D'une rivière alpine au robinet, la précieuse eau des Marseillais

Un employé marche le long des bassins de filtration d'eau du centre de production d'eau potable de Sainte-Marthe à Marseille, dans le sud de la France, le 15 mars 2024. (AFP)
Un employé marche le long des bassins de filtration d'eau du centre de production d'eau potable de Sainte-Marthe à Marseille, dans le sud de la France, le 15 mars 2024. (AFP)
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Publié le Jeudi 18 avril 2024

D'une rivière alpine au robinet, la précieuse eau des Marseillais

  • Marseille a la chance de capter son eau dans la tumultueuse rivière Durance. Elle est ensuite acheminée à travers le canal de Marseille, ouvrage achevé en 1849
  • L'objectif était de «profiter de la quantité d'eau amenée par la fonte des neiges, la stocker pour pouvoir ensuite la distribuer via tout un réseau d'infrastructures hydrauliques»

MARSEILLE: Puisant son eau dans les Alpes, Marseille n'a pas à craindre de pénurie à moyen terme de sa ressource, mais tente toutefois de réduire sa consommation, consciente du changement climatique.

Même si, cette année, la situation des nappes phréatiques françaises est "globalement satisfaisante", a souligné cette semaine le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), nombre de collectivités scrutent ces dernières avec attention à chaque sortie d'hiver.

Marseille a elle la chance de capter son eau dans la tumultueuse rivière Durance. Elle est ensuite acheminée à travers le canal de Marseille, ouvrage achevé en 1849.

"Dans notre région méditerranéenne naturellement aride, le lac de Serre-Ponçon dans les Alpes a été conçu dans les années 1950 pour sécuriser la ressource en eau" alors que la Durance "amenait naturellement beaucoup d'eau mais de façon très ponctuelle", plutôt au printemps et à l'automne, explique à l'AFP Philippe Picon, directeur ressource en eau du Syndicat mixte d'aménagement de la vallée de la Durance (SMAVD).

L'objectif était de "profiter de la quantité d'eau amenée par la fonte des neiges, la stocker pour pouvoir ensuite la distribuer via tout un réseau d'infrastructures hydrauliques pour tous les usages en aval: eau potable, agriculture, activités économiques", poursuit-il.

Dans ces zones des Alpes, "il n'y a pas d'agriculture intensive ni d'industries lourdes" donc même brute, l'eau "ne contient pas de pesticides, pas de nitrates, pas de résidus médicamenteux", se targue Emmanuel Guiol, directeur adjoint des exploitations à la Société des eaux de Marseille (SEM).

"Elle met 24 heures pour arriver" jusqu'ici, développe-t-il en montrant un immense réservoir à ciel ouvert, qui contient un stock d'eau brute de 450 000 m3, l'équivalent de 225 piscines olympiques.

Le quartier marseillais d'Air Bel au défi de renouer le dialogue sur sa rénovation

"On veut nous faire partir, on n'a rien demandé!", résume Wissem, quadragénaire marseillais résidant à Air Bel, un quartier concerné par un projet de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), qui a dû être modifié face à la contestation des habitants.

"Si je vais ailleurs, je n'aurais jamais ça", redoute Wissem, expliquant que tout "est nickel" dans le T2 qu'il loue pour 210 euros mensuels dans ce quartier populaire de l'est marseillais où vivent près de 6.000 personnes, dont 46% sous le seuil de pauvreté.

"J'ai investi dedans, j'ai tout refait", poursuit Wissem, bénéficiaire du RSA, qui préfère ne pas donner son nom de famille et raconte avoir exprimé ses craintes lors d'une réunion publique qui avait cristallisé les désaccords en novembre 2023.

C'est principalement la démolition de petits immeubles dans le nord du quartier, pour faire passer une route, qui a suscité les crispations.

"Le tramway est juste là" et la vue est "superbe", explique Kari, salariée dans une entreprise de nettoyage, préférant elle aussi rester anonyme. Elle habite un de ces immeubles du nord d'Air Bel.

