faire porter la responsabilité de l’effondrement financier. Il a également provoqué de fortes critiques de l’Association des banques et de plusieurs blocs parlementaires, alimentant les craintes d’une bataille politique intense au Parlement, à l’approche des élections prévues dans six mois.

Le Premier ministre Nawaf Salam a confirmé que le Conseil des ministres avait approuvé le texte et l’avait transmis au Parlement pour débat et amendements avant son adoption définitive. Cherchant à apaiser les inquiétudes de l’opinion publique, il a souligné que la loi prévoit des audits judiciaires et des mécanismes de reddition des comptes.

« Les déposants dont les comptes sont inférieurs à 100 000 dollars seront intégralement remboursés, avec intérêts et sans aucune décote », a déclaré Salam. « Les grands déposants percevront également leurs premiers 100 000 dollars en totalité, le reste étant converti en obligations négociables garanties par les actifs de la Banque centrale, estimés à environ 50 milliards de dollars. »

Il a ajouté que les détenteurs d’obligations recevront un premier versement de 2 % après l’achèvement de la première tranche de remboursements.

La loi comprend également une clause de responsabilité pénale. « Toute personne ayant transféré illégalement des fonds à l’étranger ou bénéficié de profits injustifiés sera sanctionnée par une amende de 30 % », a indiqué Salam.

Il a insisté sur le fait que les réserves d’or du Liban resteront intactes. « Une disposition claire réaffirme la loi de 1986 interdisant la vente ou la mise en gage de l’or sans l’approbation du Parlement », a-t-il déclaré, balayant les spéculations sur une utilisation de ces réserves pour couvrir les pertes financières.

Reconnaissant que la loi n’est pas parfaite, Salam l’a néanmoins qualifiée de « pas équitable vers la restitution des droits ».

« La crédibilité du secteur bancaire a été gravement entamée. Cette loi vise à la restaurer en valorisant les actifs, en recapitalisant les banques et en mettant fin à la dépendance dangereuse du Liban à l’économie du cash », a-t-il expliqué. « Chaque jour de retard érode davantage les droits des citoyens. »

Si l’Association des banques n’a pas publié de réaction immédiate après le vote, elle avait auparavant affirmé, lors des discussions, que la loi détruirait les dépôts restants. Les représentants du secteur estiment que les banques auraient du mal à réunir plus de 20 milliards de dollars pour financer la première tranche de remboursements, accusant l’État de se dédouaner de ses responsabilités tout en accordant de facto une amnistie à des décennies de mauvaise gestion financière et de corruption.

Le sort du texte repose désormais sur le Parlement, où les rivalités politiques à l’approche des élections de 2025 pourraient compliquer ou retarder son adoption.

Le secteur bancaire libanais est au cœur de l’effondrement économique du pays, avec des contrôles informels des capitaux privant les déposants de leurs économies et une confiance en chute libre dans les institutions de l’État. Les donateurs internationaux, dont le FMI, conditionnent toute aide financière à des réformes profondes du secteur. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com