Le président français Emmanuel Macron, le chancelier allemand Friedrich Merz et le Premier ministre polonais Donald Tusk se sont rendus en Moldavie la semaine dernière pour célébrer le jour de l'indépendance de cette nation, face à l'ingérence russe. Deux de ces nations font également partie d'un autre triumvirat politique européen qui réapparaît comme le principal groupe de puissances dans la région.
Ces derniers mois, les relations entre M. Merz, M. Macron et le Premier ministre britannique Keir Starmer se sont réchauffées. Cela s'est manifesté tout récemment lors du sommet sur l'Ukraine avec le président américain Donald Trump à la Maison Blanche le 19 août.
Cette cordialité croissante dans les relations post-Brexit entre le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France n'a pas commencé cette année. Depuis la pandémie de COVID-19 et l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, la France et l'Allemagne ont pris conscience de la nécessité d'une plus grande collaboration avec le Royaume-Uni, et vice versa.
Ce processus de réchauffement trilatéral a donc commencé il y a un certain temps, sous la direction de l'ancien Premier ministre britannique Rishi Sunak, de M. Macron et de l'ancien chancelier allemand Olaf Scholz. Des développements plus récents, notamment la seconde présidence Trump et l'accord-cadre de "réinitialisation du Brexit" entre le Royaume-Uni et l'UE en mai, ont simplement donné un élan supplémentaire.
Cette dynamique E3 rajeunie s'est manifestée dans plusieurs plateformes très médiatisées ces dernières années, notamment lors de la visite du président américain Joe Biden à Berlin en octobre dernier, au cours de laquelle M. Starmer, M. Macron et M. Scholz ont été les dirigeants européens avec lesquels il a tenu une réunion quadrilatérale.
Cette dynamique dite des E3 a également été défendue dans les relations bilatérales entre les membres du groupe. En juillet, MM. Starmer et Merz ont signé un traité d'amitié entre le Royaume-Uni et l'Allemagne qui couvre la défense et la croissance économique, ainsi que d'autres questions plus générales. Il comprend également une clause d'assistance mutuelle spécifiant qu'une menace pour une nation serait considérée comme une menace pour l'autre. Cet accord contribue à consolider l'alliance trilatérale E3 - la France était déjà liée à l'Allemagne par le traité d'Aix-la-Chapelle et au Royaume-Uni par les traités de Lancaster House.
Macron quittant ses fonctions en 2027 après deux mandats présidentiels, la relation entre Starmer et Merz pourrait s'avérer particulièrement importante pour les relations européennes et internationales au sens large pendant le reste de la présidence Trump. Les deux dirigeants pourraient être des réformateurs clés dont les périodes de mandat se chevauchent. Les prochaines élections générales britanniques auront probablement lieu en 2028 ou 2029 et le prochain scrutin allemand en 2029. La prochaine élection présidentielle américaine aura lieu en novembre 2028.
Parallèlement au réchauffement des liens entre le Royaume-Uni et l'Allemagne, il est également essentiel que Londres et Paris et Paris et Berlin se soient rapprochés. Bien entendu, l'alliance franco-allemande a longtemps été le moteur de l'intégration européenne dans l'après-guerre et M. Macron a entretenu des relations généralement positives avec l'ancienne chancelière Angela Merkel, ce qui leur a permis d'obtenir de nombreux résultats ensemble sur la scène internationale.
La relation entre Starmer et Merz pourrait être particulièrement importante pour les relations européennes et internationales au sens large.
Andrew Hammond
Toutefois, la coopération entre les deux puissances fluctue en fonction de la personnalité des hauts responsables à Berlin et à Paris. Macron a eu des relations inégales avec le successeur de Merkel, Scholz, mais les liens pourraient évoluer dans une direction plus positive avec le successeur de Scholz, Merz.
Le réchauffement des liens franco-britanniques s'est manifesté en juillet, lorsque M. Macron a effectué sa première visite d'État au Royaume-Uni. La dernière visite officielle d'un président français en Grande-Bretagne avait été effectuée par Nicolas Sarkozy près de vingt ans plus tôt, en 2008.
Alors que les relations bilatérales entre le Royaume-Uni et l'Allemagne sont principalement axées sur l'économie, la sécurité est au cœur des relations franco-britanniques, car les deux pays sont dotés de l'arme nucléaire et sont membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, contrairement à d'autres partenaires européens. Les accords de Lancaster House conclus en 2010 entre les deux puissances ont ouvert la voie à une mise à jour conjointe de leurs arsenaux nucléaires et il existe également un potentiel de coordination militaire plus large.
Aussi positive que soit la réémergence des relations franco-germano-britanniques pour l'Europe, ces liens continueront à être confrontés à des défis dans l'ère post-Brexit. C'est notamment le cas des liens bilatéraux entre le Royaume-Uni et les deux autres pays.
Prenons, par exemple, les relations entre Paris et Londres. Macron a adopté l'une des positions les plus dures en réponse au départ du Royaume-Uni de l'UE. Cette attitude reflète la relation complexe, souvent contradictoire, que Paris entretient depuis longtemps avec Londres dans le cadre des affaires européennes.
La position de M. Macron sur le Brexit, notamment sa position ferme excluant tout accès économique futur du Royaume-Uni au marché unique, a été renforcée par les plans français plus généraux visant à présenter Paris comme un centre financier rival de Londres. M. Macron a salué la décision post-Brexit de transférer l'Agence bancaire européenne de Londres à Paris en 2019 comme une "reconnaissance de l'attractivité de la France et de son engagement européen". Il espère que la relocalisation de l'agence contribuera à attirer à Paris davantage d'emplois bancaires en provenance du Royaume-Uni.
La position française sur le Brexit souligne le fait que chacun des États membres de l'UE a des intérêts politiques, économiques et sociaux distincts qui influencent sa position sur le départ du Royaume-Uni de l'Union. Ces intérêts varient en fonction de facteurs tels que les liens commerciaux et économiques au sens large, les schémas migratoires avec le Royaume-Uni, les pressions électorales nationales et les niveaux de soutien à l'euroscepticisme au sein de leurs populations.
Si Paris a quelque peu modéré sa position, le Royaume-Uni et la France ne sont toujours pas sur la même longueur d'onde dans certains domaines clés, notamment les droits de pêche. Un autre exemple est celui de l'immigration, une question sur laquelle Starmer subit une pression croissante pour empêcher les personnes de traverser illégalement la Manche et d'entrer au Royaume-Uni à partir de la France.
En juillet, M. Starmer et M. Macron se sont mis d'accord sur un nouveau système de retour "une entrée, une sortie", en vertu duquel le Royaume-Uni expulsera vers la France les migrants sans papiers arrivés à bord de petits bateaux, en échange de l'acceptation d'un nombre égal de demandeurs d'asile légitimes ayant des liens familiaux avec le Royaume-Uni. Toutefois, il n'est pas certain que ce système parvienne à empêcher les migrants de tenter des traversées à bord de petites embarcations.
La réapparition de l'E3 offre un potentiel important pour renforcer la collaboration entre les trois principales économies de l'Europe. Toutefois, les intérêts post-Brexit distincts de chaque État continueront de créer des tensions de temps à autre, ce qui pourrait constituer un obstacle à la réinitialisation complète des relations trilatérales.
- Andrew Hammond est associé à LSE IDEAS à la London School of Economics.
NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.