La future route a été pensée pour "aérer la cité" aux constructions "labyrinthiques", analyse Rania Aougaci, médiatrice et coordinatrice de l'Amicale des locataires d'Air Bel.

Au final, le nombre de démolitions sera "fortement diminué", assure la métropole Aix-Marseille-Provence, qui rappelle que le projet avait pourtant été présenté à l'Anru en 2019 puis validé initialement par les institutions partenaires via une "convention en février 2023".

Mais face à la grogne des habitants, deux comités de pilotage en janvier et avril ont permis d'acter l'adaptation du projet de voirie, pour que le nombre de démolitions soit réduit de 210 à 157.

"On peut faire les choses sans tout détruire", estime Samia Ghali, maire adjointe chargée des projets de rénovation urbaine. Selon l'élue de gauche, "on va être obligé de détruire une petite partie, mais pas la totalité comme c'était prévu au départ, ce qui n'empêchera pas de désenclaver".

«Rattrapage»

Toutes les opérations doivent être engagées avant fin juin 2026 pour bénéficier des financements Anru, prévient la préfecture des Bouches-du-Rhône, expliquant qu'une nouvelle réunion publique est prévue en mai, suivie d'une présentation du projet aux "partenaires nationaux" en juin.

"Ces 200 millions d'euros, il est hors de question de s'assoir dessus", indique Mme Aougaci en référence au budget alloué au projet de rénovation. Mais "il y a eu un tel abandon du patrimoine qu'on estime que ce n'est pas une fleur, c'est juste un rattrapage", insiste-t-elle.

Pour Rania Aougaci, les frustrations s'expliquent par une concertation des habitants "maladroite et insuffisante": quand le projet a été présenté, "la rue était déjà là, les démolitions étaient déjà là", donc "la concertation s'est faite sur des détails".

Une défiance a pu exister aussi car les locataires réclamaient depuis longtemps "des changements de baignoires, des trucs, et on ne les avait pas calculés" (pas pris en compte), poursuit la médiatrice, donc "ils se disent, +on vient faire une concertation avec nous que pour nous faire partir+.

Ozone 

L'usine de traitement de Sainte-Marthe, la plus importante de la ville, construite en 1934 dans ses quartiers Nord, couvre, à elle seule, 55% des besoins en eau potable de Marseille, alimentant quelque 500 000 personnes.

L'eau est rendue potable via une phase de clarification par un produit chimique et de filtration sur sable, puis une désinfection à l'ozone afin d'éliminer d'éventuels virus et bactéries.

"Dans le monde, 99% de l'eau est désinfectée au chlore, facile d'utilisation et très efficace mais qui génère en général une saveur pas toujours très agréable", relève M. Guiol.

"La désinfection de l'eau à l'ozone" présente l'avantage d'éliminer "toutes les potentielles saveurs que peut avoir naturellement une eau, et surtout ne génère pas de goût" additionnel, ajoute-t-il.

Si la qualité n'est pas contestable au regard de sa conformité avec les normes de l'Agence régionale de santé au moment où elle sort des usines de potabilisation, "elle n'est pas toujours bonne quand elle arrive au robinet parce que dans un certain nombre de copropriétés dégradées comme à Air-Bel, elle est polluée", rappelle toutefois Bernard Mounier, président d'"Eau bien commun Paca", coordination citoyenne pour la gestion publique de l'eau.

Raréfaction de la ressource

Côté quantité, la ville ne craint pas de pénurie à moyen terme.

Mais, "dans les décennies qui viennent, la quantité d'eau disponible sur le bassin de la Durance va diminuer: on parle d'environ 10% de baisse de cette ressource d'ici 2050 et de 25% à 30% d'ici 2100", relève M. Picon.

La SEM, qui dit ne capter au total que 5% de l'eau de la Durance, affirme agir en conséquence: "On a diminué ces 25 dernières années de 30% les prélèvements" dans la rivière et ce "pour satisfaire toujours les mêmes besoins" avec une population marseillaise (environ 900.000 habitants), globalement stable, souligne M. Guiol.

