Pour Israël, une trêve à Gaza ne veut pas dire pause contre le Hezbollah

Cette photo prise dans le nord d'Israël montre le lancement du système de défense antimissile israélien Iron Dome pour intercepter les roquettes tirées depuis le Liban le 28 février 2024. (Photo de Jalaa MAREY / AFP)
Cette photo prise dans le nord d'Israël montre le lancement du système de défense antimissile israélien Iron Dome pour intercepter les roquettes tirées depuis le Liban le 28 février 2024. (Photo de Jalaa MAREY / AFP)
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Publié le Jeudi 29 février 2024

Pour Israël, une trêve à Gaza ne veut pas dire pause contre le Hezbollah

  • Des dizaines de milliers d'habitants des deux côtés de la frontière ont abandonné leurs foyers
  • Une trêve à Gaza n'entamera pas «l'objectif» d'Israël de repousser le Hezbollah du sud du Liban, a assuré cette semaine le ministre de la Défense israélien

PLATEAU DU GOLAN: A l'heure d'une possible trêve de plusieurs semaines dans les combats contre le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza, le nord d'Israël se prépare, lui, à des tensions croissantes avec un ennemi bien plus puissant: le Hezbollah libanais.

Depuis l'attaque sans précédent du Hamas dans le sud d'Israël le 7 octobre, qui a déclenché la guerre à Gaza, les échanges de tirs se multiplient entre l'armée israélienne et le Hezbollah, un allié du Hamas, le long de la frontière.

Le mouvement islamiste libanais dispose d'une véritable armée et d'un arsenal redoutable dont il n'a encore utilisé qu'une petite partie, selon des experts.

Lundi, pour la première fois depuis des années, des frappes israéliennes ont visé Baalbek, fief de la formation chiite pro-iranienne, à environ 100 kilomètres de la frontière. Et le Hezbollah a répliqué avec des dizaines de tirs de roquettes vers le nord d'Israël.

Le Hezbollah annonce avoir tiré une salve de roquettes sur le nord d'Israël

Le Hezbollah a annoncé jeudi avoir lancé des roquettes sur un kibboutz du nord d'Israël, en réponse à des frappes qui ont tué deux civils la veille dans le sud du Liban, sur fond d'intensification des affrontements.

Depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza entre Israël et le mouvement islamiste Hamas, le puissant Hezbollah libanais cible quotidiennement des positions militaires israéliennes, en soutien à son allié palestinien.

Israël mène des frappes et des opérations ciblées contre des responsables du Hezbollah.

Dans un communiqué, le Hezbollah a annoncé avoir lancé "une salve de roquettes de type Katioucha" sur le kibboutz d'Eilon, à moins de deux km de la frontière.

Il a affirmé que cette opération intervenait "en riposte aux attaques israéliennes contre les villages et les civils dont la dernière qui a tué deux personnes âgées, Hussein Hamdane et son épouse Manar Abadi" à Kafra.

Ali Abbas, un secouriste local, a confirmé à l'AFP que le couple de septuagénaire avait été tué dans des frappes israéliennes mercredi soir sur cette localité du sud du Liban.

Selon l'agence de presse officielle libanaise ANI, 14 personnes ont également été blessées lors des frappes.

Ces tirs transfrontaliers n'ont pas empêché Arye et Ditza Alon, un couple de trentenaires israéliens, de faire du trekking à une dizaine de kilomètres de la frontière, au pied du mont Hermon, dans un secteur du Golan syrien occupé par Israël, et de ses cimes enneigés.

Dans ce paradis naturel verdoyant, balayé par un soleil de printemps et les chants des oiseaux, le couple marche en réfléchissant à la délicate situation. "Est-ce que nous voulons ou non une guerre dans le nord? C'est la grande, grande, question" et "nous ne pensons qu'à ça, tout le temps", souligne Ditza.

«Se tenir prêt»

"D'un côté, s'il n'y a pas de guerre, ce qui s'est produit à Gaza pourrait aussi se produire ici. Mais de l'autre, s'il y a une guerre, elle ne sera pas petite, et il y aura de nombreux soldats et civils tués", explique-t-elle.

Côté libanais, plus de 280 personnes, en majorité des combattants du Hezbollah et de ses alliés, et 44 civils, ont été tuées en plus de quatre mois de conflit, selon un décompte de l'AFP. Côté israélien, l'armée déplore dix soldats et six civils tués.

