Les sites des JO de 1924 à Paris, un patrimoine en héritage

Yves du Manoir, Georges Vallerey, Jacques Anquetil: plusieurs sites emblématiques des JO de Paris 1924 ont été rebaptisés avec le temps du nom de ces légendes du sport français. (AFP).
Yves du Manoir, Georges Vallerey, Jacques Anquetil: plusieurs sites emblématiques des JO de Paris 1924 ont été rebaptisés avec le temps du nom de ces légendes du sport français. (AFP).
Short Url
Publié le Vendredi 29 mars 2024

Les sites des JO de 1924 à Paris, un patrimoine en héritage

  • Yves du Manoir, Georges Vallerey, Jacques Anquetil: plusieurs sites emblématiques des JO de Paris 1924 ont été rebaptisés avec le temps du nom de ces légendes du sport français
  • Un siècle plus tard, à quatre mois des Jeux 2024, ces lieux de mémoire entendent porter haut et fort leur héritage olympique

PARIS: Yves du Manoir, Georges Vallerey, Jacques Anquetil: plusieurs sites emblématiques des JO de Paris 1924 ont été rebaptisés avec le temps du nom de ces légendes du sport français.

Un siècle plus tard, à quatre mois des Jeux 2024, ces lieux de mémoire entendent porter haut et fort leur héritage olympique.

Le stade Yves-du-Manoir 

Au bord de l'A86, à Colombes dans les Hauts-de-Seine, se cache un monument du sport hexagonal: le stade départemental Yves-du-Manoir, épicentre des derniers Jeux parisiens.

Cet été, le tournoi olympique de hockey sur gazon se déroulera dans la vaste enceinte, qui a fait peau neuve et deviendra l'unique site à héberger des épreuves des JO pour la deuxième fois, à 100 ans d'intervalle.

Ancien hippodrome, servant aussi de plaine de jeux pour la pratique du sport amateur, le complexe fut désigné comme coeur battant et village olympique des Jeux de 1924.

Locataire des terrains, le Racing Club de France propose alors d’y "bâtir un stade olympique de 60.000 places en se faisant rembourser a posteriori sur les recettes de la future olympiade", raconte l'historien Michaël Delépine, qui a consacré un ouvrage au stade de Colombes ("Le Bel Endormi", aux éditions Atlande).

Du stade d'origine, théâtre du duel épique entre les sprinters britanniques Harold Abrahams et Eric Liddell -- immortalisé dans le film multi-oscarisé "Les Chariots de feu" sur une musique de Vangelis -- et du sacre au saut en longueur de DeHart Hubbard, premier athlète noir américain à remporter une médaille olympique, ne subsiste que la tribune d'honneur de 6.000 places.

Pour les JO 2024, elle sera complétée par des gradins éphémères. Deux terrains synthétiques éclairés de hockey sur gazon ont également été construits, l'un doté d'une tribune moderne de 1.000 places.

Ce chantier de réhabilitation, achevé en décembre et inauguré en mars, a coûté 101 millions d'euros, dont un peu plus de 90 millions financés par le département des Hauts-de-Seine, collectivité propriétaire des lieux.

Le stade, qui porte le nom d'un joueur de rugby du Racing, décédé en 1928 aux commandes de son avion, a connu des heures glorieuses après 1924: une finale de Coupe du monde de football en 1938 remportée par l'Italie, 42 finales de coupes de France, des dizaines de rencontres des Bleus dont un France-Brésil en 1963 avec un triplé de Pelé, des matches de boxe...

L'avènement en 1972 du nouveau Parc des Princes, où évolue le PSG, a relégué au second plan Yves-du-Manoir, jugé trop loin du centre de la capitale.

"Le stade de Colombes a continué sa vie sportive en accueillant des événements de moindre envergure: les jeunes, les équipes du Racing, notamment le Racing Club de France Rugby dans les années 1980 ou le Racing 92 jusqu'en 2017", détaille Michaël Delépine.

Au tournant des années 2000, le site est vendu au département. Il est mis en avant lors des candidatures de Paris 2012 et Paris 2024.