Pour éviter les fuites, dans les 3.000 km du réseau, "on renouvelle un peu plus de 1% de ces tuyaux tous les ans", ajoute-t-il.

"Une gestion patrimoniale coûteuse, plusieurs dizaines de pour cent du prix de l'eau" (lequel s'élève à un peu plus de quatre euros le m3 à Marseille contre 4,50 à 4,80 euros en moyenne en France) mais qui garantit à la ville un très bon rendement du réseau de distribution, selon lui.

La métropole Aix-Marseille-Provence, particulièrement dépendante du système Durance-Verdon pour l'eau potable (67% de son alimentation directe), étudie de son côté la possibilité de recourir également à des eaux souterraines encore non exploitées.


Le musée du Louvre resté fermé lundi en raison d'une grève

Le LNR, ou Louvre Nouvelle Renaissanc, et une rénovation à grande échelle annoncée par le président français Emmanuel Macron.  Les organisations syndicales ont ensuite été reçues au ministère de la Culture. (AFP)
Le LNR, ou Louvre Nouvelle Renaissanc, et une rénovation à grande échelle annoncée par le président français Emmanuel Macron. Les organisations syndicales ont ensuite été reçues au ministère de la Culture. (AFP)
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  • Les personnels du musée le plus visité au monde, réunis en assemblée générale, avaient voté "à l'unanimité" une grève reconductible pour dénoncer les conditions de travail et d'accueil du public
  • Plusieurs dizaines d'agents ont ensuite déployé devant la pyramide une banderole indiquant "Le Louvre en lutte pour des conditions de travail décentes, hausse des salaires, + d'effectifs contre la vétusté du palais et le projet LNR"

PARIS: Le musée du Louvre à Paris est resté fermé lundi en raison d'une "grève reconductible" de ses agents, une nouvelle épreuve pour une institution dans la tourmente depuis le spectaculaire cambriolage du 19 octobre et la mise à nu de ses dysfonctionnements.

A 9H00 (8H00 GMT), les portes du musée sont restées closes devant une file de visiteurs, puis la direction a annoncé la fermeture pour "toute la journée".

"Je suis vraiment déçu, le Louvre était la raison principale de notre venue à Paris, parce que nous voulions voir Mona Lisa", le célèbre tableau de La Joconde de Léonard de Vinci, a déclaré à l'AFP Minsoo Kim, 37, Coréen, en lune de miel.

"C'est normal qu'ils fassent grève s'ils ont besoin de meilleures conditions de travail. Bien sûr, en tant que touriste, ce n'est pas génial d'être ici et que le musée soit fermé, mais nous avons réussi à reporter notre visite, donc ça n'est pas un problème", a estimé de son côté Patricia, une touriste brésilienne qui n'a pas souhaité donner son nom.

Un peu plus tôt, les personnels du musée le plus visité au monde, réunis en assemblée générale, avaient voté "à l'unanimité" une grève reconductible pour dénoncer les conditions de travail et d'accueil du public.

Plusieurs dizaines d'agents ont ensuite déployé devant la pyramide une banderole indiquant "Le Louvre en lutte pour des conditions de travail décentes, hausse des salaires, + d'effectifs contre la vétusté du palais et le projet LNR".

Le LNR, ou Louvre Nouvelle Renaissanc, et une rénovation à grande échelle annoncée par le président français Emmanuel Macron.

Les organisations syndicales ont ensuite été reçues au ministère de la Culture.

"Nous avons eu quelques avancées en matière de rémunération, mais cela reste insuffisant et nous attendons une proposition écrite du ministère - certainement mardi - pour nous prononcer", a déclaré à l'AFP Alexis Fritche, du syndicat CFDT-Culture, à l'issue de deux heures de réunion.

Selon lui, "pas d'avancée" non plus sur les emplois: "On nous annonce 28 postes pour la surveillance, mais ils proviennent de redéploiements".

