Le patriarche maronite Raï reprend la médiation entre Aoun et Hariri

Le patriarche maronite libanais Bechara Boutros Raï rencontre le président Michel Aoun au palais présidentiel de Baabda, au Liban, le 15 juillet 2020 (Photo, Reuters).
Le patriarche maronite libanais Bechara Boutros Raï rencontre le président Michel Aoun au palais présidentiel de Baabda, au Liban, le 15 juillet 2020 (Photo, Reuters).
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Publié le Vendredi 08 janvier 2021

Le patriarche maronite Raï reprend la médiation entre Aoun et Hariri

  • « Pour eux, l’enjeu réel est l’attribution des parts du butin» 
  • «30 mois de vide présidentiel, l'enquête sur l'explosion du port n'est pas inachevée, pires indicateurs économiques et financiers, 55% des Libanais en dessous du seuil de la pauvreté, les dépôts se sont évaporés, et la valeur de la livre a chuté de 78%»

BEYROUTH: Le président libanais Michel Aoun a rencontré jeudi le patriarche chrétien Bechara Boutros Raï, mécontent du retard dans la formation d'un gouvernement causé par les conditions de Baabda.

La réunion a eu lieu au son des avions de combat israéliens, qui ont violé l'espace aérien libanais pour la deuxième journée d’affilée. Dans une autre transgression des eaux libanaises mercredi soir, des soldats israéliens à bord de vedettes ont tiré sur des bateaux de pêche libanais, selon le commandement de l'armée libanaise.

Les discussions entre Aoun et Raï ont duré 45 minutes. Le président a ensuite déclaré que la réunion a eu lieu dans le but d’échanger des vœux, n’ayant pu se rencontrer au Patriarcat pendant la période des fêtes.

Selon Aoun, ils auraient évoqué «les conditions générales qui restent dans les coulisses, car tout n’est pas rapporté aux médias. Malheureusement, la presse interprète les événements à sa manière».

Aoun a évoqué la «possibilité» d'une nouvelle rencontre entre lui et le Premier ministre désigné, Saad Hariri, sans préciser de date.

Des sources racontent que Raï prépare une réunion entre Aoun et Hariri dans le cadre de sa médiation pour accélérer la formation du gouvernement. La situation demeure dans l'impasse car Aoun n'a pas encore répondu à la liste suggérée par Hariri il y a un mois, conformément à l'initiative française. Constituée de technocrates, cette liste n'inclut pas de noms affiliés aux partis politiques au pouvoir.

Hariri est rentré jeudi à Beyrouth, après des vacances passées à l'étranger.

Le communicant du président a déclaré que les «rumeurs selon lesquelles une réunion doit se tenir à Bkerké entre Aoun et Hariri, parrainée par Raï, sont loin d’être vrais. Raï a bien fait une proposition de ce genre au président lors de leur réunion de jeudi, mais Aoun n'en était pas au courant à l'avance».

Le différend entre Hariri et le Mouvement patriotique libre (MPL), dirigé par le gendre du président, Gebran Bassil, s'est intensifié il y a quelques jours lorsque le bureau des médias de Hariri a annoncé son refus du fait que le bloc MPL tiendrait «d’autres partis pour responsables des obstacles que le mouvement crée délibérément» pour la formation d’un gouvernement.

Le bureau de Hariri a souligné: «Hariri s’est pleinement acquitté de ses devoirs nationaux et constitutionnels. Il a présenté au président une liste gouvernementale composée de technocrates non partisans connus pour leur compétence et leur performance. On attend à présent que le président finisse de l'étudier d’une manière attentive».

Le bureau de Hariri a accusé le MPL d'être «le parti qui a fait obstruction au pays pendant plus de deux ans et demi (afin de faire élire Aoun à la présidence)».  Il souligne par ailleurs que «c'est le dernier parti à donner les leçons aux quant à la perte de temps et la création d'obstacles». Ce qui entrave la formation du gouvernement serait surtout «l'insistance sur des conditions impossibles qui sapent l'initiative française, éliminant tout espoir de résoudre la crise. Tout est à refaire, de l’économie qui s’effondre jusqu’à la reconstruction après l'explosion du port de Beyrouth».

Le vice-président du Mouvement du futur, Mustafa Alloush, a déclaré à Arab News que: «Rien n’a changé. Il n'y a pas de changement d'attitude, on ne fait pas le moindre effort résoudre les vrais problèmes qui font obstacle à la formation du gouvernement».

Alloush a ajouté: «Nous devons attendre le résultat de la réunion entre Aoun et Raï, mais le Premier ministre Hariri tient à former un gouvernement de dix-huit ministres, et refuse de donner le tiers de blocage à qui que ce soit».