Après les JO, Yves-du-Manoir abritera le siège de la Fédération française de hockey sur gazon. Les terrains de foot et de rugby ainsi que l'anneau d'athlétisme seront réservés au public scolaire et associatif.

"C'est extrêmement émouvant de se dire que ce lieu qui accueillait des sportifs il y a des décennies va peut-être encore en accueillir pendant plusieurs décennies", s'enthousiasme Michaël Delépine.

La piscine Georges-Vallerey

Les anneaux olympiques sur la façade de la piscine Georges-Vallerey, porte des Lilas dans le 20e arrondissement, rappellent son illustre passé.

C'est dans les longueurs de ce complexe aquatique, alors nommé piscine des Tourelles, que l'Américain Johnny Weissmuller, qui incarna Tarzan sur grand écran, remporta trois titres olympiques en natation et une médaille de bronze en water-polo en 1924.

Rebaptisé Georges-Vallerey, en hommage à un nageur tricolore médaillé aux Jeux de Londres en 1948, le stade a abrité le siège de la Fédération française de natation et accueilli dans son bassin de 50 mètres de nombreuses compétitions nationales et internationales.

Au milieu des années 1980, elle a subi une importante rénovation, menée par Roger Taillibert, l'architecte du Parc des Princes moderne.

Une nouveau chantier, débuté à l'été 2022, a été engagé avant les JO-2024. A cette occasion, la piscine servira de site d'entraînement pour la natation, la nage en eau libre et le triathlon.

Les travaux ont permis la réfection du toit rétractable. La charpente a été remplacée par du bois issu de forêts éco-certifiées et des panneaux en polycarbonate ont été installés.

La ventilation et la filtration du complexe ainsi que les espaces d'accueil des usagers (vestiaires, zones de déchaussage) ont aussi été modernisés.

"On en a profité pour remettre à niveau un équipement qui puisse avoir une durée de vie sur les 30-40 prochaines années sans avoir de nouveau une réhabilitation", explique Nessrine Acherar, responsable service technique des piscines parisiennes.

Coût total du projet: 13 millions d'euros.

La piscine sera de nouveau accessible au grand public au printemps, puis, de manière permanente, après les JO.

Le vélodrome Jacques-Anquetil

Avant l'emblématique arrivée du Tour de France sur les Champs-Elysées, le parcours du peloton s'achevait au vélodrome de la Cipale (renommé Jacques-Anquetil en 1987).

C'est sur cette piste en béton armé de 500 m, nichée dans le bois de Vincennes, que le "Cannibale" Eddy Merckx a célébré, entre 1969 et 1974, ses cinq triomphes au classement général.

La construction du site remonte à la fin du 19e siècle. En 1924, s'y tiennent les épreuves olympiques de cyclisme sur piste où la France remporte plusieurs médailles.

Enceinte municipale, identifiable à ses tribunes aux poutres d'acier conçues par Gustave Eiffel, le vélodrome de Vincennes est aujourd'hui un temple pour les cyclistes amateurs.

Il accueille tous les samedis matin, de mars à octobre, les tournois organisés par le Vélo Club des vétérans parisiens (VCVP).

"On a un écrin qui a tout un passé", décrit Jean Delahousse, le président du VCVP.

"On sait que de grands champions sont passés dans les cabines qu'on utilise, qu'on roule à des endroits où il y avait d'immenses courses", poursuit-il.

Le VCVP compte parmi ses membres une galerie de personnages hauts en couleur, comme le chansonnier Pierre Douglas, fringant octogénaire et mémoire vivante de la Grande Boucle, ou le négociant en pierres précieuses et romancier Jacques David.

Le vélodrome, dont la pelouse centrale sert de terrain de rugby au Paris Université Club (PUC), a été rénové de 2012 à 2015. Pour faire vivre le lieu, le VCVP essaye d'y attirer un public plus jeune.

"Si les gens ont le courage de se lever à 8h30, c'est le coup de coeur!", promet Jean Delahousse.

Des sites détruits ou réaménagés

Plusieurs sites des JO de 1924 ont été démolis.

C'est le cas du Vélodrome d'Hiver, tristement célèbre pour la rafle de juillet 1942 au cours de laquelle plus de 13.000 Juifs furent arrêtés par la police française et déportés.