A l'issue de l'AG, le délégué du syndicat CGT Christian Galani avait rappelé que la filière accueil et surveillance avait "perdu 200 équivalents temps plein en l'espace de 15 ans, alors que la fréquentation a augmenté de moitié".

Une prochaine AG est prévue mercredi à 9H00 locales, le mardi étant le jour de fermeture hebdomadaire du Louvre.

Conflit social et réorganisation 

"On est en colère", "nous ne sommes pas d'accord avec la manière dont Le Louvre a été géré", a dit devant la presse Elise Muller, agente de surveillance du syndicat Sud Culture.

Valérie Baud, représentante CFDT, s'était félicitée d'un mouvement "interprofessionnel", regroupant métiers de la "conservation, agents d'accueil et de surveillance, professions support, juristes, graphistes".

En parallèle de ce conflit social, le musée doit faire face à une réorganisation à marche forcée et continuer de répondre aux interrogations sur les failles qui ont permis à un commando de s'emparer de huit joyaux de la Couronne, toujours introuvables.

Fragilisée, la présidente du Louvre, Laurence des Cars, devra travailler en tandem avec Philippe Jost, le haut fonctionnaire chargé du chantier de reconstruction de Notre-Dame, à qui la ministre française de la Culture Rachida Dati a confié vendredi la mission de "réorganiser en profondeur le musée".

Audition de la présidente mercredi 

"Des mesures indispensables sont à prendre, bien au-delà de la sûreté et de la sécurité", a déclaré Mme Dati.

"Toute réflexion sur l'avenir du Louvre ne saurait se limiter à une approche technico-organisationnelle", avait réagi la CFDT.

Le ministère de la Culture a précisé que la mission de M. Jost serait menée en janvier et février et que ses recommandations étaient attendues "fin février".

Des sénateurs vont par ailleurs poursuivre leur quête de réponses sur les dysfonctionnements du musée.

Mardi, ils doivent entendre pour la première fois l'ancien président du Louvre Jean-Luc Martinez, destinataire pendant son double mandat (2013-2021) de deux audits alarmants peu suivis d'effets.

Mercredi, ce sera Mme des Cars, à la tête du musée depuis fin 2021, pour comprendre notamment comment ces deux audits n'ont été découverts par l'actuelle direction qu'après le casse du 19 octobre.

 


La mère du journaliste français Christophe Gleizes a adressé une demande de grâce au président algérien

Le journaliste de 36 ans a par ailleurs formé un pourvoi en cassation contre sa condamnation pour obtenir un nouveau procès, ont fait savoir ses avocats dimanche. (AFP)
Le journaliste de 36 ans a par ailleurs formé un pourvoi en cassation contre sa condamnation pour obtenir un nouveau procès, ont fait savoir ses avocats dimanche. (AFP)
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  • Dans un communiqué publié lundi, l'association Reporters sans frontières (RSF), qui coordonne le comité de soutien de Christophe Gleizes, appuie cette demande de grâce "afin de mettre fin à une grave injustice"
  • La mère du journaliste sportif français Christophe Gleizes, condamné début décembre en Algérie à sept ans de prison ferme en appel, a transmis une demande de grâce au président algérien Abdelmadjid Tebboune, selon une lettre consultée lundi par l'AFP

PARIS: La mère du journaliste sportif français Christophe Gleizes, condamné début décembre en Algérie à sept ans de prison ferme en appel, a transmis une demande de grâce au président algérien Abdelmadjid Tebboune, selon une lettre consultée lundi par l'AFP.

"Je vous demande respectueusement de bien vouloir envisager de gracier Christophe, afin qu'il puisse retrouver sa liberté et sa famille", écrit Sylvie Godard dans cette missive du 10 décembre, assurant faire appel à la "haute bienveillance" du président algérien.

Le journaliste de 36 ans a par ailleurs formé un pourvoi en cassation contre sa condamnation pour obtenir un nouveau procès, ont fait savoir ses avocats dimanche.