Samir Geagea, chef du parti des Forces libanaises, voit dans ces retards un «crime contre le peuple libanais». Il a de plus souligné que : «Malgré toutes les tragédies, l'effondrement fiscal et l’inquiétude de la société au sujet du quotidien comme du futur, ce qui empêche la formation du gouvernement n'est pas un désaccord sur la nature des réformes requises, ni sur le fait de savoir quel ministre peut mettre en œuvre la réforme mieux que l'autre. Pour eux, l’enjeu réel est l’attribution des parts du butin».

Geagea insiste qu’il n’y a « aucun espoir pour ceux qui sont actuellement au pouvoir. La seule solution est de déclencher sans attendre des élections législatives anticipées».

Le député Anwar El-Khalil, membre du bloc parlementaire du président de la Chambre des députés Nabih Berri, pointe Aoun du doigt au sujet de la situation dramatique.  

Il a indiqué: «Trente mois de vide présidentiel, l'enquête sur l'explosion du port n'est pas terminée, le pays affiche les pires indicateurs économiques et financiers, 55% des Libanais sont en dessous du seuil de la pauvreté, les dépôts se sont évaporés, et la valeur de la livre libanaise a chuté de 78%. Vous avez en plus empêché les formations judiciaires. Aucune réforme n’aura lieu, surtout dans le dossier d’électricité de votre gendre».

L'ambassadeur émirati au Liban, Hamad Saeed Al-Shamsi, s'est rendu jeudi chez Raï et il a déclaré: «Nous croyons fortement que le patriarche Raï peut jouer un rôle national positif».

Al-Shamsi a également rendu visite au Grand Mufti Sheikh Abdul Latif Derian, saluant les «efforts déployés pour former un nouveau gouvernement qui réponde efficacement aux ambitions et aux espoirs de tous les citoyens libanais».

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


La diplomatie française estime qu'Israël doit faire preuve de « la plus grande retenue » au Liban

Le drapeau français flotte sur le lac d'Enghien, à Enghien-les-Bains, dans la banlieue nord de Paris, le 25 avril 2025. (Photo Thibaud MORITZ / AFP)
Le drapeau français flotte sur le lac d'Enghien, à Enghien-les-Bains, dans la banlieue nord de Paris, le 25 avril 2025. (Photo Thibaud MORITZ / AFP)
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  • l'armée israélienne continue de mener des frappes au Liban, affirmant viser des combattants et des infrastructures du mouvement libanais, Hezbollah.
  • Le Liban avait alors demandé à Washington et Paris, garants de l'accord de cessez-le-feu, de « contraindre Israël à cesser immédiatement ses attaques ».

PARIS : La France a exhorté mercredi Israël « à faire preuve de la plus grande retenue » au Liban après la frappe israélienne qui a touché Beyrouth dimanche dernier, et a souligné que le démantèlement des sites militaires du Hezbollah revenait « exclusivement aux forces armées libanaises ».

Malgré un cessez-le-feu entré en vigueur le 27 novembre après plus d'un an de guerre entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne continue de mener des frappes au Liban, affirmant viser des combattants et des infrastructures du mouvement libanais, très affaibli, qui affirme de son côté respecter l'accord.

Le week-end dernier, Israël a assuré avoir visé un entrepôt de missiles.

Le Liban avait alors demandé à Washington et Paris, garants de l'accord de cessez-le-feu, de « contraindre Israël à cesser immédiatement ses attaques ».

« La France rappelle que le respect du cessez-le-feu s'impose à toutes les parties sans exception afin de garantir la sécurité des populations civiles des deux côtés de la Ligne bleue », la frontière de facto délimitée par les Nations unies, a souligné mercredi Christophe Lemoine, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.

« La France appelle donc Israël à faire preuve de la plus grande retenue et à se retirer au plus vite des cinq points toujours occupés sur le territoire libanais », a-t-il ajouté lors d'un point presse.

Une commission regroupant le Liban, Israël, les États-Unis, la France et l'ONU est chargée de superviser l'application du cessez-le-feu.

Beyrouth presse la communauté internationale de faire pression sur Israël pour qu'il mette fin à ses attaques et se retire des cinq positions frontalières où il s'est maintenu dans le sud du pays, malgré l'accord.