Le stade Bergeyre, près des Buttes-Chaumont, où se tinrent des matchs olympiques de football, a également été détruit.

D'autres lieux ont été réagencés, comme le stade Pershing, à l'est du bois de Vincennes, devenu complexe omnisports dans les années 1960, ou le fronton de pelote basque sur les quais de Seine dans le 16e arrondissement, près duquel a été construit en 1988 un trinquet dédié à la pratique de ce sport.


Les taxis en colère bloquent les accès à des gares parisiennes

Short Url
  • "On bloque tout pour se faire entendre. Le service taxi ne sera pas honoré", a lancé Abdel Heouamel, 43 ans, taxi parisien
  • L'intersyndicale des taxis a entamé lundi une mobilisation massive, avec pour centre le boulevard Raspail à Paris, près du quartier des ministères

PARIS: Des dizaines de taxis bloquaient vendredi les prises en charge à la Gare de Lyon et à la Gare du Nord, à Paris, manifestant contre une nouvelle convention régissant le transport de patients mais aussi contre la concurrence des véhicules avec chauffeur (VTC).

"On bloque tout pour se faire entendre. Le service taxi ne sera pas honoré", a lancé Abdel Heouamel, 43 ans, taxi parisien.

Vers 9H, une trentaine d'artisans ont bloqué la Gare de Lyon, puis vers midi une autre trentaine la Gare du Nord, a constaté un journaliste de l'AFP. "Viens avec nous", lançaient les taxis à leurs collègues non grévistes, les poussant à éteindre leur "lumineux", l'enseigne qui signale en vert ou en rouge leur disponibilité.

Réunion samedi 

L'intersyndicale des taxis a entamé lundi une mobilisation massive, avec pour centre le boulevard Raspail à Paris, près du quartier des ministères.

Les artisans protestent notamment contre la nouvelle tarification prévue par la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), qui rembourse les transports de patients sur prescription, activité essentielle dans le chiffre d'affaires de certains taxis.

L'objectif est de contrôler la croissance des dépenses de transport sanitaire, qui ont atteint 6,74 milliards d'euros en 2024, dont 3,07 milliards pour les taxis conventionnés (avec un bond de 45% depuis 2019).

Ces trajets vers les hôpitaux ou cabinets médicaux représentent la majorité du chiffre d'affaires de nombreux chauffeurs, surtout dans les petites villes.

"Ce que la CNAM propose est viable, mais on peut pas tout faire d'un coup. Pour moi c'est -60% de chiffre d'affaires!", expliquait devant la Gare du Nord un taxi de la région lyonnaise.

La mobilisation "montre que le gouvernement a très largement sous-estimé l'impact humain, économique et social des pratiques déloyales organisées dans le secteur du VTC ainsi que de la nouvelle convention pour le transport de malades", a observé l'intersyndicale dans une lettre adressée jeudi au Premier ministre.

Les taxis ont depuis obtenu une réunion samedi au ministère des Transports en présence du Premier ministre. Ils demandent notamment le retrait de la convention de la CNAM et la nomination d'un médiateur.

Mais le gouvernement a déjà assuré vendredi qu'il n'allait "pas faire machine arrière".

"Il s'agit de faire entre 100 et 150 millions d'économies sur 6,3 milliards. Donc, c'est 2% d'économies qui seront faites sur l'efficacité, pas sur le service aux malades", a déclaré vendredi la porte-parole du gouvernement Sophie Primas sur BFMTV/RMC.

"Il ne faut pas abîmer ce qui est l'accès aux soins pour les Français. Donc il faut travailler sur l'organisation des flux avec les taxis, s'assurer qu'on fait le maximum pour réduire les frais", a-t-elle ajouté.

Le patron de l'Assurance maladie a assuré de son côté que le nouveau système de tarification prévu à partir d'octobre pour les transports de malades sera "économiquement pertinent pour eux et soutenable pour l'Assurance maladie".

VTC 

Le climat s'est tendu à plusieurs reprises cette semaine entre les taxis et les forces de l'ordre mais aussi avec les conducteurs de voitures de transport avec chauffeur (VTC).