Collaborateur des magazines français So Foot et Society, Christophe Gleizes a été arrêté le 28 mai 2024 en Algérie où il s'était rendu pour un reportage sur le club de football le plus titré du pays, la Jeunesse Sportive de Kabylie (JSK), basé à Tizi-Ouzou, à 100 kilomètres à l'est d'Alger.

Le 3 décembre 2025, la Cour d'appel de Tizi-Ouzou a confirmé sa condamnation à sept ans de prison pour "apologie du terrorisme". La justice algérienne lui reproche des contacts avec des personnes liées au mouvement séparatiste MAK (Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie), classé terroriste en Algérie.

"La confirmation de la condamnation à sept années de prison ferme a été pour Christophe, comme pour moi et ma famille, un choc immense", indique Mme Godard dans sa lettre au chef de l'État algérien, qu'elle dit écrire "avec gravité et une profonde émotion".

"Cette sentence nous est incompréhensible au regard des faits et du parcours de mon fils", développe-t-elle. "Nulle part dans aucun de ses écrits vous ne trouverez trace d'un quelconque propos hostile à l'Algérie et à son peuple."

Deux jours après la décision en appel, le président français Emmanuel Macron avait jugé "excessif" et "injuste" le jugement prononcé contre Christophe Gleizes, se disant déterminé à trouver "une issue favorable".

"Grave injustice" 

Dans un communiqué publié lundi, l'association Reporters sans frontières (RSF), qui coordonne le comité de soutien de Christophe Gleizes, appuie cette demande de grâce "afin de mettre fin à une grave injustice".

"Nous appelons désormais les autorités algériennes à prendre rapidement la seule décision possible dans ce dossier : libérer Christophe et lui permettre de retrouver les siens le plus rapidement possible", détaille Thibaut Bruttin, directeur général de l'association, cité dans le communiqué.

M. Gleizes est actuellement le seul journaliste français en détention à l'étranger.

Sa condamnation en première instance en juin 2025 avait été prononcée au pic d'une grave crise diplomatique entre la France et l'Algérie, marquée notamment par le retrait des deux ambassadeurs et des expulsions réciproques de diplomates.

Mais les relations bilatérales avaient semblé en voie d'apaisement après l'octroi d'une grâce et la libération par Alger de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, le 12 novembre

Selon son avocat français Emmanuel Daoud, Christophe Gleizes a, parallèlement au recours en grâce et au pourvoi en cassation, la possibilité d'adresser une demande de mise en liberté à la Cour Suprême, qui peut s'accompagner "d'une demande d'aménagement de sa peine".

"Il est aussi très important, psychologiquement, pour Christophe, de contester toute culpabilité car, comme il l'a dit à la Cour, il n'a fait que son métier et n'a, en aucune façon, enfreint la déontologie journalistique", assure l'avocat, cité dans le communiqué publié lundi.

 


Budget de l'Etat: au Sénat, la droite tentée par le compromis, mais pas à n'importe quel prix

Le Premier ministre français Sébastien Lecornu s'exprime lors d'une déclaration gouvernementale sur la stratégie de défense nationale à l'Assemblée nationale, à Paris, le 10 décembre 2025. (AFP)
Le Premier ministre français Sébastien Lecornu s'exprime lors d'une déclaration gouvernementale sur la stratégie de défense nationale à l'Assemblée nationale, à Paris, le 10 décembre 2025. (AFP)
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  • Le gouvernement met la pression sur la droite sénatoriale, devenue incontournable pour l’adoption du budget de l’État 2026
  • Malgré des tentatives de rapprochement en commission mixte paritaire, le risque d’échec demeure élevé ouvrant la voie soit à l’usage du 49.3

PARIS: Appelée par le gouvernement à se montrer constructive, la droite sénatoriale n'entend pas tourner le dos à un compromis sur le budget de l'Etat, mais sa fermeté vis-à-vis des socialistes risque de compliquer l'aboutissement de la discussion budgétaire avant 2026.

"La balle est aujourd'hui dans le camp du Parlement et significativement de la droite sénatoriale", a lancé mercredi la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon.