Des dizaines de milliers d'habitants des deux côtés de la frontière ont abandonné leurs foyers.

Ditza, elle, dit se préparer à partir car "dès que ce sera terminé à Gaza (...) il y aura beaucoup plus de bruit dans le nord", mais elle dit aussi "espérer" que la situation reste calme.

Pour son mari Arye, barbe marron fournie, la guerre contre le Hezbollah n'est qu'une question de temps, et elle est nécessaire.

"Ça va arriver car le Hezbollah est comme le Hamas, ils sont comme des frères. Si le Hezbollah ne se replie pas au nord du Litani (fleuve libanais dont une portion marque la frontière du sud du Liban, ndlr) ce qui est arrivé à Gaza se reproduira ici. Peut-être pas demain, mais dans cinq ou dix ans. Alors il faut se tenir prêt", tranche-t-il.

Une trêve à Gaza n'entamera pas "l'objectif" d'Israël de repousser le Hezbollah du sud du Liban, a assuré cette semaine le ministre de la Défense israélien, Yoav Gallant, lors d'une visite dans le nord, confirmant que les militaires avaient augmenté leur "puissance de feu" à la frontière.

"Nous allons poursuivre les tirs, indépendamment de ce qui se passe dans le sud, et ce jusqu'à ce que nous atteignions notre objectif" de repousser le Hezbollah de la frontière, a-t-il ajouté.

La France a récemment présenté des "propositions" pour éviter un conflit ouvert entre Israël et le Hezbollah, parmi lesquelles, selon des sources diplomatiques, un retrait des combattants du Hezbollah de 10 à 12 km au nord de la frontière.

Risque d'attaque surprise

Pour Amir Avivi, ex-brigadier général de l'armée israélienne, une trêve à Gaza ne changera rien: "Le Hezbollah va peut-être respecter la trêve, mais nous n'allons pas respecter de trêve avec lui".

Le gouvernement israélien a répété qu'il mènerait après l'éventuelle trêve une opération terrestre à Rafah, dernier bastion du Hamas dans le sud de la bande de Gaza, pour remporter une "victoire totale".

"La grande question sera: que fait-on alors avec le nord? Israël veut une solution diplomatique pour que le Hezbollah se retire du sud du Liban car sans solution, la guerre est imminente", note M. Avivi. Avec le risque selon lui, si des pourparlers s'enlisent, qu'à un moment le Hezbollah estime la guerre inévitable et "cherche à surprendre l'armée israélienne".

Près de la frontière avec le Liban, Ditza se prépare à toute éventualité: "Nous espérons chaque jour que tout soit calme, mais nous sommes aussi prêts à partir demain matin si on nous dit de le faire".

Alors qu'elle et son mari venaient de terminer leur randonnée, des roquettes ont fusé du Liban. Et un avion de chasse israélien a déchiré le bleu du ciel.


L'armée israélienne dit se préparer à une «  offensive décisive » contre le Hezbollah libanais

Les violences depuis le 8 octobre entre l'armée israélienne et le Hezbollah ont fait au moins 523 morts au Liban, en majorité des combattants, selon un bilan établi par l'AFP à partir de différentes sources. (AFP)
Les violences depuis le 8 octobre entre l'armée israélienne et le Hezbollah ont fait au moins 523 morts au Liban, en majorité des combattants, selon un bilan établi par l'AFP à partir de différentes sources. (AFP)
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  • "Quand le moment viendra et que nous passerons à l'offensive, ce sera une offensive décisive"
  • Dans un discours prononcé lors d'un déplacement dans le nord, le général israélien Ori Gordin, a déclaré aux soldats: "nous avons déjà éliminé plus de 500 terroristes au Liban, la grande majorité d'entre eux appartenant au Hezbollah"

JERUSALEM: Un commandant de l'armée israélienne a indiqué vendredi que les troupes dans le nord du pays, où Israël à une frontière avec le Liban, se préparaient à une "offensive décisive" contre le Hezbollah, après des mois d'échanges de tirs transfrontaliers.

Le mouvement islamiste libanais Hezbollah et l'armée israélienne échangent des tirs quasi quotidiennement depuis l'attaque le 7 octobre du mouvement islamiste palestinien Hamas en Israël, qui a déclenché la guerre dans la bande de Gaza.