De nombreux taxis manifestent en effet également contre la concurrence des VTC, coordonnés par des plateformes comme Uber ou Bolt.

Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a demandé aux forces de l'ordre de renforcer les contrôles des VTC, accusés par les taxis de pratiques irrégulières.

Dans un télégramme adressé jeudi aux préfets et consulté par l'AFP, le ministre de l'Intérieur met en exergue "les incidents récurrents" des derniers mois qui "démontrent la tension entre les taxis et les conducteurs de VTC".

En cause, selon M. Retailleau, "des pratiques irrégulières de la part des VTC et la présence de faux professionnels sur la voie publique".

Le ministre a demandé que les forces de l'ordre utilisent trois nouvelles amendes forfaitaires délictuelles pour exercice illégal du métier de taxi, prise en charge sans réservation et défaut d'inscription au registre VTC. Ces trois nouveaux types de verbalisation sont expérimentés depuis avril dans 12 tribunaux, dont Marseille, Paris, et Lille.

 


Voile, sujets régaliens: Gabriel Attal droit sur sa ligne

Le président du groupe parlementaire Ensemble Pour la République Gabriel Attal (à droite) et le député et conseiller municipal d'Ensemble Pour la République à Saint-Cloud Pierre Cazeneuve (à gauche) sortent d'une réunion avec le Premier ministre français dans le cadre des consultations sur la représentation proportionnelle, à l'Hôtel Matignon à Paris, le 1er mai 2025. (AFP)
Le président du groupe parlementaire Ensemble Pour la République Gabriel Attal (à droite) et le député et conseiller municipal d'Ensemble Pour la République à Saint-Cloud Pierre Cazeneuve (à gauche) sortent d'une réunion avec le Premier ministre français dans le cadre des consultations sur la représentation proportionnelle, à l'Hôtel Matignon à Paris, le 1er mai 2025. (AFP)
Short Url
  • En proposant l'interdiction du voile pour les moins de quinze ans, Gabriel Attal poursuit sa trajectoire de "fermeté" sur la laïcité et les sujets régaliens, mais s'attire de nombreuses critiques jusque dans son camp
  • Des membres de Renaissance ont soutenu publiquement la proposition, comme les député Mathieu Lefevre et Charles Rodwell ou le chef de file des sénateurs macronistes François Patriat

PARIS: En proposant l'interdiction du voile pour les moins de quinze ans, Gabriel Attal poursuit sa trajectoire de "fermeté" sur la laïcité et les sujets régaliens, mais s'attire de nombreuses critiques jusque dans son camp, sur le fond comme sur sa méthode jugée solitaire.

Exposition garantie. Mardi, à la veille du Conseil de défense consacré au rapport sur les Frères musulmans et l'islamisme politique en France, Le Parisien publie une proposition choc du parti Renaissance: interdire le voile pour les moins de quinze ans et instaurer un "délit de contrainte au port du voile" pour les parents.

"Primaire sauvage de la droite" face à Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Édouard Philippe, dénonce, à gauche, le patron du PS Olivier Faure. "Ca suffit de faire des annonces qui deviennent inapplicables une fois le texte éventuellement voté", tonne, à droite, le président du Sénat Gérard Larcher, quand l'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino, fustige une proposition "complètement démente".

Dans son propre camp également, les critiques ont fusé. "Propositions complètement indigentes", juge un cadre du camp présidentiel. "Sur le fond, je ne suis pas d'accord. Sur le plan du droit, il me semble que c'est probablement inconstitutionnel", juge auprès de l'AFP le député Renaissance (ex-PS) Éric Bothorel.

"Je ne vois pas quel est le sens profond de cette proposition qui va diviser au lieu de rassembler", abonde le député Karl Olive, plutôt estampillé aile droite du groupe.

"Ah bon, Gabriel Attal fait de la politique... Vous croyez ?", ironise un député de l'aile gauche du groupe, pas vraiment à l'aise. "Mon avis sur la proposition, je le garde", évacue-t-il, pour ne pas "nourrir la division".

