Pour le RN, la question stratégique des agriculteurs

Un ouvrier passe devant un hashtag #SIA pour "Salon International de l'agriculture" au parc des expositions de la porte de Versailles à Paris, le 22 février 2024, 2 jours avant son ouverture pour son 60e anniversaire. (Photo, AFP)
Un ouvrier passe devant un hashtag #SIA pour "Salon International de l'agriculture" au parc des expositions de la porte de Versailles à Paris, le 22 février 2024, 2 jours avant son ouverture pour son 60e anniversaire. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 23 février 2024

Pour le RN, la question stratégique des agriculteurs

  • A l'occasion du Salon de l'agriculture le Rassemblement national entend quoi qu'il en soit ramasser les fruits de son soutien à la colère paysanne
  • C'est la Coordination rurale, deuxième force syndicale aux élections professionnelles, que le RN courtise plus ou moins discrètement

PARIS: Deux jours de déambulation entre vaches et veaux pour Jordan Bardella dimanche et lundi, une troisième salve assurée par Marine Le Pen dans la semaine: le RN entend investir le Salon de l'agriculture, un thème jugé central à trois mois des Européennes.

Un mois après les grandes manifestations paysannes, le Rassemblement national veut croire que le sujet n'est pas purgé, même si ses prédictions, le mois dernier, d'"une explosion sociale d'importance" avec une "solidarisation avec les routiers" n'est pas véritablement advenue.

Récupération? "Rien à foutre. La solution sera politique, donc, oui, il faut récupérer politiquement", assume un député RN, sûr que le programme de son parti "correspond exactement aux demandes des agriculteurs" et, donc, "que ça (lui) profitera électoralement" lors du scrutin européen du 9 juin.

Un enthousiasme parfois zélé qui n'a pas empêché les faux pas: trois députés RN - Julien Rancoule, Frédéric Falcon et Christophe Barthès - qui avaient fièrement posé aux côtés de manifestants devant une pancarte arborant un message obscène ont été rappelé à l'ordre par les instances du parti. "De la bêtise, de la beaufitude...", peste encore un cadre dirigeant, conscient d'être "sur une ligne de crête".

Déficit électoral

A l'occasion du Salon de l'agriculture le Rassemblement national entend quoi qu'il en soit ramasser les fruits de son soutien à la colère paysanne.

Or, l'ex-Front national, qui compte deux exploitants agricoles dans ses rangs à l'Assemblée nationale, accuse un déficit électoral persistant auprès de cette catégorie professionnelle historiquement attachée à la droite modérée: en 2022, à trois semaines du scrutin présidentiel, Marine Le Pen ne recueillait que 11% d'intentions de vote, presque moitié moins qu'en population générale.

Sur le fond, les stratèges RN estiment désormais que la crise débutée en janvier leur a fait gagner des points. "La confirmation que nous avions vu juste", se réjouit en privé Marine Le Pen, quand ses lieutenants observent la reprise du concept d'"exception agriculturelle" - dont ils revendiquent à tort la paternité, qui revient en fait à la gauche.

"Quand on reprend vos mots, il y a une victoire idéologique", estime pourtant un député RN, esquissant une nouvelle étape de la lepénisation croissante du débat public, notamment incarnée par la loi immigration.

Coordination rurale courtisée 

Sur la forme, le Rassemblement national considère également que "les lignes bougent". La FNSEA, le syndicat majoritaire qui a appelé à voter "contre Marine Le Pen" au second tour de la présidentielle? "Ils n'ont pas maîtrisé le mouvement, ils n'ont pas tenu leurs troupes", lâchait il y a un mois un ponte RN dans un sourire assumé.

Surtout, c'est la Coordination rurale, deuxième force syndicale aux élections professionnelles, que le RN courtise plus ou moins discrètement.

Au Salon de l'agriculture comme dans les innombrables foire agricoles provinciales où Jordan Bardella éprouve régulièrement sa "stratégie du selfie", le patron du RN ne manque jamais le stand de cette organisation qui jure de son "apolitisme" - elle n'avait donné aucune consigne de vote au second tour de la présidentielle.

L'une de ses figures, Serge Bousquet-Cassagne, ne cache d'ailleurs pas sa bienveillance envers les lepénistes, alors que l'un de ses fils fut investi par le parti à la flamme lors d'une législative dans le Lot-et-Garonne en 2013.

Mieux: la présidente de la Coordination, Véronique Le Floc'h, avait fait sensation fin janvier en affirmant que "si tout le monde avait le même discours que (le Rassemblement national), on pourrait aller dans le bon sens".

"Si ce sont nos idées qui sont reprises, je ne vais pas aller dire qu'elles sont mauvaises quel que soit le parti qui les reprend", tempère-t-elle désormais, en disant déplorer que "certains pensent nous atteindre en nous entachant de cette proximité" avec le RN.

L'idée que Mme Le Floc'h puisse figurer sur la liste Bardella pour les Européennes demeure pourtant un objectif assumé de nombre de lepénistes depuis plusieurs semaines. Ce qui n'est, selon elle, pas d'actualité: "A ma connaissance, il n'y a pas eu de démarchage".


