Syrie: entre embellie et difficile redressement économique

Des personnes marchent devant la gare historique de Hejaz à Damas, le 26 janvier 2025. (AFP)
Des personnes marchent devant la gare historique de Hejaz à Damas, le 26 janvier 2025. (AFP)
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Publié le Lundi 03 février 2025

Syrie: entre embellie et difficile redressement économique

  • S’il est nécessaire de reconstituer un appareil d’Etat et des institutions saines, pour succéder à celles imposées aux syriens pendant des décennies par la dynastie Al-Assad, il est également urgent de remettre sur pied l’économie du pays
  • Dans une interview accordée au Financial Times, le ministre syrien des Affaires étrangères Asaad Al-Chibani indique, que le nouveau modèle économique syrien sera tourné vers le développement et une rupture avec le modèle dit « socialiste »

PARIS: Depuis la chute du dictateur syrien Bachar Al-Assad et sa fuite à Moscou, le 8 décembre dernier, le nouveau pouvoir dirigé par l’ancien rebelle Ahmad Al-Charaa semble profiter d’une véritable embellie.

Massivement soutenu par le peuple syrien et adoubé par les pays arabes dont en tête l’Arabie saoudite, le nouveau pouvoir tente de se structurer. 

À la suite de la réunion le 29 janvier, des factions armées qui ont contribué au renversement de la dictature tenue, Al-Charaa assume désormais la fonction de Président intérimaire, avec pour mission la formation d’un « conseil législatif intérimaire ».

C’est ce conseil qui sera chargé des affaires du pays, en attendant la tenue d’une élection, qui surviendra après la rédaction d’une nouvelle constitution qui, elle, nécessite un délai allant de deux à trois ans, selon des déclarations faites par le Président intérimaire.

S’il est nécessaire de reconstituer un appareil d’Etat et des institutions saines, pour succéder à celles imposées aux syriens pendant des décennies par la dynastie Al-Assad, il est également urgent de remettre sur pied l’économie du pays.

Dans une interview accordée au Financial Times, le ministre syrien des Affaires étrangères Asaad Al-Chibani indique, que le nouveau modèle économique syrien sera tourné vers le développement et une rupture avec le modèle dit « socialiste », qui a ruiné le pays.

Les chiffres de la banque mondiale le confirment : le Produit intérieur brut a chuté de plus de 85%, la livre syrienne a perdu 90% de sa valeur, et la production du pétrole a reculé et stagne à un niveau insignifiant.

L'économie syrienne est « exsangue à cause des 13 ans de conflit, et de sanctions économiques, qui ont plus affecté la population et l'activité économique que le pouvoir en place », affirme le président du Cercle des économistes arabes Samir Aïta à Arab News en français.

Aïta, franco-syrien, réfute par ailleurs le terme d’économie socialiste s’agissant de la Syrie, « l’économie syrienne n'a jamais été socialiste. Sous Assad père, c'était un capitalisme d'Etat. Et sous le fils, elle est devenue un capitalisme des copains, ou crony capitalism, comme disent les anglo-saxons ».

Délabrement économique 

S’exprimant à la suite d’un récent déplacement effectué à Damas, Aïta a du mal à cacher son pessimisme, face au délabrement économique accumulé au fil des ans, et des difficultés qui attendent le pouvoir intérimaire.

Il indique à titre d’exemple que  les nouveaux dirigeants ont promis d'aider les agriculteurs et les industriels, en fournissant l'énergie de base qui manquait (électricité et fuel), mais « le prix des produits locaux est très élevé pour qu'ils soient compétitifs avec les produits turcs qui inondent aujourd'hui les marchés syriens ». 

Citant un autre secteur d’activité, « l’industrie des services est aussi très faible » indique-t-il, « malgré son potentiel, car les infrastructures, y compris les connections numériques, sont délabrées ». 

Une grande question se pose selon Aïta au sujet de ce qui peut remplacer l'économie du « Captagon » (drogue produite dans des laboratoires syriens sous la supervision de la famille Assad), qui a fleuri à cause des sanctions et qui procurait environ 3 milliards de dollars à l'économie syrienne? 

Interrogé sur la privatisation des entreprises publiques qui semble être une piste  privilégiée par le pouvoir intérimaire pour renflouer sa trésorerie, là aussi le pronostic n’est guère plus radieux, le pouvoir intérimaire assure Aïta  « manque de ressources financières pour à la fois payer les salaires des fonctionnaires et investir ».

