La fragile Ve République pourrait vaciller...

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Publié le Lundi 29 septembre 2025

La fragile Ve République pourrait vaciller...

La fragile Ve République pourrait vaciller...
  • La Constitution de la Cinquième République, qui, depuis 1958, est à la base de ce qui est le troisième système de gouvernement le plus durable de France, a été conçue par le général Charles de Gaulle
  • Les turbulences politiques les plus récentes ont commencé à l'été 2024 avec la décision de Macron de convoquer des élections anticipées. Il en est résulté un parlement dans l'impasse.


Environ un million de personnes sont descendues dans les rues de France le 18 septembre pour protester contre les politiques d'austérité du président Emmanuel Macron. De telles manifestations sont loin d'être inhabituelles en France, mais les défis auxquels la nation est confrontée aujourd'hui sont de taille et pourraient même menacer les fondements de la Cinquième République.

La récente nomination par M. Macron de son cinquième premier ministre en 21 mois environ, Sébastien Lecornu, pourrait avoir atténué la crise politique à court terme. La nomination de M. Lecornu fait suite à un rare vote de défiance au sein de l'assemblée législative française, qui a entraîné l'effondrement du gouvernement de son prédécesseur François Bayrou.

Bien que la défaite de Bayrou - la deuxième fois seulement en six décennies qu'un gouvernement français perd un tel vote de confiance - ait été largement attendue, elle a souligné l'incapacité récente des autorités françaises à mettre en place un gouvernement stable.

La Constitution de la Cinquième République, qui, depuis 1958, est à la base de ce qui est le troisième système de gouvernement le plus durable de France, a été conçue par le général Charles de Gaulle pour tenter de mettre fin à l'instabilité des Troisième et Quatrième Républiques. Mais l'avenir du système actuel pourrait être remis en cause par l'instabilité de ces dernières années.

Les turbulences politiques les plus récentes ont commencé à l'été 2024 avec la décision de Macron de convoquer des élections anticipées. Il en est résulté un parlement dans l'impasse, composé de trois blocs clés, les centristes de Macron n'étant plus le groupe le plus important. Le bloc de gauche du Nouveau Front populaire, qui comprend les socialistes, les Verts et les communistes, a remporté 180 des 577 sièges ; la coalition Ensemble des centristes fondée par Macron en a obtenu 159, ce qui est nettement inférieur aux 245 sièges qu'elle avait obtenus lors de l'élection précédente de l'Assemblée nationale en 2022 ; et le Rassemblement national populiste et l'Union de l'extrême droite ont remporté 142 sièges.

Toutefois, les racines de l'instabilité actuelle sont plus profondes. Les deux présidents qui ont immédiatement précédé M. Macron, le républicain de centre-droit Nicolas Sarkozy et le socialiste de centre-gauche François Hollande, ont été des dirigeants impopulaires pendant un seul mandat, bien qu'ils aient bénéficié des majorités législatives qui font aujourd'hui défaut à M. Macron. En effet, M. Hollande a même choisi de ne pas se représenter, devenant ainsi le premier président sortant à ne pas briguer un second mandat depuis la fondation de la Cinquième République.

Si la défaite de Bayrou était attendue, elle souligne l'incapacité récente des autorités françaises à mettre en place un gouvernement stable.

Andrew Hammond


Les échecs de Sarkozy et de Hollande ont contribué à préparer le terrain pour que le jeune et charismatique Macron gagne le pouvoir en 2017 à la tête d'un nouveau parti, En Marche. Contre toute attente, il a bouleversé un duopole politique français de longue date, relativement stable, composé des Républicains et des Socialistes, pour s'assurer la présidence. Les derniers tours de scrutin des élections présidentielles de 2017 et de 2022 ont été les premiers de l'histoire moderne du pays où ni les Républicains ni les Socialistes n'ont atteint les deux derniers tours.

Les défis posés par ce bouleversement de l'ordre ancien sont devenus plus évidents depuis le début du second mandat de Macron en 2022. Pendant la majeure partie de la Cinquième République, le président sortant a bénéficié du soutien d'une majorité législative relativement sûre au sein de son propre parti.

