La guerre de deux ans menée par Benjamin Netanyahou a profondément modifié le paysage géopolitique et l’équilibre des forces au Moyen-Orient. Après les attaques d’octobre 2023, Israël a adopté une politique différente — passant de simples affrontements avec les proxies de l’Iran à la volonté de les éliminer. Aujourd’hui, trois puissances régionales dominent, chacune avec sa propre sphère d’influence et son domaine sécuritaire.
Israël est en train de se transformer en acteur régional, abandonnant son ancienne politique centrée uniquement sur sa sécurité. Il est désormais davantage une puissance militaire qu’une puissance diplomatique ou politique.
Le deuxième gagnant est la Turquie. Cela découle de la sortie de l’Iran, après qu’Israël a détruit la plupart des actifs de Téhéran et affaibli son influence régionale. Le vide laissé par le déclin de l’Iran a attiré des puissances ambitieuses, et c’est là que la Turquie intervient, par la porte syrienne. Elle jouit aujourd’hui d’une importance régionale inégalée depuis un siècle — depuis qu’elle a perdu son influence au Levant et dans la région plus large après la Première Guerre mondiale. Le président américain Donald Trump a déclaré à plusieurs reprises que la Turquie était de retour dans la région, et c’est bien le cas — mais sous une nouvelle forme, celle d’une puissance régionale participante, forte à la fois sur le plan économique et militaire.
En conséquence de l’initiative israélienne, un nouvel ordre régional émerge, fondé sur trois piliers : Israël, la Turquie et le Golfe.
Abdulrahman Al-Rashed
Israël renaît comme compétiteur régional après ses trois guerres au Liban, à Gaza et contre l’Iran. Le conflit n’est pas terminé, car l’Iran et Israël n’ont toujours pas trouvé de terrain d’entente pour mettre fin à leur différend historique — ce qui laisse présager une reprise possible des hostilités. Nous devons désormais voir Israël différemment d’avant le 7 octobre. C’est désormais un acteur régional clé. Le Premier ministre Netanyahou lui-même a déclaré qu’« il existe un nouveau Moyen-Orient ».
Selon une étude du Foreign Policy Research Institute, à la suite de l’initiative israélienne — c’est-à-dire ses récentes guerres — soutenue par Washington, un nouvel ordre régional émerge, fondé sur trois piliers : Israël, la Turquie et le Golfe (l’Arabie saoudite). C’est la conséquence naturelle de la défaite de l’axe dirigé par l’Iran et du vide laissé après la chute de Bachar Al-Assad en Syrie et l’affaiblissement des proxies iraniens au Liban, à Gaza et en Irak.
Les États-Unis, de leur côté, exigent de l’Irak qu’il désarme les milices soutenues par l’Iran. Le seul groupe restant est la milice houthiste, alignée sur Téhéran, dont les jours pourraient être comptés, alors que les forces locales yéménites se préparent à l’affronter après les frappes israéliennes qui l’ont privée d’une grande partie de ses ressources financières et de ses capacités militaires.
Les centres des trois puissances régionales se distinguent de celui de « l’ancienne » — l’Iran — en ce qu’ils ne portent pas d’idéologies à exporter et ne sont pas soutenus par des puissances mondiales rivales, comme ce fut le cas durant la Guerre froide, forces qui pouvaient les pousser vers la confrontation.
La Turquie a des intérêts clairs dans sa sphère sécuritaire au nord de l’Irak et de la Syrie, ainsi que des intérêts économiques dans le Golfe. Pendant ce temps, Israël redessine la carte de ses frontières sécuritaires, à commencer par la Syrie. La prétention « grandiose » ou talmudique d’Israël n’est pas un véritable projet politique, sinon dans le sens où il continuera à absorber puis annexer la Cisjordanie et Gaza — un objectif qui demeure ardu.
Israël ne réussira pas sa nouvelle politique s’il continue à rejeter l’intégration régionale qui suppose l’acceptation d’un État palestinien.
Abdulrahman Al-Rashed
Il est encore trop tôt pour discerner les ambitions plus larges d’Israël, car le pays reste absorbé par la réalisation des promesses faites après les attaques du 7 octobre. Je m’attends à ce qu’il cherche plus tard à s’engager dans des alliances régionales, après avoir longtemps été un pôle isolé.
Cependant, Israël ne réussira pas dans sa nouvelle politique s’il continue à refuser l’intégration régionale, laquelle exige l’acceptation d’un État palestinien, comme Riyad l’a déjà affirmé dans ses négociations avec Washington.
Israël peut se replier à l’intérieur de ses frontières, comme il l’a fait depuis 70 ans, mais s’il choisit d’agir comme acteur régional, il ne pourra échapper à l’intégration des Palestiniens dans un projet politique. Même avec ses victoires militaires éclatantes et la reconnaissance de tous les pays de la région, Israël sait que cela ne lui apportera ni sécurité ni stabilité durables. Seule une solution politique pour les Palestiniens le peut — un fait confirmé par des décennies d’événements.
Sur le plan militaire, Israël continuera de servir les États-Unis comme chien de garde de leurs intérêts et de leurs politiques. Le soutien que Washington a apporté à Israël sous diverses formes — estimé à 27 milliards de dollars sur deux ans de guerre — reste modeste en comparaison du coût de l’invasion et de la guerre en Irak, estimé à 1 000 milliards de dollars.
Les États-Unis considèrent qu’Israël est une force qui vaut chaque dollar dépensé : il a écrasé l’Iran, le Hezbollah, le Hamas, Assad et les Houthis — tous des groupes armés hostiles à Washington et à ses alliés.
Cependant, traduire ces victoires militaires en succès politiques ne sera pas aisé tant que les questions non résolues demeureront.
Abdulrahman Al-Rashed est un journaliste et un intellectuel saoudien. Il est l'ancien directeur général de la chaîne d'information Al-Arabiya et l'ancien rédacteur en chef d'Asharq Al-Awsat, où cet article a été initialement publié.
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NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com