Dans un discours prononcé lors d'un déplacement dans le nord, le général israélien Ori Gordin, a déclaré aux soldats: "nous avons déjà éliminé plus de 500 terroristes au Liban, la grande majorité d'entre eux appartenant au Hezbollah", selon un communiqué de l'armée.

Les troupes israéliennes dans le nord sont actuellement en opération pour protéger les habitants de cette partie du pays et "préparer la transition vers l'offensive", a ajouté le général Gordin, commandant les forces israéliennes dans le nord.

"Quand le moment viendra et que nous passerons à l'offensive, ce sera une offensive décisive", a-t-il encore dit.

Les violences depuis le 8 octobre entre l'armée israélienne et le Hezbollah ont fait au moins 523 morts au Liban, en majorité des combattants, selon un bilan établi par l'AFP à partir de différentes sources.

La plupart d'entre eux, 342 personnes, ont été confirmés comme étant des combattants du Hezbollah, mais le bilan comprend également 104 civils. M. Gordin n'a pas mentionné de victimes civiles. Dans le nord d'Israël, au moins 18 soldats israéliens et 13 civils ont été tués, selon l'armée.

Le Hezbollah, soutenu par l'Iran, affirme que ses attaques contre Israël depuis le 8 octobre ont pour objectif de soutenir son allié du Hamas.

Des dizaines de milliers d'habitants ont depuis été déplacés au Liban et en Israël en raison de cette flambée de violence transfrontalière.


Polio, eaux usées, hôpitaux surchargés: la crise sanitaire à Gaza

Seulement 16 des 36 hôpitaux à Gaza sont opérationnels, mais partiellement, selon l'OMS, qui fait état d'un "afflux massif de blessés". (AFP)
Seulement 16 des 36 hôpitaux à Gaza sont opérationnels, mais partiellement, selon l'OMS, qui fait état d'un "afflux massif de blessés". (AFP)
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  • L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a fait état de vives inquiétudes face à une possible épidémie de polio dans la bande de Gaza
  • De son côté, l'armée israélienne a annoncé dimanche avoir lancé une campagne de vaccination de ses soldats contre la polio

GENEVE: L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a fait état de vives inquiétudes face à une possible épidémie de polio dans la bande de Gaza, alors que la crise sanitaire y est déjà très grave.

Voici un aperçu de certains des défis sanitaires auxquels est confronté le territoire palestinien, selon l'OMS.

Polio dans les eaux usés

Menace largement répandue voici encore une quarantaine d'années, la poliomyélite - qui peut entraîner en quelques heures des paralysies irréversibles - a très largement disparu dans le monde grâce aux vaccins.

Mais il existe une autre forme de poliovirus qui peut se propager: le poliovirus qui a muté à partir de la source contenue à l'origine dans le vaccin antipoliomyélitique oral (VPO). C'est ce poliovirus dérivé d'une souche vaccinale (PVDVc) qui a été retrouvé à Gaza.

Lorsqu'elles se répliquent dans le tube digestif, les souches de VPO changent génétiquement et peuvent se propager dans les communautés qui ne sont pas complètement vaccinées contre la poliomyélite, en particulier dans les zones où les conditions d'hygiène et d'assainissement sont mauvaises, ou dans des zones surpeuplées.

Le 16 juillet, le Réseau mondial de laboratoires de lutte contre la poliomyélite a isolé le poliovirus de type 2 dérivé d'une souche vaccinale (PVDVc2) dans six échantillons d'eaux usées à Deir al-Balah et Khan Younès.

Aucun prélèvement humain n'a encore été effectué à Gaza de sorte que l'OMS ne sait toujours pas si quelqu'un y a été infecté par le poliovirus. L'OMS et le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) espèrent collecter cette semaine les premiers échantillons humains.

De son côté, l'armée israélienne a annoncé dimanche avoir lancé une campagne de vaccination de ses soldats contre la polio.

Manque d'eau et d'assainissement

L'OMS et ses partenaires espèrent achever l'évaluation des risques liés à la polio cette semaine. Mais l'OMS a prévenu qu'il y a "un risque élevé" de propagation du poliovirus à Gaza et au niveau international "si cette épidémie ne fait pas l'objet d'une réponse rapide et optimale".

Le Dr Ayadil Saparbekov, chef d'équipe à l'OMS pour les urgences sanitaires dans les territoires palestiniens, espère que des recommandations pourront être publiées dimanche.