Les services de sécurité des Émirats déjouent un transfert illégal d'armes vers le Soudan

Les autorités ont saisi environ cinq millions de munitions de type Goryunov (7,62 x 54 mm) retrouvées dans l'avion. (AFP)
Les autorités ont saisi environ cinq millions de munitions de type Goryunov (7,62 x 54 mm) retrouvées dans l'avion. (AFP)
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  • Les services de sécurité ont réussi à empêcher le transfert d'une quantité d'équipements militaires aux forces armées soudanaises 
  • Les prévenus ont été arrêtés lors d'une inspection de munitions dans un avion privé dans l'un des aéroports du pays

ABU DHABI: Les services de sécurité des Émirats arabes unis ont déjoué une tentative de transfert illégal d'armes et d'équipements militaires aux forces armées soudanaises, a déclaré mercredi le procureur général des Émirats arabes unis, Hamad Saif al-Chamsi.

M. Al-Chamsi a déclaré que les services de sécurité avaient réussi à empêcher le transfert d'une quantité d'équipements militaires aux forces armées soudanaises après l'arrestation de membres d'une cellule impliquée dans la médiation non autorisée, le courtage et le trafic illicite d'équipements militaires, sans avoir obtenu les licences nécessaires auprès des autorités compétentes.

Les prévenus ont été arrêtés lors d'une inspection de munitions dans un avion privé dans l'un des aéroports du pays.

L'avion transportait environ cinq millions de munitions de type Goryunov (54,7 x 62 mm).

Les autorités ont également saisi une partie du produit financier de la transaction en possession de deux suspects dans leurs chambres d'hôtel.

M. Al-Chamsi a déclaré que l'enquête avait révélé l'implication de membres de la cellule des chefs militaires soudanais, notamment l'ancien chef des services de renseignement Salah Gosh, un ancien officier de l'agence de renseignement, un ancien conseiller du ministre des Finances et une personnalité politique proche du général Abdel Fattah al-Burhan et de son adjoint Yasser al-Atta. Plusieurs hommes d'affaires soudanais ont également été impliqués.

Selon les enquêteurs, les membres de la cellule ont conclu un marché d'équipement militaire portant sur des fusils Kalachnikov, des munitions, des mitrailleuses et des grenades d'une valeur de plusieurs millions de dollars.

Les armes ont été transférées de l'armée soudanaise à une société d'importation des Émirats arabes unis en utilisant la méthode de transfert des HAWALADARS.

La transaction a été facilitée par l'intermédiaire d'une société appartenant à un membre fugitif de la cellule travaillant pour les forces armées soudanaises, en coordination avec le colonel Othman al-Zubair, responsable des opérations financières au sein de l'armée soudanaise.

De faux contrats et de fausses factures commerciales ont été utilisés pour prétendre que les paiements concernaient un contrat d'importation de sucre.

L'enquête a conclu que ces transactions avaient été effectuées à la demande du comité d'armement des forces armées soudanaises, présidé par Al-Burhan et son adjoint Al-Atta, en toute connaissance de cause et avec leur approbation. Les membres de la cellule ont été directement chargés de négocier et de finaliser les transactions par Ahmed Rabie Ahmed al-Sayed, une personnalité politique proche du commandant en chef soudanais et responsable de la délivrance des certificats et des approbations des utilisateurs finaux.

Les enquêteurs ont confirmé que Salah Gosh jouait un rôle central dans la gestion du trafic illégal d'équipements militaires aux Émirats arabes unis, en coordination avec d'autres membres de la cellule.

Le groupe a réalisé une marge bénéficiaire de 2,6 millions de dollars (1 dollar = 0,88 euro) par rapport à la valeur réelle des deux transactions, qu'il s'est répartie entre lui et plusieurs complices. La part de Gosh a été retrouvée en possession du suspect Khalid Youssef Mukhtar Youssef, ancien officier de renseignement et ex-chef de cabinet de Gosh.

La cargaison saisie était arrivée à l'aéroport des Émirats arabes unis à bord d'un avion privé en provenance d'un pays étranger.

L'avion s'était posé pour faire le plein et avait officiellement déclaré qu'il transportait un lot de fournitures médicales.

Cependant, la cargaison militaire a été découverte sous la supervision du ministère public, sur la base de mandats judiciaires émis par le procureur général.

Les autorités ont également saisi des copies des contrats relatifs aux deux transactions, de faux documents d'expédition, ainsi que des enregistrements audio et des messages échangés entre les membres de la cellule.

L'enquête a permis de découvrir plusieurs sociétés appartenant à un homme d'affaires soudano-ukrainien, dont une opérant aux Émirats arabes unis.

Ces sociétés ont fourni à l'armée soudanaise des armes, des munitions, des grenades et des drones, en collaboration avec les membres de la cellule et le responsable financier de l'armée.