France: un Ukrainien inculpé pour le meurtre d'une Franco-Russe dans un conflit de voisinage

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  • Selon le parquet, il y avait de la part de cette femme "une attitude régulièrement agressive avec des menaces de mort envers" ses voisins ukrainiens arrivés en France en mars 2022 pour fuir l'invasion de leur pays par la Russie
  • Née au Kazakhstan en 1967, alors en URSS, elle était arrivée en France en 2004, d'après la même source

EVREUX: Un Ukrainien de 69 ans a été inculpé pour meurtre et placé sous contrôle judiciaire après le décès mardi de sa voisine franco-russe à Evreux, dans le nord de la France, lors d'un différend de voisinage, a-t-on appris vendredi auprès du parquet local.

Un couple de retraités ukrainiens ainsi que leur amie avaient été agressés avec un couteau d'environ 20 cm par leur voisine franco-russe, vers 5H00 locales (7H00 GMT) dans la nuit de lundi à mardi, a expliqué le procureur de la République d'Evreux Rémi Coutin lors d'une conférence de presse.

Le mari du couple ukrainien aurait alors retourné l'arme blanche contre sa voisine la blessant à trois reprises, dont une mortelle à la cuisse, toujours selon le procureur.

"Pour nous c'est la victime, celle qui a reçu les coups de couteau et est décédée mardi matin, qui était venue agresser au moins à deux reprises cette nuit-là les personnes ukrainiennes qui se trouvaient dans l'appartement au-dessus d'elle", a déclaré Rémi Coutin, justifiant ainsi le non placement en détention de l'auteur présumé des faits.

Selon le parquet, il y avait de la part de cette femme "une attitude régulièrement agressive avec des menaces de mort envers" ses voisins ukrainiens arrivés en France en mars 2022 pour fuir l'invasion de leur pays par la Russie.

Née au Kazakhstan en 1967, alors en URSS, elle était arrivée en France en 2004, d'après la même source.

Un voisin a déclaré avoir passé la soirée à boire des bières chez la quinquagénaire avant que celle-ci ne décide "de monter le son de la musique, de donner des coups de balai dans le plafond afin d'embêter ses voisins du dessus", puis de se rendre chez eux pour une première altercation.

Déjà condamné à cinq reprises pour violences, ce voisin est mis en examen pour violences aggravées pour avoir frappé l'homme ukrainien lors cette première rencontre nocturne, a relevé le parquet.

Un habitant de l'immeuble a indiqué lors de son audition qu'il avait déjà demandé l'intervention à la police les 22 et 30 juin, parce que la victime était en train de donner des coups de poing dans la porte de l'appartement de ses voisins ukrainiens.

Entendu par la police, l'ex-mari de la femme franco-russe a relaté que s'agissant de la guerre entre la Russie et l'Ukraine, elle considérait que la Russie devait "se défendre, chasser les nazis d'Ukraine et lutter contre l'OTAN".

 


Audiovisuel public: Dati dégaine le «vote bloqué» pour accélérer les débats

Brigitte Macron et Rachida Dati. (AFP)
Brigitte Macron et Rachida Dati. (AFP)
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  • Vendredi matin, à la reprise, rien n'a laissé présager que les discussions puissent s'accélérer. Un peu plus d'une demi heure après le début des débats, Mme Dati a annoncé que le gouvernement demandait au Sénat "de se prononcer par un vote unique
  • Cette procédure très rarement utilisée permet d'accélérer les débats en n'organisant qu'un seul vote, sur le texte et les amendements que le gouvernement choisit de conserver

PARIS: Fin de session chaotique au Sénat: face à l'"obstruction" de la gauche, la ministre de la Culture Rachida Dati a dégainé vendredi matin l'arme constitutionnelle du "vote bloqué" sur la réforme de l'audiovisuel public, pour tenter d'aboutir avant les congés parlementaires.

C'est une nouvelle vicissitude pour ce texte au parcours chaotique, porté à bout de bras par la ministre face à l'hostilité des syndicats, et qui pour l'essentiel prévoit de créer le 1er janvier 2026 une holding, France Médias, qui chapeauterait France Télévisions, Radio France et l'Ina (Institut national de l'audiovisuel), sous l'autorité d'un président-directeur général.

L'examen du texte a avancé à très faible allure jeudi: suspensions de séance à répétition, rappels au règlement, motions de rejet préalable, invectives en pagaille... En plus de huit heures de débats, les sénateurs ont à peine démarré l'examen de l'article premier de la proposition de loi du sénateur Laurent Lafon.

A la manoeuvre, la gauche, bien décidée à jouer la montre, alors que la session extraordinaire doit théoriquement s'achever vendredi à minuit.

Vendredi matin, à la reprise, rien n'a laissé présager que les discussions puissent s'accélérer. Un peu plus d'une demi heure après le début des débats, Mme Dati a annoncé que le gouvernement demandait au Sénat "de se prononcer par un vote unique sur l'ensemble du texte", "en application de l'article 44 alinéa 3 de la Constitution".

Cette procédure très rarement utilisée permet d'accélérer les débats en n'organisant qu'un seul vote, sur le texte et les amendements que le gouvernement choisit de conserver.