Mais "étant donné les limites actuelles en matière d'hygiène et assainissement de l'eau à Gaza, il sera très difficile pour la population de suivre le conseil de se laver les mains et de boire de l'eau salubre", a-t-il relevé mardi, lors d'un point de presse.

"Avec le système de santé paralysé, le manque d'eau et d'assainissement, ainsi que le manque d'accès de la population aux services de santé... la situation s'annonce très mauvaise", a-t-il souligné.

Au-delà de la polio, l'OMS est "très inquiète" face à de possibles épidémies dans la bande de Gaza.

Système de santé dévasté 

Seulement 16 des 36 hôpitaux à Gaza sont opérationnels, mais partiellement, selon l'OMS, qui fait état d'un "afflux massif de blessés" dans le complexe médical Nasser après de nouveaux bombardements lundi à Khan Younès, dans un contexte de "grave pénurie de réserves de sang, de fournitures médicales et de lits d'hôpitaux".

Avant le conflit à Gaza, déclenché le 7 octobre par les attaques du Hamas, il y avait environ 3.500 lits d'hôpitaux dans le territoire palestinien. Aujourd'hui, l'OMS estime qu'il y en a 1.532.

Seulement 45 des 105 établissements de soins de santé primaires sont opérationnels. Huit des dix hôpitaux de campagne sont opérationnels, dont quatre seulement partiellement.

Dans une telle situation, "il se peut que davantage de personnes meurent de maladies transmissibles que des blessures" liées à la guerre, a averti le Dr Saparbekov.

Selon ce responsable de l'OMS, "jusqu'à 14.000 personnes pourraient" avoir besoin d'une évacuation médicale hors de Gaza.


Les EAU proposent une mission internationale temporaire pour l'après-guerre à Gaza

Reem bint Ebrahim Al-Hashimy, ministre d'État émiratie pour la coopération internationale, a déclaré que la mission contribuerait à rétablir l'ordre public et à répondre à la crise humanitaire dans Gaza d'après-guerre. (Archive/AFP)
Reem bint Ebrahim Al-Hashimy, ministre d'État émiratie pour la coopération internationale, a déclaré que la mission contribuerait à rétablir l'ordre public et à répondre à la crise humanitaire dans Gaza d'après-guerre. (Archive/AFP)
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  • Elle a souligné le rôle clé des États-Unis dans le succès de la mission
  • La mission ouvrirait la voie à la réunification de Gaza et de la Cisjordanie occupée sous une Autorité palestinienne unique et légitime

ABOU DHABI : Les Émirats arabes unis ont appelé à l'établissement d'une mission internationale temporaire pour poser les jalons d'une nouvelle gouvernance à Gaza après la guerre.

Jeudi, dans un communiqué relayé par l'agence de presse nationale, Reem Al-Hashimy, ministre d'État pour la coopération internationale,  a déclaré que cette mission viserait à rétablir l'ordre et à faire face à la crise humanitaire dans Gaza post-conflit.
Selon la ministre, la mission devrait être déployée à l'invitation du gouvernement palestinien, sous la houlette d'un "nouveau Premier ministre crédible et indépendant", pour répondre aux besoins des Palestiniens et reconstruire Gaza. 

Elle préparerait le terrain pour la réunification de Gaza et de la Cisjordanie occupée sous une Autorité palestinienne unique et légitime.

Al-Hashimy a souligné qu'un retour à la situation d'avant le 7 octobre ne garantirait pas une paix durable, cruciale pour la stabilité régionale. 

Elle a exhorté les États-Unis à mener les efforts internationaux pour reconstruire Gaza, parvenir à la solution à deux États et faciliter les réformes palestiniennes, autant d'éléments qui contribueraient au succès de la mission internationale.

Israël, a-t-elle ajouté, doit également respecter le droit humanitaire international.

"Gaza ne peut se relever sous un blocus continu, ou si l'Autorité palestinienne légitime est empêchée d'assumer ses responsabilités", a-t-elle affirmé, appelant à l'arrêt des colonies israéliennes illégales et des violences en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. 

La ministre a réitéré le soutien des EAU aux efforts internationaux pour la solution à deux États.
"Notre ambition dépasse les frontières de Gaza et exige une collaboration internationale. L'établissement de la paix n'est pas seulement une nécessité régionale, mais un enjeu global qui profiterait à tout le Moyen-Orient et au monde entier", a-t-elle souligné pour conclure.