Gabriel Attal, président de Renaissance et patron des députés du groupe, s'est lui-même chargé d'assurer le service après-vente. "On dit que c'est pas bien, que ce n'est pas normal que des fillettes de 5, 6 ans soient voilées, mais qu'il n'y a pas de mesures pour y répondre ? Moi, je n'ai jamais accepté de me résigner", a-t-il expliqué mercredi.

L'ancien Premier ministre "croi(t) qu'il y a une voie de passage constitutionnelle", au nom de "la protection de l'enfance", et en invoquant le précédent de la loi prohibant le port de la burka.

-Fin de "l'ambiguïté"-

Des membres de Renaissance ont soutenu publiquement la proposition, comme les député Mathieu Lefevre et Charles Rodwell ou le chef de file des sénateurs macronistes François Patriat. La ministre déléguée à l’Égalité entre les Femmes et les Hommes Aurore Bergé s'est dite satisfaite de voir reprise une proposition qu'elle défend depuis des années, y compris contre le camp macroniste.

Mais les troupes ont été "mises devant le fait accompli", regrette un député Renaissance pas vraiment hostile à Gabriel Attal.

Nouveau virage droitier de l'ancien Premier ministre, qui a fait ses classes au PS avant de rejoindre Emmanuel Macron ? Constance, fait valoir son entourage, qui rappelle l'interdiction de l'abaya à l'école quand il était ministre de l’Éducation, ou la proposition de loi durcissant la justice des mineurs récemment adoptée par le Parlement, en attendant la décision du Conseil constitutionnel.

Désormais à la tête du parti fondé par Emmanuel Macron, "on assume le tournant régalien de notre famille politique" après des années "d'une forme d'ambiguïté qui nous a beaucoup coûté", expliquait-on récemment du côté de Renaissance.

Sur "l'insécurité culturelle nourrie par l'immigration", "si on laisse le champ libre à l'extrême droite", dont ce sujet unifie les différentes chapelles, "on leur fait un cadeau monumental", fait valoir le député Charles Rodwell.

Après les sujets régaliens lundi, viendront, en juin, les conclusions de la "convention thématique" sur les sujets économiques et sociaux. En janvier, Gabriel Attal avait évoqué une proposition pour alléger "le fardeau fiscal qui pèse sur le travail". Les conclusions de la convention thématique sur l'écologie sont également attendues en juin.

"Attal veut parler de tout. Il cultive son image assez ferme mais il ne faut pas que cela. On travaille sur l'immigration de travail, plus positive, sur le social, l'international etc. Je ne crois pas qu'il souhaite se cantonner à ce sujet-là". "Mais c'est vrai qu'il y a un risque de course à l'échalote" pour 2027, juge un député.


France : Bruno Retailleau, nouvel espoir de la droite conservatrice

Des militants du parti de droite français Les Républicains (LR) fêtent devant le siège du parti après l'annonce de l'élection du ministre français de l'intérieur Bruno Retailleau en tant que président de LR, à Paris, le 18 mai 2025. (AFP)
Des militants du parti de droite français Les Républicains (LR) fêtent devant le siège du parti après l'annonce de l'élection du ministre français de l'intérieur Bruno Retailleau en tant que président de LR, à Paris, le 18 mai 2025. (AFP)
Short Url
  • L'ascension fulgurante de Bruno Retailleau, nouveau patron de la droite française et tenant d'une ligne conservatrice, a fait renaître l'espoir dans son camp
  • Ministre de l'Intérieur depuis septembre dans les gouvernements Barnier puis Bayrou, il a été élu dimanche président du parti Les Républicains (LR) avec un score écrasant (74,8%)

PARIS: L'ascension fulgurante de Bruno Retailleau, nouveau patron de la droite française et tenant d'une ligne conservatrice, a fait renaître l'espoir dans son camp, qui peine à exister entre une extrême droite puissante et le macronisme au pouvoir depuis huit ans.

Ce catholique de 64 ans, ministre de l'Intérieur depuis septembre dans les gouvernements Barnier puis Bayrou, a été élu dimanche président du parti Les Républicains (LR) avec un score écrasant (74,8%).