L'une des sociétés figure sur la liste des sanctions américaines.

Les enquêtes en cours ont révélé que les intérêts financiers et les profits du groupe sont étroitement liés à la poursuite du conflit interne au Soudan.

Le procureur général a souligné que cet incident représentait une grave atteinte à la sécurité nationale des Émirats arabes unis, en faisant de leur territoire une plateforme pour le trafic illégal d'armes à destination d'un pays en proie à des troubles civils, en plus de constituer des infractions pénales punissables par la loi.

Il a conclu en déclarant que le ministère public poursuivait ses procédures d'enquête en vue de déférer les suspects à une procédure judiciaire d'urgence.

Les résultats définitifs seront annoncés à la fin de l'enquête.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Retailleau engage la procédure de dissolution d'Urgence Palestine

Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau intervient lors d'un débat sur le narcotrafic à l'Assemblée nationale française à Paris, le 29 avril 2025. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau intervient lors d'un débat sur le narcotrafic à l'Assemblée nationale française à Paris, le 29 avril 2025. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
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  • A la veille du 1er mai, Bruno Retailleau a annoncé  mecredi l'engagement de la procédure de dissolution du groupe Urgence Palestine.
  • Le groupe organise régulièrement des manifestations, qui ont parfois été interdites par les autorités.

PARIS : A la veille du 1er mai, Bruno Retailleau a annoncé  mecredi l'engagement de la procédure de dissolution du groupe Urgence Palestine, ainsi que de Lyon Populaire, qui appartient à l'ultra droite, après avoir lancé mardi celle du groupe antifasciste La Jeune Garde.

Invité de CNews/Europe 1, le ministre de l'Intérieur a justifié la dissolution d'Urgence Palestine en affirmant qu'il fallait « taper sur les islamistes ». « L'islamisme est une idéologie qui essaie d'instrumentaliser une religion. Il y a une défiguration de la foi », a-t-il dit.

« Il ne faut pas défigurer la juste cause des Palestiniens », a poursuivi M. Retailleau, qui a insisté sur le fait que « beaucoup de nos compatriotes musulmans professent une foi parfaitement compatible avec les valeurs de la République ».

Créé au lendemain de l'attaque sans précédent du Hamas dans le sud d'Israël le 7 octobre 2023, qui a déclenché la guerre à Gaza, le collectif Urgence Palestine dit rassembler « des citoyens, des organisations et mouvements associatifs, syndicaux et politiques mobilisés pour l'auto-détermination du peuple palestinien ». 

Le groupe organise régulièrement des manifestations, qui ont parfois été interdites par les autorités.

« À l'heure où le peuple palestinien est confronté au génocide, à la famine, où les Israéliens cherchent à détruire et à anéantir le peuple palestinien, que fait le gouvernement français ? Il veut dissoudre notre collectif, c'est insupportable », a réagi Omar Al Soumi, l'un des militants d'Urgence Palestine.

« C'est la réalité d'une France complice du génocide », a-t-il accusé dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux.

Urgence Palestine a reçu de nombreux messages de soutien de la part d'organisations de l'extrême gauche et de la gauche radicale. 

« Non à la dissolution d'Urgence Palestine », a écrit sur Instagram le Nouveau Parti Anticapitaliste, dénonçant « des prétextes pour faire taire les voix solidaires avec la Palestine ! ».

L'eurodéputée insoumise Rima Hassan a également critiqué les dissolutions engagées contre la Jeune Garde et Urgence Palestine.

« La dérive autoritaire et fasciste de Macron est aussi réelle, tangible et concrète », a-t-elle réagi sur X.

Tsedek!, qui se présente comme un « collectif juif décolonial », a aussi apporté son soutien à ces deux organisations.

« Le gouvernement qui appelle à la dissolution d’Urgence Palestine, c’est la République qui reprend ses droits et réaffirme que l’antisémitisme ne passera pas en France », s'est au contraire félicitée Sarah Aizenman, présidente du collectif « Nous vivrons », auprès de l'AFP. 

« Cette organisation ne défend pas les droits des Palestiniens, elle soutient une organisation terroriste », a accusé Mme Aizenman.

Les annonces de procédures de dissolution contre La Jeune Garde et Urgence Palestine interviennent à la veille des rassemblements du 1er-Mai et pourraient tendre le climat des manifestations, notamment à Paris, selon un haut responsable de la police.

Le ministre de l'Intérieur et le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, ont par avance prévenu qu'aucun débordement ne serait toléré.

Environ 15 000 personnes sont attendues jeudi pour la manifestation parisienne.