Netanyahu incarne-t-il vraiment seul la politique israélienne ?

Netanyahou ne ménage pas ses efforts pour provoquer et remuer suffisamment de poussière pour rester à la une des journaux. (File/AFP)
Netanyahou ne ménage pas ses efforts pour provoquer et remuer suffisamment de poussière pour rester à la une des journaux. (File/AFP)
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Publié le Jeudi 21 août 2025

Netanyahu incarne-t-il vraiment seul la politique israélienne ?

Netanyahu incarne-t-il vraiment seul la politique israélienne ?
  • Benjamin Netanyahu est le reflet d’une majorité qui soutient des politiques sécuritaires dures, surtout depuis les attaques du Hamas en octobre 2023
  • L’opinion publique arabe surestime l’influence des voix critiques en Israël, alors que la majorité des Israéliens soutient toujours la guerre à Gaza

Les alliés de Benjamin Netanyahu sont aussi ses adversaires, qu’ils soient arabes ou israéliens. Le Premier ministre israélien ne ménage aucun effort pour les provoquer, semer la confusion, rester sous les projecteurs ou détourner l’attention de ses propres problèmes. Se concentrer sur Netanyahu en tant qu’individu est compréhensible, et même justifié, au vu de la guerre à Gaza et de ses horreurs. Mais est-il vraiment une figure exceptionnelle, un électron libre au sein d’Israël ?

Depuis le début de la crise, certains médias arabes ont présenté la situation en laissant entendre que les Israéliens sont contre Netanyahu et opposés à la guerre — un vœu pieux. La réalité est bien différente. Les politiques dures et l’approche de la poigne de fer ont émergé en réaction à l’erreur stratégique du Hamas en octobre, et Netanyahu a poussé cette logique à l’extrême dans sa riposte.

Netanyahu n’est pas une exception. D’anciens Premiers ministres, tout aussi rigides et agressifs — Golda Meir, Menahem Begin, Yitzhak Shamir ou Ariel Sharon — ont tous été à leur tour la cible de critiques du monde arabe. Ils représentaient Israël, n’étaient pas des marginaux du système, et reflétaient la majorité. Tenter de séparer l’appareil d’État israélien du Premier ministre pour ne diriger les attaques que contre lui revient à éviter le vrai problème : une relation profondément dégradée avec Israël dans son ensemble, et non avec le seul occupant du bureau du Premier ministre.

Il est naturel, dans une société ouverte, d’entendre des voix dissidentes. Mais ces voix ne doivent pas être surévaluées lorsqu’on analyse l’orientation générale d’Israël ou sa gestion de la crise.

Les Palestiniens, plus que quiconque, ont besoin de construire une relation avec l’opinion publique israélienne — non avec l’opinion publique arabe. 

                                                          Abdulrahman Al-Rashed

Citer les critiques de politiciens d’opposition à la Knesset, d’anciens présidents ou de partis marginaux du système politique israélien, c’est induire en erreur l’opinion publique arabe. Ces critiques ne représentent pas la majorité. Si c’était le cas, Netanyahu — qui gouverne avec une majorité fragile — aurait déjà été renversé.

De même, les efforts des familles d’otages en Israël ou les appels des dirigeants internationaux pour faire pression sur Netanyahu n’ont pas abouti. Depuis presque deux ans, des rapports laissent entendre que la guerre touche à sa fin et que Netanyahu est affaibli. Pourtant, comme on le voit, « les oreilles du Premier ministre restent sourdes », et la catastrophe se poursuit.

Netanyahu est toujours en place car la majorité des Israéliens le soutiennent, malgré des pertes humaines sans précédent sur plusieurs fronts dans l’histoire du pays. Cette position reflète un bloc solide à travers les institutions militaires, civiles, législatives et partisanes, déterminé à éliminer les « menaces palestiniennes et régionales ». C’est ce qui se passe actuellement, et il semble que nous en soyons au dernier chapitre. Une résolution de la crise de Gaza est attendue d’ici la fin de l’année.

Ce qui a disparu de la scène, c’est le bloc de gauche israélien, historiquement opposé aux guerres et favorable à certains droits palestiniens. Ce courant s’est considérablement affaibli après le choc des attaques du Hamas en octobre 2023, qui ont anéanti la base des modérés et de la gauche dans la société israélienne.

Le monde arabe n’a pas besoin d’être convaincu ; il croit déjà en la cause palestinienne. Mais il ne pèse pas politiquement pour influencer les décisions. 

                                                      Abdulrahman Al-Rashed

Voir l’ensemble du paysage israélien et comprendre les tendances de son opinion publique est l’une des clés les plus importantes pour saisir ce qui se passe dans notre région, notamment dans les multiples conflits avec Israël. S’en remettre à un discours répétitif uniquement mobilisateur, c’est se forger une image faussée de la réalité.

Sans un soutien populaire massif aux décisions de Netanyahu, la guerre à Gaza n’aurait ni commencé ni duré, et il n’aurait pu rester au pouvoir malgré des centaines de morts et des milliers de blessés israéliens, civils comme militaires. Il n’aurait pas non plus risqué des opérations militaires contre le Hezbollah au Liban, les Houthis au Yémen et l’Iran. Sans cette acceptation populaire, il est difficile d’arrêter la guerre, d’aboutir à la paix ou de garantir les droits des Palestiniens.

Cela ne signifie pas qu’il n’y a aucune fracture politique en Israël. Le paysage est divers, les partis variés. Pourtant, la majorité s’est rangée derrière le gouvernement dans cette guerre — même face à un dilemme moral et politique, à la suite des attaques atroces d’octobre, marquées par l’enlèvement et le meurtre d’enfants et de femmes, et la riposte brutale contre les civils de Gaza, poussés à la famine.

Les Palestiniens, plus que quiconque, doivent établir une relation avec l'opinion publique israélienne, et non avec l'opinion publique arabe. Le monde arabe n'a pas besoin d'être convaincu ; il croit déjà à la cause palestinienne. Mais il n'a pas le poids politique nécessaire pour influencer les décisions.

Abdulrahman Al-Rashed est un journaliste et un intellectuel saoudien. Il est l'ancien directeur général de la chaîne d'information Al-Arabiya et l'ancien rédacteur en chef d'Asharq Al-Awsat, où cet article a été initialement publié.

X : @aalrashed

NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com