Au Sahel, des connexions inattendues entre militaires et fondamentalistes religieux

Des fidèles musulmans quittent la mosquée après la prière du vendredi à Niamey, le 11 août 2023 (Photo, AFP).
Des fidèles musulmans quittent la mosquée après la prière du vendredi à Niamey, le 11 août 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 26 février 2024

Au Sahel, des connexions inattendues entre militaires et fondamentalistes religieux

  • Au Niger et au Burkina Faso, les régimes généralement populaires bénéficient de l'appui des leaders religieux
  • Et si au Mali, l'imam Mahmoud Dicko est désormais l'un des plus ardents détracteurs du régime et appelle au retour des civils au pouvoir, il a d'abord été un soutien du colonel Assimi Goïta

NIAMEY: "Marche révolutionnaire", "lutte contre l'impérialisme". Les termes résonnent étrangement sous les hautes arcades ornées de céramiques de la grande mosquée de Niamey, capitale du Niger, face aux caméras de la télévision nationale.

En ce premier vendredi du mois de février, l'imam salafiste Souleymane Maiga Mounkaila participe aux côtés d'activistes de la société civile à une "prière de soutien" à la décision des nouvelles autorités militaires de retirer leur pays de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest.

Le haut lieu de la vie religieuse de Niamey, tout comme la rue et les réseaux sociaux, s'est trouvé au coeur des mobilisations en faveur des militaires après le coup d'État qui a renversé le président Mohamed Bazoum, le 26 juillet 2023.

Sur la "place de la résistance", où pendant des mois, des milliers de manifestants ont exigé le départ des troupes françaises du pays, des prédicateurs se mêlaient aux musiciens et militants "panafricanistes" pour haranguer la foule à la gloire des généraux présentés en libérateurs. Chacun avec ses arguments.

"Quand c'est le politique qui parle, le musulman émet des réserves. Mais quand on lui dit que c'est le prophète qui parle (...) il a envie d'aller vers la bataille", affirme à l'AFP l'imam Mounkaila.

Comme au Burkina Faso et au Mali, eux aussi théâtres de coups de force perpétrés par l'armée ces trois dernières années, les leaders religieux, et notamment salafistes, ont émergé comme des alliés inattendus des nouveaux régimes militaires.

Au Niger et au Burkina Faso, les régimes généralement populaires bénéficient de l'appui des leaders religieux, "mieux structurés" et "plus vocaux" que les autres soutiens de ces régimes, note Ibrahim Yahaya Ibrahim, directeur adjoint Sahel à l'International Crisis Group (ICG).

Et si au Mali, l'imam Mahmoud Dicko est désormais l'un des plus ardents détracteurs du régime et appelle au retour des civils au pouvoir, il a d'abord été un soutien du colonel Assimi Goïta.

«Déceptions majeures»

A Ouagadougou, l'accession au pouvoir du jeune capitaine Ibrahim Traoré en 2022 - premier chef de l'État musulman depuis 1980 dans un pays où l'islam représente environ 60% de la population - a facilité la mobilisation de la communauté wahabite, principalement incarnée par le Mouvement sunnite du Burkina Faso (MSBF).

Ces mouvements "mobilisent autour de l'idée que les chrétiens se sont accaparés la gestion politique du pays depuis l'indépendance" et essaient "d'influencer le cours de la transition en donnant une plus grande place aux musulmans", analyse Ibrahim Yahaya Ibrahim.

L'imam Mohammad Ishaq Kindo, chef spirituel du MSBF, appelle dans ses prêches à soutenir l'effort de guerre contre les groupes jihadistes qui sévissent sur une grande partie du territoire, et sa mosquée accueille régulièrement des ministres venant prier lors de fêtes comme la Tabaski.

Plus encore à Bamako, les salafistes ont joué un rôle politique de premier plan à travers la figure tutélaire de l'imam Mahmoud Dicko, l'un des principaux instigateurs des contestations populaires qui avaient provoqué la chute du président Ibrahim Boubacar Keita en 2020.

Si les liens se sont distendus au Mali, au Burkina, leurs fidèles se retrouvent encore aujourd'hui en première ligne dans les manifestations de soutien à la transition militaire, reprenant les slogans anti-français en vogue dans la région et les appels à renforcer la coopération avec la Russie dont ils brandissent les drapeaux.