Mais surtout ajoute-t-il, « la plupart des entreprises publiques ne valent aujourd'hui que les terrains qu'elles occupent, qui sont devenus des terrains urbains. Il sont déjà proposés à la vente sous le slogan d'une "économie libre". 

Et par ailleurs, souligne Aïta, « quels investisseurs pourraient acheter ces entreprises alors que les transactions financières restent bloquées par les sanctions sur la Banque Centrale? »

Il reste quand même des secteurs économiques qui à court terme peuvent être rentables, tel que la téléphonie mobile. 

Jusque-là ce secteur était majoritairement détenu par le clan Assad, « les anciennes parts d'Asma Al-Assad (épouse de l’ancien dictateur syrien), et les anciennes parts  de Rami Makhlouf (cousin de l’ancien dictateur), dans Syriatel ont été saisis ». 

L'autre opérateur, MTN, partiellement détenu par des hommes d’affaires libanais ( les frères Mikati dont l’ancien premier ministre Najib Mikati), était déjà sous protection juridique du fait des vieux conflits avec Asma Al-Assad », alors que le sort de la nouvelle compagnie iranienne et de la compagnie de téléphonie d'Idleb, n'est pas clair précise Aïta. 

Dans un tel contexte, il n'est pas facile d’envisager un véritable assainissement de l'économie avant la levée des sanctions américaines et européennes, sachant qu’il s’agit là d’un processus long et tortueux.

Le 6 janvier dernier, les États-Unis ont annoncé un allègement de certaines des sanctions imposées après la répression sanglante du soulèvement démocratique, par Bachar Al-Assad en 2011, en signe de soutien au peuple syrien.

Concrètement, il s’agit d’accorder des dérogations aux entreprises et organisations américaines qui fournissent des biens essentiels comme le pétrole et le gaz naturel à la Syrie.

Même son de cloche du côté de l’Europe après l’annonce faite le 27 Janvier par l’Union Européenne d’assouplir une partie des sanctions imposées à la Syrie, dont celles qui s’appliquent sur le secteur de l’énergie du transport et des institutions financières.

Il s’agit pour l’Europe de favoriser la mise en route de l’économie du pays, sans se départir de la prudence et la vigilance quant à l’engagement des autorités intérimaires concernant l’inclusivité et le respect des droits de l’homme et des minorités.

Dans ce contexte, Al-Charaa tâche de mettre à profit son crédit auprès des pays arabes et en particulier l’Arabie saoudite, où il a effectué son premier déplacement à l’étranger comme président intérimaire.

Auparavant, le ministre saoudien des Affaires étrangères Fayçal Ben Farhan avait déclaré lors de sa visite à Damas, que son pays est prêt à soutenir la Syrie dans ses efforts concernant la levée des sanctions internationales.

 


Le Premier ministre du Qatar juge le cessez-le-feu à Gaza incomplet sans "un retrait total" d'Israël

Le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar, Cheikh Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim Al-Thani, s'exprime lors de la première journée de la 23e édition du Forum annuel de Doha, à Doha, au Qatar, le 6 décembre 2025. (Reuters)
Le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar, Cheikh Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim Al-Thani, s'exprime lors de la première journée de la 23e édition du Forum annuel de Doha, à Doha, au Qatar, le 6 décembre 2025. (Reuters)
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  • Le Qatar affirme qu’un cessez-le-feu réel à Gaza ne peut être atteint sans un retrait total des forces israéliennes et le rétablissement de la stabilité dans l’enclave
  • Les médiateurs — Qatar, Turquie, Égypte et États-Unis — travaillent à une seconde phase incluant retrait complet, désarmement du Hamas et déploiement d’une Force internationale de stabilisation (FIS)

DOHA: Le cessez-le-feu dans la bande de Gaza reste incomplet sans un "retrait total" des forces israéliennes du territoire palestinien, a affirmé samedi le premier ministre du Qatar, pays médiateur dans le conflit.

"Nous sommes à un moment critique (...) Nous ne pouvons pas encore considérer qu'il y a un cessez-le-feu, un cessez-le-feu ne peut être complet qu'avec le retrait total des forces israéliennes, (et) un retour de la stabilité à Gaza", a affirmé Cheikh Mohammed ben Abdelrahmane al-Thani, lors d'une conférence à Doha.