Ce sénateur jusqu'alors discret et peu connu du grand public dicte depuis huit mois le tempo politique avec sa rhétorique sécuritaire et provocatrice, affichée dès sa prise de fonction. "J'ai trois priorités", avait-il alors annoncé: "Rétablir l'ordre, rétablir l'ordre, rétablir l'ordre".

Depuis, il monopolise l'espace médiatique.

Quand Mayotte est frappée par le cyclone Chido, le ministre à la frêle silhouette est le premier sur place, avant le président ou le Premier ministre.

Face au narcotrafic, il appelle à la "mobilisation générale" pour éviter une "mexicanisation" de la France, en référence aux tout-puissants cartels de ce pays d'Amérique du Nord.

Il fait fi des polémiques lorsqu'il affirme que l'Etat de droit n'est ni "intangible" ni "sacré", ou que l'immigration "n'est pas une chance".

- Droite "orpheline" -

Son appel à un bras de fer pour que l'Algérie reprenne ses ressortissants visés par des arrêtés d'expulsion a alimenté une crise diplomatique d'une violence rare entre les deux pays.

Issu de la droite traditionaliste de l'Ouest de la France, Bruno Retaillleau affiche un grand conservatisme sur les sujets de société (contre le mariage homosexuel, contre l'inscription de l'avortement dans la Constitution, critique sur les dispositions permettant la fin de vie) qui le distingue des personnalités de centre-droit, mais également un certain libéralisme économique qui le démarque du parti d'extrême droite Rassemblement national (RN).

"Il se situe idéologiquement sur le même axe que l'électorat (du parti LR) qui s'est fortement droitisé au cours des dernières années", souligne Mathieu Gallard, directeur de recherche à l'institut de sondage Ipsos.

"Il coche un petit peu toutes les cases pour un électorat de droite qui est à la fois radicalisé, mais en même temps assez légitimiste. C'est un électorat plutôt âgé, plutôt socialement aisé, à qui une ligne plus populiste ne correspond pas vraiment".

Son succès à la tête de LR montre que son choix d'entrer dans un gouvernement d'Emmanuel Macron a trouvé un fort soutien chez un "peuple de droite orphelin du pouvoir depuis la défaite de Nicolas Sarkozy en 2012", souligne le directeur de l'Ifop, Frédéric Dabi.

Avec un électorat siphonné d'une part par le Rassemblement national et d'autre part par le mouvement macroniste (centriste) créé en 2016, LR - parti héritier du RPR de Jacques Chirac et de l'UMP de Nicolas Sarkozy - a vu son influence décliner, entre claques électorales (8,5% aux européennes 2019, 4,78% à la présidentielle 2022, nombre de députés passé de 112 à 50 entre 2017 et 2024) et procès de ses leaders Nicolas Sarkozy et François Fillon, l'un pour corruption et trafic d'influence, l'autre pour emploi fictif de son épouse.

- Concurrence -

Certains militants imaginent déjà Retailleau en présidentiable, le comparant à Nicolas Sarkozy, qui avait fait de son passage au ministère de l'Intérieur un tremplin pour devenir président en 2007, avec un discours sécuritaire empruntant à l'extrême droite.

Toutefois, si Bruno Retailleau a vu sa cote de popularité s'envoler après son entrée au gouvernement, "depuis 2-3 mois, elle stagne, voire baisse", note Mathieu Gallard : "Il a eu une période où il a bénéficié d'une montée en notoriété, il était nouveau, il avait des propos forts qui marquaient. Maintenant, les Français et l'électorat de droite vont attendre des résultats".

Dans les projections, il ne rivalise pas encore avec l'ancien Premier ministre d'Emmanuel Macron (2017-2020) Edouard Philippe, ex-LR, crédité de 21% d'intentions de vote (contre 12-13% pour lui) dans un sondage publié mardi. Et il reste toujours loin derrière le parti d'extrême droite RN, crédité de 30 à 31% d'intentions de vote, selon le même sondage.

Plus que côté RN, "sa marge de progression, c'est plutôt le bloc central", souligne Frédéric Dabi, rappelant que son discours s'apparente à la ligne de François Fillon, dont il a été un fidèle et "qui a fait 20% au premier tour (de la présidentielle) en 2017". "Ce n'est pas une ligne minoritaire".