Reconnaître la Palestine, c’est reconnaître Israël

L'ambassadeur palestinien à l'ONU Riyad Mansour assiste à une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU lors de l'AGNU 80, à New York, le 23 septembre 2025. (AFP)
L'ambassadeur palestinien à l'ONU Riyad Mansour assiste à une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU lors de l'AGNU 80, à New York, le 23 septembre 2025. (AFP)
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Publié le Jeudi 25 septembre 2025

Reconnaître la Palestine, c’est reconnaître Israël

Reconnaître la Palestine, c’est reconnaître Israël
  • La vague récente de reconnaissances de l’État palestinien découle du projet saoudien de solution à deux États, que le Hamas a tenté de saboter, et non de l’attaque d’octobre 2023
  • Une bataille diplomatique oppose le projet d’annexion de Netanyahou à l’initiative saoudo-française pour la création d’un État palestinien, désormais soutenue par plus de 150 pays

L’idée selon laquelle le « tsunami de reconnaissances » de l’État palestinien de cette semaine aurait été déclenché par l’attaque du Hamas contre Israël en octobre 2023 est une déformation de la réalité. L’ironie, c’est que cette version est reprise à la fois par Benjamin Netanyahou et les extrémistes arabes.

Le Premier ministre israélien décrit la reconnaissance et la solution à deux États comme une « récompense pour le Hamas » afin d’enflammer l’opinion publique israélienne et d’embarrasser l’administration américaine.

Quant aux extrémistes du Hamas, ils affirment également que cette reconnaissance est le fruit du 7 octobre. La vérité est exactement l’inverse. Le Hamas a lancé une attaque de grande ampleur pour faire échouer le projet de solution à deux États que l’Arabie saoudite négociait avec l’administration de l’ancien président américain Joe Biden.

Washington avait posé comme condition à la signature d’un accord de défense et de sécurité avec Riyad que l’Arabie saoudite reconnaisse Israël. En retour, le Royaume a fixé le prix de cette reconnaissance : la création d’un État palestinien — et les négociations ont commencé. Quelques mois plus tard, le Hamas lançait son offensive, sachant qu’elle entraînerait une guerre israélienne et ferait capoter les discussions.

Il est désormais établi que la décision du Hamas, comme celles des Houthis et du Hezbollah, était liée à Téhéran, qui cherche constamment à empêcher toute avancée politique susceptible de freiner sa volonté de domination régionale.

Le Hamas, tout comme l’axe iranien, a un long passé de sabotage de chaque initiative de paix, en s’alignant sur les positions des extrémistes israéliens.

Ces derniers aussi rejettent tout projet politique pouvant mener à la création d’un État palestinien.

Le Hamas a saboté la « feuille de route pour la paix » en 2003 par deux attentats à la bombe contre des bus, faisant 40 morts israéliens. Il a réussi de nouveau à faire échouer la conférence d’Annapolis en 2007, puis à torpiller le plan de paix de Donald Trump en 2020 par trois attaques distinctes.

Cette fois, avec son attaque atroce d’octobre 2023, le Hamas s’est détruit lui-même ainsi que ses alliés, au premier rang desquels le Hezbollah, le régime syrien et l’Iran. Dans ce vide régional, Netanyahou cherche à doubler la mise en détruisant Gaza tout en annexant la Cisjordanie.

Dans ce vide dangereux, le projet de solution à deux États proposé par l’Arabie saoudite a été relancé.

Deux projets se sont alors affrontés : celui de Netanyahou, visant à liquider la cause palestinienne par l’annexion officielle de la Cisjordanie avec le soutien de l’administration américaine ; et celui de l’Arabie saoudite — rejoint et adopté par la France — cherchant à mobiliser un soutien international en faveur de la création d’un État palestinien. Depuis des mois, une bataille diplomatique intense est en cours, qui a abouti à ce que le nombre de pays reconnaissant l’État de Palestine atteigne au moins 151.

Avant ce moment historique, le gouvernement israélien a multiplié les menaces : renforcement du blocus sur Gaza, privation de nourriture et de médicaments, intensification des opérations militaires. Il s’est aussi tourné vers la Cisjordanie, perturbant l’activité bancaire, menaçant d’un effondrement financier, fermant les yeux sur les attaques de colons, autorisant la construction de nouvelles colonies illégales, et empêchant le président palestinien de participer à l’Assemblée générale de l’ONU.

Malgré cela, la mobilisation diplomatique saoudo-française a continué, couronnée par la reconnaissance de l’État de Palestine par, entre autres, le Royaume-Uni, la France, le Canada et l’Australie — les quatre pays les plus proches des États-Unis et d’Israël.

Le projet saoudo-français est un succès remarquable. Mais il ne s’agit que d’un début. 

                                                           Abdulrahman Al-Rashed

C’est un succès remarquable. Mais il faut souligner que ces avancées diplomatiques historiques ne sont qu’un début. Elles susciteront la colère des extrémistes arabes et israéliens, qui tenteront de semer le chaos et de faire échouer le projet d’État palestinien. L’attaque de la semaine dernière au pont reliant la Jordanie à la Cisjordanie visait précisément ce projet, qu’elle ait été orchestrée par le Hamas, l’Iran ou un autre acteur. Et les extrémistes en Israël n’attendent que de nouveaux incidents pour passer à l’étape suivante : l’annexion de la Cisjordanie et le démantèlement de l’Autorité palestinienne.

Nous entrons dans une nouvelle phase, car la plupart des Palestiniens et des Arabes croient désormais en la solution à deux États, ce qui signifie explicitement la reconnaissance de l’État d’Israël, et la fin de 80 ans de conflit, de chaos et de haine. C’est un objectif majeur, mais il ne sera pas facile à atteindre. Le projet saoudien devra probablement être soutenu et adopté par l’administration américaine. Et, si cela se produit, le président Trump mériterait pleinement un prix Nobel de la paix.

 

Abdulrahman Al-Rashed est un journaliste et un intellectuel saoudien. Il est l'ancien directeur général de la chaîne d'information Al-Arabiya et l'ancien rédacteur en chef d'Asharq Al-Awsat, où cet article a été initialement publié.

X : @aalrashed

NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com