Ce discours anti-occidental n'est pas nouveau et s'appuie, depuis une vingtaine d'années, "sur l'échec des politiques de développement occidentales et la corruption des élites", souligne l'anthropologue franco-nigérien Jean-Pierre Olivier de Sardan.

Les régimes démocratiques issus des années 90, soutenus par l'ancienne puissance coloniale française, "ont engendré des déceptions majeures face auxquelles une certaine forme de retour à l'ordre moral se pose comme la seule alternative", dit-il à l'AFP.

Principe de laïcité, droits des femmes, ont également suscité des débats houleux qui ont révélé de profondes divisions entre certaines élites et une partie de la population.

"L'Occident dictait à nos dirigeants ses volontés sur le plan politique, sécuritaire, culturel, qui sont diamétralement opposées aux valeurs de l'islam et de nos cultures", résume l'imam Souleymane Maiga Mounkaila.

Les autorités maliennes ont suivi les préceptes les plus rigoristes des religieux, interdisant notamment l'usage de la chicha.

«Entrepreneuriat religieux»

Au Niger, les prières de rue et le port du voile sont devenues la norme depuis le début des années 2000 et les écoles coraniques ont essaimé dans les quartiers. Depuis le coup d'Etat qui a porté au pouvoir le général Abdourahamane Tiani, certains vont jusqu'à prêcher en treillis militaires à la télévision ou dans la rue.

"La religion représente un capital social important et le régime essaie de légitimer son pouvoir en faisant des clins d'œil à ces prédicateurs", affirme Abdoulaye Sounaye, chercheur au Leibniz-Zentrum Moderner Orient (ZMO) de Berlin.

De leur côté, "les imams surfent sur la popularité de la junte" et le "souverainisme en vogue" à travers une forme "entrepreneuriat religieux" souvent opportuniste, selon M. Sounaye.

Mais en dépit d'une influence grandissante dans les sociétés sahéliennes, le poids politique de ces mouvements reste pour l'heure limité face à des militaires tenants d'une ligne dure qui ont suspendu les partis au Niger, au Burkina Faso et au Mali.

La nouvelle Constitution adoptée en juillet 2023 au Mali a ainsi maintenu le principe de laïcité de l'Etat, faisant fi des réclamations des fondamentalistes.


Le Soudan du Sud annonce un accord avec les belligérants soudanais sur un champ pétrolier frontalier

Les autorités du Soudan du Sud ont annoncé mercredi avoir conclu un accord avec les belligérants du conflit au Soudan voisin, chargeant l'armée sud-soudanaise de sécuriser un champ pétrolier-clé situé sur une zone frontalière, dont les paramilitaires soudanais se sont emparés lundi. (AFP)
Les autorités du Soudan du Sud ont annoncé mercredi avoir conclu un accord avec les belligérants du conflit au Soudan voisin, chargeant l'armée sud-soudanaise de sécuriser un champ pétrolier-clé situé sur une zone frontalière, dont les paramilitaires soudanais se sont emparés lundi. (AFP)
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  • Le Kordofan est devenue l'épicentre actuel des combats, après la prise de contrôle en octobre de la totalité de celle du Darfour, dans l'ouest du pays, par les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) qui affrontent les Forces armées soudanaises
  • "Un accord tripartite a été conclu entre les SSPDF (Forces armées sud-soudanaises), les SAF et les FSR, accordant aux SSPDF la responsabilité principale de la sécurité du champ pétrolier de Heglig (...) dans un contexte de tensions croissantes"

JUBA: Les autorités du Soudan du Sud ont annoncé mercredi avoir conclu un accord avec les belligérants du conflit au Soudan voisin, chargeant l'armée sud-soudanaise de sécuriser un champ pétrolier-clé situé sur une zone frontalière, dont les paramilitaires soudanais se sont emparés lundi.

Le site de Heglig, qui abrite la principale installation de traitement du pétrole sud-soudanais destiné à l'exportation via Port-Soudan, est situé à l'extrême sud de la région soudanaise méridionale du Kordofan, frontalière du Soudan du Sud.

Le Kordofan est devenue l'épicentre actuel des combats, après la prise de contrôle en octobre de la totalité de celle du Darfour, dans l'ouest du pays, par les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) qui affrontent les Forces armées soudanaises (SAF) depuis 2023.