Ce n'était pas le cas de Macron en 2022, bien que son bloc centriste ait été au moins le plus important à l'Assemblée nationale jusqu'en 2024. Cette période a été marquée par deux années de règne fragile, au cours desquelles le président a été contraint à plusieurs reprises d'invoquer l'article 49.3 de la constitution. Cela lui a permis de faire adopter des lois sans vote, notamment une nouvelle loi sur les retraites, au grand dam des législateurs de l'opposition et d'une grande partie de l'opinion publique française. Cette situation a contribué à persuader M. Macron de convoquer les élections législatives anticipées de l'été dernier.

Un peu plus d'un an plus tard, dans la deuxième économie de la zone euro, soit le nouveau premier ministre de M. Macron, M. Lecornu, sera en mesure d'obtenir les votes nécessaires à l'adoption de lois essentielles, dont un budget, soit il faudra organiser de nouvelles élections législatives qui, selon les sondages, déboucheraient sur une nouvelle impasse politique.

Bien que Bayrou ne soit plus au pouvoir, la question fondamentale à laquelle la nation est confrontée reste la même : comment gérer au mieux un pays dont les finances se sont gravement détériorées, alors qu'il n'y a pas de majorité législative claire en faveur d'une plus grande responsabilité fiscale ?

Avec une dette nationale dépassant largement les 110 % du produit intérieur brut, c'est une question à laquelle Bayrou et son prédécesseur immédiat, Michel Barnier, le premier ministre de la Cinquième République ayant eu la plus courte durée de vie avec seulement trois mois et huit jours de mandat, n'ont pas réussi à trouver de réponse.

Macron se trouve personnellement en difficulté politique, compte tenu de la fragmentation du Parlement et de sa faible cote de popularité.

Andrew Hammond


Les manifestations de ce mois-ci n'ont rien de nouveau non plus. Le contrecoup de la réforme des retraites de Macron en 2023, qui a fait passer l'âge légal de la retraite de 62 à 64 ans, a fait descendre dans la rue environ 3,5 millions de personnes en une seule journée, ce qui pourrait constituer la plus grande manifestation de l'histoire de France.

Alors que l'avenir de la Cinquième République semble vacillant, M. Macron se trouve personnellement en difficulté politique, compte tenu de la fragmentation du Parlement et de sa faible cote de popularité, à tel point qu'il n'est pas certain qu'il puisse aller jusqu'au bout des deux dernières années de son mandat.

Les grands espoirs qui entouraient autrefois sa présidence ont été anéantis, ce qui laisse entrevoir la possibilité d'une première victoire présidentielle du Rassemblement national en 2027, qui porterait un coup terrible à ce qui reste de l'héritage de Macron.

Bien que le président insiste sur le fait qu'il ira jusqu'au bout de son mandat, il reste une possibilité qu'il démissionne prématurément en raison d'une impopularité croissante, comme l'avait fait De Gaulle en 1969. Toutefois, le scénario le plus probable reste qu'il maintienne le cap.

Si la crise qui s'annonce peut sembler confinée à l'intérieur des frontières françaises, ce n'est pas nécessairement le cas, que ce soit sur le plan économique ou politique. M. Macron a par exemple contribué, aux côtés du Premier ministre britannique Keir Starmer, à la formation d'une "coalition de volontaires" destinée à aider l'Ukraine en cas de cessez-le-feu et d'accord de paix final avec la Russie.

Jusqu'à présent, Macron a pu continuer à diriger la politique internationale depuis la chaire de la présidence. Cette situation pourrait toutefois changer, surtout si de nouvelles élections législatives ont lieu avant 2027 et qu'elles débouchent sur une majorité parlementaire plus concertée et hostile à Macron, étant donné qu'une grande partie du bloc d'extrême droite est plus prudente quant à son soutien à Kiev.

En l'absence d'une solution immédiate et évidente aux problèmes politiques, Paris est confronté à une crise qui ne peut qu'accroître la fragilité de la Cinquième République. Le moment ne pourrait être plus mal choisi pour la France et les autres nations européennes, qui sont confrontées à des défis intérieurs et internationaux de plus en plus importants.

- Andrew Hammond est associé à LSE IDEAS à la London School of Economics.

NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.