Après deux ans de guerre dévastatrice entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas, les pays médiateurs - Qatar, Etats-Unis et Egypte - ont arraché un accord de cessez-le-feu, entré en vigueur le 10 octobre.

La première phase prévoyait la restitution de tous les otages du 7-Octobre - les vivants comme les morts dont un dernier doit encore être remis à Israël - , en échange de la libération de centaines de prisonniers palestiniens, ainsi qu'un retrait partiel des forces israéliennes de Gaza.

La deuxième étape du plan, qui n'a pas encore été approuvée, prévoit le retrait total de l'armée israélienne, le désarmement du Hamas, la mise en place d'une autorité de transition et le déploiement d'une force internationale de stabilisation (FIS).

"En ce moment, nous (...) le Qatar, la Turquie, l'Égypte, avec les États-Unis, nous nous réunissons pour faire avancer la prochaine phase", a relevé le premier qatari. "Et cette prochaine phase est également temporaire de notre point de vue" dans l'attente d'une "solution durable", a-t-il ajouté.

Des discussions sur la structure de la FIS et les pays qui pourraient y participer sont en cours, a affirmé de son côté le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan.

Mais le premier objectif de cette force doit être "de séparer les Palestiniens des Israéliens", a-t-il souligné. "Cela doit être notre objectif principal. Ensuite, nous pourrons aborder les autres questions en suspens".

Ankara a indiqué qu'elle souhaitait participer à la FIS, mais Israël l'accuse d'être trop proche du Hamas, dont l'attaque sans précédent sur Israël le 7 octobre 2023 a déclenché la guerre à Gaza.

"La seule manière viable de terminer cette guerre est de s'engager sincèrement et fermement dans des pourparlers de paix", a également affirmé M.Fidan.

Egalement présent à Doha, le ministre des Affaires étrangères égyptien, Badr Abdelatty, a rencontré son homologue qatari, en marge de la conférence.

Les deux hommes ont appelé à "la formation rapide de la FIS pour lui permettre de remplir son mandat", a indiqué le ministère égyptien.

Ils ont également "souligné l'importance de poursuivre les efforts visant à mettre en oeuvre l'accord de paix (...) dans toutes ses étapes, à consolider le cessez-le-feu".


Le Liban assure ne pas vouloir de guerre avec Israël, après de premières discussions directes

Le Premier ministre Nawaf Salam a souligné la nécessité d'une force internationale pour soutenir l'armée lorsque la FINUL mettra fin à son mandat dans le sud du Liban. (Fourni)
Le Premier ministre Nawaf Salam a souligné la nécessité d'une force internationale pour soutenir l'armée lorsque la FINUL mettra fin à son mandat dans le sud du Liban. (Fourni)
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  • Le Liban, par la voix du président Joseph Aoun, réaffirme qu’il ne veut pas d’une nouvelle guerre avec Israël et mise sur la diplomatie pour faire cesser les frappes israéliennes dans le sud du pays
  • Le Hezbollah soutient l’approche diplomatique de Beyrouth mais critique l’inclusion d’un civil libanais dans le comité de surveillance du cessez-le-feu

BEYROUTH: Le Liban ne veut pas d'une nouvelle guerre avec Israël, a assuré vendredi son président, Joseph Aoun, deux jours après de premières discussions directes, depuis plusieurs décennies, entre des représentants des deux pays.

Le Hezbollah pro-iranien a de son côté assuré soutenir l'approche diplomatique de Beyrouth "pour faire cesser l'agression" israélienne. Mais il a  qualifié d'"erreur" l'inclusion, pour la première fois, d'un civil libanais dans le comité de surveillance du cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à sa dernière guerre avec Israël.

Alors qu'Israël a multiplié ces dernières semaines ses frappes aériennes au Liban, disant viser le Hezbollah, des responsables civils libanais et israélien ont participé mercredi à une réunion de cet organisme, une rencontre inédite depuis plusieurs décennies entre les deux pays, toujours en état de guerre.

Israël justifie ses frappes en accusant le Hezbollah de se réarmer en violation du cessez-le-feu, ce que le mouvement chiite dément.

Beyrouth pour sa part accuse régulièrement Israël de violer la trêve en poursuivant ses raids et en maintenant une présence militaire dans cinq positions dans le sud du Liban.

Les Libanais "ne veulent pas d'une nouvelle guerre, ils ont assez souffert et il n'y aura pas de retour en arrière", a déclaré M. Aoun à une délégation du Conseil de sécurité de l'ONU en visite dans son pays, selon un communiqué de la présidence.