"Un accord tripartite a été conclu entre les SSPDF (Forces armées sud-soudanaises), les SAF et les FSR, accordant aux SSPDF la responsabilité principale de la sécurité du champ pétrolier de Heglig (...) dans un contexte de tensions croissantes", a déclaré le porte-parole du gouvernement du Soudan du Sud, Ateny Wek Ateny.

Le Soudan du Sud, préoccupé par l'insécurité croissante le long du champ pétrolier, a "toujours plaidé en faveur d'une solution pacifique et diplomatique", a souligné M. Ateny lors d'une conférence de presse, sans donner de détails supplémentaires sur le contenu de l'accord.

Importantes réserves pétrolières 

"La production pétrolière se poursuit", a assuré le porte-parole, assurant ne pas avoir d'informations sur des "dégâts importants ayant pu faire cesser la production".

L'AFP n'a pas pu vérifier ces informations.

Contactés par l'AFP, le RSF et l'armée soudanaise n'ont pas réagi dans l'immédiat sur l'accord.

Les FSR ont annoncé en début de semaine avoir pris le contrôle de Heglig "après la fuite de l'armée" soudanaise.

Selon Juba, quelque 1.650 sous-officiers et 60 officiers ayant abandonné leurs positions sur le site pétrolier et déposé leurs armes au Soudan du Sud devraient être rapatriés vers le Soudan.

Les FSR ont cette semaine accusé l'armée soudanaise d'avoir mené une attaque de drone contre le champ pétrolier, qui aurait tué "des dizaines" de personnes, dont des ouvriers et des ingénieurs.

Lors de son indépendance du Soudan en 2011, le Soudan du Sud a hérité de 75% des réserves pétrolières du Soudan pré-sécession, mais, enclavé, continue de dépendre des infrastructures soudanaises pour l'exporter.

Malgré l'exploitation de ce pétrole, le plus jeune pays du monde connaît depuis des années une grande instabilité et un très fort taux de pauvreté.

Au Soudan, la guerre entre l'armée et les paramilitaires a tué depuis deux ans et demi des dizaines de milliers de personnes et provoqué le déplacement de douze millions d'habitants, mais aussi dévasté les infrastructures du pays.


Le Premier ministre espagnol appelle à «élever la voix» pour ne pas «oublier» les Palestiniens

Le Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sánchez a appelé mercredi à "élever la voix" pour que "la situation dramatique" des Palestiniens ne soit pas oubliée, au cours d'une rencontre à Madrid avec le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. (AFP)
Le Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sánchez a appelé mercredi à "élever la voix" pour que "la situation dramatique" des Palestiniens ne soit pas oubliée, au cours d'une rencontre à Madrid avec le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. (AFP)
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  • Pedro Sánchez a également assuré de son "soutien" l'Autorité palestinienne, celle-ci devant "jouer un rôle central et fondamental dans la conception des mécanismes de gouvernance qui définiront l’avenir du peuple palestinien"
  • "Cette année 2025, qui touche à sa fin, a été terrible pour le peuple palestinien", a-t-il encore déclaré.

MADRID: Le Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sánchez a appelé mercredi à "élever la voix" pour que "la situation dramatique" des Palestiniens ne soit pas oubliée, au cours d'une rencontre à Madrid avec le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas.

Se prononçant une nouvelle fois à la mise en oeuvre d'une solution à deux Etats, "la seule solution possible" pour mettre fin au conflit opposant Israéliens et Palestiniens, le chef du gouvernement espagnol s'est engagé à la promouvoir en "élevant la voix pour que la situation dramatique dans laquelle se trouve le peuple palestinien ne tombe pas dans l'oubli".

"Oui, il y a eu un accord de cessez-le-feu mais cet accord doit être réel ; il ne peut pas être factice. C’est pourquoi nous ne nous reposerons pas tant que les attaques contre la population n'auront pas cessé et qu'il n'y aura, par conséquent, plus aucune victime", a-t-il poursuivi,

Pedro Sánchez a également assuré de son "soutien" l'Autorité palestinienne, celle-ci devant "jouer un rôle central et fondamental dans la conception des mécanismes de gouvernance qui définiront l’avenir du peuple palestinien".