Une manière de mettre la pression sur la chambre haute et son alliance majoritaire droite-centristes. Elle détient à elle seule une grande partie des clés d'une équation jusqu'ici insoluble sur le projet de loi de finances pour 2026 (PLF).

En effet, si le compromis a été possible sans le Sénat sur le budget de la Sécurité sociale, les délais sur le budget de l'Etat sont tellement contraints que seul un accord entre les deux chambres du Parlement pourrait permettre l'adoption d'un budget avant le 31 décembre.

Le Sénat doit voter lundi sur l'ensemble du projet de budget, largement remanié par rapport à la version gouvernementale. Ensuite, une commission mixte paritaire (CMP), réunion de sept députés et sept sénateurs, sera chargée de trouver un terrain d'entente.

- CMP décisive -

Cette CMP est pour le moment fixée au vendredi 19 décembre, ce qui laisse encore quelques jours aux parlementaires pour négocier le périmètre d'un accord.

Si le gouvernement y croit, l'intransigeance de Bruno Retailleau, patron des Républicains et ténor de la droite sénatoriale, reste totale à ce stade.

"Il ne pourra pas y avoir d'accord sur un budget qui augmenterait considérablement les impôts et ne réduirait pas significativement la dette", a-t-il fermement affirmé au Figaro.

Autre signe d'une droite sénatoriale inflexible: elle a rejeté d'emblée, vendredi, le budget de la Sécurité sociale dans sa version de compromis trouvée à l'Assemblée nationale, laissant le dernier mot aux députés.

Une issue différente sur le budget de l'Etat ? Le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François Husson, martèle depuis plusieurs semaines sa conviction qu'une "voie de passage existe".

"Nous serons dans l'écoute et dans l'ouverture, mais pas à n'importe quel prix. Personne ne peut se permettre de viser une victoire politique sur ce budget", assure auprès de l'AFP celui qui pilote les débats budgétaires au Sénat.

Ce dernier a commencé, ces derniers jours, à rapprocher les points de vue avec son homologue de l'Assemblée nationale, Philippe Juvin (LR lui aussi). Une autre réunion est prévue dimanche entre ces deux responsables.

"Mon objectif, c'est bien de trouver un atterrissage", confirme Philippe Juvin à l'AFP. "Il me semble que c'est accessible".

Le président du Sénat Gérard Larcher, connu pour ses qualités de conciliateur, est lui aussi dans cette optique.

Mais le patron de la chambre haute, qui a échangé avec Emmanuel Macron et Sébastien Lecornu jeudi, reste très agacé par le choix du Premier ministre de se tourner vers le Parti socialiste et lui reproche d'avoir "méprisé" le Sénat.

- "Pas prêt à se renier" -

"On est prêt à faire des efforts mais on n'est pas prêt à se renier", glisse un proche du président Larcher, pour qui "trop de concessions ont été faites à la gauche".

"Ce n'est pas à la droite sénatoriale d'aller parler au PS, c'est à Sébastien Lecornu d'aller voir les socialistes pour leur dire que maintenant ça suffit, qu'ils ont tout obtenu dans le budget de la Sécu", explicite Christine Lavarde, sénatrice LR qui devrait siéger en CMP.

Une commission mixte paritaire conclusive ne suffirait pas, néanmoins, car il faudrait ensuite que le texte de compromis soit adopté par l'Assemblée nationale, avec au minimum une abstention de la gauche qui paraît impensable à ce stade.

Et certains cadres du bloc central en appellent au retour du 49.3 pour valider cet hypothétique accord.

"Le 49.3 n'est pas une baguette magique, si le gouvernement l'utilise sans compromis préalable, il s'expose à une censure immédiate", a menacé le premier secrétaire du PS Olivier Faure dans Libération.

Lui, comme beaucoup, anticipe déjà l'alternative: l'adoption d'une loi spéciale avant le 31 décembre, afin de permettre la poursuite des activités de l'Etat, et la reprise des débats début 2026. Avec un nouveau casse-tête budgétaire en perspective...