En éreintant ses fournisseurs, Boeing a détruit la qualité de sa production, selon un chef syndicaliste

Le président du district 751 de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale, Jon Holden (à droite), s'exprime pendant que la candidate démocrate à la présidence, Hillary Clinton, l'écoute lors d'un rassemblement syndical le 22 mars 2016 à Everett, dans l'État de Washington. (Photo par STEPHEN BRASHEAR / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)
Le président du district 751 de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale, Jon Holden (à droite), s'exprime pendant que la candidate démocrate à la présidence, Hillary Clinton, l'écoute lors d'un rassemblement syndical le 22 mars 2016 à Everett, dans l'État de Washington. (Photo par STEPHEN BRASHEAR / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)
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Publié le Samedi 29 juin 2024

En éreintant ses fournisseurs, Boeing a détruit la qualité de sa production, selon un chef syndicaliste

  • Et, «en voulant être plus efficaces, ils ont supprimé des postes importants considérés redondants, comme l'assurance qualité», déplore le président du syndicat IAM - District 751
  • Le syndicat réclame, avec celui des ingénieurs, le SPEEA, depuis plusieurs mois deux sièges au conseil d'administration pour «participer aux changements (...) susceptibles d'affecter le processus de production»

SEATTLE, États-Unis : Le constructeur aéronautique Boeing a tellement fait pression sur ses fournisseurs, afin de réduire ses coûts et de gonfler ses résultats financiers, qu'il a «détruit la santé» de sa production, affirme Jon Holden, président du syndicat IAM - District 751.

«Boeing a passé beaucoup de temps, depuis 2012, à mettre sa chaîne d'approvisionnement sous pression en forçant ses fournisseurs à réduire leurs prix, d'année en année», estime, dans un entretien à l'AFP, le chef de cette branche du syndicat international des machinistes et des ouvriers de l'aérospatial (IAM) à Seattle (nord-ouest).

Elle compte près de 32.000 adhérents, dont quelque 30.000 employés par Boeing.

Le groupe a vendu «des usines, pour réduire ses actifs nets», explique M. Holden. «Je n'ai pas de problème avec l'efficacité. Mais j'en ai un lorsqu'elle détruit la santé du système de production.»

Et, «en voulant être plus efficaces, ils ont supprimé des postes importants considérés redondants, comme l'assurance qualité», déplore-t-il.

Depuis de longs mois, le géant cumule les problèmes de production sur ses trois avions commerciaux actuellement commercialisés: le 737 -son avion vedette-, le 787 Dreamliner et le 777. Un incident en vol sur un avion d'Alaska Airlines, le 5 janvier, a été la goutte d'eau de trop.

Boeing s'emploie, depuis lors, à assainir ses processus sous la surveillance rapprochée du régulateur FAA. En se concentrant d'abord sur l'usine du 737 à Renton, près de Seattle.

Le syndicat réclame, avec celui des ingénieurs, le SPEEA, depuis plusieurs mois deux sièges au conseil d'administration pour «participer aux changements (...) susceptibles d'affecter le processus de production».

- «Gagne-pain» -

«Nous n'avons jamais demandé cela par le passé, mais il en va de notre réputation, de nos emplois, de notre gagne-pain», justifie le chef syndical. «Nous tenons à cette entreprise et nous avons le droit d'avoir un mot à dire sur certains changements.»

Une requête réitérée pendant les négociations de la prochaine convention collective, lancées le 8 mars.

Surtout, il réclame une hausse salariale «substantielle», d'au moins 40% sur trois ans, ainsi que de meilleurs avantages sociaux (assurance santé, retraite) et la sécurité de l'emploi.

Cette dernière passe par l'engagement de Boeing que son prochain avion - annoncé pour 2035 - sera fabriqué dans la région. «C'est une garantie d'emploi pour les cinquante prochaines années», souligne M. Holden.

Dave Calhoun, patron de Boeing, a assuré le 16 juin devant une commission d'enquête du Sénat que les syndiqués de l'IAM obtiendraient «à coup sûr, une augmentation». Sans autre détail.

Selon Jon Holden, les rémunérations «stagnent depuis huit ans» avec seulement quatre hausses de 1% sur cette période malgré une «inflation massive».

A ce stade, les deux parties n'ont pas trouvé d'entente sur les gros sujets. Le syndicat compte, pour dégripper ce statu quo, «bientôt accroître le nombre de sessions et leur durée».

Histoire d'insuffler un peu de pression, ses adhérents doivent voter le 17 juillet sur le principe de faire grève faute d'accord le 12 septembre à minuit, échéance de la convention actuelle, vieille de seize ans. La dernière grève (57 jours) remonte à 2008.

Le syndicat n'a pas lésiné: il a réservé le T-Mobile Park, qui abrite l'équipe de baseball des Seattle Mariners et compte près de 48.000 places.

«Quand nous serons tous présents à cet important événement, l'usine sera silencieuse», écrit-il sur son site internet.

Un contraste comparé à l'habituel vacarme s'élevant des chaines d'assemblage surtout quand, comme mardi à Renton, une manifestation syndicale arpente les allées. Avec cornes de brume et slogans, pancartes en mains, a constaté l'AFP.

«Nous bénéficions d'un fort effet de levier actuellement, et nous allons en faire usage», insiste M. Holden, citant un trafic aérien et un nombre de passagers «supérieurs à la pré-pandémie».

«Il y a donc un besoin énorme en nouveaux avions, en modèles plus économes en carburant», relève-t-il.

Mais la production est actuellement ralentie par les mesures d'assainissement de la production.

L'avenir de Spirit AeroSystems, fournisseur entre autres des fuselages du 737 présentant de nombreuses imperfections, s'inscrit dans ce dispositif. Après s'en être défait en 2005, Boeing négocie actuellement son rachat.

Pour M. Holden, cette acquisition sera «positive»: «C'était absurde de s'en séparer et, sur le long terme, ça n'a pas été bon pour Boeing.»

Il relève que Spirit fait «partie intégrante de quasiment tous les avions construits aux Etats-Unis, et même des Airbus. Nous avons tous besoin qu'il soit en forme.»


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.