- "Sous les bombes" -

Auprès de ses interlocuteurs, il "a insisté sur la nécessité de faire pression sur la partie israélienne pour mettre en oeuvre le cessez-le-feu et son retrait" du sud du Liban.

Mettant en avant "l'engagement de la partie libanaise à appliquer les résolutions internationales", il a aussi appelé la communauté internationale à "soutenir l'armée libanaise dans sa mission" de désarmement du Hezbollah.

Beyrouth a choisi "la diplomatie pour faire cesser l'agression israélienne" et "nous soutenons cette approche", a de son côté déclaré le chef du Hezbollah, Naïm Qassem dans une allocution télévisée.

Le groupe invoque notamment le maintien par Israël de cinq postes dans le sud du Liban pour s'opposer à son désarmement, pour la mise en oeuvre duquel les Etats-Unis et Israël exercent une forte pression sur Beyrouth.

Arrivée de Damas, la délégation des 15 diplomates onusiens doit rencontrer plusieurs responsables libanais vendredi. Elle se rendra samedi dans la région frontalière du sud, accompagnée de l'émissaire américaine pour le Proche-Orient Morgan Ortagus.

Le Liban a qualifié de "positives" les discussions directes avec Israël, mais le pays voisin a de nouveau bombardé le lendemain, jeudi, le sud du Liban, disant viser des infrastructures militaires du Hezbollah.

"Il est inacceptable de négocier sous les bombes", a souligné le président du Parlement Nabih Berri, proche allié du Hezbollah, après avoir rencontré la délégation onusienne.

L'issue de ces pourparlers "dépend principalement de la position d'Israël, qui déterminera si les négociations aboutiront à des résultats concrets ou échoueront", a prévenu M. Aoun.

La commission chargée de superviser le cessez-le-feu tiendra de nouvelles sessions avec la participation de délégués civils libanais et israélien à partir du 19 décembre.


L’Arabie saoudite et ses partenaires régionaux rejettent tout déplacement forcé des Palestiniens de Gaza

Les ministres des Affaires étrangères d'Arabie saoudite, d'Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d'Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi leur profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l'ouverture du passage de Rafah dans un seul sens. (AFP)
Les ministres des Affaires étrangères d'Arabie saoudite, d'Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d'Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi leur profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l'ouverture du passage de Rafah dans un seul sens. (AFP)
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  • Les ministres ont exprimé une profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes sur l’ouverture du passage de Rafah dans un seul sens

RIYAD : Les ministres des Affaires étrangères d’Arabie saoudite, d’Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d’Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi une profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l’ouverture du passage de Rafah dans un seul sens, rapporte l’Agence de presse saoudienne.

Dans une déclaration conjointe, les ministres ont estimé que cette mesure pourrait faciliter le déplacement des Palestiniens de la bande de Gaza vers l’Égypte.

Ils ont fermement rejeté toute tentative de forcer les Palestiniens à quitter leurs terres, soulignant la nécessité d’une pleine application du plan proposé par le président américain Donald Trump, qui prévoyait l’ouverture du passage de Rafah dans les deux sens et garantissait la liberté de circulation sans coercition.

Les ministres ont insisté sur la création de conditions permettant aux Palestiniens de rester sur leurs terres et de participer à la reconstruction de leur pays, dans le cadre d’un plan global visant à restaurer la stabilité et à répondre à la crise humanitaire à Gaza.

Ils ont réitéré leur appréciation pour l’engagement de Trump en faveur de la paix régionale et ont souligné l’importance de la mise en œuvre complète de son plan, sans entrave.

La déclaration a également mis en avant l’urgence d’un cessez-le-feu durable, de la fin des souffrances des civils, de l’accès humanitaire sans restriction à Gaza, ainsi que du lancement d’efforts de relèvement et de reconstruction précoces.

Les ministres ont en outre demandé la mise en place de conditions permettant à l’Autorité palestinienne de reprendre ses responsabilités dans l’enclave.

Les huit pays ont réaffirmé leur volonté de continuer à coordonner leurs actions avec les États-Unis et les partenaires internationaux pour assurer la pleine mise en œuvre de la résolution 2803 du Conseil de sécurité de l’ONU et des autres résolutions pertinentes, en vue d’une paix juste et durable fondée sur le droit international et la solution à deux États, incluant la création d’un État palestinien indépendant selon les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com