BEYROUTH: Le président libanais Joseph Aoun a déclaré vendredi au ministre syrien des Affaires étrangères, Asaad Hassan Al-Shaibani, que le Liban attendait la nomination d’un nouvel ambassadeur syrien à Beyrouth afin de faciliter les relations bilatérales à travers les canaux diplomatiques officiels.
Cette déclaration intervient à la suite de la décision de la Syrie de suspendre les travaux du Conseil supérieur syro-libanais, au profit de communications exclusivement entre ambassades et contacts étatiques formels.
Al-Shaibani a souligné auprès du président Aoun la nécessité d’approfondir et de corriger la relation historique entre les deux pays, notamment sur les dossiers ayant terni l’image de la Syrie.
Le président Aoun a indiqué à Al-Shaibani que le développement des relations bilatérales passait par la formation de comités conjoints afin de traiter tous les dossiers en suspens, y compris une révision globale des accords existants.
« Le Liban aspire à renforcer les relations entre les deux pays frères sur la base du respect mutuel, de la non-ingérence dans les affaires internes et de la coopération active en vue de la stabilité du Liban et de la Syrie », a-t-il affirmé.
La visite d’Al-Shaibani, première d’un haut responsable syrien au Liban depuis la chute du régime Assad, marque un tournant alors que les deux parties cherchent à établir un nouveau cadre relationnel, après des décennies de tensions et d’évolutions régionales.
Les deux États ont entamé des réunions pour aborder les questions pressantes, notamment la démarcation des frontières, le retour des réfugiés syriens et le sort des détenus.
En 1991, le Liban et la Syrie ont signé le Traité de fraternité, de coopération et de coordination, qui a établi le cadre officiel le plus élevé pour les relations bilatérales après la guerre civile libanaise.
Ce traité a formalisé la présence militaire syrienne au Liban et institué le Conseil supérieur syro-libanais, signé par les présidents Élias Hraoui et Hafez Al-Assad.
Durant les années 1990 et le début des années 2000, le conseil a constitué le principal canal de coordination entre Beyrouth et Damas, supervisant les questions sécuritaires, économiques et la mise en œuvre des accords bilatéraux.
Ses décisions, contraignantes pour les deux États, étaient exécutées dans le cadre constitutionnel du Liban et de la Syrie.
« Il reste beaucoup à faire, mais lorsque les intentions sont sincères, les intérêts de nos deux pays frères doivent primer », a affirmé Aoun, selon un communiqué du palais présidentiel.
« Nous n’avons pas d’autre choix que de parvenir à un accord respectant ces intérêts », a-t-il ajouté.
Soulignant certaines avancées à la frontière libano-syrienne, Aoun a insisté sur l’urgence de résoudre les questions en suspens, déjà abordées avec le président syrien Ahmad Al-Sharaa lors de sommets au Caire et à Doha.
Parmi les dossiers prioritaires : la démarcation des frontières terrestres et maritimes, les accords liés au gazoduc et le sort des détenus — autant de sujets devant être traités dans un esprit d’intérêts partagés.
Le ministre syrien était accompagné d’une importante délégation comprenant le ministre de la Justice Mazhar Al-Wais, le chef des services de renseignement Hussein Al-Salama et le général de division Abdul Qader Tahan, ministre adjoint de l’Intérieur chargé des affaires de sécurité.
Al-Shaibani a plaidé pour un renforcement de la coopération dans les secteurs économique et commercial, évoquant de nouvelles opportunités pour le Liban à la suite de l’allègement de certaines sanctions visant la Syrie.
« Nous souhaitons tourner la page du passé car nous voulons construire l’avenir. La Syrie est prête à discuter de tous les dossiers en suspens, qu’ils soient économiques ou sécuritaires. Nos peuples ont souffert des guerres et des tragédies ; œuvrons désormais pour la paix », a-t-il déclaré.
Il a également transmis une invitation officielle du président Ahmad Al-Sharaa au président Aoun pour une visite en Syrie.
La délégation syrienne a mené une série de réunions à Beyrouth, notamment avec le Premier ministre libanais Nawaf Salam, ainsi que des entretiens directs entre le général de division Hassan Choukeir, chef de la Sûreté générale libanaise, et le général de division Abdel Qader Tahan.

Les chefs du renseignement militaire, le général de brigade Tony Kahwaji (Liban) et Hussein Al-Salama (Syrie), se sont également rencontrés pour discuter de la coordination.
Le bureau médiatique du Premier ministre a souligné que les discussions entre Salam et Al-Shaibani reflétaient une « volonté commune d’ouvrir une nouvelle page fondée sur le respect mutuel, la bonne entente entre voisins et la préservation de la souveraineté et de l’indépendance nationale des deux pays ».
Les discussions ont porté sur la gestion des frontières, la lutte contre la contrebande, le retour sûr et digne des réfugiés syriens — en coordination avec l’ONU et la communauté internationale — ainsi que sur le dossier des détenus syriens au Liban et des Libanais disparus en Syrie. Les deux parties ont convenu de revoir les accords bilatéraux à la lumière des développements récents.
« Le Liban est déterminé à établir des relations saines et équilibrées avec la Syrie, fondées sur la coopération entre deux États indépendants, unis par la géographie et l’histoire », a affirmé Salam.
« L’ouverture et le dialogue sincère sont les seules voies pour garantir la stabilité dans nos deux pays et dans la région. »
Le vice-Premier ministre Tarek Mitri, présent à la réunion, a insisté sur le fait que tous les sujets seraient abordés « dans un esprit de bonne volonté et d’urgence », sans tabous ni marchandages.
Al-Shaibani a signalé des avancées dans le dossier des détenus syriens à la prison de Roumieh, tout en saluant les progrès en matière de coordination sécuritaire et de renseignement entre les deux États.
Lors d’une conférence de presse conjointe, le ministre libanais des Affaires étrangères Youssef Rajji a salué la nouvelle approche de la Syrie.
« Ce qui distingue cette nouvelle étape, c’est le respect manifesté par la nouvelle administration syrienne à l’égard de la souveraineté et de l’indépendance du Liban, ainsi que sa non-ingérence dans les affaires internes », a-t-il déclaré, qualifiant cela de « développement très important et positif ».
Al-Shaibani a exprimé sa reconnaissance envers le Liban pour l’accueil des réfugiés syriens, affirmant que cette question devrait « être résolue progressivement ».
« Des plans sont actuellement à l’étude, avec le soutien international, pour garantir un retour digne et durable, tout en abordant la situation post-conflit en Syrie à travers des efforts de reconstruction et de développement des infrastructures. »
Il a ajouté : « En Syrie, nous nourrissons un profond respect pour le Liban. Nous cherchons à dépasser les erreurs du passé, dont nous avons également été victimes à cause de la mauvaise gestion des relations entre nos deux pays. »
L’un des dossiers les plus sensibles non résolus demeure la demande syrienne d’extradition des détenus syriens au Liban.
Ces détenus se répartissent en trois catégories : ceux condamnés pour crimes, y compris des infractions sécuritaires sur le sol libanais ou pour avoir combattu l’armée libanaise ; ceux condamnés pour délits mineurs ; et ceux détenus sans procès.
Autre point de friction : la demande syrienne d’extrader d’anciens officiers du régime ayant fui au Liban après la chute du régime Assad.
En contrepartie, le Liban exige que la Syrie traite le dossier des Libanais disparus en Syrie et fournisse les dossiers ou informations concernant des individus accusés de crimes au Liban, y compris dans des affaires d’assassinats politiques.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com