"Après plus de sept heures de débat, nous n'avons pu débattre que de 31 amendements sur ce texte. On a vu encore ce matin (...) de l'obstruction, toujours de l'obstruction et encore de l'obstruction", a-t-elle justifié. Il restait alors environ 300 amendements à débattre.

Les débats, suspendus vers 10H15, ont repris près de deux heures plus tard, et le président de séance Didier Mandelli (LR) a pris acte de la demande du gouvernement.

Débats "escamotés" 

Les orateurs de la gauche ont successivement protesté contre ce "coup de force", selon le mot de l'ancienne ministre socialiste Laurence Rossignol. "On parle de liberté de la presse. Mais commençons déjà par respecter les droits du Parlement", a-t-elle tonné, rappelant que le Sénat avait d'autres outils à sa disposition pour discipliner les discussions.

Et ce alors que les débats ont déjà été "escamotés" en première lecture à l'Assemblée le 30 juin, après le vote surprise d'un motion de rejet déposée par les écologistes, face aux bancs désertés de la coalition gouvernementale.

"C'est vous qui êtes responsables du fait que le débat ne peut pas avoir lieu. Ce n'est pas nous", leur a rétorqué le rapporteur du texte, Cédric Vial (LR).

Le président de la commission de la culture Laurent Lafon (UDI) a lui aussi défendu la décision du gouvernement, pointant une obstruction "caractérisée" destinée à "empêcher que le Sénat confirme son soutien" au texte.

Selon des sources parlementaires, la décision de déclencher le "vote bloqué" était sur la table depuis jeudi.

Mais, alors que le président du Sénat et le ministre des Relations avec le Parlement étaient enclins à laisser le débat se dérouler, "c'est bien Rachida Dati", en première ligne face à la gauche, qui "à un moment donné (...) a tranché pour tout le monde", selon un poids lourd.

Désormais, l'examen du texte devrait pouvoir "aller au bout" avant la fin de la session, selon cette source. Et revenir sans doute à l'automne à l'Assemblée, à une date indéterminée.


Trois députés contraints de démissionner après avoir été déclarés inéligibles par le Conseil constitutionnel

La ministre française de la Culture Rachida Dati et le Premier ministre français Gabriel Attal  s'adressent à la presse lors d'une visite de campagne pour soutenir la candidate du MoDem Maud Gatel  et le candidat de la Renaissance Jean Laussucq pour les élections législatives, sur un marché, à Paris, le 5 juillet 2024. (Photo d'archives AFP)
La ministre française de la Culture Rachida Dati et le Premier ministre français Gabriel Attal s'adressent à la presse lors d'une visite de campagne pour soutenir la candidate du MoDem Maud Gatel et le candidat de la Renaissance Jean Laussucq pour les élections législatives, sur un marché, à Paris, le 5 juillet 2024. (Photo d'archives AFP)
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  • Les dépenses irrégulières "représentent 21% du montant des dépenses du compte et 10,2% du plafond des dépenses autorisées dans la circonscription" et s'élèvent à 7.030 euros, a précisé le Conseil constitutionnel
  • Brigitte Barèges a été épinglée pour avoir facturé la participation à sa campagne de deux collaborateurs de son cabinet à la mairie de Montauban, alors qu'elle en était la maire

PARIS: Trois députés, les élus Ensemble pour la République (EPR) Jean Laussucq et Stéphane Vojetta ainsi que celle de l'Union des droites (UDR) Brigitte Barèges, ont été déclarés inéligibles par le Conseil constitutionnel vendredi, en raison d'irrégularités dans leurs comptes de campagne.

Jean Laussucq, député de Paris, Brigitte Barèges, députée du Tarn-et-Garonne, et Stéphane Vojetta, député pour les Français établis hors de France, ont été déclarés inéligibles "pour une durée d'un an" et "démissionnaires d'office" de leurs mandats, a annoncé le Conseil constitutionnel.

Il est reproché à Jean Laussucq d'avoir réglé "des dépenses de campagne au moyen de son compte bancaire personnel" et d'avoir laissé des tiers régler "directement une part significative des dépenses exposées pour sa campagne électorale" de 2024.

Les dépenses irrégulières "représentent 21% du montant des dépenses du compte et 10,2% du plafond des dépenses autorisées dans la circonscription" et s'élèvent à 7.030 euros, a précisé le Conseil constitutionnel.

Brigitte Barèges a été épinglée pour avoir facturé la participation à sa campagne de deux collaborateurs de son cabinet à la mairie de Montauban, alors qu'elle en était la maire.

Enfin, le Conseil constitutionnel a reproché à Stéphane Vojetta, élu dans une circonscription comprenant notamment l'Espagne et le Portugal, d'avoir réglé "irrégulièrement" une "part substantielle des dépenses engagées", durant sa campagne, notamment des "frais de transport".

Des élections législatives partielles devront être organisées prochainement pour désigner des nouveaux députés.

Deux autres députés élus lors des législatives de juillet 2024 avaient dû remettre leurs sièges en jeu après des décisions du Conseil constitutionnel, dans le Jura et en Saône-et-Loire.