"Cette année 2025, qui touche à sa fin, a été terrible pour le peuple palestinien", a-t-il encore déclaré.

"Pour reconstruire l'espoir, nous avons besoin d'une véritable paix et cette véritable paix doit reposer sur la justice. C’est pourquoi je veux être très clair : (...) les responsables de ce génocide devront rendre des comptes, tôt ou tard, afin que les victimes obtiennent justice, réparation et un certain apaisement", a-t-il ajouté.

A ses côtés, Mahmoud Abbas a quant à lui notamment remercié l'Espagne, qui avait reconnu l'Etat de Palestine en mai 2024, "pour son rôle moteur dans la création d’une coalition internationale visant à obtenir une reconnaissance plus large de notre pays", appelant également à "mettre fin à la violence sous toutes ses formes", dans la bande de Gaza mais aussi en Cisjordanie.

L'Espagne, où la cause palestinienne est très populaire, est en Europe l'un des critiques les plus véhéments de l'offensive militaire d'Israël dans la bande de Gaza déclenchée après les attaques du 7 octobre 2023 commises par le Hamas.


Ukraine: une proposition sur les concessions territoriales soumises à Trump (Merz)

Des délégués de pays européens assistent à une commémoration en l'honneur des défenseurs tombés au combat en Ukraine, dans un cimetière militaire à Lviv, en Ukraine. (AFP)
Des délégués de pays européens assistent à une commémoration en l'honneur des défenseurs tombés au combat en Ukraine, dans un cimetière militaire à Lviv, en Ukraine. (AFP)
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  • L’Allemagne a transmis à Washington une proposition portant sur de possibles concessions territoriales ukrainiennes, tout en soulignant que seules les autorités ukrainiennes peuvent en décider
  • Les Européens cherchent à influencer les négociations de paix sans céder aux exigences russes, tandis que Washington presse pour une avancée rapide dans les discussions

BERLIN: Une proposition concernant des concessions territoriales ukrainiennes dans le cadre d'un plan pour mettre fin à la guerre en Ukraine ont été soumises mercredi au président américain Donald Trump, a annoncé jeudi le chancelier allemand Friedrich Merz.

"Il existe une proposition dont (M. Trump) n'avait pas encore connaissance au moment où nous nous sommes entretenus au téléphone (mercredi), car elle n'avait pas encore été transmise aux Américains. Nous l'avons fait hier en fin d'après-midi. Il s'agit avant tout de (savoir) quelles concessions territoriales l'Ukraine est prête à faire", a déclaré M. Merz lors d'une conférence de presse à Berlin avec le secrétaire général de l'Otan, Mark Rutte.

Le chancelier n'a pas apporté de précisions, relevant que c'est "au président ukrainien et au peuple ukrainien" de répondre à cette question.

M. Merz, le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre britannique Keith Starmer se sont entretenus mercredi avec M. Trump.

Les Européens, qui font bloc autour de Kiev, tentent de peser sur les pourparlers visant à mettre fin à la guerre en Ukraine sans céder pour autant aux revendications maximalistes de la Russie.

Le président Trump s'est lui montré impatient, disant avoir eu des "mots assez forts" lors de l'entretien, et prévenant que les États-Unis ne voulaient "pas perdre (leur) temps".

M. Merz a, lui, décrit "un entretien téléphonique très constructif au cours duquel les positions respectives ont été clairement exposées et le respect mutuel exprimé".

Selon de hauts responsables ukrainiens interrogés par l'AFP mercredi, l'Ukraine a envoyé à Washington une nouvelle version du plan de sortie du conflit, sans en divulguer les détails.

La proposition américaine initiale était jugée bien trop favorable à Moscou, celle-ci prévoyant notamment de céder à la Russie des territoires ukrainiens qu'elle n'a pas conquis.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a confirmé mardi que le plan en cours d'élaboration avait été divisée en trois documents: un accord-cadre en 20 points, un document sur la question des garanties de sécurité et un autre sur la reconstruction de l'Ukraine après la guerre.

Le chancelier allemand a, lui, relevé jeudi que le plan devant poursuivre trois objectifs: un cessez-le-feu, des garanties de sécurité "robustes" pour l'Ukraine et une solution négociée préservant les intérêts sécuritaires européens, Moscou étant considéré comme la menace continentale.